Cahiers Du Cinéma - 7
Cahiers Du Cinéma - 7
Cahiers Du Cinéma - 7
DU CINMA
Dans LE GRAND SDUCTEUR d Lewis Allen, Rudolf V a le n t n o rev it so u s les tr a its d ' A n l h o n y D e x t e r .
Vous p o u v e z ju g e r d e la r e s s e m b l a n c e e n t r e le m o d le e t son i n t e r p r t e en r e g a r d a n t les p h o to s c i-d e ssu s .
En h a u t d e g a u c h e dro fe : V ale ntn o e t Dexter, e n b a s : D e x t e r e t V ale ntin o (Cofumbra S. A.)
CAHIERS
REVUE
14 6
DU
MENSUELLE
DU
C H A M P S -E L Y S E S
CINMA
CINMA
ET
PARIS (8*)
DU
TLCINMA
LYSES
0 5 -3 8
TOME II
N* 7
DCEMBRE 1 9 5 1
SO M M A IR E
Pierre K a s t ..........................
Cesare Z a v a t t r n i ...................
Claude R o y ........................
N in o F r a n k ..........................
Herm an G. W ernberg . . .
Jaroslav Bro z ................
de
(Sujet de f i l m ) .................................................................
17
24 *
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47
LES F ILM S :
Florent Kirsch ..................
J. D o n io l-V a lcro z e . . . .
Jean Q u e v a l..........................
Jean-Jos Richer ................
Andr B a z i n ..........................
J. D o n io l-V a lc ro z e , .
A ndr B a z i n ..........................
A ndr B a z i n ..........................
M .M . e t J .A ............................
A . B. . . .
........................
49 ;-v.
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Les p ho to g ra p h ie s q ui illu s tre n t ce num ro sont dues l'o b lig e a n ce de : A ria n e Film s, Panthon
D is trib u tio n , G a u m o n t D is trib u tio n , Cnephonic, U nite d A rtis ts , E.N.I.C, Film s, RKOr A rg os Film s, Stanley
K ra m er P roductions, M tro G oldw yn M ayer, Lux Fitms e t pour l'illu s tr a tio n de la page 53 G illo Pontecorvo.
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Changem ents d 'a d re sse ? J o in d re 30 fra n cs et l'a n c ie n n e a d 'e s s e
Pour tous re n sig n e m en ts jo in d re un tim b re p ou r (a rponse
A u s o m m a ir e
Un C hie n A nd a lou .
I I FONCTION DE CONSTAT
N o te s
su r
V u vre
de
'B u n u el
par
Pierre Kast
Le mythe de la russite sociale a le cuir trs solide. Dans le feu de la
campagne lectorale anglaise, un vieil alcoolique, homme d tat connu,
commit l'im prudence de com parer la thorie darwinienne de la survie des
plus aptes l tat des comptes en banque et au niveau social. Sa parabole
de l chelle sociale fit bien rire ses adversaires : il y avait longtem ps que
les gens respectables installs l chelon suprieur n avaient os aussi
ingnument lier la russite sociale au mrite et aux capacits. Ce fut donc
un gros succs de rire; et une dfaite politique des rieurs.
Symtriquement, de nom breuses carrires, spcialement littraires sont
nes sous le signe de la ngation vhmente de la lgitimit des carrires.
Tout ceci n est q u un numro parm i d autres, dans le cirque social, la
matire de rjouissantes et inpuisables plaisanteries p o u r les am ateurs
d ironie amre.
La rflexion austre et profonde n est pas mon fort. Rien ne me dispose
aux aperus su r le monde, l avenir et la socit. Mais la prsentation P a ris
du rcent film de Luis Bunuel L os Olvidados, dix huit ans aprs le tour
nage de Las Ilurdes place brusquem ent sous les yeux cet irritant fauxproblme des carrires. L uvre de Bunuel est une clatante non-carrire.
L honntet, la continuit de sa virulence s tale sur une priode qui a vu
s attnuer, se modifier ou changer de sens toutes les virulences. Elle rsiste,
en franchissant une immense priode de silence, toutes les pressions de
l aulo-dfense de la socit bourgeoise. Je ne vois rien de comparable dans
tout le cinma; il ne faudrait pas ine forcer beaucoup pour y ajouter une
certaine forme d expression littraire. Je ne parle naturellement pas de
Monsieur S. Dali.
Un Cfiien A n d a l o u
Tout se passe comme si les films de Luis Bunuel, l oppos des formes
reconnues du ralisme, se chargeaient de dresser un constat du monde tel
q u il est donn, mystifications comprises.
L Ag e dOr.
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Du mme coup, nous voici au centre de la grande querelle de loptimisme dans l'art, qui me pa ra t avoir dans l examen des problmes du
cinma de srieux prolongements.
L uvre entire de Bunuel s inscrit en faux contre l assimilation abu
sive du <( constat tel que nous l avons dfini, et de la rsignation. Les
maniaques du petit coin de ciel bleu, de la contradiction rsolue, de lindi
cation du chemin suivre, s ils se trouvent parm i les fils spirituels du cur
d'Ars, des Saint-Cyriens en gants blancs ou des garde-chiourme de PouloCondor, passe encore. Mais ce n est pas l exclusivement q u on les recrute.
E ntre Fa lima et Kanapa, le brouillard de l avenir dor ou douillet obscur
cit l entendement des choses les plus simples. L image finale de Los Olvidados, le cadavre jetl aux ordures, suscite d tranges ractions, alors
mme que sa porte rvolutionnaire semble la plus violente q u on ait vu
depuis des annes.
J ai dj crit que la petite lueur d espoir, dans le cadre de la description
de la socit contemporaine, tait une grande lumire de mensonge et
q u elle aboutissait finalement signifier exactement le contraire de ce q u elle
voulait dire. Depuis, il y a eu mieux. On a pu voir rcemment p a r exemple
Paris, un film amricain intitul The Men et qui racontait la vie d un grand
bless de guerre paraplgique. P o u r une fois, les rapports infirmiresmalades n taient pas placs sous le signe du jupon de Florence Nigthlingale, et ce q u on voyait ressemblait assez cette incroyable h orreur q u est
une chambre d hpital. On y disait aussi, trs lucidement, que le tissus racludien, sectionn par un cclat ou une balle, ne peut pas se reconstituer dans
l'tat actuel de la science. A la fin d ailleurs, le bless se mariait mais
fallacieusement les auteurs avaient pralablem ent expliqu q u une russite
de ce genre de m ariage tait u n miracle. Bref, un film sans gnie, mais
d une plaisante duret. Dfaitisme, fatalisme, parat-il.
L ensemble du Raisonnement repose visiblement sur un sophisme dont
l uvre complte de Bunuel devrait se trouver accable : une vue nonoptimiste de la ralit des choses, prsente un public de millions de
spectateurs, les accable sous le poids de leur propre condition et les
dtourne de la lutte. Reste dm ontrer quune vue optimiste, qui les
aveugle sur cette condition, les leurre sur son poids et finalement le leur
rend acceptable, encourage, elle, la lutte. P o u r parler la langue des
farceurs qui pensent que les gentils couples d ouvriers aprs tout sont bien
heureux quand ils sont sages et vertueux et q u ils restent bien leur place,
le dvialionisme optimistique repose su r le mcme principe que l intuiiion gniale des distributeurs de filins : mon public pense a.
Rien dans l uvre de Bunuel ne peut servir de justification aux tenants
d e -lordre tabli, consoler les victimes de cet ordre ou rassurer les cons
ciences inquites. Les choses sont bien dans cet tat. Nous en sommes tout
L o s O Jridados.
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la recherche d e
LUIS BUNUEL
avec J ean G r m illo n , J ean C astanier
Eli Lotr, L. Vines e t P ie rre
Enqute
de
Pierre
P re v e rf
Kast
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:/ :
'
i-
Joseph Conrad fait surgir la personne de ses hros, comme dans la vie
quotidienne, dune srie de rcits ou de tm oignages qui se m oquent de la
logique o de la chronologie. On prend aujourdh u i un verre avec un quelquun
dont on saura, dans dix. ans quelque action de jeunesse clatante ou singulire;
ainsi .Welles nous a-t-il voulu faire connatre le citoyen' K ane. E t c est prcis
m ent de Cette manire que j ai appris de l uvre, et de la personne de; Bunuel
les quelques toutes petites choses qui en, font l objet dune destine cinm ato
graphique sans pareille.
C est Jean Grmillon qui m a donn p o u r L prem ire' fois une ide de
l apparence extrieure de Luis B unuel. A u m om ent o Bunuel, Billancourt,
tournait Un chien Andalou, sur le plateau voisin Grm illon terminait les int
rieurs de Gardiens de Phare. P our une raison tout fait professionnelle, Gr
m illon, u n soir, passe d un plateau, l autre. . On n y travaille plus. Une seule,
lam pe encore claire et dans le dcor com pltem ent dsert, Ou Grmillon ne
dcouvre avec une certaine surprise que deux pianos queue et deux carcasses ,
dnes, il y a un hom m e seul, qui regarde : B unuel. Grmillon et Bunuel se
connurent surtout en Espagne,, entre 1933 et 1938, o Grmillon tournait
La Dolorosa, et ou Bunuel tait, je crois, directeur de production. Quelques
pisodes surgissent et l, la prem ire prsentation Madrid de Las Hurdes,
Bunuel disant le commentaire . au m icro d la cabine de projection, et
Grm illon, sur le double plateau de pick-up de la salle, changeant les disques
de Brahms; ce qui m tonriait le plus tait le visage de B unuel trs gai, trs
, doux, aussi loin que possible du sadism e prtendu de es films, et des histoires
colportes et l. Mais enfin, im aginer qui est B u n u el tait pour m oi tout
fait hors de porte.
. 1
Par quelques rcits de Marcel Gravenne, Jacqueline Sadoul et R ene Vavas, seur, qui vcurent Hollyw ood de 1941 1945, je pouvais entrevoir ce qutait
la vie de Luis B unuel aux USA, doublage de films en espagnol, discussions sans
fin avec la mcanique -faire des films; rien n indiquait que Bunuel fut sur le
point de sortir d un silence de plus de dix annes lorsquil partit pour le M exi
que, environ 19-16. Puis le bruit se rpandit que B unuel tournait nouveau un
film, plusieurs filins. Tin jour, il y a une anne environ, Jean Gastanier m e dit,
' presque com m e un secret essentiel de l Etat, que B unuel venait de terminer un
n o u v e a u film, et1quil allait sans doute venir l montrer Paris;
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:, Los, Olvidados.
V.
y
V-
'-V',;
'
Lotar a tout crit sur ce carnet, les rendez-vous, 1933, 26 mars 9 h. 30,
B unuel , les listes de m atriel, un 120 m D ebric . le jeu d'objectifs ud
25 m m , n 35 mm, un 50 min, les dpenses, le plan de travail, presque le sc
nario, <c 28 avril, lecture du scnario par Luis, la lberca .
'
Le tournage fut incroyablem ent rapide. Partie le 20 avril de Paris, l quipe
1
retrouve Acin, Lorca et R aphal Alberti le 24 m ai Madrid, e film dans la
- -b o te ;.-.
-. ^
v .v .
L histoire du film, qui est l histoire de tous les films, se droule au long des
pages : le mtrage utile dj tourn, les neuf jours de pluie, la pellicule et les
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provisions qui filent trop vite et que Bunuel toujours organisateur, rationne et
m et sous cl, car les villages des Hurdes sont plus pauvres eu ressources que les
plus loigns des villages du centre Afrique.
Des notes mergent qui font com m e assister une projection du film : a les
coqs de la lberca , portrait de Carmen la nice du m oine gardien de las
Battuecas, .quartier gnral de l expdition, les indications de la dure du
trajet en voiture, ou pied, un ne portant les bagages, deux heures, cinq
heures , etc, toute la vie extnuante de l explorateur cinaste et au dtour
dune page : cc visite l ne pourri .
Lotar a referm son carnet. Le contact avec les gens ? le premier jour, ils
ont demand B unuel viens*tu pour l e bien ou pour le m al ? B unuel,
partout, vient toujours pour le bien. Ils ont eu tout ce qu ils ont voulu. E t voici
cette leon surprenante : entre le tournage des H urdes, en extrieur, dans le
dsert, et le tournage en studio, pas de diffrence pour Bunuel. T out est
reconstitu,, labor, jou. Les paysans hurdanos jouent comme des acteurs,
leur propre rle.
\
On avait dj le tmoignage de Flalierty celui tout rcent de D Sica.
Que reste-t-il donc du cinm a cc objectif documentaire , du cin- il ? de
l ide d une ralit brute extrieure transrnissible telle quelle ?
U ne dernire histoire enfin. JTrois plans sont dj tourns, dans l cole, t.
particulirem ent les atroces et merveilleux: visages des pilus qui apprennent
lire. Il en faudrait un au tableau noir, dit Bunuel, cl quil crive quelque chose.
B unuel saisit le livre de lecture, sur la prem ire table sa porte. Il ouvre. Il
n a pas besoin daller plus loin a ira trs bien, dit-il, et il dicte R especte
le bien dautrii . On peut aussi parler d hasard.
Il est fort tard. Nous pourrions continuer pendant des heures. Le premier
voyage . en Am rique, au m m e m om ent que celui de Prvert, et leur longue
inaction. Le second voyage, avec l poste de responsable des documentaires la
R okefeller Foundation le contrat perdu la suite d une dnonciation de
Monsieur S. D a li et < l ouvrage de ce m m e Walt Disney du surralisme, o
il trane B unuel dans la boue, et le livre toutes les rpressions sociales et
autres. Je sors enfin, ma serviette bourre des quelques rares photographies que
possde encore Lotar.
Y
.
.
.
22
ces dlicieux rappels de thm e , com m e le lait sur les cuisses de l petite ,
Metche et la jarre de lait de 1 Histoire de l il que Georges B ataille connat
si bien un sensationnel coup de pied l optim ism e rassurant du cinma
bourgeois.
Cest bien un test. Longuem ent, hargneusement, le m m e soir, un tenant de
l optim ism e forcen, gentil, pour tout le reste, tourne et retourne sur son petit
grill m ental et B unu el et son film. Tout y passe, le cc parti pris de sadisme, bien
inutile , la gratuit de la violence j abrge, car o n pourra lire tout bien
loisir.
Le visage de B unuel n est gure pliis net quau dbut de la recherche. Au
fait, tait-ce son visage que je souhaitais trouver ? D es gens m m e, qui eurent
une sorte de courage physique, sont prts se transformer en carpette pour la
poursuite de leur carrire, de leur russite sociale; dans ce bienheureux m tier
du cinm a, les exem ples sont plus frappants et, plus nom breux, voil tout. Le
risque ourru par B un uel est celui prcism ent que refusent la quasi-totalit
de ses confrres, celu i prcism ent qui fait trem bler, transiger, cder
tricher, parader, m entir, trahir com m ent stopper cette numration ? Sor
tant du V endm e vendredi matin avec D oniol-Valcroze, je ine suis dit soudain
que m on sens de l adm iration stait atrophi com m e selon Lamrk, le petit
doigt des chevreuils qui ne pose pas par terre. On trouve des films bons, bien
faits, voire excellents. D epuis Verdoux on n avait pas senti se produire ce dclic
dlicieux, au del du pangyrique, au del de l em ballem ent plus ou m oins aveugle, plus ou m oins m yope. Ensuite on devient terriblem ent partial.
..
23
f-M 'A-:;.:'tr
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Cesarc Zavattini;
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v : sujet de film de -,
X E S ARE
24
Gec habite une v ille quelque peu brumeuse avec s fem m e e t son fils Marc:
il a trente ans et il est ouvrier l usine Bot. M. Bot a galem ent une fem m e et
un enfant.
v ' ' /
Gec est trs bon : il croit .que nous serions tous vraim ent bons si nous nous
promenions avec des jouets entre les mains.
.
:
Y
S i on donnait toul le m onde un cheval- bascule, dit-il, tout irait
m ieux .
/ / .V..-..
1} se peut que Gec ait tort, mais il est sincre et il voudrait vraim ent dire
M, B ot : D onnez des jouets en cadeau aux gens, vous verrez que les gens;
sembrasseront .
:
\;
;
: .
Quand on se dispute, Gec intervient .et'donne: un sifflet aux adversaires, en
leur disant : a S iffle z ! V. Eux, ils sifflent : aprs, ils n ont plus envie de conti
nuer s insulter.
. / ' .
'
Mme les dettes ne parviennent pas chasser sa pense dom inante. Cest
que Gec est p lein de dettes, il a ses traites payer, il achte tout tem pram ent,
-e t quand ls garons de recettes viennent prsenter les traites dans l im m euble
populaire o il loge, Gec h peut pas toujours les payer : alors il m et un
masque, com m e si c tait Carnaval, sa fem m e et son fils, en font autant, si bien
: que le garon de recettes se trouve eh prsence d une fam ille m asque et les
Gec peuvent rougir en p aix en lu i annonant quils n ont pas d argent.
M aisparlons un peu de M. Bot, Cest un grand fabricant de ballons pour
enfants, et ses ballons sont connus parlol, Tous les ,jours,- m ille ouvriers souf
flent dans de longs tuyaux pour gonfler d innom brables ballons. Parfois, par
erreur, un ouvrier en fait une trop grosse grappe : ses ballons l enlvent,dans les
airs, et T o n n entend plus parler de lui. .
/
M. Bot a, une m atresse qui, pour lu i plaire, rem plit sa maison de statues de
M. Bot : de temps autre, ils en inaugurent une n ou velle ensem ble.
Madr est aussi M. Bot : dans son usine, il a rserv une salle o ses
ouvriers, quand ils sont vraiment trs fatigus, ont tout loisir de senfermer
afin de s en prendre M. Bot en, criant quil est un voleur, quil est un exp lo i
teur; aprs stre soulags de x ette m anire, ils retournent a leu r travail, trs
contents, et produisent davantag,
r
Un jour, M. Bot. a achet un terrain aux bords de la v ille, dans l espoir dy
trouver des m inraux prcieux; n y ayant rien trouy, il a m enti ses ouvriers :
l en croire, il avait achet ce terrain pour que chacun d en ire eux y jnil
trouver l em placem ent de sa tom be, ils l auraient pay petit p etit, lui-m em e
sarrangerait pour leur retenir tant par semaine sur lr salaire. A u lieu de
l charper, ses ouvriers stalent contents de ne p oin t l applaudir quand il
avait fait le discours des tom bs, c est pourquoi M. B ot allait rptant que ces
misrables se croyaient peut-tre immortels.
Une lm d aim e, il annonce une bonne nou velle ses subordonns : au lieu
.de la gratification h ab itu elle, il a dcid de les faire participer aux bnfices
de sa firme, mais sous forme de ballons; chacun de ses subordonrls pourra donc
emporter chez lui une vingtaine de ballons.
Au fond, M. Bot aurait t heureux sil avait eu dix centim tres de plus. La*
nuit, i l :lui arrivait de se rveiller et de se dire : A h , si mes pieds pouvaient
toucher le fond du lit . En fait, il n arrivait quau m ilieu , c est pourquoi il
avait un tout p etit secrtaire, ses employs: n taient pas grands, un jo u r il en
avait m m e m is la porte un, racontait-on, qui portait des talons hauts.
L pouse de M. B ot tait aussi petite, mais elle ne sen apercevait pas. E lle
tait vraiment persuade que, d mme qui l fait pousser le b l . D ieu l avait
fait natre, elle, trs riche. Tous les m atins, elle accompagnait son fils l cole
afin de Ii dire : Si tu fais m al tes devoirs, tu deviendras comrtie celui-l .
Celui-l , ctait Marc, le fils de Gec qui vend dans les rus les ballons de la
Maison Bot. Marc est trs m al habill, la vrit aussi m al que tous les enfants
qui vendent les ballons de M. Bot, ce dernier tient ce quils soien t mal
habills pour que son propre fils dteste la misre et suive ainsi les sages conseils
de sa m re.
'
Ajoutons, par souci de vrit, que la mre de Marc, son tour, disait
Marc, en lu i m ontant le fils de M, Bot : Si tu fais bien tes devoirs, lu devien
dras com m e celui-l .
Gec n avait pas suffisamment dargent pour envoyer Marc l c o l e . U
pensait ses chevaux bascule; ce propos, on aurait m m e p u l e prendre
pour un sot, mais on aurait eu tort. Il tait.un type dans le genre de Mme Bot :
il croyait que, de m m e qu i l fait pousser le bl, D ieu l avait fait natre, lu i, tel
quil resterait pauvre toute sa vie.
~
Gec avait tent de voir M. B ot afin de lui parler de son m erveilleux projet :
il n avait pas russi faute de carte de visite. Il faut avoir sa carte de visite ,
avait dit le secrtaire de M., Bot. Et Gec, force d conom ies, avait pu sa
commander des cartes de visite portant Gec, de la Maison B ot. Il sen tait fallu
de peu quon n e ,le m it la porte, quoiquil jurait quil appartenait pour do
bon la Maison B ot, q u il y travaillait depuis des annes, quune fois M. Bot
en personne avait dit ses ouvriers : Vous tes les piliers de ma firme .
Mais le temps passe, venons-en l histoire de la bagne.
Un m onsieur distingu samusait, chaque fois qil passait p r s de Marc,
faire clater l un de ses ballons avec sa cigarette. V ient N o l, Gec fait l arbre
pour son fils, il y m et quantit d ouat, on aurait vraiment dit de la neige, et
deux ou trois objets de quelques sous, ainsi que sa m ontre. Marc n e voulait rien
de tout cela, il voulait que son pre donne un coup de p ied au derrire au
monsieur qui faisait clater ses ballons, quil le lu i donne justem ent en ce beau
jour de N ol, tel aurait t le cadeau de son papa. Gec d it non, Marc se m et
pleurer, Gec doit le contenter. Ils chem inent ensembl au m ilie u de la neige
derrire le m onsieur, le suivent un bon bout, Marc continue encourager son
pre : cc Vas-y ! . Quand arrive le m om ent de lu i donner le coup de p ied , la
neige est si paisse que c est un/autre monsieur qui a son. derrire bott, cet
autre m onsieur crie, arrivent-les agents,.on.lemmne avec Gec au violon.
A la m aison, la mre dit a Marc : a, on peut dire que tu as eu u n e riche
ide . Mare tient la m ain une petite bague en tain. trouve sur son arbre;
elle est enveloppe dans un bout de papier gui dit: Mets cet anneau au doigt-, tu
obtiendras ce que tu voudras, pou r peu que tu exprims un v u , m ais un seul .
Vous savez b ien quil n y a pas de bague m iraculeuse, mais Marc scrie :
Je voudrais que m on papa revienne tout de suite et, adm irable hasard, la
porte s ouvre et Gec entre. Ce n est pas tout. Sa fem m e, qui a pass la bague,
dit, histoire de rire : Maintenant, il nous faudrait un p eu d argent , et voil,
que Gec trouve dans sa poche un portefeuille bourr dargent.
A ce m om ent, Gec lui-m m e, sa fem m e et Marc com m encent croire que la
petite bague a vraim ent la puissance* annonce par le papier. P e u im porte que
le, m onsieur qui a pris le coup de p ied au derrire vienne rclam er l e porte
feu ille qui est lu i e t.q u e les agents ont donn Gec par erreur. Est-ce parce
26
que c est N ol, toujours est-il que ce monsieur laisse son argent Gec, sous
condition que celui-ci ne se fche pas si parfois il fait clater les ballons de sou
fils : il a bien peur de lie pas pouvoir sen empcher.
I l n en faut gure plus pour faire germer des illusions dans l me de la
fam ille Gec, c est pourquoi ils cachent la bague, Gec veut, rflchir loisir au
vu q u il entend exprimer, il ne veut pas en former un la hte et avoir le
regretter aprs, comme cela arrive. Ils ne se sont nullem ent aperus que leurs
voisins, ls Stoc, des mendiants, ont dcouvert par le trou de la serrure et soiit
leur tour convaincus que la bague a des proprits divines.
D ailleurs, quand les Stoc voient la fam ille Gec h abille de neuf et payant
ses traites, ils en concluent que le m rite en revient la bague et dcident de a
voler. P ar bonheur, l bague est au doigt de Mare, il a tenu la porter. Mais ,
son doigt sest enfl : pour voler la bague, il faudrait voler Marc tout entier.
Dans l im m euble populaire, il n est question que de la bague de Gec; on
comprend que tous ces m isreux font alliance. Les Stoc, qui ont tout rvl, sc
font prom ettre que personne, par le truchement de la bague, ne demandera plus
queux-m m es. S ils demandent un m illion, il faudra que les autres demandent
un peu m oins d un m illion, pas davantage.
L cho de ces grands vnements arrive ju squ aux oreilles de M . Bot. H en
parle avec sa fem m e et dit quil ne croit pas aux m iracles, mais tout est possible
par les temps qui courrent. Il pense \aussitt que, sil pouvait passer la bague .Y
son doigt, il demanderait davoir dix centimtres de plus, aprs, il ne lui m an
querait absolum ent plus rien pour tre l hom m e le plus heureux du monde.
N e vous tonnez donc pas sil convoque un sicaire et lui dit l oreille ;
En] ve l enfant de Gec .
Nous avons oubli de vous dire que le fils d Gec 1vient juste d tre
congdi de la Maison Bot parce q u il shabille dsormais convenablem ent :
Mme Bot ne peut plus dire son fils que sil fait mal ses devoirs, il finira comme
Marc, le fils de Bot. Encore une chose quon a oubli de m entionner, le fils de
B ot, non seulem ent fait mal ses "devoirs, mais encore fait l cole buissonnire,
histoire de traner avec les fils des gueux qui dem andent l aum ne. Demander
l aumne l enchante tel point qui l le fait m m e quand il se prom ne avec sa
m re; celle-ci, le regard toujours droit devant elle l instar d un gnral, ne
saperoit gure que son fils tend la main- aux passants.
Le sicaire de M. B ot se rend donc au parc o Marc est en train de jouer et
guette l occasioiv doprer l enlvem ent. M. B ot observe la scne de lo in , mais
les Stoc et les pauvres de l im m euble en font autant. Soudain, le sicaire, que
M. Bot a choisi exceptionnellem ent grand et gros, s approche de Marc et fait
des cabrioles afin de faire .amiti avec lui. Son pre, notre hros Gec, se trouve
proxim it, mais savez-vous par quoi il est distrait, savez-vous qui lui fait
oublier Marc et la bague en danger ? La matresse de M. Bot. Un jo u r, il l a
rencontre et depuis ce jour, il n a p l oublier com pltem ent, les jolies
fem m es plaisent mme aux pauvres. E lle est l, sur le bord du petit lac et joue
avec les cygnes : Gec sapproche delle, il voudrait lu i dire : <c Bonjoutmadame dautant plus quil a des chaussures neuves.
Sur ces entrefaits, le sicaire parvient faire grimper Marc sur son dos, Marc
lu i donne des tas de coups sur la tte, le sicaire endure tout en feignant detr
sa m onture. Tout en caracolant, il sloigne adroitement, portant toujours Marc
sur ses paules : ds quil a franchi les grilles du jardin, il part en galopant
vers l usine Bot.
'
27
Mais les Stoc ont tout vu : ils alertent Gec qui est en train de faire sa cour
la matresse de M, Bot, et tout le inonde part fond de train sur les. traces du
sicaire;/
. - -r
V-,
' /-O " 'sM. B ot, qui a une voiture, arrive l usine avant tout le m onde ; il attend
anxieusement l' sicaire. U a aussi Mme, Bot qui, en excellente pouse, q u elle
est, Veut aider son mari. D fait, lorsque le sicaire arrive avec Marc, qui a le
doigt enfl, com m e nous l avons dit, ils font preuve de la plus grande dlica
tesse pour lui retirer la bague sans lu i faire du m al, et ils .repoussent avec
nergie le conseil du sicaire, qui, pour aller vite, voudrait couper le doigt de.
Marc. Mare pleurniche car il est quelque, peu effray par ce qui lu i arrive;
alors M . B ot feint dtre un chat ,afin de lu i arracher un sourire. Mine 13ot
trempe la petite m ain de Marc dans d l eau chaude et c est ainsi q u elle par
vient lui retirer la bague taut souhaite.
p
J l'
;
/
E lle en a eu juste le tem ps, on entend dj les cris de Gec, des Stoc, de la
foule. M. Bot a un sourire de triom phe, il enfile la bague et crie, com m e un coq
coqueriqe :: Je veux grandir 'de dix centimtres . La bagu passe ensuite
son pouse, laquelle crie son tour quelque chose que nous entendons m al,
mais il semble bien que son v u concerne ses seins. Ea bague continue a circu
ler, tout le m onde a un v u exprim er, des Vux; d. toutes sortes, assez
inattendus, t e l celui du secrtaire de M. B ot qui hurle : J e veux que M. B ot
meure . T1 y a m m e un quidam qui se met bgayer et ne parvient pas
exprim er son Voeu, il prononce : Tatatatata , e t ,0 est tout. Mais que fait notre
Gec, vous demandez-vous. Lui aussi voudrait passer, la bague et former son
vu : il en a le droit. Mais il ne lu i est gure ais de remettre la. m ain sur la
bague que s disputent ces nergnm nes qui se calottent et se bottent les fesses'.
Quand ili y parvient, au m om ent m m e o il va dire : Je. veux... , et D ieu
sait ce quil voudrait, 011 entend un cri de terreur. Ce casse-cou de fils B ot, qui
samuse comme un petit fou au m ilieu d ce tohu-bohu, est ll .se nicher parm i
les-engrenages duhe norm e m ach in en marche, et dans un m om ent va tre,
broy. Alors, comme dans les contes de fes, au lieu de crier Je. veux ceci )>
.. ou Je:veux cela , Gec crie, . Je veux que le fils de Mi Bot soit sauv .
- ; ,
Lnorme m achine sarrte, com m e par miracle,' et voil le fils de M. B o t
sauv. Tout l m ond fait Oh ! ,. M. Bot aussi, tel point mu qu il em brasse
Gec et le nom m sur le champ son associ. Mais les Stoc et les autres arrivent,'
dus que la bague n ait p a s.fa it de miracle, pas le moindre, et ils sen pren
nent Gec. Force est M. B ol de constater .avec douleur qtie lui-m m e n a pas
grandi dun seul centim tre et, com m e il se jauge et: mesure, apparat un m ea. nieien qui annonce q u il n y a pas de miracle qui tienne, la m achine, c est lu i
qui l a arrte quand il a vu surgir toute cette foule hurlante. Alors M. B ot dit
Geci quil aille au diable avec sa bagu, il le.congdie de son usine, il se peut
m m e qtii l lu i assne un coup d pied au derrire.; '
.
,
v \
C /-
'
C f.SARK Z a VATTINI
_ :s
28
M ir a c l e M il a n.
Rflexions
sur
MIRACLE
MILAN
par
CLAUDE ROY
1. QUELQUES N O TES P R E L IM IN A IR E S
N e soyons pas ralistes, dit le Kritiklidbar, ses ouailles les artistes. Soyons
ralistes, dit le patron ses ouvriers, leur refusant l augmentation quils
demandent. Ils ne parlent pas (jespre) de la m m e chose.
*
Nous allons nous payer une belle tranche de vie, dit le bouclier se prparant
tuer son b uf.
^
Il n y a pas de ralisme tout court. Mais des ralismes.
*
29
La ralit, ce n est pas seulem ent ce qui se touche. Les ides gnrales sont
(aussi) une ralit.
Les faux-semblants de la ressemblance.
.
Le vrai ralisme est d abord un tat dme, quon nom m e aussi l honnctet.
k
Etre raliste, ce n est pas sadonner la m anie de la dcalcomanie.
*
Le Swift de G ulliver, le D ickens de La P e tite D orritt sont profondm ent
ralistes.
'
Le ralisme n est pas l art d tre un em pailleur ventriloque.
*
Le ralisme n est pas une absence d auteur, mais une prsence desprit.
*
Les gros souliers du Raliste crasent les pieds nus de la ralit.
*
Je suis un hom m e, pense l adolesccnt qui sort du bordel. Je suis raliste,
pense le cinaste qui y entre.
^
l tat brut, la ralit est in v isib le.
*
2. F R A G M E N T D VlY E N T R E T IE N A V E C CESARE Z A V A T T IN I
J ai la plus importante collection de peinture du m onde, dit Zavattini en
riant. Plus de sept cent toiles, de tous les grands matres contem porains.
Cest vrai. Zavattini a plus de sept cent toiles. Elles couvrent les murs de
son cabinet de travail, les murs du couloir, les murs de la salle manger. 11 y
a un panneau d *autoportraits. Un panneau de portraits de Zavattini par tous
ses amis peintres.
Le plus grand de ces tableaux a 10 centimtres sur 12.
Le bureau de Zavattini sent l huile de lin , la peinture, la trbenthine. U n
chevalet dans un coin, une palette, une toile en train.
Zavattini m e fera porter demain par un de ses gosses son portrait par luim m e. Trs ressemblant. La gentillesse (la vraie, celle qui parfume tout, com m e
la m enthe sauvage crase dans la paume de la m a in ), la gentillesse, la ite
peinture et visage. Zavattini, c est T o to il Buono parvenu la cinquantaine
(Toto il Buono est le livre dont il a tir M iracle M ilan). Il sest fait tant de
cheveux force de vivre dans un m onde o buon giorno ne veut pas vraim ent
dire bonne jou rn e, quil a perdu ses cheveux.
30
31
six ou h u it dans des cabanes lapin grandeur dhom m es, ces colombes (mme
les colom b es). Brunella avait reconnu le dcor q u elle avait cru imaginaire. Le
dcqr de T oto il Buono. Le dcor de Miracle M ilan. E t quand Gillo Pontecorvo
a photographi Brunella devant une des cahutes de ce te village abyssin , tenant
une colom be .la main, personne n a voulu croire dabord quil sagissait dun
reportage, et non pas dun photogram m e du F ilm , (photo page 33).
32
33
*
Et il est certain que T o to il Buono est devenu Miracle M ilan dans la m e
sure m m e o ce que Zavattini et D e Sica avaient h dire, ils ne pouvaient le dire
que par la bande. Mais il est sr aussi que cette ncessit, aprs tout anecdotique (un jour il n y aura plus de censure, et plus de producteursproducteui's, etc.) rejoint une ncessit esthtique. Celle laquelle, depuis les
origines de la cration littraire et dramatique rpond, de l A ristophane des
Oiseaux au Swift de G ulliver, le genre allgorique.
7. VUES SU R L A LLE G O R IE
L allgorie n est pas seulem ent l art de ne pas se faire com prendre des
em pcheurs de penser tout haut, mais aussi l art de m ieux faire voir la vrit
tous.
Il est curieux de remarquer, quant au prem ier point, ce qui sest pass avec
M iracle Milan. Si l usage qui y est fait de l allgorie a p en perm ettre la
sortie, aussitt aprs celle-ci, il a permis aux adversaires de la m orale du film
dy voir beaucoup plus que les auteurs n avaient pens y mettre. A insi, les
porte-parole du Vatican ont condam n M iracle Milan pour m atrialism e,
parce quon y voit les enfants natre dans les choux. Lorsque les amis de T oto
s envolent califourchon sur les balais des nettoyeurs m unicipaux, au-dessus
de la cathdrale de M ilan, en direction (disent le roman et le com m entaire du
film) a: d un rgno d o v e d ir e buon giorno vuol d ire veram ente buon giorno >>,
(i) Conseil p a ra doxal et Que ne su it (heureusem ent) p a s P ie rre K ast lui m m e. P u isq u e je viens d e
voir so n d e rn ie r film, u n Goya, q u i s ig n ifie p r c is m e n t quelq u e chose d'essentiel, q u i s ig n ifie ce q u e
G oya pe n sa it de la guerre, d e ses dsastres, etc.
34
d'un pays o bonjour voudra vraiment, d ire bon jo u r , les critiques de droite
ont pris un plan de Milan, l ont orient, et ont remarqu gravement que les
chevaucheurs de balais sloignaient dans la direction de l Est c est--dire de
l Union Sovitique. A insi, Zavattini et D e Sica, qui ne sont ni m atrialistes, ni
communistes, se sont dcouverts l tre dans la presse ractionnaire italienne.
N on, je n e crois pas que les seules circonstances politico-conom iques aient
impos aux auteurs de M iracle M ilan l usage de l allgorie. Pas plus que la
seule occupation allem ande n explique quAragon ait crit son plus beau
pom e, qui est l adm irable Broceliande, en utilisant dans un dessein allgori
que les vieux m ythes de la T able R onde. Pas plus que, dans La P e tite D o rritt
de Dickens, l invention des M ollusques et de leur aristocratie allgorique n a
t im pose l crivain par la crainte des critiques tories et du gouvernement.
L allgorie est un bon m oyen de ne pas tre entendu par les demi-sourds. Mais
c est aussi, mais c est peut-tre surtout, un bon m oyen de faire l oue plus fine
ceux qui entendent norm alem entL allgorie, procd qui consiste dcrire une chose en ayant l air d en
dcrire une autre, est d abord une technique de la com plicit im pose au
lecteur ou au spectateur. Toute uvre d art valable requiert, pour tre vrai
ment pntre, un effort de la part de celui qui en veut jouir. Mais dans l uvre
allgorique, cet effort est pos com m e condition prem ire. On demande au spec
tateur de M iracle Milan non pas seulem ent dtre le miroir passif d images se
succdant, non pas de se laisser doucem ent engluer au pige des apparences,
mais de collaborer avec les auteur. I l y a dans le no-ralism e, dans le ralism e
tout court, une tentation de paresse qui n est pas seulem ent celle dont est
sduit l aueur, mais celle dont est insidieusem ent berc le spectateur. Miracle
Milan (com m e, sur un plan plus m odeste, Passeport pour P im lic o ) est un
film qui brise avec cette faon de ronronner dans et devant l cran o le ra
lism e dit pur risquait de nous faire tomber. Au spectateur du Voleur de
B icyclettes on dem andait d entrer dans la rue, au restaurant, au foyer. Au
spectateur de Miracle Milan, on demande dentrer dans le jeu.
35
. E t le jeu consiste non seulem ent dcrire les im ages com m e elles apparais
sent, mais n o m m er les choses comme elles sont. Le jeu, c est de faire jaillir
le plus de ralit possible par le contraste avec le mots de vraisemblance. Il
n est pas vraisem blable q u une colom be m agique donne de tels pouvoirs Toto,
il n est pas vraisem blable que les pauvres gens de M ilan senvolent sur des m an
ches balai, il n est pas vraisemblable que les hom m es d affaires parlent comme
des personnages de Grandville, et que leurs discussions de conseil d administra
tion se transforment nos oreilles en aboiem ents de chiens et hurlements de
loups. Mais par contraste et contre-coup, il est trs exact que les pauvres soient
chasss par les riches, que les trusts sinquitent peu du bonheur de ceux quils
exploitent, que les Mobic (qui dans le film est devenu M oppi) sont dans la ralit
assez sem blables celui que dcrit Zavattini au chapitre 3 de son roman et dans
le cours de son film. II n est pas vraisemblable que les flics soient frapps de
paralysie, la matraque en l air, et chantent contre leur gr des airs dopra.
Mais l Italie entire a reconnu dans M iracle M ilan les assommeurs merce.naires de la <c clre , la manganella au poignet, dbarquant, luisant de cuirs
bien vernis, de leurs je e p s m aintien de l ordre. L usage de l allgorie dans un
dcor contem porain n est pas une faon de dire plus facilem ent des choses
difficiles dire. Cest, au contraire, jouer la difficult, parce que l esprit
quteur, l esprit critique du spectateur sera tenu constam m ent en veil et en
alerte. L allgorie ne se prsente pas ici avec les airs fallacieux de bonne grosse
fille que sait prendre la fam euse tranche-de-vie naturalise en tranches. L all
gorie exige du spectateur quil dm le constamment les fils savamment em m
ls de la fiction et de la vrit. L allgorie est un rvlateur.
8. U A LL E G O R IE ET L E SA N G CH AU D
Il y a deux conditions essentielles qui font de l allgorie un genre valable.
La prem ire est que la vrit en soit l objet. La vrit, et non pas les jeux arbi
traires de l im agination, la galerie des glaces des caprices intrieurs, le vain
ddale des vaines fuites. Quand Jean de Meung crit le second Rom an d e ta
Rose, ou Bunyan le P ilg rim s Progress, quand Swift crit les G ullivers Travels
ou Zavattini T oto il Buono, ils n ont pas l intention de svader de la ralit,
mais de la m ieux embrasser. Sils se dguisent et se contraignent, c est comme
le Loup du P etit Chaperon Rouge : cest pour m ieux te manger, mon entantralit. Et la seconde, c est que l allgorie ne soit pas un monstre au sang froid
et au m canism e purem ent intellectuel. Cest la sauvage indignation,- la soeva
indignatio de Swift, c est la rvolte de Jean de M eung, la foi de Bunyan, la
bont de Zavattini qui donnent ces livres si diffrents une m m e vivante et
concrte chaleur. Cette chaleur que De Sica, m etteur en scne, a su partager
avec Zavattini, auteur.
E t il y a peut-tre, des dfauts, dans M iracle M ilan. Il m e semble que, dans
le roman com m e dans le film, Zavattini n a pas su trs b ien comment conclure.
C est probablem ent parce q u il est comme a dans la vie. L aussi il ne sait pas
trs bien com m ent conclure. Mais j cris ceci plusieurs mois aprs avoir vu
pour la prem ire fois M iracle M ilan, et la plupart des grands moments du
:film m e restent dans le regard avec une vivacit, une fracheur merveillantes.
M iracle M ilan est une m achinerie labore avec infinim ent de soins et de
calculs. Mais aussi d amour. La scne o Toto joue avec une petite fille engour
die de froid pour la contraindre se rchauffer est, sur ce p lan, l gale de tant
de scnes inoubliables de Chaplin, un des som m ets de notre cinm athque
36
sentim entale. Et c est peut-tre ce qui fait de M iracle Milan une uvre qui
m e sem ble, en un sens, plus profondm ent satisfaisante eu tant que film que
T o to il Buotio en tant que roman. N on quon puisse m sestim er le livre, qui est
de prem ier ordre. Mais tout au long du rcit littraire, court je ne sais quelle
charmante rticence du conteur, je ne sais quel indfinissable air-de-ne-pas-ytoucher qui est totalem ent absent des m eilleures parties du film.
Il
n y a pas de m eilleur exem ple du progrs ainsi ralis par Zavattini en
confiant De Sica une version cinm atographique de son roman, que le lieu de
l action. Dans T oto il Buono, c est une ville de conte philosophique, Bamba.
Dans M iracle Mildn, c est une vraie, vivante, bruissante v ille, cest Milan. Je
n ai que l air de me contre-dire. Car c est prcism ent ce plus-de-ralit qui
donne au plus-de-fantaisie du film sa valeur spcifique. U ne allgorie est m ou
vante et significative dans la m esure, prcism ent, o le fictif sy compare au
rel. Si les balais senvolent au R oyaum e de Cocagne, c est une fable. Si les
balais senvolent Milan, c est une faon den apprendre un peu plus sur
M ilan, sur les Milanais, sur les hom m es. Ce qui nous intresse dsormais, ce
n est plus tellem ent de savoir ce que d it et fait le Chat B ott au pays de Melusine et de Viviane. Cest de voir ce quil advient du Chat B ott quand il dbar
que New York ou Paris. Ce qui fait le prix d une allgorie se mesure par
l quation :
quotidien x insolite
vrit
N i la ralit toute nue (elle a froid ), ni l allgorie toute pure (elle a faim ). Mais
M iracle Milan (par ex em p le), assez bon exem ple d un des avatars du ralisme,
et de ce q u on pourrait nommer le ralism e irraliste.
C la u d e R o y
37
V itto rio de Sien : Wiracle MUtin (fa squ en ce d u <t rayon c!e soleil ).
38
39
LETTRE
DE
ROME
par
NINO FRANK
R om e surclasse dfinitive
entendu Turin, V enise et
les quelques faits que note
de dcembre encore beau
40
3 le succs va, pour le m om ent, une srie de nouveaux com iques, qui
reprennent le style de Toto, plaisanteries locales et ensem bles de filles m er
veilleuses, mais avec m oins de gnie et sans sa trs princire mchoire :
Carlo Croccolo, Rascel, Nino Taranto, W aller Chiari, voil les idoles actuelles
des foules italiennes, idoles tout fait inexportables car leur succs est bas
sur des scies q u ils rpteut longueur de bande, et une cocasserie rigoureu
sem ent m canique (on prtend que Croccolo, leur num ro 1, serait doubl, son
dbit ilayant pas le m m e hum our que ses attitudes) ;
4" les auteurs de films puisent de plus en plus systm atiquem ent leur inspilation dans les journaux et la vie de tous les jours, l*encontre de ce que nous
faisons, en inventant des histoires dans l abstrait ou en recourant au livre et
la scne. Producteurs et scnaristes, R om e, flairant le vent, cherchent cons
tam m ent les thm es dactualit susceptibles dintresser encore le public six
mois plus tard (et voil peut-tre expliq ue la gense du : no-ralism e , qui
d ailleurs, en Italie m m e, ne fait pas recette, surtout quand il prend la forme
du film social l amricaine, com m e c est le cas, ces tem ps-ci, de La F ille se
d fe n d , de Pietro G erm i). Cela produit des cas singuliers : tel, l accident de la
Via Savoia, deux cents jeunes dactylos postulant une place et victimes dun
escalier qui seffondre, qui inspire deux quipes diffrentes, si bien que
voil G iuseppe de Santis et Augusto Genina tournant, en ce m om ent, le mm e
sujet ou presque. Pareillem ent, Sergio A m idei prpare un film sur le football,
Cesare Zavattini donne Sica le thm e des conom iquem ent faibles
(U m berto D .), aprs celui des sciusci et des vols de vlos;
5 la rentre d Eisa M erlini, la clbre fantaisiste de l poque des tlph o
nes blancs , Cinecitt : rentre qui s effectue par S o u b rette prsen tant bien,
o tous les grands noms du cinm a, des F ilip po Isa Miranda, et de Cervi
Sica, ont accept de figurer. La personne m m e de la M erlini im porte peu, ce
qui im porte c est le retour d un genre que l on croyait rvolu, avec les causes
qui l avaient produit, la censure fasciste qui interdisait toute rfrence une
ralit dcevante;
6 ct stars, Miranda, Magnani, Cervi, Fabrizi, les F ilip p o se maintiennent,
Alida V alli et Lea Padovani, revenues en Italie, retrouvent leur prestige, et
SiJvana Mangano asseoit dfinitivement sa jeune royaut avec Anna, quelle
vient de tourner sous la direction dAlberto Lattuada, - en religieuse, et avec
presque toute sa fam ille. La vedette la m ode en ce m om ent est Gina Lollobrigida (au nom si curieux pour nous, d autant plus que les Italiens l abrgent
en <c Lollo ) , que l on fourre partout, mais qui m alheureusem ent ne sait ni
jouer ni parler, ce quon dit; ensuite, Lucia B ose, Isa Barsizza, Silvana Pam
pa nini. le caractre commun ces starlets tant leur prsence charnelle
plutt que leur talent. Ct hom m es, Raf V allone, que l on com m ence mettre
toutes les sauces;
7 des m thodes dexploitation originales : sauf exceptions, pas de longues
exclusivits, mais la m m e salle n hsite pas redonner, aprs deux ou trois
m ois, le film qui a eu du succs. A insi, certaine clientle fam iliale va-t-elle
revoir le film qui lu i a plu, au cinma o elle a ses habitudes;
41
8 les .Franais sont attirs dans les studios romains, et les Italiens savent
choisir : ces temps-ci, Julien Duvivier achve Don Camillo, avec Fernandel et
Cervi, pendant que Jean R enoir entreprend Le Carrosse du Saint Sacrem ent
(ou Le Carrosse d or) avec Anna Magnani; on prtend en outre que Ren Clair
et Claude Autant-Lara iraient tourner de l autre ct des Alpes. Pour les Ita
liens m m e, Sica parachve U m berto D ., fait sa rentre de vedette dans B onjour,
lph an t de Gianni F ranciolini, et prpare avec son fidle Zavattini ta lia mia,
voyage picaresque travers la Pninsule; Rossellini se disposerait srieusement
raliser E urope 1951 (ou 1952 ? ) , en m m e temps quil accepterait de rendre
sa libert Ingrid Bergman, avec ou sans divorce; Luehino Visconti achve
La trs belle, histoire de la mre dune enfant star, film sur le cinm a, o figureront, aux cts de la Magnani, quantit de personnalits italiennes; enfin,
des deux anciens , Mario Camerini revient son grand style comicoscntim ental, avec Scandale com m e il faut et Alessandro Blasetti, par son
/.baldon e, se livre un essai intressant : ce film sur l poque 1880 en Italie
se composera dune dizaine de rcits de dix ou onze m inutes, des contes
cinm atographiques. Par ailleurs, les valeurs Germi et Emmer (Paris est toujo u r Paris) sont en baisse, on attend avec curiosit les nouveaux Castellani
(Deux sous (Vespoir) , Santis et Lattuada, dj cits, m m e Zampa (R om e-P arisR o m e), et surtout la rentre de deux anciens , Goffredo Alessandrini (C he
mises rouges) et Francesco de Robertis. Le nouveau sur qui l on fonde le plus
despoirs est A ntonioni, l ancien de qui l on n attend plus grandcliose, Mario
Soldati (qui, par ailleurs, triom phe sur le plan littraire).
Tel est le rapport cUrsif du voyageur, press et superficiel com m e tous les
voyageurs : mettez son passif les erreurs d apprciation ou d inform ation, et
l actif du cinma italien l adm iration quinspire, encore en cette fin de 1951,
sa constante vitalit.
jNin o
42
F rank
LETTRE
DE
NEW
YORK
par
H ERM AN G. W EINBERG
N ew Y ork, D cem bre 1951
Mme au temps du m uet, la production indpendante aux Etats-Unis tait
moins importante quen Angleterre, en France, en A llem agne ou ailleurs en
Europe. Et il sagissait dune poque o le prix de revient des films tait trs
infrieur ceux du film parlant. D e temps en temps des films de long mtrage
taient raliss par des productions indpendantes en dehors des grands studios.
Ce fut le cas de T h e Salvation H uniers (1925) qui lana Sternberg et de T h e hast
M om ent (1927) qui lana Paul Fjos, mais de telles entreprises furent rares et
intermittentes. Lactivit fut plus grande dans le dom aine des courts mtrages;
ceux que ralisrent alors Lewis Jacob, Tlieodore H uff, Jay Leyda, Robert
Florey, Heinwar Roadkiewiez et l auteur de ces lignes constituent la contre
partie am ricaine de la vogue europenne de cette poque des films expri
mentaux et davant-garde. Aucun de ces films cependant n oh tint de distribu
tion com m erciale rgulire. Ils taient projets dans des clubs et de temps en
temps dans des salles spcialises.
Pour un Sternberg ou un Fjos qui se firent un nom par ce m oyen, combien
dautres dont on n entendit plus jamais parler. Cest ce quil arriva la m ajorit
des jeunes cinastes qui crrent le film exprim ental amricain. Hollyw ood
ne les encouragea jamais et ne leur offrit jamais aucune possibilit de produire,
ou dtre distribus. Mais la pellicule, le dveloppem ent et le tirage taient
bon march et, en enrlant des copains et des petites amies si le scnario
exigeait des acteurs, il tait possible de raliser des petits films pour relative
ment peu dargent.
Aujourdhui tout est chang. N on seulement l apparition de la piste sonore
a considrablem ent augm ent le cot de la production, mas les frais de tour
nages ont centupl et H ollyw ood, comme espoir de production ou de distri
bution pourrait bien tre sur la lune que le rsultat serait exactem ent le mme
pour le producteur indpendant de long ou court mtrage. Evidem m ent il y a
toujours des exceptions. R cem m ent l acteur tchque Hugo Haas a russi,
comme je le signale plus haut, raliser un film indpendant H ollyw ood,
Pick-Up quil a adapt, mis en scne et interprt. Le tout a cot 75.000 dollars
et en a t vendu 150.000 la Columbia. Et depuis il vient de faire deux autres
films sur les mmes bases. Mais le cas est rare, bien que l ide de produire un
bon film bon march ce qui est la vertu premire de P ick-U p sem ble si
sduisante que l on pourrait stonner quil ny ait pas plus de production
indpendante de cette sorte. Soixante-quinze m ille dollars reprsentent un
budget ridiculem ent bas H ollywood, mme pour un film de srie B. Celui
qui peut russir une telle opration est sr non seulem ent dune bonne distri
bution mais aussi dun gros profit.
Ouant la production indpendante de courts mtrages, elle est paradoxale
ment encore plus m alaise que celle des filins de long mtrage, car le bnfice
eventuel m m e en cas de vente une grande compagnie ne vaut pas de
courir le risque. Cas part : celui de T h e K nife-T hrow er de l auteur de ces
lignes, ralis daprs un conte de Maupassant : VArtiste. Le film, qui n exigeait
43
que trois acteurs, a cot 7.500 dollars. Tourn en m uet, le son fut post-synchronis. Le narrateur (le lanceur de couteaux) com m ente l histoire au fur et
mesure de son droulement. Ceci constitue sans doute le m oyen le m eilleur
march de faire un film sonore. La prise de son directe m u ltip lie le prix de
revient par quatre. La ncessit a toujours t m re de l invention et la m thode
utilise ici (par retour en arrire) a russi au point que le film a t im m
diatem ent achet par la W arner comme le premier dune srie intitule Les
classiques de lcran . Mais que peut-il advenir des producteurs de tels films ?
Leur m arge de bnfice est si petite que, du p oin t de vue financier, cela nincite
gure recommencer et pourtant les grands studios amricains auraient dpens
quatre fois plus pour raliser le mme film. Ce sont donc eux, et eux seuls,
qui font la bonne affaire. Cela est consternant car cette condam nation de la
production indpendante prive Je cinma dun prcieux apport de sang nouveau
et touffe tous nouveaux talents crateurs. Le plus m israble des peintres peut
toujours peindre dans sa mansarde, le pote et le rom ancier crire, le musicien
c o m p o ser.. tous peuvent travailler sans un financem ent . A m oins dtre
personnellem ent trs riche ou de savoir faire courir aux autres les gros risques
financiers daventures hasardeuses, le producteur indpendant est condamn
d avance. H ollyw ood qui n a ni imagination ni sym pathie pour ce genre dentre
prise, se refuse courir des risques. Bien des choses y ont chang, m m e intramuros : en gros, les films ne sont plus l uvre des m etteurs en scne, mais des
producteurs. Ce sont les Zanuck et les Howard H ughes qui dcident du ton
et du style des films. Seids des hommes comme M ankiewicz, W ilder ou Sternberg
arrivent encore im prim er leurs films un sceau personnel. U n abme pourtant
spare encore aujourdhui les possibilits de ces ralisateurs consacrs de celles
des jeunes indpendants . Jeter un pont dune rive l autre de cet abme
relve du dom aine du rve.
UNE P E T IT E A FF A IR E D E GRANDE IM PO RTANCE
Lune des personnes les m oins suffisantes, les m oins ruses et les m oins
hypocrites que j aie jam ais connues tait une jeu ne fille qui, certains jours,
pouvait, en jurant, rendre des points n im porte quel <c m arine ayant deux
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LETTRE
DE
PRAGUE
par
JAROSLAV BROZ
Les ju gem en ts que fo rm u le ici Jaroslav B roz sur des film s tchques e t slova
ques que nous ne connaissons pas nengagent v id em m en t que sa responsabilit,
mais ni plus ni m oins que ceux d e nos correspondants d e N ew Y o rk e t de
Londres ou ceux des critiques franais q u i collaborent cette revue. A amour
gal d u cinma, nous som m es tous solidaires.
Prague, S e p te m b re 1951.
Lanne 1951 est pour le cinma tchcoslovaque riche dvnements. Durant
ses six premiers m ois, trois films de la production nationale ont connu un vif
succs. Il est pour nous extrm em ent significatif que tous trois traitent dvne
ments rels et exem plaires tirs de l histoire des luttes sociales de lpoque
davant guerre. Leur ralisation m et en lumire les progrs raliss dans l u tili
sation de la m thode raliste. Et cest avec satisfaction que l on peut souligner
que cest justem ent ces trois films qui ont reu les P rix dEtat dcerns cette
anne pour la premire fois et que, dautre part, la valeur artistique et idolo
gique de deux dentre eux a t vivem ent apprcie au Festival international
de ICarlovy-Vary.
Le film de Jiri Weiss : D autres combattants viendron t, raconte la vie d un
des prcurseurs de l organisation du mouvement socialiste en B ohm e vers la
fin du X IX L. Le sujet en est extrait dun roman autobiographique du prsident
du Conseil des m inistres A ntonin Zapotocky o il voque la lutte hroque que
son pre a m ene contre les autorits dalors pour le droit de runion et la
dfense des droits de l hom m e. Otomar Krejca et A ntonie Hegerlikova, deux
des m eilleurs acteurs de notre jeune gnration, en sont les interprtes.
Les deux autres films en question voquent des vnements de l poque de
la grande crise conom ique m ondiale de 1929-1932. Lm ouvante action de L
T rem pe de Martin F rii se droule dans une acirie. B ien que menacs par le
chmage, les ouvriers se m ettent en grve pour em pcher l application dune
baisse de salaire et dun licenciem ent partiel exigs par des banquiei's et que
va effectuer un directeur sans scrupule, appuy sur la garde m obile. La lu tte
finira demain, de Miroslav Cikan, est une ralisation de la jeune production
slovaque. Ce film est galem ent bas sur un fait rel qui a provoqu en 1932
une intervention jiarementaire. Il se passe sur le chantier de construction
dune voie ferre. On y voit les dures conditions de travail qui taient tolres
par des politiciens corrompus, protgs par une police m obilise contre les
travailleurs.
Ce genre de drames sociaux permet aux auteurs et ralisateurs tchco
slovaques daborder des sujets dune grande force dramatique, sujets tabous
sous lancien rgim e et dont le contenu humain est extrm em ent riche.
Parm i les films tchcoslovaques de la production 1951 qui viennent dtre
achevs, citons trois drames biographiques qui sont autant dhommages aux
grands hom m es tchques qui ont rendu clbre leur pays. Mikols Aies, peintre
clbre de la seconde m oiti du X IX e (dcorateur, entre autres, du foyer du
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LIS FILMS
*mg?
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50
K ir sc h
5}
LA N Z A D E L V a ST O.
Lcran a consomm beaucoup d 'e n
fants. Le charm ant, et presque authen
Dans ce mme num ro P ierre Kasl tique, Kid de Chaplin, a hlas en
analyse longuement l'uvre de Bunuel fant Shirley Tem ple et l;atroce Maret dterm ine la place quy occupe Los garet QBrien. En 1945 les chouchas
Olvidados. Nous ne reviendrons donc italiens, lancs p a r de Sicca, re d o n n
pas ici sur l'ensemble de cette uvre rent cette vogue la qualit d un t
p as plus que sur le p o rtra it de son au moignage. Et au bout du chem in il y a
teur dont, plus haut, Jean Grmillon* le bambin assez p o ign an t de Voleurs de
Eli Lotar, P ie rre Prvert, Jean Casta- bicyclettes. Mais voici soudain Pedro,
n ie r et L. Vins ont tent de faire ap le Jabo et Petit il et on ou
p a ra tre le vrai visage. Il est difficile blie tous les autres. S'il fallait leur
p o urtan t d isoler des autres ce film, trouver une ascendance, il n'y au rait
tant, du Chien A ndalou aux Olvidados gure que la petite ba n d e de Dead End
en passant p a r YAge d*Or et Terre sans et des Anges aux figures sales, mais
pain (et peut tr les autres films mexi cette ascendance serait une dgnres
cains de Bunuel que nous ignorons), cence avant la lettre. Ces anges
court une mme ligne inflexible et taient spectaculaires au sens cin
aveuglante, une sorte d long muscle matographique du terme, ils relevaient
vif qui soustend l'itin raire le plus en fin de compte des laboratoires de
irrductible, le p lus non-compromis de lcran. T andis q u il n y a p a s de re
cette pour fa b riqu er P ed ro et Petit il.
toute l histoire du cinma.
Il est difficile p a r ailleurs de parler
*
du film lui mme. Il est courant en ef
fet lorsque se rallum ent les lumires,
Kast parle plus h a u t du calvaire de
une fois un trs beau film termin, que Figueroa condam n p a r Bunuel ne
lon soit incapable de pron on cer le faire que des photo s grises. Il n y a
m oindre mot : on est comme l'on dit pas en effet un p lan du film qui puisse
fm illirem ent sous le coup . Il faut constituer une image esthtiquem ent
parfois quelques heures p ou r retrouver belle en soi. Mais de la suite de tous les
ses esprits. Los Olvidados m ultiplient plans, de leur superposition nait une
indfinim ent ce genre dim pression : des plus belles images du cinma, la
plusieurs jours aprs la projection on plus belle en tout cas q u 'ait jam ais si
a encore envie de se taire, on se de gn Figueroa. Elle sarticule auto ur de
m ande ce que lon p o u rra it dire qui quelques images-cls : le grouin de lenm riterait d tre dit. Ce long cri p e r fant-taureau du dbut, la colombe p r o
ant quest Los Olvidados appelle un mene sur le dos de la malade, toutes
long silence ou se propagent ses nom les terrifiantes a p p a ritio ns du coq,
breux prolongements. On ne p eu t tra i l'image du rve o P edro saisit le q u ar
ter ce film comme un autre. Pas ques tier de viande, le lait coulant sur les
tion d'en faire ce que lon nomme la cuisses de la petite fille, lap p ro ch e h a l
critique et sa form e mme de cri, lucinante du chien galeux et
sa force de percussion in tern e dcou Limage finale du cadavre de P e d ro ro u
ragent lapolegtique. Les images, les lant dans les ordures.
Dans des chemins
que nul navait fouls
risque tes pas.
Dans des penses que
nul n avait penses ris
ques ta tte .
52
.i
1/uis B un u el : L o s O lv id a d o s.
53
GRANDEUR DE LHONNTET
THE MEN (CETAIENT DES HOMMES), film de F r e d Z i n n e m a n n . Scnario :
Cari Foreman. Images : Robert de Grosse. Musique : D im itri Tiomkin. Interpr
tation : Marlon Brando (Ten), Tcresa W rig h t (Ellen), Evevett Sloane (le mdecinchef). Production : Stanley Kramer - U nited Artists, 1950.
Un inconnu, Paul Dickson, ralise un
court mtrage, po ur le Centre din fo r
mation Britannique, sur la rducation
des anciens combattants mutils des
deux jambes : il est excellent. Le p r o
d u cteu r am ricain Stanley K ram er m et
en ch an tier un film sur un sujet an a
logue : les paraplgiques d e guerre. Le
sujet est crit p a r Cari Forem an et
tourn p a r F red Zinnemann. Il est p r o
bable que jamais Stanley Kramer n a
54
p ro d u it meilleur film, ni F re d Z in n e
m ann ralis oeuvre de cette sche et
pleine vigueur, ni Cari Forem an cons
tru it une histoire plus rigoureuse, p lu s
mouvante aussi. Do il suffit de
conclure que les sujets les plus dificiles,
et ceux-l mmes qui sont rputs i m
possibles, sont ceux aussi qui p o rte n t
le mieux le talent des auteurs, q u a n d
ils sont dignes du nom d'auteur. On le
savait. Mais le mrite de Ctaient des
F r e d Z im c m ati : T h e M en,
Q ue val
55
AFRICCOLOR
; KING SOLOMONS MINES (LES MINES DU ROI SALOMON), film en tech ni
color de omjptdn B e n n e t t et A n d r e w Ma r t o n . Scnario : Hlen Deutsch, daprs
le roman de H. H idder Haggard. Images ; R. Surtess. Conseillers pour le technico
lor : H enri JafTa, James Gooch. Dcors : Edw in B. Willis. Interprtation ; D eborah
K err (Elisabeth Curtis), Stew art Cranger (Allan Q uaterm ain), R ic h a rd Carlson
(John Goode), Hugo Haas (Smith). Production : Sam Zim balist - Metro-GoldviynMayer, 1951.
On imagine aisment quels dgts
peut faire dans un fdm comme Les
Mines du Roi Salomon un critique
lab ordant avec armes et bagages cri
tres dauthenticit, postulats esthti
ques, etc... Ce n'est pas, p o ur autant,
se faire lavocat du diable que de re
connatre non seulement ce quil y a
de valable (le valable seul reste bien
ple l'cran) mais plutt de spci
fiqu em ent cinm atographique dans ce
film. Il possde sans contredit cette
qualit qui nous communique une mo
tion indfinissable faite duu peu
d exaltation, d un peu dangoisse ou
d merveillement, et de beaucoup de
fascination : la fascination que la vie
exerce, sous linfinit de ses modes et
de ses formes, sur ltre vivant.
Il est des os trop faciles ronger.
Ne ratiocinons donc poin t sur un sc
nario dont le plus grand dfaut est de
laisser trop souvent brouiller l'optique
dom inante, celle de laventure, p a r des
lments trangers tels quun puril
conflit psychologique et des dialogues
oiseux o va se glisser jusqu' la psy
chanalyse...
La russite tait base sur trois l
ments : laventure, le docum entaire, le
grand spectacle. Les pripties d une
expdition dans la jungle constituent
un sujet p a r de tous les charmes de
l'aventure ltat p ur, m atire, comme
on sait, m inem ment cinm atographi
que. Analogue celui du film policier
o il a la mme origine (la chasse :
traque et afft), lintensit exception
nelle du suspense est ici favorise
p a r la menace que fait peser sur cha
que instant le m ystre de la jungle. Les
fauves rem placent avantageusement les
gangsters et ils sont plus nombreux. Il
est incontestable que lintervention
d un cobra, d'un e pa n th re ou dune
araigne venimeuse constitue un res
sort dram atique aussi puissant que p r a
tique. Et le spectateur m arche
56
L EAU
DANSE
58
T E R R E S A N S PAI X
LES DESASTRES DE LA GUERRE, film de P i e r r e K a s t , rcit cinm atogra
p hique tir des eaux fortes de Goya. Scnario : P ierre Kast. Commentaire et adap
tation musicale : Jean Grmillon. Images : Arcady. Production : Argos Films, 11)51.
Cest avec plaisir que lon constate
q uil est devenu banal d'voquer le d
veloppement, en F rance, du courtmtrage su r la peinture. Il faut se r
jouir de cette vogue et, puisque vogue
il y a et maintes fois commente
il est inutile de rev en ir sur ses origines
et d exposer p o u r la centime fois, les
dbuts dE m m er ou le coup dclat du
Van Gogh de Resnais. E ncore pourtant
faut-il observer que lexpression courtmtrage sur la p e in tu re est peu satis
faisante de mme que celle de courtmtrage d a rt ou toutes autres formu
les similaires qui laisseraient supposer
que ces iilms ont un caractre didactif
ou quelque intention de mieux faire
connatre l uvre de tel ou tel peintre.
En effet, si l on a pu croire un instant
que ces court-m trages allaient devenir
une nouvelle faon de faire de la criti
que da rt (cf. le Rubens de Storck et
Haesaerts), on s'ap ero it aujourd'hui
q uil ne tend plus nous renseigner sur
lart, mais se servir de l'art, soit pour
nous conter une anecdote (souvent celle
du p eintre lui-mme comme c est le cas
dans le Van Gogh dj cit ou dans le
Manet dAurel) soit et c est l que
nous voulions en ven ir pour expri
mer un poin t de vue personnel de l'au
teur, point de vue dont les rapports
avec la p e in tu re ou toute autre dis
cipline artistique peuvent tre trs
lointains voire inexistants.
59
m alheur : dabord
lopression int
rieure, puis linvasion trangre et avec
elle ses sinistres sequelles : la misre,
les meurtres, les supplices, la guerre
civile et au bout de l'itin ra ire , le
nant. Il y a dans le film comme un
chemin in interro m pu qui p a r t de la
prem ire image de ria n te s collines
-, suit une longue ile de m e u rtriers
et de supplicis et aboutit la dern ire
image o la cam ra pivote lentem ent
sur elle-mme p o u r nous faire lire, au
centre d'une eau-forte, le mot : Naim.
P arm i dautres mrites, cet essai a
celui de faire en quelque sorte dessiner
devant nous p a r Goya larch ty pe m ons
trueux de tous les dsastres de toutes
les guerres, de d m on trer une fois de
plus qu il n 'y a pas de guerre frache et
joyeuse; q uil n y a pas de bonne >
guerre, en aucun cas, p o u r aucune
cause; mme invitable, la guerre est
mauvaise en soi, intrinsquem ent, es
sentiellement puisque son germe est la
m ort et qu'elle accouche de squelettes
Vrits prem ires ? Hlas, oui. Mais
l'hoinme sain desprit peut-il se lasser
de les rpter ?
A lintrieur de cette porte gnrale,
ce film replace une fois de plus devant
un autre drame, le dram e espagnol,
ceux qui ont la mmoire courte, ceux
qui tendent a u jo urd hui une main sale
au sinistre mutin. Puisse ce rq uisi
toire, illustr p a r la m ain p ro p re du
gnie artistique, leur faire c o m p ren dre
quil n'y aura pas de p aix sur cette
terre, po ur personne, ta n t que psera,
sur la rude et douce pninsule, le joug
rvoltant de loppression.
T. D o n i o l - V a l c r o z e
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63
64
L
BELGIQUE '
R E V U E
D S
,
R E V U E S
S'-V-'
r; :
"
' '
RPONSES
CET AGE EST SANS PITIE. Dcidm ent c est le mois des attaques, .Pre
gardez-vous droite. Pre gardez-vous gauche . Cest VAge du Cinma, publi
cation traitanL du surralisme, qui sen p rend aux Cahiers avec une violence qui
nous, a paru; disons-le sa dcharge, plus affecte que sincre. Aprs avoir cour
toisement mis hors du coup J.B. E run iu s et Niro Frank, collaborateurs communs
aux deux revues, L'Age du Cinma sen p rend particu lirem ent votre serviteur.
Ses attaques portent essentiellement sur deux points. Le p rem ier est personnel,
j y rpondrai brivement. Les rdacteurs de. L'Age du Cinma ont de bonnes lec
tures; bien quils se gardent d en d on ner la rfrence, ils ont dcouvert grce
une excellente tude de Karel Reisz p aru e dans le N.'l de Sequence q u e 'j avais
fait un grave contresens en traduisant une dclaration du soi-disant auteur de
films W y l e r (Rcoue du Cinma n" 10 et 11).'-C'est l une correction fraternelle
que jaccepterais volontiers, bien que de seconde m ain : mon! anglais a toujours
failli, me faire coller aux examens, s'il ne s ajoutait un jugement de valeur
propos de dmocratie et pro fo nd eu r de. c h a m p qui tmoigne, dans f utilisation'
du dit article de Sequence, d une singulire conomie' intellectuelle.. Puis-je conseil
ler, aux rdacteurs de L Ag du. Cinma d faire preuve de p liis-d humotir queleurs .sources anglaises au lieu de m'en attribuer contre-temps.
Le second^ argument est plus im portant car if intresse lorientation rdaction-,
nelle gnrale des Cahiers. Mon article sur Le -Journal, d un- Cur de campagne
illustrerait une obscure entreprise de goupillonnage critique. Cest tout juste Si
lon ne nous accuse pas detre pays p a r le Vatican (d'autres d iront sans doute p a r
Moscou ou Washington). E ncore que je . suis convaincu que -LAge du Cinma
ne p re n n e pas au srieux cettc comique insinuation, elle me fournit le prtexte
une mise au point.
L indpendance intellectuelle, philosophique et politique de cettc revue est
totale. Mais indpendance ne signifie pas que nous devions aligner tous nos, arti-
63
69
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des. v o y a g e s T r i u m p h Tours, se ra
h e u r e u x d vo u s a i d e r d a n s .ious
vos d p l a c e m e n t s en vous p r o c u
rant
au . t a r i f
o ffic ie l
vos
b ille t s
d ' a v i o n , d e c h e m in s d e " f e r , d e
p a s s a g e s m a r it i m e s , a in s i q u e vos
. r s e r v a i io ns d ' h t e ls , en F ra n c e '
e t 6 l' tra n g e r. Vos o rd re s p a r
t l p h o n e
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