Fiancee Bien Malgre Elle
Fiancee Bien Malgre Elle
Fiancee Bien Malgre Elle
Jenna et Jessie Taggert se ressemblent tellement que, depuis l’enfance, elles ont pris l’habitude
de se faire passer l’une pour l’autre. Pourtant, Jessie est un peu ennuyée lorsque sa jumelle lui
demande d’aller essayer sa robe de mariée à sa place! Affolée par l'imminence de son mariage et
doutant soudain de son - amour pour son futur mari, le séduisant Mac McKenna, elle s’est
absentée quelque temps pour réfléchir à sa vie.
Une situation des plus embarrassantes pour Jessie, qui accepte néanmoins d’endosser le rôle de
sa sœur...
Prologue
- Monsieur McKenna, vous savez que ça porte malheur voir la robe de la mariée avant le mariage ! protesta la
vendeuse parée de perles.
Il eut beau lancer un regard furieux en direction de la jeune femme, celle-ci, bien que menue, lui
bloquait l'accès, sans ciller, ni bouger.
- Êtes-vous sûr de ne pas vouloir patienter dans la salle d'attente? insista-t-elle.
Mac secoua la tête. Il n'avait nullement l'intention de passer une minute de plus que nécessaire dans le hall
d'accueil de Brennan, la boutique de robes de mariées préférée de tout le gratin de Dallas.
- Nous ne sommes pas du genre superstitieux.
Par ailleurs, c'était à la demande expresse de Jenna qu'il était venu admirer la robe de mariée. Pour une raison qu'il
ignorait, Jenna, d'habitude si indépendante et sûre d'elle, était devenue très incertaine depuis qu'il l'avait
demandée en mariage, il y a deux mois.
- Comme vous voudrez. Suivez-moi. Mlle Taggert est dans la cabine une.
Marchant sur les talons de la jeune femme, il pénétra dans la pièce et se campa à côté du divan, certain qu'il ne
resterait pas suffisamment longtemps pour avoir besoin de s'asseoir. Drapée de satin et de dentelles de couleur
crème, Jenna se tenait sur une plate-forme surélevée devant un miroir à trois faces.
Elle était superbe, comme toujours. Son maquillage était impeccable et pas un de ses longs cheveux blonds ne
s'échappait de sa coiffure parfaite. Seul indice de son trouble: une moue remplaçait son sourire habituel.
- Es-tu sûr que c'est la robe qu'il me faut, Mac?
- C'est toi qui vois, Jenna, mais je trouve celle-ci très bien.
Mac regarda sa montre et réprima un mouvement d'impatience. Il pensait que Jenna avait déjà fait son choix, et
qu'elle voulait juste son assentiment. Elle savait mieux que quiconque que ses clients comptaient sur lui et qu'il
se donnait à cent dix pour cent pour gagner une affaire dans une salle d'audience. Il n'avait pas de temps à perdre.
- Vous voulez bien nous laisser une minute? demanda-t-il à la vendeuse.
Elle hocha la tête et disparut. Mac s'approcha de sa fiancée.
- Si j'en suis arrivé là où j'en suis maintenant, c'est grâce à mon obstination à traquer les médecins et les
hôpitaux négligents, lui dit-il en mettant ses mains sur ses épaules. Choisis la robe que tu préfères et rejoins-moi
au bureau. Nous devons monter un dossier en béton contre ce médecin dont l'incompétence a failli coûter la vie à
la fille des Carroll.
- Tu as raison, répondit Jenna, avant de rappeler la vendeuse qui réapparut instantanément, Apportez-moi les
cinq autres robes que j'ai sélectionnées la semaine dernière et faites vite s'il vous plaît.
Jenna embrassa Mac sur la joue.
- Vas-y. Je te rejoins, dès que j'ai fini. Promis.
Mac ne se fit pas prier et sortit rapidement, contrarié par l'aller-retour inutile jusqu'à la boutique et toujours
perplexe face au comportement inhabituel de Jenna.
Trois mois plus tôt, quand il lui avait proposé de la prendre comme associée dans son cabinet en récompense
de son dévouement professionnel, elle avait rapidement accepté. Et elle l'avait surpris en lui faisant une
proposition à son tour.
- Pourquoi ne pas faire progresser notre association d'un pas de plus? avait-elle suggéré non sans audace.
Ils étaient aussi intelligents et ambitieux l'un que l'autre. Pourquoi ne pas sortir ensemble et voir si leur
partenariat serait aussi parfait en dehors du cabinet ? Où trouverait-il de toute façon une femme capable
d'accepter les longues soirées qu'il consacrait à travailler pour que les médecins, les hôpitaux et les compagnies
d'assurances soient tenus pour responsables de leurs erreurs ? Indépendamment, Jenna et lui pouvaient faire de
grandes choses, mais ensemble, plus rien ne les arrêterait !
Il secoua la tête et sourit. Jenna était la femme parfaite pour lui. L'organisatrice du mariage - payée à prix d'or
- et elle avaient tout sous contrôle et ne laisseraient rien au hasard. Aucune stupide superstition ne pourrait
prendre le pas sur la logique.
Jessie Taggert chercha son maillot dans son casier de la salle de gym. Elle était impatiente de pouvoir enfin
se plonger dans un bain à remous bien mérité, après une séance d’entraînement intensive.
Une sonnerie qu'elle ne connaissait pas s'éleva de son sac de sport. Confuse, elle fronça les sourcils, tout en
attrapant son téléphone portable. Lorsqu'elle comprit que sa sœur jumelle avait une fois de plus modifié sa sonnerie,
elle sourit. C'était une blague qu'elle lui faisait régulièrement.
- Allô?
- Jessie ! Dieu merci, j'ai réussi à te joindre !
Le cœur de Jessie se serra. Sa sœur semblait affolée et elle n'était pourtant pas du genre à paniquer facilement.
- Qu'est-ce qui ne va pas ?
- Tout. Ou plutôt rien. Enfin, j'ai besoin de ton aide.
- Jenna, je suis en vacances ! Tu ne peux pas t'adresser à quelqu'un d'autre ?
Jessie adorait son travail d'institutrice, mais les vacances d'été devenaient de plus en plus courtes tous les ans,
pour les enseignants comme pour les élèves.
- Pas cette fois. J'ai dû m'absenter de la ville. Je serai rentrée demain matin, mais je ne vais pas pouvoir
aller au dernier essayage de ma robe de mariée aujourd'hui. Nous sommes de la même taille et comme tout le
monde nous confond, personne ne remarquera la différence.
- Mais ça ne fait que deux mois que tu as acheté la robe. Tu es sûre d'avoir réellement besoin de faire un
autre essayage?
- C'est la politique de la maison de couture. Est-ce que tu pourrais y être pour midi ? Je t'en prie, Jessie.
Mon mariage est dans sept jours. Je le ferais, moi, si tu me le demandais.
Jessie ne pouvait la contredire sur ce point. Elles étaient très différentes pour deux sœurs jumelles, mais
elles avaient toujours été là l'une pour l'autre.
- Je croyais que tu voulais prendre un congé toute la semaine, justement pour te consacrer aux préparatifs
de ton mariage?
- Oui, c'est ce que je voulais. Mais il m'est arrivé quelque chose d'imprévu. Et encore une chose: tu ne
dois dire à absolument personne, et surtout pas à Mac, que j'ai quitté la ville.
- Mais tu n'es pas en voyage professionnel ?
Pour quelle autre raison, son ambitieuse sœur jumelle aurait-elle quitté la ville une semaine avant de se marier
avec un séduisant avocat, tout aussi carriériste qu'elle?
- Je t'expliquerai plus tard. Promets-moi.
- Très bien, je te le promets, mais ...
- Merci sœurette !
Jessie ne prit pas la peine de protester. Elle savait depuis longtemps que sa sœur, âgée de deux minutes de
plus qu'elle, obtenait généralement tout ce qu'elle voulait. Jenna avait toujours eu le goût des intrigues, mais
de là à faire des mystères une semaine avant son mariage?
Jessie raccrocha et remit le téléphone dans son sac, déçue de devoir renoncer à son bain relaxant et à une
séance au sauna pour une petite douche rapide. Mais au moins, c'était pour la bonne cause.
Depuis ses fiançailles avec Mac McKenna, Jenna était encore plus occupée qu'avant, mais elle semblait
heureuse. Elle déclarait fièrement que Mac avait fini par trouver son double. Il voulait rester le meilleur avocat
de Dallas, celui qui gagnait les cas les plus controversés. Quant à elle, elle ambitionnait une carrière tout aussi
remarquable.
Ils avaient commencé à chercher une maison. Il ne faisait aucun doute qu'ils allaient embaucher du
personnel pour s'occuper des travaux domestiques, de la pelouse et de la piscine. Ils pourraient ainsi consacrer
tout leur temps et leur énergie à leur carrière d'avocat. Aucun des deux ne souhaitait avoir d'enfants pour ne
pas compromettre leur avenir professionnel. Ils étaient faits l'un pour l'autre.
Jessie ne pouvait imaginer de vie plus vide, mais cela ne la regardait pas. Après avoir pris sa douche, elle se
dépêcherait de parcourir les quelque trente kilomètres qui la séparaient du centre de Dallas. Jenna allait lui
devoir une fière chandelle de lui avoir rendu un tel service.
Jessie entra précipitamment dans la boutique Brennan. Des femmes de tous styles, habillées en Pradaeten
Gucci, paradaient dans la pièce. Quelques clientes portaient même leurs animaux de compagnie dans des sacs
de créateurs.
Soudain, Jessie se sentit gênée dans sa tenue de jogging simple, les cheveux attachés en queue-de-cheval et
sans aucun maquillage. Elle parcourut la pièce des yeux pour repérer la« femme aux perles », ainsi que Jenna
lui avait décrit la vendeuse qui avait l'habitude de la conseiller.
Une femme de petite taille, parée de perles, apparut brusquement et examina Jessie par-dessus ses lunettes.
- Mademoiselle Taggert, j'ai bien failli ne pas vous reconnaître.
Le regard insistant de la vendeuse sur ses tennis bon marché mit Jessie mal à l'aise.
- J'ai eu un imprévu de dernière minute, alors j'avais le choix entre changer l'horaire de mon rendez-vous
ou venir dans cette tenue.
- Ce sont des choses qui arrivent... Et comme votre mariage est la semaine prochaine, vous avez pris la
bonne décision. J'ai une cabine disponible qui vous est réservée. Si vous voulez bien me suivre.
La vendeuse s'avança dans un étroit couloir au sol recouvert d'une épaisse moquette de couleur crème.
- J'ai vérifié à deux reprises que le couturier avait bien effectué les retouches au niveau de la taille,
conformément à ce que vous aviez demandé. J'espère que vous en serez satisfaite car nous n'avons vraiment plus
beaucoup de temps.
- Je suis sûre que ce sera parfait, répondit Jessie avec un sourire chaleureux.
S'arrêtant devant la première porte, la vendeuse lança un regard perplexe à Jessie et lui fit signe d'entrer.
Elle pénétra alors dans une pièce spacieuse, meublée d'un canapé, d'un énorme miroir à trois faces et d'une plate-
forme surélevée circulaire, placée juste devant.
Une robe destinée à attirer tous les regards était suspendue à côté d'un peignoir blanc pelucheux. Juste en
dessous, se trouvait une paire d'escarpins blanc cassé en satin, teints pour être assortis à la robe.
Jessie fronça les sourcils. La simplicité et l'élégance n'étaient donc plus de rigueur, songea-t-elle.
- Mademoiselle Taggert, quelque chose ne va pas avec la robe?
- Non,bien sûr que non,répondit-elle en s'efforçant de sourire. Je vais la passer et je ne vous embêterai pas
longtemps.
- Parfait ! Laissez-moi vous aider ...
- Merci, mais je peux me débrouiller seule.
Après un antre regard étrange, la vendeuse sortit à contrecœur.
Jessie enfila la sublime robe. Pour autant qu'elle puisse dire, elle semblait être parfaitement ajustée, épousant
les formes de son corps par endroits et s'évasant à d'autres. Jessie vérifia sa montre. Avec un peu de chance, d'ici
dix minutes, quinze tout au plus, elle serait hors de cette boutique.
- Jenna, tu es là-dedans? Il faut que je te parle.
Mac ! Elle n'avait rencontré qu'une seule fois le fiancé de sa sœur, mais elle aurait reconnu sa voix profonde et
sexy entre mille.
- Je suis assez occupée actuellement, Mac, répondit-elle en se demandant ce qu'il pouvait bien faire dans un
magasin de robes de mariées. Je préférerais qu'on se voie plus tard.
- C'est important. insista-t-il
Mon Dieu! Qu'allait-elle bien pouvoir faire ?
- Mais tu ne peux pas me voir dans ma robe avant le mariage.
- Je sais que quelque chose ne va pas, affirma-t-il d'une voix qui semblait plus proche. Je t'ai vue dedans il
y a des semaines de cela. Qu'est-ce qui se passe?
Pourquoi diable sa sœur n'était-elle pas une future mariée un peu plus conventionnelle et superstitieuse ?
- Mais c'était avant les retouches que j'ai demandées. Je veux que ce soit une surprise.
- Oublie la robe. Nous devons parler. Maintenant.
Jessie fut prise d'une nausée familière. Son estomac sensible réagissait toujours ainsi face aux situations de
stress. Elle devait trouver une raison pour garder Mac hors de la pièce. Jenna ne se rendait jamais nulle part
sans être maquillée et parfaitement coiffée.
-Tu n'as pas répondu à mes appels, Jenna. J'essaie de te joindre depuis hier, c'est-à-dire depuis que tu
as manqué ton rendez-vous pour prendre une déposition dans l'affaire Grant. J'ai dû envoyer Adam à ta place.
La panique céda la place à l'inquiétude. Jenna faisait toujours passer son travail avant tout le reste. Quelque
chose n'allait pas, mais Jessie ne pouvait pas poser la question à Mac. Elle avait promis à sa sœur de ne pas
lui révéler son absence. Elle devait parler à Jenna, Mais tout d'abord, il fallait qu'elle se débarrasse de l'avocat
tenace, qui réaliserait qu'elle n'était pas sa fiancée en voyant son visage non maquillé.
- Très bien, Mac. Mais je dois d'abord voir la vendeuse. Tu veux bien aller la chercher et me l'envoyer?
La demande de Jessie fut suivie d'un silence.
Qu'allait-elle faire s'il décidait de faire irruption dans la pièce? Après tout, elle ne connaissait que très peu le
fiancé de sa sœur. Elle l'avait rencontré une seule fois il y a quelques semaines de cela, à La Chambre Verte,
au cours de la soirée qu'elle avait organisée en l'honneur des futurs mariés.
Il avait gardé son bras autour de la taille ou des épaules de sa fiancée toute la soirée. C'était là un signe
d'affection évident mais Jessie n'avait pas été convaincue. Quelque chose clochait dans leur couple mais elle
ne savait pas quoi et cela l'inquiétait
- Fais vite, Jenna, la prévint Mac.
La vendeuse se précipita dans la pièce et Jessie referma la porte derrière elle.
- J'ai besoin de votre aide.
- Quelque chose ne va pas avec la robe ?
Jessie secoua la tête.
- La robe est splendide. Mais je ne peux pas laisser mon fiancé me voir dans l'état où je suis. Auriez-vous
du maquillage à me prêter?
Le sourire entendu de la femme était un peu accusateur. Aucune femme qui se respectait ne devait quitter
son domicile sans paraître à son avantage.
- Ne vous inquiétez pas, je reviens tout de suite.
Jessie en profita pour arranger ses cheveux en un élégant chignon. Quand elles étaient enfants, les deux sœurs
intervertissaient souvent leur identité pour se protéger l'une l'autre en cas de besoin. Alors que Jenna prenait la
supercherie pour un jeu, Jessie se rendait malade et finissait généralement par devoir prendre un cachet.
Maintenant qu'elle était adulte, son estomac réagissait encore plus difficilement aux situations de stress.
- Elle n'en a que pour une minute, monsieur McKenna, certifia la vendeuse par-dessus son épaule
avant de rentrer de nouveau dans la pièce et de refermer la porte derrière elle. Vous devriez vous dépêcher
mademoiselle Taggert. Il est en train d'user la moquette à force de faire les cent pas.
Elle lui tendit un petit sac noir en vinyle et ajouta :
- Mon maquillage devrait faire l'affaire. Nous avons à peu près la même teinte de peau.
Jessie ne put s'empêcher de la serrer dans ses bras.
- Vous êtes un ange. Merci !
Fouillant dans les produits de maquillage, elle sortit un correcteur, décidée à faire de son mieux, malgré son
manque de pratique en la matière. Jessie essaya d'appliquer du mascara sur ses cils mais elle ne fut pas étonnée
de voir sa main trembler.
La femme aux perles esquissa un sourire.
- Cela arrive tout le temps. Puis-je vous aider ? A trembler ainsi, vous allez finir par vous enlaidir.
Jessie laissa volontiers son ange gardien se charger de son changement de look impromptu, tandis qu'elle
réfléchissait à son plus gros problème, à savoir réussir à duper Mac. Elle arriverait très certainement à jouer le
jeu pendant un si bref laps de temps.
Quelques minutes plus tard, sa coiffure et son maquillage étaient impeccables. Elle se sentait prête à affronter
l'homme qui se tenait de l'autre côté de la porte et qui avait traversé la ville pour obtenir des réponses à ses
questions. Des réponses qu'elle n'avait cependant pas.
Après avoir remercié chaleureusement la vendeuse, elle la pria de la laisser seule. Demain, une fois sa sœur
rentrée, la vie reprendrait son cours normal. Une vie calme et sans surprise, comme Jessie l'aimait,
- Que le spectacle commence, murmura-t-elle avant d'ouvrir la porte.
Sourcils froncés, Mac marchait déjà à sa rencontre.
Son beau visage hâlé avait une expression contrariée et sa mâchoire volontaire révélait qu'il était en mission et
qu'il venait d'atteindre son but.
Jessie fit un pas en arrière et lui lança ce qu'elle espérait être un sourire sexy, tout en levant une main pour
l'arrêter.
- Ne t'approche pas plus, Mac. Cette robe coûte une fortune et je ne veux pas risquer qu'une des perles ne
se découse.
Elle voulait éviter à tout prix un contact physique entre eux. Elle se sentait déjà assez mal de devoir le
tromper de la sorte. Comme s'il n'avait pas entendu ou qu'il n'en avait cure, il referma la porte derrière lui et
s'avança vers elle. Elle remarqua alors les éclats d'or qui brillaient dans ses yeux bruns, lui rappelant des
morceaux de chocolat noir entourés de caramel. Quant à son parfum, il lui faisait penser à des voitures de
sport, des mains expertes et de langoureux baisers.
- Je paierai pour les retouches, s'il le faut.
Mac posa ses mains sur ses épaules. Une chaleur incroyable se diffusa dans le corps de Jessie. Il dégageait
une telle intensité qu'elle avait l'impression que l'air se vidait peu à peu de la pièce.
- Jenna, qu'est-ce qui ne va pas ?
Les mains puissantes la guidèrent vers le canapé, à quelques pas du miroir à trois faces, et l'aidèrent à s'asseoir.
- Tu n'es pas malade au moins ? lui demanda Mac, tout en s'asseyant à ses côtés.
- N ... non. Je suis juste crevée, je crois.
Prenant ses deux mains dans les siennes, il étudia son visage pendant ce qui parut à Jessie des heures, Ce
contact innocent la troubla au point qu'elle commença à avoir les jambes en coton. Dieu merci, elle était déjà
assise.
Jessie maudit son corps de réagir de la sorte face à Mac. Il n'était même pas son genre ! Les hommes
bourreaux de travail, autoritaires et réfractaires à l'idée de devenir père, ne l'intéressaient nullement. Par
ailleurs, un ténor du barreau tel que Mac ne serait jamais impressionné par une femme passionnée par
l'enseignement et qui préférait aller bêcher son jardin plutôt que d'assister à un cocktail mondain.
Rien de tout cela n'avait d'importance de toute façon. Mac était le fiancé de sa sœur. Point final.
- Tu n'es jamais crevée, Jenna
Jessie releva brusquement le menton, comme le ferait sans doute sa sœur.
- Eh bien, c'est mon premier mariage! J'en ai bien le droit.
- Très bien. Mais cela n'explique pas pourquoi tu as raté ton rendez-vous d'hier ni pourquoi tu ne m'as pas
rappelé.
Jenna s'était arrangée pour prendre toute la semaine suivante afin de se concentrer sur l'organisation du
mariage. Cela ne lui ressemblait pas de commencer ses vacances avant d'avoir terminé le travail qu'elle avait en
cours. Qu'est-ce qu'elle pouvait bien mijoter ?
- Je suis sincèrement désolée, Mac, d'avoir fait faux bond à la boite. Cela n'arrivera plus. J'avais juste
besoin de temps pour moi et j'ai débranché tous mes téléphones. Toute cette histoire de mariage me rend un peu
dingue.
- Mais pourquoi ? Tu as engagé la meilleure organisatrice de mariage de Dallas. Toutes les décisions ont
déjà été prises. Et tu es en vacances toute la semaine prochaine pour finaliser la préparation de la réception.
Elle sentit qu'il commençait à perdre patience.
- Je ne peux pas l'expliquer, Mac. Il faut juste que tu acceptes que je vais probablement me faire discrète
jusqu'à ce que tout ceci soit passé. Je ne serai probablement pas tout à fait moi-même ces jours-ci.
- Vu que tu as réglé toutes tes affaires en cours au bureau, je ne vois aucun problème à ce que tu commences
à te reposer dès lundi. Cela ne te ressemble pas d'oublier et encore moins de bouder une séance photo, comme
le dîner de charité de ce soir ou encore le repas prévu avec ta famille demain.
Le repas obligatoire avec ses parents ne poserait pas de problème. Sa sœur serait rentrée d'ici là Mais
comment Jenna, qui ne vivait que pour la renommée, avait-elle pu oublier la soirée organisée eu faveur de la
recherche sur les maladies infantiles? Ce devait être l'événement social de l'année, et c'était ce soir, qui plus
est!
Elle devait téléphoner à Jenna et lui rappeler le dîner de charité de ce soir. Elle insisterait pour qu'elle rentre à
la maison, sur-le-champ. Pour l'heure, elle s'obligea à sourire tandis que son esprit fonctionnait à toute allure,
cherchant une explication plausible pour justifier son trou de mémoire. Mac serait bien évidemment surpris si sa
fiancée avait oublié une telle opportunité de pouvoir rencontrer des gens riches et célèbres qui, espérait-elle,
feraient bientôt partie de sa liste de clients.
- J'imagine que je suis encore plus fatiguée que ce que je croyais. J'ai totalement oublié le dîner de ce soir
et j'ai présumé que tu savais que de toute façon il était impossible d'échapper au repas dominical chez mes
parents.
- Je n'avais jamais vu ce côté de toi, auparavant.
- C'est sûrement l'effet que provoque le mariage sur les femmes,
- Est-ce que tu regrettes de m'avoir dit que tu voulais t'occuper toute seule du mariage pour que je puisse
continuer à travailler jusqu'à la dernière minute ?
Jessie n'aurait pas pu dire ce qui l'attristait le plus, entre le fait qu'il ne manifestait pas le moindre int érêt pour
l'organisation de son propre mariage et celui que sa sœur préférait qu'il en soit ainsi.
- Non; non, absolument-pas, Tu ne réussirais qu'à nous-gêner,
Il sourit mais semblait toujours préoccupé,
- A la bonne heure ! Tu parles comme l'ancienne Jenna de nouveau. Tu avais raison, Nous formons
effectivement une très bonne équipe, en partie parce que nous sommes aussi déterminés l'un que l'autre.
Mac lança un coup d'œil rapide à sa montre et se leva brusquement
- Je dois retourner an bureau. Je passe te chercher à20heures.
Mon Dieu, le dîner de charité ! Si Jenna persistait à ne pas répondre au téléphone quand cela l'arranger, Jessie
n'aurait pas d'autre solution que de continuer à jouer la comédie pour la soirée. Et elle n'avait pas la moindre
idée de quelle tenue serait la plus appropriée pour un tel dîner, alors que sa sœur l'aurait su d'instinct.
- Quel costume comptes-tu porter ? Je ne voudrais pas qu'on soit trop dépareillés,
- Mon Armani bleu foncé, répondit-il avant de poser distraitement ses lèvres sur sa joue.
Il pensait visiblement à un travail qui l'attendait sur son bureau. Pressé de partir, il quitta la pièce et disparut
dans le couloir.
Jessie referma la porte derrière lui. Il ne lui restait plus que sept heures avant le début de la soirée. Elle se
dépêcha d'enlever la robe et se précipita sur son téléphone pour appeler Jenna, Répondeur. Ce n'était pas bon
signe. Jessie laissa un message,implorant Jenna de la rappeler immédiatement et lui rappelant le dîner de ce
soir,
- Puis-je vous être utile pour quoi que ce soit d'autre, mademoiselle Taggert ?
- Non. Je suis prête. Merci.
Prête pour un désastre si sa sœur restait joignable et hors de la ville. Mieux valait se préparer au pire. Cela
signifiait qu'elle avait sept heures pour trouver un moyen de réussir à transformer la simple Jessie en
somptueuse Jenna.
2
- J'ai un mauvais pressentiment pour ce soir.
Jessie s'assit sur le petit banc, devant le miroir de la salle de bains de sa sœur. Ses deux meilleures amies,
Carla et Dana, l'entouraient, chacune d'un côté.
- Pense à des choses positives, lui intima Carla. Et arrête de plisser le front.Tu vas avoir des rides.
Jessie saisit une canette de soda devant elle et s'efforça de l'ouvrir. Mais elle se ravisa de peur d’abîmer le
vernis fraîchement posé sur ses ongles. Elle commençait déjà à avoir l'impression d'être une autre personne
et elle n'aimait pas ça du tout.
Dana prit la canette, l'ouvrit et la tendit obligeamment à Jessie.
- Merci, Dana, fit Jessie. Comment Jenna - ou qui que ce soit d'autre par la même occasion fait-elle
pour réussir à garder des ongles si longs? Je n'arrive même pas à ouvrir une canette de soda avec ces trucs.
- Jessie, chérie, soupira Carla en secouant la tête. Tu ne vois décidément pas tous les avantages qu'il y a
à être une vraie séductrice.
Menue et plantureuse, avec de longs cheveux blonds, Carla était l'incarnation d'un certain idéal féminin qui
lui avait valu son titre de débutante de Dallas. Mais elle avait tendance à se déprécier. Elle se montrait
généreuse à l'extrême, ce qui faisait d'elle une voisine très appréciable et une amie encore plus précieuse.
- Les hommes tomberont à tes pieds et feront tout ce que tu leur demandes, que ce soit ouvrir une canette
ou une porte. Mais la séduction est autant une question d'attitude que d'apparence.
- Et je suis sure que tu vas t'habituer aux ongles, la réconforta Dana, sa collègue enseignante qui se
trouvait être aussi une très mauvaise menteuse.
- En seulement deux heures ? J'en doute. Comme Jenna refuse toujours de me rappeler, ce ne serait que
justice que je dise toute la vérité à Mac.
- Effectivement, mais tu ne le feras pas, la gronda Carla. Tu as fait une promesse et par ailleurs, c'est ta
sœur, et entre membres de la même famille, on doit se serrer les coudes.
- Sœur ou pas, à la minute où je saurai qu'elle va bien, je l'étranglerai de m'avoir mise dans une situation
pareille. Dieu merci, vous étiez là toutes les deux. Je ne m'en serais jamais sortie sans votre aide.
Carla avait réussi à obtenir un rendez-vous de dernière minute chez son manucure et Dana, qui avait payé ses
études en travaillant comme coiffeuse, lui avait arrangé les cheveux en un élégant chignon.
Les trois jeunes femmes s'étaient retrouvées au loft de Jenna, dans le centre-ville, car elles avaient besoin de son
maquillage et de ses vêtements. Et, c'était là que Mac devait passer chercher Jessie pour la soirée.
Tout l'après-midi, Jessie avait gardé son téléphone portable allumé et à portée de main, priant silencieusement
pour que Jenna la rappelle et lui annonce qu'elle était en ville et prête à reprendre son ancienne vie.
- Crois-moi, c'est bien plus amusant que de faire la lessive, ce que je fais en général le samedi, la rassura
Dana, tout en examinant le contenu d'un panier rempli d'échantillons de savons et de lotions. Dis-moi, ce ne
serait pas la bagne de fiançailles de Jenna?
Carla regarda, prit la bagne et la leva en l'air pour qu'elles puissent tontes la contempler. Le diamant, énorme et
pur, scintillait sous les lumières.
- Effectivement. Mais pourquoi ne la porte-t-elle pas ?
Dana ouvrit des yeux ronds.
- Elle devait savoir qu'elle ne rentrerait pas à temps pour la soirée et que Jessie en aurait besoin pour faire
illusion.
Jessie sentit son estomac protester à la possibilité que Jenna avait prévu de ne pas se rendre à son essayage et à
la soirée. Et qu'elle avait sciemment piégé sa propre sœur pour qu'elle prenne part à cette comédie qui la mettait si
mal à l'aise.
- D'après Mac, Jenna s'est comportée bizarrement toute la semaine. Mais elle ne m'a rien dit.
Jessie aurait bien aimé savoir si sa sœur était juste sujette à une sérieuse crise de doute ou si elle avait de graves
problèmes. A moins qu'il ne s'agisse d'autre chose .
- Les jumeaux n'ont-ils pas des connexions spéciales entre eux ? demanda Carla, pensive. Tu sais, comme
une sorte de lien qui permet de savoir ce que l'autre pense ou ressent ?
Jessie hocha la tête.
- J'ai déjà été confrontée à ce type d'expérience, mais ce n'est pas si simple.
Quand elles étaient plus jeunes, Jenna et elle avaient été en position de rivalité pour-gagner l'attention de leurs
parents. Adolescentes, elles ressentaient tellement le besoin d'être considérées comme deux individus distincts,
que cela les avait empêchées d'être très proches, comme le sont d'habitude les jumeaux.
- Je pense que je saurais si elle était réellement en danger, ajouta Jessie. Mais tout ce que j'ai perçu, la-
dernière fois que je l'ai eue au téléphone, c'était qu'elle était sous pression.
- Le fait que vous soyez si différentes n'arrange probablement pas les choses. Tu ne choisirais jamais une
pierre pareille pour ta bague de fiançailles. Ta maison est chaleureuse et, bien que cet endroit soit
magnifique..., ajouta Carla en laissant sa phrase en suspens tandis qu'elle examinait les appliques en chrome
dernier cri, il est un peu ...
- Froid et prétentieux ? suggéra Dana en s'appuyant sur la coiffeuse eu marbre vert.
- Pas du tout, protesta Carla. J'allais dire moderne.
- Restons concentrées mesdames, implora Jessie. C'est justement parce que nous sommes si différentes, ma
sœur et moi, que je suis anxieuse.
-.. Jessie, chérie, je ne veux pas ajouter encore à tes soucis, mais as-tu pensé à ce qui risquait de se passer
après le dîner ? Soyons réalistes. Jenna et toi, vous ne gérez pas du tout vos relations de la même manière. Toi,
tu aimes prendre ton temps pour connaître la personne alors que Jenna est plus, comment dire ... aventureuse.
Mac et elle dorment probablement ensemble, tu ne crois pas ?
Jessie sentit un malaise la gagner. Elle s'inquiétait à propos de choses mineures comme ses ongles ou son
maquillage alors qu'il restait un problème beaucoup plus gros à résoudre.
- Mon Dieu! C'est vrai. Enfin, elle ne m'en a jamais parlé, ce qui est étonnant de sa part. Toujours est-il que
tu as sûrement raison. Qu'est-ce que je vais faire?
Dana posa une main réconfortante sur les épaules de Jessie.
- Avec ton estomac capricieux; d'ici la fin de la soirée tu seras très probablement malade et tu n'auras pas à
feindre une sérieuse indisposition.
Jessie gémit à cette perspective et espéra qu'elle avait suffisamment de cachets dans son sac.
- Je sais bien que tout semble indiquer que Jenna t'a piégée et menti, reconnut Carla. Mais tu es la
première à me dire de ne pas tirer de conclusions trop hâtives avant d'avoir tous les éléments en main.
Carla prit doucement le menton de Jessie dans sa main et tourna son visage pour qu'elle se retrouve face au
miroir.
- Jessie, même si parfois Jenna te rend folle, elle n'en reste pas moins ta sœur et elle compte sut toi. Tu dois
juste jouer le jeu pendant quelques heures et je ne pense pas que tu aies à t'inquiéter d'avoir à ouvrir des
canettes de soda au cours d'un dîner de charité huppé. Et tu as plusieurs excuses toutes trouvées pour la suite :
une migraine, des crampes d'estomac. A moins d'être un goujat, il ne devrait pas insister pour passer la nuit
avec toi, tu ne penses pas?
Jessie s'efforça de sourire, tout en maudissant le fait que son amie sache l'importance qu'elle accordait à la
famille.
- Oui, tu as raison.
- Évidemment, conclut Carla avec un large sourire. Maintenant, mets vite cette bague avant d'oublier.
Quelles que soient les raisons qui avaient décidé sa sœur à ne pas prendre sa bague de fiançailles avec elle,
Jessie n'avait pas le choix. Au moment où elle mit la bague de trois carats à son doigt, un sentiment de panique
l'envahit. Aucune des farces qu'elles avaient faites par le passé en intervertissant leur identité n'avait pris de
telles proportions.
Mais Jessie ne pouvait cependant pas laisser tomber sa sœur.
- Je vais t'aider avec le maquillage, Jess. Dana, tu lui choisis une tenue, quelque chose de chic. Et essaie de
trouver une robe longue pour qu'elle n'ait pas à se préoccuper des collants.
Dana acquiesça de la tête et se précipita dans le dressing,
- Eh bien! s'exclama-t-elle, fascinée. J'ai l'impression d'être au paradis de la hante couture. Crois-moi,
Jessie, Mac va tomber à la renverse quand il te verra.
Jessie faisait entièrement confiance à ses amies pour réussir sa transformation physique en Jenna, mais elle
avait de gros doutes quant à sa propre capacité à faire illusion si, comme Carla le prétendait, la séduction était
surtout une question d’attitude.
Mac eut une sorte de pressentiment au moment où il appuya sur la sonnette de l'appartement de Jenna. Qui
allait-il trouver ce soir ? L'ancienne Jenna, sûre d'elle et audacieuse, ou la nouvelle, hésitante et vulnérable ?
Il n'aimait pas que sa routine soit ainsi perturbée.
Pour la première fois de sa vie, il avait eu du mal à se concentrer sur son travail, après être rentré de la
boutique de robes de mariées. Il ne cessait de repenser à la réaction qu'il avait eu, au moment où Jenna lui avait
confié se sentir dépassée par l'organisation du mariage. Instantanément, un mystérieux besoin de la protéger
s'était emparé de lui, le troublant au point qu'il avait dû sortir précipitamment du magasin. Malheureusement,
tout ce qu'il avait réussi à faire cet après-midi était d'empiler soigneusement les dossiers sur son bureau et de
lire trois fois la même lettre, sans qu'aucun des mots ne rentre dans son esprit embrumé.
Il entendit un juron étouffé et la porte s'ouvrît, Jenna triturait nerveusement ses mains, mais au moins elle était
habillée et aussi rayonnante que d'habitude. Son inquiétude céda peu à peu la place au soulagement,
- Tu es radieuse, comme toujours, Jenna, lui dit-il en l'attirant à lui et en l'embrassant sur la joue.
Elle le repoussa gentiment et éclata de rire.
- Je suis bien obligée, sinon tout le monde aura les yeux rivé sur toi!
- Aucun risque, avec toi dans la pièce.
Mac aurait juré voir les joues de Jenna s'empourprer légèrement, mais rejeta cette idée. Elle n'était pas du
genre à être embarrassée facilement. Ce devait être la lumière.
- C'est réglé alors, Mac. Nous sommes tous les deux superbes !
Son sourire avait l'air forcé. Elle saisit son sac à main sur le bout de la table et le plaqua coutre son estomac,
comme si la minuscule pochette pouvait lui servir de bouclier. Mais de quoi ou de qui se protégeait-elle? Jenna
n'avait peur de personne et n'était certainement pas le type de femme à rougir pour un rien. Mac mit tout cela
sur le compte de la lumière ou de la fatigue.
- Prêt ? demanda-t-elle.
- Je suis toujours prêt pour toi, Jenna, répondit-il comme à son habitude, en lui faisant un clin d'œil
entendu, anticipant déjà une de ses répliques désinvoltes.
Mais à la place, la jeune femme piqua un fard. Il ne pouvait plus nier que Jenna était différente aujourd'hui.
Leurs plaisanteries habituelles n'avaient jamais provoqué de réaction chez elle auparavant, même à l'époque où
ils se taquinaient mutuellement par des allusions coquines.
Son comportement étrange signifiait-il qu'elle avait des doutes sur le fait de vouloir se marier? songea-t-il.
Il se reprit intérieurement. Jenna était le genre de femme qui savait ce qu'elle voulait et qui l'obtenait. C'était
même un trait de caractère qu'il admirait chez elle. Elle serait la dernière personne à remettre en question ses
décisions.
- Allons-y, répliqua finalement Jenna. Nous ne voulons pas faire attendre les caméras.
Les bons mots sortaient de sa bouche mais ils sonnaient faux et son sourire semblait trop éclatant. Qu'était-il
arrivé à son assurance insolente? Elle recommençait à montrer une vulnérabilité qu'il n'aurait jamais imaginée
chez elle. Que diable était-il censé faire avec une femme vulnérable?
Soudain, il prit conscience de ce dont il avait vraiment envie. Sauter le dîner de charité qu'il avait organisé et
passer une nuit torride dans les bras de cette Jenna-là. Que lui arrivait-il donc? Chassant ces idées saugrenues
de son esprit, il offrit son bras à la jeune femme.
- Allons-y, déclara-t-il sur un ton plus bourru qu'il ne l'aurait voulu.
Peu importait de toute façon. Il tolérerait son comportement étrange mais le compte à rebours était lancé. Une
semaine. Encore sept jours et sa vie - et Jenna par la même occasion - avait intérêt à revenir ,à la normale: une vie
vouée au travail.
***
Mac s'efforça de contrôler sa frustration tandis qu'il parcourait des yeux la salle de réception bondée, en
quête de Jenna. Il ne s'attendait pas à ce qu'elle reste collée à lui toute la soirée, mais elle se comportait de
façon tellement bizarre ces temps-ci, qu'il voulait garder un œil sur elle.
Il était pourtant dans son élément ici. Pourquoi ne pouvait-il donc pas se détendre? Depuis trois ans, c'était lui
qui parrainait le dîner de charité annuel pour la recherche sur les maladies infantiles. Les réceptions se
déroulaient désormais à l'Hôtel du Congrès, l'une des salles les plus anciennes et les plus raffinées du centre de
Dallas, et la participation avait doublé.
Mais où donc était Jenna ? se demanda Mac, impatient.
- Vous êtes vraiment le meilleur pour organiser des soirées, McKenna.
Se retournant, Mac découvrit John Nashco, Le procureur avait la réputation d’être un grand flatteur inoffensif.
- Que ne ferait-on pas pour une bonne cause ? Avez-vous déjà rempli votre chèque ?
John hocha la tête.
- Mais j'aimerais autant me laisser envoûter par votre charmante fiancée. Cela ne peut pas faire de mal.
Où est donc la captivante Jenna ?
Mac n'était pas prêt à admettre qu'il se le demandait aussi
- Vous la connaissez, elle est quelque part dans la salle, en train de charmer les invités, plaisanta-t-il avant
d'apercevoir un bout de tissu vert clair. Je la vois, John. Restez là et sortez votre chéquier. Je reviens tout de
suite.
Mac se fraya un chemin dans la foule pour rejoindre Jenna. A mesure qu'il s'approchait d'elle, il était surpris
par sa voix chaleureuse, tandis qu'elle parlait à un homme âgé qu'il reconnut sans pouvoir nommer. Elle avait
l'habitude de passer d'un invité à l'autre et s'arrêtait rarement pour entreprendre une vraie discussion en tête à
tête.
Il passa un bras protecteur autour de ses épaules.
Instantanément, elle se raidit et leva les yeux vers lui. Puis, elle lui sourit et se détendit contre lui. Leurs
corps semblaient être en parfaite harmonie. Ses doux cheveux lui chatouillèrent le menton et son discret
parfum floral réveilla en lui un désir enfoui. Avait-elle changé de shampooing dernièrement? Ou n'avait-il
seulement jamais fait attention auparavant ?
- Je dois t'enlever quelques instants, Jenna.
- Bien sûr, lui répondit-elle avant de s'adresser à l'homme avec qui elle discutait. Tous mes souhaits de
prompt rétablissement à votre femme, monsieur Boreman,
- Merci, mademoiselle, lui répondit-il. Monsieur McKenna, vous êtes un heureux homme. Prenez bien soin
d'elle surtout.
- J'en ai bien l'intention. monsieur.
Mac prit Jenna par le bras et fendit la foule de costumes noirs et de tenues à paillettes.
- John Nashco te réclame une petite partie de bras de fer, avec un don à la clé.
- Un bras de fer ? Tu veux rire, j'espère ?
Mac haussa les sourcils.
- Évidemment. Il te suffit juste de lui faire ton numéro de charme habituel pour le convaincre de signer
un gros chèque.
- Hum, bien sûr. Pas de problème.
Elle parcourut la pièce des yeux, comme si elle cherchait une sortie par laquelle s'échapper. A moins qu'elle
ait simplement soif et cherche un serveur ?
- Veux-tu que j'aille te chercher quelque chose à boire ou à manger ?
- Je ne pourrais rien avaler, mais un soda serait parfait.
Devant son regard étonné, elle crut bon de préciser.
- Je sens que mon estomac est un peu barbouillé, alors je vais éviter le vin ce soir.
- Vous voilà, Jenna, l'apostropha John en l'embrassant sur les deux joues.
Les yeux verts de la jeune femme s'agrandirent l'espace d'une seconde.
- Vous êtes ravissante, comme toujours, ajouta-t-il.
A ces mots, ces mêmes yeux se mirent à briller de joie.
- Eh bien,je vous remercie, mon cher monsieur ! répondit-elle. Vous avez vous-même fort belle allure.
Elle tendit les mains pour lui rajuster sa cravate.
- Et une bien belle cravate également
Mac serra les dents pour s'empêcher d'intervenir, puis s'éloigna pour aller chercher un soda à Jenna, au lieu de
son habituel verre de chablis. Il avait lui-même besoin de quelque chose de plus fort avant de réagir comme un
idiot et de s'interposer physiquement entre eux.
Qu'est-ce qui n'allait pas chez lui ? Lui, jaloux ?
Non, c'était impossible. Ils n'entretenaient pas ce genre de relation. La réaction étrange de Jenna face à
l'imminence des noces avait du probablement déteindre sur lui.
- Pouvons-nous prendre quelques photos, monsieur Nashco, de vous en compagnie de mademoiselle
Taggert?
Jessie se retourna et vit un jeune homme, un badge de journaliste accroché à sa veste, qui tenait un
appareil photo. Sa sœur ne vivait pratiquement que pour ces moments-là: être sous la lumière des projecteurs.
Jouant le jeu, Jessie oublia un instant la gêne que lui procuraient son soutien-gorge rembourré et ses
hauts talons et offrit un large sourire au photographe.
- Toutes les excuses sont bonnes à prendre quand il s'agit de passer son bras autour d'une superbe jeune
femme.
Jessie devait admettre qu'elle se sentait effectivement sublime ce soir. Avant l'arrivée de Mac à l'appartement,
elle s'était entraînée à marcher avec les chaussures à hauts talons, tout en se répétant intérieurement les mêmes
paroles.
«Regardez-moi! Je suis séduisante! Je suis sexy! »
Elle espérait ainsi se donner le courage de réussir à faire illusion jusqu'à la fin de la soirée. La superbe robe
ainsi que les quelques gouttes du parfum hors de prix de sa sœur l'avaient bien évidemment aidée à renforcer
sa confiance en elle.
Quand elle avait ouvert la porte à Mac et qu'elle avait lu l'approbation dans ses yeux, elle s'était sentie
soulagée. Elle aurait préféré en retour ne pas le trouver si terriblement séduisant. Elle n'avait pas exagéré
quand elle lui avait déclaré qu'il risquait d'attirer les regards tout autant qu'elle ce soir. Son costume bleu
marine faisait ressortir de manière saisissante ses yeux foncés et son visage hâlé.
Son allusion un peu osée l'avait troublée encore plus et elle était surprise de devoir se rappeler
constamment qu'il croyait flirter avec sa fiancée, et non avec elle. Dans la mesure où il n'était pas du tout son
genre, elle n'aurait jamais pensé avoir autant de mal à se souvenir de ce détail. Tout comme elle ne s'attendait
pas à ce que son attention constante et innocente lui donne l'impression d'être protégée et aimée et non
contrôlée ou encore possédée.
Une fois de plus, elle ne se reconnaissait plus ce soir.
- Merci pour les photos. J'enverrai des doubles à chacun de vous.
- Merci à vous, jeune homme, déclara John avant d'exercer une légère pression sur l'épaule de Jessie.
Jenna, chérie, dites-moi la vérité. Pourquoi voulez-vous donc vous lier à un homme tel que Mac alors que je
suis libre ?
- John, je sais que Mac et vous êtes amis alors je vais faire comme si je n'avais rien entendu. Il serait temps de
vous faire une raison. Alors, dites-moi, combien comptez-vous donner cette année pour cette noble cause ?
John sortit un chèque plié de la poche de son pantalon et le lui tendit :
- Cela vous paraît-il suffisant?
Découvrant le généreux montant inscrit sur le bout de papier, elle l'embrassa sur les deux joues.
- Vous êtes mon héros! Merci.
- Oh, monsieur Nashco, l'interpella une dame âgée couverte de diamants qui venait à leur rencontre.
Vous permettez, n'est-ce pas, mademoiselle? ajouta-t-elle à l'attention de Jessie.
La femme l'arracha pratiquement à Jessie, qui ne fut toutefois pas mécontente d'échapper à la conversation
certes divertissante mais épuisante du célèbre procureur.
Où donc était passé Mac ? Elle parcourut la foule des yeux à la recherche du moindre signe de lui. Si elle
voulait vraiment se désaltérer, mieux valait ne pas l'attendre. Elle s'approcha des tables débordant d'amuse-
gueules exotiques et de saladiers de punch. Elle se servit une coupe du liquide rosé et en but une longue gorgée.
Elle avisa alors un groupe d'enfants qui semblaient s'ennuyer ferme.
- Hé, les enfants ! Pourquoi faites-vous ces têtes ?
Les jeunes invités semblaient plus pâles et minces que la normale, mais ce qui frappait le plus dans leur
apparence était l'ennui profond qui se lisait sur leurs visages.
- Je croyais que ce serait une vraie fête, déclara une fillette avec de grands yeux marron.
- Ouais, ajouta le garçon grognon. C'est nul. Je préférerais encore retourner à l'hôpital pour jouer aux jeux
vidéo avec mes copains.
Le grand garçon donna un coup de coude au râleur.
- Tu as déjà oublié que c'était ton idée de venir ce soir ? lui demanda-t-il avant de se tourner vers Jessie, se
posant en porte-parole du groupe. On en a assez de ne rien pouvoir faire pour nous rendre utiles. Bon nombre de
nos amis ne peuvent pas quitter l'hôpital, mais, nous, nous sommes en rémission. Alors nous avons convaincu
nos parents de nous laisser les accompagner ce soir. Ils ont dû remplir tout un tas de papiers pour que nous
puissions venir et il semblerait maintenant que tout ça n'ait servi à rien.
- Mais c'est merveilleux que vous vouliez vous rendre utiles. Qu'est-ce que vous comptiez faire ?
Le grand garçon haussa les épaules.
- Nous avions dans l'idée que les gens pourraient se sentir encore plus concernés et donner davantage si
nous pouvions leur faire savoir ce dont nous avons besoin. Mais c'est plus difficile que nous le pensions
d'aborder des étrangers et de leur parler.
Jessie ressentit un élan de tendresse pour ces petites âmes courageuses.
- Ces gens ne seraient pas ici ce soir s'ils ne se sentaient pas concernés, les rassura-t-elle. Et je suis sûre qu'ils
adoreraient pouvoir discuter avec vous. Il faut que nous trouvions un moyen d'attirer leur attention. Venez, les enfants.
Suivez-moi.
Elle se dirigea vers un bout de table décoré de bouquets de ballons. Elle en détacha un qu'elle brandit telle
une flamme olympique, et se dirigea vers un coin désert de la salle de réception.
Tous les enfants suivirent, mis à part les deux garçons les plus âgés, qui devaient se sentir probablement trop
vieux pour participer à toute activité impliquant des ballons.
- Avez-vous déjà fait des relais de ballons? leur demanda-t-elle.
Ils secouèrent tous la tête.
- Choisissez un partenaire et mettez-vous face à face en formant deux lignes. Le but du jeu est de marcher
le plus vite possible jusqu'au mur et de revenir au début de votre ligne, en plaçant le ballon entre le ventre de
votre partenaire et le vôtre. Et tout cela, sans vous aider de vos mains. Vous avez compris ?
Jessie aida les quatre premiers à se mettre en place, puis donna le signal de départ. Les enfants restés sur la
touche lancèrent des encouragements aux paires qui venaient de s'élancer. Les deux groupes revinrent à leur
ligne à peu près en même temps et les quatre enfants suivants prirent le relais. Les deux plus âgés ne tardèrent
pas à se joindre à eux.
Pour que le jeu ne soit pas interrompu, Jessie aida à récupérer les ballons qui tombaient et à les replacer
entre les ventres des enfants. En quelques minutes, ses hauts talons se transformèrent en instruments de torture.
Elle devait se débarrasser de ses chaussures, décida-t-elle. La moquette lui fit l'effet d'une caresse sur ses pieds
nus et meurtris. Ses orteils remuaient avec délice à cette liberté recouvrée. Pourquoi n'y avait-elle pas pensé plus
tôt ?
A mesure que les relais se faisaient, Jessie remarqua les sourires qui illuminaient les visages des enfants.
Même si le jeu ne parvenait pas à attirer l'attention sur eux, au moins pendant quelques instants, ils avaient
oublié leur quotidien, fait de médecins, d'hôpitaux et de traitements.
- Mais que se passe-t-il ici, Jenna ? fit une voix qu'elle reconnut immédiatement.
3
Jessie se retourna pour faire face à Mac. Le regard à la fois perplexe et grave, il fronçait les sourcils. -
Pourquoi ? Y a-t-il un problème? demanda-t-elle effrontément, tandis que son esprit cherchait désespérément
une explication.
Comment avait-elle pu baisser sa garde pendant ne serait-ce qu'une minute? Jenna ne se serait jamais
préoccupée des enfants et elle ne se serait jamais permis de se balader pieds nus, alors qu'elle était sur son trente
et un.
- Nous sommes dans un grand hôtel ici, pas dans une cour de récréation. Et tu ne remarques même pas les
enfants d'habitude.
Jessie essaya de gagner du temps tout en réajustant sa coiffure qui s'était défaite pendant le jeu. Jetant un coup
d'œil rapide aux invités dans la pièce, elle s'aperçut que tous les yeux étaient braqués vers elle. Mon Dieu! Elle
devait trouver quelque chose à lui répondre mais-elle détestait mentir. Elle décida de rester le plus près possible
de la vérité.
- Je sais bien, mais les enfants trouvaient la soirée nulle, selon leurs termes, et tu sais mieux que quiconque
que je n'aime pas les pleurnicheurs. Alors j'ai décidé de les impliquer personnellement pour trouver une solution
à leur problème, qui permettait en outre d'aider à collecter des fonds.
- Aider comment ?
- Les plus grands avaient l'air d'avoir envie d'expliquer personnellement aux invités en quoi leur argent était
nécessaire.
- Et ça ne t'est pas venu à l'esprit de m'en parler d'abord ?
- Pourquoi? demanda Jessie, certaine que Jenna n'aurait jamais demandé la permission à Mac. On était
gagnant sur tous les plans.
- Jenna, je n'ai pas pu m'empêcher d'entendre ce que vous étiez en train de dire, interrompit un homme plus
âgé qui s'était présenté lui-même un peu plus tôt dans la soirée comme étant le président du comité de recherche
sur les maladies infantiles. Je vais faire une annonce spéciale de ce pas. Continuez de faire jouer les enfants.
Tout excité, le président se pressa vers le podium, pensant sans nul doute aux zéros supplémentaires que les
invités ne manqueraient pas d'ajouter sur leur chèque.
Mac avait mal aux mains à force d'applaudir les enfants qui prenaient la parole, les uns après les autres,
depuis une demi-heure. Avec leurs propres mots, honnêtes et spontanés, ils avaient exprimé leur gratitude pour
les dons passés et expliqué combien la recherche était cruciale pour trouver de nouveaux traitements visant à
soigner les maladies infantiles.
Mac jeta un coup d'œil à Jenna, Elle semblait aussi fière et humble devant la force de ces jeunes héros qu'il
l'était lui-même. Il faudrait être fait de pierre pour ne pas réagir face à de tels témoignages. Cependant, il était
surpris de constater qu'elle n'essayait même pas de dissimuler ses émotions. Avait-elle caché jusque-là toute
douceur, de crainte qu'il ne considère ce trait de caractère comme une faiblesse? Ou n'était-elle qu'une simple
copie des autres femmes qu'il avait connues par le passé. Des femmes qui se prétendaient carriéristes et qui
disaient ne pas vouloir fonder de famille, seulement pour confesser ensuite qu'elles voulaient le contraire ?
Le président remercia chaleureusement tous les invités pour leur générosité et encouragea la foule à aller se
restaurer tandis que l'orchestre jouait sa dernière série de morceaux.
Le travail de Mac était terminé pour la soirée et tout ce qu'il voulait maintenant, c'était se retrouver seul
avec Jenna pour qu'elle réponde à sa question, à savoir lui avait-elle menti sur le fait qu'elle ne voulait pas
avoir d'enfants ?
Il s'avança vers elle, mais le président du comité de recherche sur les maladies infantiles l'interpella en
premier.
- Jenna, ma chère, vous devriez faire partie du comité chargé d'organiser le dîner de charité, l'année
prochaine. Promettez-moi d'y penser, Mac. Elle est manifestement douée pour ce genre de choses.
- Maintenant qu'elle a la responsabilité d'une associée dans le cabinet, je crains que son emploi du temps
ne soit bien rempli, répliqua Mac avant que Jenna ne puisse répondre. Mais je m'assurerai qu'elle y participe.
- Très bien, Mac. Toutes mes félicitations en tout cas pour ce gala, encore une fois, très réussi. Nous ne
vous remercierons jamais assez pour tout ce que vous faites pour la recherche.
- C'est une cause noble, répondit Mac en jetant un œil à sa montre. Il est déjà tard et nous devons rentrer.
Bonne nuit, monsieur.
Il serra la main du président, bouscula les adieux de Jenna au vieil homme, puis la prit par le bras et
l'entraîna rapidement hors de la salle de réception. Lorsqu'ils se trouvèrent à une distance raisonnable de la
salle de réception pour ne pas être vus ni entendus des invités restés au gala. Jessie s'arrêta brutalement au
milieu du couloir qui menait à la sortie principale de l'hôtel.
- C'était quoi ça, Mac ?
- Qu'est-ce que tu veux dire ?
- Ne joue pas les imbéciles, cela ne te va pas. Je ne ferai pas un pas de plus tant que tu ne m'auras pas
expliqué pourquoi tu t'es montré si ridiculement grossier à l'instant
Mac haussa les sourcils.
- Est-ce que nous allons avoir notre première dispute ? Ici, dans un lieu public?
- Je ne vois personne autour de nous et laisse-moi te dire que ce ne sera pas la dernière, si tu persistes à
vouloir prendre des décisions à ma place.
Jessie savait que sa sœur ne permettrait jamais à quiconque, Mac y compris, de parler en son nom. Elle
avait dû se battre trop dur pour être prise au sérieux et se faire respecter dans un métier majoritairement
masculin.
- Tu parlais à ma place comme si je n'étais même pas là. Peut-être que j'aimerais faire partie du comité
l'année prochaine.
- Je pensais te rendre service. A moins que tu m'aies caché quelque chose?
Jessie fut prise d'un léger vertige, incapable devoir où il voulait en venir avec ses insinuations.
- Je ne comprends pas.
- Pouvons-nous au moins attendre d'être dans la voiture pour avoir cette discussion?
- Très bien, concéda Jessie, plus déterminée que jamais. Mais sache que cette conversation est loin
d'être terminée.
Quand ils arrivèrent à la sortie de l'hôtel, Mac lui tint la porte ouverte et ils s'avancèrent dans l'air texan,
chaud et humide. Il tendit son ticket au voiturier et, en l'espace de quelques minutes, sa Porsche noire
apparut.
- Qu'est-ce que tu voulais dire tout à l'heure? demanda-t-elle à peine eurent-ils rejoint la route, résolue
à reprendre la discussion.
Mac mit en marche l'air conditionné, contribuant ainsi à rafraîchir rapidement l'espace confiné. Mais s'il
espérait par la même occasion pouvoir chasser son irritation, il se trompait sur toute la ligne.
- Tu semblais plutôt à l'aise avec les enfants, répliqua-t-il. Et je ne crois pas que c'était juste une stratégie
marketing. Tu t'amusais, admets-le.
Elle se tourna vers lui sur le siège en cuir, pour observer l'expression de son visage, mais la nuit était trop
sombre et les lumières de la ville trop faibles. - Et alors ?
- Alors je me demande si tu as été entièrement honnête avec moi sur le fait que tu ne voulais pas avoir
d'enfants.
Elle devait lui fournir une réponse mais ne pouvait se résoudre à lui mentir.
- Eh bien, je sais ce que je Veux maintenant. Mais je ne peux pas prévoir ce dont j'aurai envie d'ici deux
ou trois ans. Personne ne le peut.
- Permets-moi de te contredire. J'ai mes raisons pour ne pas vouloir fonder de famille. Et ces raisons ne
changeront pas avec le temps. Sache que le sujet des enfants n'est pas négociable, Jenna. Assure-toi que c'est
bien ce que tu veux aussi. Sinon, je ne vois pas l'intérêt de nous marier.
Stupéfaite par sa détermination et inquiète d'avoir peut-être réduit à néant toutes les chances de bonheur de sa
sœur, Jessie ne songea plus qu'à s'enfuir.
Heureusement, ils arrivaient devant l'immeuble de Jenna.
- Tu n'as qu'à me déposer ici, s'il te plaît.
- Je t'accompagne jusqu'à ta porte, dit-il en arrêtant la voiture.
- Tu ne prends plus de décision à ma place, tu te rappelles?
Elle sortit de la voiture et se précipita dans l'immeuble de sa demeure provisoire. Le son des pneus crissant sur
l'asphalte résonna à ses oreilles.
Jessie verrouilla la porte derrière elle et s'y adossa, en songeant combien Mac s'était forgé une carapace
solide et résistante. Le travail serait toujours plus important qu'une relation et il ne voulait en aucun cas devenir
père. Mais pourquoi ? Que cachait-il ? Jessie commençait à avoir la tête qui tournait à force d'essayer de le
comprendre. Mais an moins, elle n'avait plus à se soucier de la façon dont elle pourrait l'éloigner de son lit ...
Assise à la table de la cuisine, Jessie essayait de lire l'épais journal du dimanche, une tasse de café devant
elle. Mais la fatigue l'empêchait d'apprécier ce moment.
Elle avait été incapable de fermer l'œil. Elle s'inquiétait à la fois pour sa sœur, qui n'avait toujours pas donné
signe de vie, et au sujet de sa dispute avec Mac. Finalement, à 8 heures, abandonnant tout espoir de dormir, elle
s'était levée et douchée. Toujours aucun appel de sa sœur.
Jessie prit une gorgée de café qu'elle trouva froid. Elle passa la tasse au micro-ondes pour le réchauffer; La
minuterie sonna en même temps que le téléphone.
Jessie courut répondre.
- Allô?
- Hé, sœurette !
- Jenna, est-ce que tu vas bien?
- Ça va, enfin, je crois.
- Alors pourquoi ne réponds-tu pas au téléphone ? J'étais morte d'inquiétude.
- Je sais, je suis désolée. Mais je n'avais pas la force de répondre aux questions que tu n'aurais pas manqué
de me poser. J'étais seulement un peu trop confuse.
Soulagée, Jessie se laissa tomber lourdement sur la chaise de la cuisine.
- Confuse à quel sujet?
Silence. Mauvais signe.
- Jenna, j'ai pris ta place pour l'essayage de ta robe, ce qui s'est av éré plutôt stressant dans la mesure où
Mac s'est pointé. Ensuite, je t'ai remplacée pour le dîner de charité que tu avais, comme par hasard, oublié de
mentionner. Et j'ai passé la nuit, sans pouvoir dormir, à m'inquiéter pour toi parce que tu ne m'avais pas
rappelée. La moindre des choses est que tu m'expliques ce qui se passe !
- Je suis avec Dylan.
Jessie se redressa sur sa chaise, oubliant subitement sa fatigue.
- Ce n'est pas possible! Jenna, tu es fiancée.
- Écoute, sœurette, je suis moi-même étonnée de constater à quel point le fait de me marier me perturbe.
Mes émotions semblent avoir pris le dessus depuis que j'ai mis cette bague à mon doigt. Alors, j'ai préféré
m'éloigner quelque temps de la folie des préparatifs du mariage.
Jessie perçut une pointe de panique dans sa voix. Elle aurait voulu la rassurer mais, pour cela, elle avait
besoin d'en savoir plus.
- Tu t'es séparée de Dylan parce que tu n'arrivais pas à envisager l'avenir avec lui. Son groupe est-il soudain
devenu célèbre ?
- Dans ses rêves seulement. Mais jeudi soir, je suis tombée sur lui, dans un club où son groupe jouait, Nous
avons ensuite bu quelques verres ensemble, en souvenir du bon vieux temps. Le groupe se rendait cette nuit-
là à Austin, pour leur prochain concert, et Dylan m'a demandé de l'accompagner. J'ai accepté.
- Jenna, à quoi pensais-tu ?
- Je ne pensais pas, justement. C'est bien ça le problème. L'alchimie entre nous a toujours été fantastique
et elle l'est encore maintenant.
- Mais il a bien dû changer d'avis quand tu lui as dit que tu allais te marier.
- Eh bien, en réalité, je ne le lui ai pas encore dit!
- Comment? s'exclama Jessie, en se redressant d'un bond et en arpentant le sol froid en ciment color é de
ses pieds nus. Tu te maries dans une semaine, Jenna, Ce n'est quand même pas le genre de chose qu'on peut
oublier facilement.
- Dylan est un gars droit. Il m'aurait félicitée et souhaité bonne chance pour la suite. Mais je devais être
sûre.
- Maintenant c'est moi qui ne comprends plus. Sûre de quoi ?
- Sûre de pouvoir vivre sans qu'un feu d'artifice ne se déclenche quand je me retrouve en présence de
l'homme avec qui j'ai prévu de passer le reste de ma vie.
Jessie rapprocha le combiné de son oreille, certaine d'avoir mal entendu. Pas de feu d'artifice avec Mac ?
Comment était-ce possible?
- Tu es en train de me dire qu'il n'y a pas d'alchimie entre Mac et toi ? Vraiment aucune ?
- Eh bien, il y en a un peu ! Mais soyons francs, si nous ressentions une telle passion l'un pour l'autre,
nous aurions déjà couché ensemble.
- Et dire que je pensais que si jamais tu n'avais pas eu de relations sexuelles avec lui, c' était parce que tu
l'aimais et que tu voulais attendre d'être mariée.
Jenna eut un petit rire moqueur.
- Oh, Jessie, tu. es sans conteste une vraie romantique! J'ai attendu parce que Mac a l'habitude d'avoir
constamment des femmes qui se jettent à son cou. Il ne m'aurait jamais demandée en mariage si j'avais déjà
couché avec lui.
Ainsi ce mariage était le résultat d'une stratégie gagnante.
- Mais vous n'êtes donc pas amoureux, ni l'un, ni l'autre?
- L'amour ne dure qu'un temps, de toute façon. Regarde les statistiques sur les divorces. Mac et moi, nous
partageons des valeurs plus solides.
- Si tu pensais réellement ce que tu dis, tu ne serais pas avec Dylan en ce moment. Et si vous ne vous
aimez pas, Mac et toi, alors à quoi bon vous marier?
- Mac s'unit à la fille de ses rêves, une femme avec un cerveau qui travaillera autant que lui. Et quant à moi, le
mariage avec Mac va m'apporter tout ce que je veux et plus vite que prévu.
- Alors que diable fais-tu avec un batteur constamment fauch é et qui ne connaîtra pour seuls projecteurs
que les stroboscopes des boîtes de nuit? Est-ce que tu l'aimes, lui ?
Jenna éclata de rire.
- Redescends sur terre, Jessie! Nous n'avons rien en commun mis à part cette alchimie entre nous. En fin de
compte, c'était une bonne chose que je sois tombée sur Dylan.
- Si tu le dis. Au moins, ça signifie que tu as définitivement écarté Dylan de ta vie. Donne-moi ton numéro
de vol et je passerai te chercher demain.
- J'ai du annuler. J'ai eu une ...
- Jenna, je ne veux pas l'entendre. Tu dois rentrer.
- Je sais, et je vais rentrer. Dès que j'aurai désenflé. J'ai eu une allergie à une crème pour les yeux. Tout
mon visage a enflé et j'ai l'air d'avoir soixante-dix ans. Je ne peux pas me montrer en public, et encore moins
prendre l'avion dans cet état.
Jessie connaissait suffisamment bien sa sœur pour savoir que ce n'était même pas la peine d'essayer de la
convaincre.
- Combien de temps, selon toi ? .
- Je ne sais pas trop. Bientôt, j'espère. Est-ce que tu peux me remplacer encore quelques jours ? S'il te
plaît ?
Jessie savait qu'elle aurait besoin de plus que de quelques jours pour accepter le fait que sa sœur était fascinée
par un batteur itinérant et n'éprouvait qu'une vague émotion face à Mac, celui qui était censé être l'homme de sa
vie.
- Jenna, tu ne te rends pas compte de ce que tu me demandes de faire. Nous sommes tous supposés dîner
chez papa et maman ce soir. Je n'arriverai jamais à les tromper. Et tu as dit toi-même que Mac était très
intelligent. Il va finir par comprendre tôt ou tard.
- Zut ! Je déteste quand tu as raison comme ça.
- Par ailleurs, je me suis disputée avec Mac la nuit dernière, alors je ne suis visiblement pas très bonne pour
jouer ton rôle.
- Mac et toi, vous avez eu une dispute? Il n'est pourtant pas du genre à s'énerver. C'était à quel propos?
- C'est une longue histoire, mais il voulait être sûr que je ... enfin que tu n'avais pas changé d'avis sur le
fait d'avoir des enfants. Est-ce que tu sais pourquoi il n'en veut pas ?
- Non, mais cela ne m'a jamais posé de problème dans la mesure où je ne pense pas moi-même avoir la
fibre maternelle, expliqua Jenna, avant de s'interrompre un instant. Je préférerais que tu n'avoues pas à Mac
que tu as pris ma place hier. Il va être furieux quand il apprendra qu'il a été berné.
Jessie frissonna. Il était évident que Mac ne trouverait rien d'amusant à leur petit jeu. Néanmoins, elle avait
déjà survécu à son irritation et trouverait bien un moyen d'apaiser son ego meurtri.
- Je n'en ai pas plus envie que toi, Jenna, mais je préfère ça à continuer de le tromper.
- Est-ce que tu pourrais au moins ne rien lui dire sur l'endroit où je suis partie et pourquoi? Je n'ai pas la
force de subir ses questions en ce moment.
- Jenna, tu n'es correcte avec aucun des deux hommes.
- Je ne couche pas avec Dylan, si c'est ce à quoi tu penses. Il quitte la ville ce soir et même si ce n'était pas
le cas, cela n'aurait aucune importance. Mac est l'homme que je veux épouser.
Jessie laissa échapper un soupir, soulagée d'entendre au moins une chose positive.
- Très bien. Mais à force de tarder à rentrer, tu risques de tout perdre, Jenna,
- Je savais que je pouvais compter sur toi, sœurette. C'est toi la meilleure. A plus.
Jessie raccrocha le téléphone et fixa le mur devant elle, le regard perdu, obsédée par une pensée ridicule. Jenna
et Mac n'étaient pas follement amoureux l'un de l'autre.
Jessie aurait dû s'en vouloir d'avoir accepté de faire le sale boulot de sa sœur et devrait confesser à Mac la
supercherie dont il avait été l'objet. Au lieu de quoi, elle n'arrivait à penser qu'à l'aveu choquant de Jenna sur
l'absence de passion entre elle et Mac, l'homme idéal selon ses critères.
La confession de Jenna venait ébranler la théorie de Jessie sur sa forte réaction à la présence de Mac. Elle
avait présumé qu'elle avait simplement répondu à une tension sexuelle préexistante entre les futurs mariés.
Mais maintenant, elle ne savait plus quoi penser.
Mac n'était pas son genre et il était inaccessible pour de trop nombreuses raisons. Toutefois, le contact le
plus innocent de sa peau sur la sienne la bouleversait plus qu'une tentative de séduction de n'importe quel autre
homme.
La raison pour laquelle elle réagissait de la sorte face à Mac n'avait, de toute façon, aucune importance, se
rappela Jessie. Dans six jours, il allait épouser sa sœur. Fin du débat.
Mac sonna chez Jenna à 10 heures. Il aurait probablement dû l'appeler avant de venir, mais il ne voulait pas
prendre le risque qu'elle refuse de lui parler. Il devait s'assurer par lui-même qu'elle allait bien. Le souvenir de
son expression triste et affolée avant qu'elle ne descende précipitamment de voiture l'avait hanté toute la nuit.
Il voulait également mettre quelques petites choses au point. Il n'aurait jamais dû la laisser descendre de
voiture avant d'avoir pu motiver sa décision de ne pas avoir d'enfants. Mais il détestait parler du passé et rouvrir
de vieilles blessures toujours sensibles.
Après quelques instants, la porte s'ouvrit
- Mac, je suis ravie de te voir ! Nous devons parler.
Un profond sentiment de soulagement l'envahit. Il écarta la sensation étrange qu'il ressentait et étudia la
jeune femme. Son maquillage dissimulait en partie les cernes sous ses yeux, mais pas complètement Elle n'avait
manifestement pas beaucoup dormi non plus, et par sa faute qui plus est Bon sang! Il pouvait être un tel mufle
parfois.
- Je sais. J'ai réagi un peu excessivement hier soir et je voulais t'en expliquer les raisons.
- J'ai moi-même quelque chose à te dire, Mac. Je ...
- Non, laisse-moi commencer. C'est important.
Il la conduisit vers une chaise à la table de la cuisine et saisit un siège pour s'asseoir en face d'elle. Elle avait les
mains posées sur ses genoux et il mit ses mains sur les siennes.
- Je n'aborde jamais ce sujet si je peux l'éviter. Mais sur le chemin du retour, j'ai pris conscience que tu
allais rencontrer ma mère bientôt et qu'elle ne manquerait pas d'en parler. Il vaut donc mieux que tu y sois
préparée.
- Mac, écoute-moi ...
- Mon frère cadet est mort d'une forme rare de cancer à l'âge de quatorze ans, lâcha-t-il.
Les yeux de Jessie s'agrandirent.
- Je suis terriblement désolée.
- Luke avait arrêté de réagir aux traitements courants alors il en essayait un nouveau, expérimental.
C'était son dernier espoir et nous savions qu'il ne lui restait plus beaucoup de temps.
Et son frère avait été si courageux, si fort, alors qu'il était relié à des dizaines de tubes, allongé
sur un lit d'hôpital. Mac pouvait presque sentir les antiseptiques, entendre les pompes et les
machines qui fonctionnaient sans relâche pour maintenir Luke en vie. Il chassa ce souvenir encore
vivace dans son esprit
- Comme si le pauvre enfant n'avait pas assez d'ennuis comme ça, son appendice se perfora et ce
qui aurait dû être une opération de routine finit par le tuer. Nous avons perdu le peu de temps qui
nous restait avec lui parce que le chirurgien qui l'a opéré était sous l'emprise de la drogue.
- C'est pour ça que tu t'es spécialisé dans les affaires, de préjudice personnel et que tu as
décidé de t'impliquer dans la recherche sur les maladies infantiles ?
- Eh bien, c'est toujours bon pour la publicité de soutenir une œuvre de bienfaisance qui en
vaut la peine !
Il ne voulait pas la tromper en la laissant croire qu'il était une sorte de saint.
- Mais quel est le rapport avec le fait que tu ne veuilles pas avoir d'enfants ?
Le fait de voir son frère souffrir à ce point l'avait convaincu qu'il ne voulait pas prendre le risque
d'affronter la mort éventuelle de son enfant.
- Mon métier, c'est ma vie. Ce ne serait pas juste ni pour l'enfant, ni pour moi, se contenta-t-il
de répondre.
- Un homme, aussi fantastique soit-il, ne peut pas réparer tous les malheurs du monde. Tu
mérites d'avoir une vie toi aussi.
Sa compassion inattendue le détendit. Pourquoi éprouvait-il une soudaine envie d'embrasser ce
sourire triste ? Spontanément, il se pencha en avant pour concrétiser ce que son instinct lui dictait
de faire.
Soudain, Jenna le repoussa
- Attends, Mac. Je dois t'avouer quelque chose.
Mac se figea instantanément, Que venait-il de se passer à l'instant? Pourquoi devenait-il d'un
coup si passionné et frustré à propos d'un baiser qu'ils avaient failli échanger?
Quelque chose ne cadrait pas avec sa fiancée, et cela depuis hier matin. Mais de quoi s'agissait-
il ? Lés incohérences de la veille prirent soudain tout leur sens.
- Mon Dieu! Tu n'es pas Jenna !
4
Mac se gara devant la petite maison en brique rouge et aux volets noirs de Jessie. La demeure traditionnelle à
un étage, située en banlieue, ne pouvait pas être plus différente du loft où habitait Jenna, en plein centre--ville.
Et alors? Un sentiment tenace de culpabilité le retenait de sortir de la voiture et cela finissait de l'irriter.
Quelle importance qu'il ait une raison cachée pour vouloir faire la route avec Jessie jusqu'à chez ses parents? Il
avait le droit de savoir ce qui se passait avec Jenna. Le trajet lui permettrait de passer un peu de temps avec sa
sœur pour la faire parler.
Mac extirpa son corps de l'étroit véhicule et fut immédiatement saisi par la vague de chaleur de cette fin
d'après-midi. Sa chemise à manches longues et son pantalon hante couture n'étaient pas aussi chauds qu'un
costume mais restaient très inconfortables. Il se hâta de rejoindre le trottoir. A gauche de la porte d'entrée se
trouvait une grande baie vitrée. A droite, un long porche baignait dans l'ombre de l'immense chêne, planté à
quelques mètres de là.
Des fleurs pastel dans des pots de couleurs et de tailles variées pendaient des corbeilles suspendues. La porte
d'entrée s'ouvrit avant qu'il n'ait eu le temps de frapper.
- Bonjour, Mac. Entre.
Jessie semblait beaucoup plus détendue maintenant qu'elle était redevenue elle-même et qu'elle avait retrouvé
son environnement, plus rassurant. Bon sang ! Elle était tout simplement superbe. Sa robe d'été blanche faisait
ressortir ses bras délicats et bronzés ainsi que ses longues jambes. Ses sandales plates découvraient des orteils
vernis couleur lilas.
Une fois de plus, Mac fut saisi par les dissemblances entre les deux sœurs. Dans la même tenue, Jenna aurait eu
l'air totalement différente à cause des bijoux voyants qu'elle n'aurait pas manqué de porter ou des hauts talons
qu'elle ne quittait jamais. Le seul accessoire que Jessie arborait, un simple diamant discret à chaque lobe, rendait
ses oreilles incroyablement sexy.
- Mac, je n'en ai que pour une minute, promis. Tu ne veux pas entrer ?
Mais qu'est-ce qu'il avait aujourd'hui ? Il ne s'était jamais extasié devant les oreilles d'une femme
auparavant.
- Si, bien sûr.
Il s'avança dans l'entrée qui s'ouvrait sur une pièce spacieuse. Un parfum de lilas emplissait l'air, lui rappelant les
orteils vernis de la jeune femme. Elle devait en aimer l'odeur autant que la couleur, songea-t-il, avant de se
reprocher de se permettre des pensées aussi saugrenues.
- Je dois encore mettre quelques graines pour les oiseaux dehors et je serai prête à partir, lança Jessie par-
dessus son épaule en s'éloignant.
Mac la rattrapa et lui ouvrit la porte coulissante pour qu'elle sorte sur le patio, mais préféra rester dans la
cuisine climatisée.
- Laisse la porte ouverte, Mac. Je n'en ai pas pour longtemps.
D'une caresse aérienne, le vent fit tinter des carillons tandis qu'elle se dirigeait vers un gros arbre
auquel étaient suspendus trois abris à oiseaux. Elle alla chercher ensuite un arrosoir et rajouta de l'eau dans une
vasque pour oiseaux.
Debout dans l'encadrement de la porte, Mac était comme hypnotisé par ses mouvements gracieux et par la
joie évidente qu'elle éprouvait à accomplir ces simples gestes.
Elle croisa son regard et sourit
- C'est dommage qu'on ne soit pas à la nuit tombante. Les cardinaux sont toujours mes derniers hôtes de la
soirée et mes préférés, bien que je trouve les geais bleus extrêmement beaux également
Mac ne pouvait imaginer une perte de temps plus futile; même en week-end Mais pour une raison qu'il ne
s'expliquait pas, venant de Jessie, cette idée le tentait plus qu'il ne voulait bien l'admettre.
Jessie revint, rangea la petite pelle dans le pot et se lava les mains.
- Tu vois, ça n'a pas été long, dit-elle en saisissant son sac à main. J'ai juste amené une bouteille de cognac
pour tes parents.
Jessie hocha la tête. Mac jeta un coup d'œil à sa montre.
- Nous devrions y aller.
Il détestait être en retard, presque autant qu'il exécrait qu'on le fasse attendre. Jessie verrouilla la porte de la
maison et le suivit jusqu'à sa voiture.
- Dirais-tu que Jenna et toi vous êtes très proches ? demanda Mac qui avait résolu d'en savoir plus sur
Jenna.
- Plus proches que certains, mais moins que d'autres. Cela t'arrive-t-il de conduire avec la capote ouverte?
Mac prit le temps de réfléchir avant de répondre. Il préférait le plein air mais Jenna détestait ça.
- Si, bien sûr. Mais il fait encore trop chaud.
Qui plus est le bruit du vent rendrait la conversation difficile. Or, c'était là tout l'intérêt de ce trajet. Dès qu'ils
se furent attachés, Jessie lui donna les indications générales pour se rendre chez ses parents. Il prit la direction
de l'autoroute,1a route la plus rapide pour rejoindre les vieux quartiers de Dallas.
- Ainsi, votre grande différence ne vous empêche pas d'être proches? insista-t-il. Tu le sentirais si Jenna
avait des problèmes?
Montrant des signes d'impatience, Jessie tripota sa ceinture de sécurité.
- Je lui ai parlé et je sais qu'elle va bien. Je n'ai pas besoin d'une sorte de sixième sens pour en savoir
davantage.
- Avait-elle déjà fait quelque chose de ce genre auparavant?
- Non, mais en même temps elle n'avait jamais été sur le point de se marier non plus. Elle m'a assuré qu'elle
était certaine de vouloir se marier avec toi. Après avoir pris un peu de recul, elle rentrera à la maison et le
mariage se déroulera comme prévu.
Jessie se tourna sur son siège pour lui faire face.
- Qui sait si, toi-même, tu ne seras pas en proie au doute à un moment donné, d'ici la cérémonie du mariage
samedi ?
Mac secoua la tête.
- Je ne perds pas mon temps à tergiverser. Une fois que ma décision est prise, je m'y tiens.
La circulation du dimanche après-midi s'avéra fluide et ils ne tardèrent pas à passer sous l'autoroute LBJ. Bon
sang, il n'arrivait à rien avec Jessie. Elle était manifestement très loyale envers sa sœur, un trait de caractère
qu'il admirait en général, mais maudissait égoïstement dans ce cas précis.
- J'ignore ce que Jenna t'a dit à propos de nos parents, déclara Jessie. Mais ils n'ont rien de traditionnel
Notre père est chercheur. Il est extrêmement distrait et rationnel en toutes choses, mis à part l'équipe des
Cowboys de Dallas. Tu n'auras qu'à acquiescer à tout ce qu'il pourra dire sur eux, et tout ira bien.
Jessie fit une courte pause avant de reprendre.
- Quant à ma mère, c'est la doyenne de l'université de Dallas. Elle est plus ambitieuse que beaucoup
d'hommes. Elle va essayer de relancer le débat à propos de mon travail mais contente-toi de l'ignorer et laisse-
moi gérer ça. Oh, et ne t'attends pas à un repas fait maison ! Aucun de mes parents ne cuisine, mais Henri, notre
excellent chef cuisinier, vient à la maison tous les dimanches matin et prépare le dîner ainsi que leurs repas pour
toute la semaine.
- Cela explique l'aversion de Jenna pour la cuisine. Et ça veut probablement dire que tu es un véritable
cordon-bleu.
Le rire de Jessie emplit l'espace confiné de sa précieuse petite voiture.
- J'aime effectivement cuisiner mais uniquement des plats traditionnels comme de la viande avec des pommes
de terre ou encore une assiette de pâtes.
- y a-t-il quoi que ce soit que vous ayez en commun avec Jenna, à part votre ressemblance physique?
- Nous jouons toutes les deux très bien au tennis, mais généralement je la laisse gagner car elle est très mauvaise
perdante. Mais si tu lui répètes ce que je viens de dire, je nierai tout.
- Cela m'étonnerait qu'elle te croie de toute façon.
La confiance que Jenna avait en elle était l'un des aspects de sa personnalité qu'il trouvait le plus séduisant.
Jessie éclata de rire.
- Tu as probablement raison, lui répondit-elle avant de désigner une maison à l'angle de deux rues. C'est là.
Tu n'as qu'à te garer dans l'allée devant la maison.
Mac laissa échapper un petit sifflement d'admiration en voyant la maison à deux étages, de style méditerranéen.
- Maintenant je sais d'où vient le goût de Jenna en matière de maisons.
- Maisons, voitures, vêtements, ajouta Jessie. Il n'y arien de discret chez Jenna. Mais c'est probablement une
des choses qui t'ont attiré chez elle, non?
- Effectivement.
Du moins, ça avait été le cas jusqu'à ce qu'il rencontre Jessie qui lui avait appris que la finesse pouvait être un trait
de caractère incroyablement sexy.
***
Jessie se hâta de sortir de la petite voiture de sport, pressée de mettre de la distance entre Mac et elle. Ses
allusions au troisième degré sur l'absence de Jenna l'avaient agacée. Jessie détesterait avoir affaire à lui au tribunal
Mais le pire, cependant, était de constater le pouvoir envoûtant de son eau de toilette sur ses propres hormones.
Son cerveau savait pourtant qu'il n'était pas libre; alors pourquoi son corps ne voulait-il pas coopérer ?
Elle sonna à la porte. Quelques secondes plus tard, celle-ci s'ouvrit et Henri l'accueillit chaleureusement en la
serrant dans ses bras, comme à l'accoutumée. Ses moustaches en guidon de vélo lui chatouillèrent les joues, lui
rappelant des souvenirs agréables de son enfance.
- Mademoiselle Jessie! s'écria-t-il en la tenant à bout de bras pour mieux la regarder. Comment va mon petit
chef préféré ?
Un sourire éclaira le visage de la jeune femme.
- Je vais très bien, et tu es beaucoup trop gentil, répondit-elle avant de désigner Mac. Henri, je te présente le
fiancé de Jenna, Mac McKenna.
Les deux hommes échangèrent une poignée de main.
- Toutes mes félicitations, monsieur McKenna, et bienvenue. Mais où est mademoiselle Jenna ? J'ai préparé
ce repas en son honneur, avec tous ses plats préférés.
Henri saurait probablement tout de suite si elle mentait, plus rapidement que ses parents d'ailleurs. Jessie
décida donc de s'écarter le moins possible de la vérité.
- Jenna serait venue si elle avait pu, Henri.
Jessie entra dans la maison, les deux hommes sur ses talons. L'odeur caractéristique d'un rôti en train de cuire et du pain
frais lui mit l'eau à la bouche.
- Je ne manquerai pas de dire à Jenna que tout était délicieux.
Jessie posa son sac à main sur la table en marbre située au centre du spacieux hall d'entrée.
- Et je préparerai une assiette pour que vous la lui apportiez, d'accord ?
- Ce serait merveilleux. Papa et maman sont dans leurs tanières? demanda-t-elle, même si elle connaissait
déjà la réponse.
Henri hocha la tête.
- Je vais leur dire que vous êtes arrivés.
Elle se tourna vers Mac.
- Ne le prends pas personnellement. Ils n'accueillent jamais les invités eux-mêmes. Ils travaillent jusqu'à ce
qu'ils soient obligés de rejoindre le reste du monde.
- Crois-moi, je suis bien la dernière personne que cela va choquer.
Bien sur ! A quoi pensait-elle ? Elle avait naïvement supposé que le fait de rencontrer leur futur gendre
représenterait une motivation suffisante pour faire une exception.
- Et voici comment la tradition du dîner dominical en famille est née, commença-t-elle en le conduisant vers
la salle à manger, à la fois somptueuse et formelle. Les mois passaient sans que nous arrivions à nous retrouver
tous ensemble dans une même pièce. Alors depuis une dizaine d'années, au moins une fois par semaine, les dimanches,
nous essayons de rattraper tout ce temps perdu.
Bien que Jessie fût favorable à cette tradition, elle avait souvent le sentiment que cette solution était destinée
à pallier le manque de proximité entre les membres de sa famille.
Sa mère apparut, vêtue d'un élégant tailleur-pantalon couleur crème, tout en se tordant nerveusement les mains.
- Oh, Jessie! Dieu merci, tu es là. Martha a décidé de ne pas venir aujourd'hui, alors qu'elle savait très bien
que nous avions des invités.
Jessie embrassa sa mère sur les deux joues.
- Martha a demandé son week-end il y a des mois de cela, tu te souviens? Elle devait recevoir de la famille
pour le baptême de son petit-fils qui a lieu aujourd'hui.
- Eh bien, elle aurait quand même pu venir quelques heures ! Elle sait très bien que je ne sais pas où sont
rangées les affaires. Nous risquons de manger tard si ...
- Je vais aller aider Henri dans une minute, assura Jessie, avant de présenter Mac. Maman tu n'as pas salué
l'invité du jour. Je sais que tu avais hâte de le revoir.
Mac lui tendit la main, qu'elle s'empressa de serrer.
Puis, elle referma ses deux mains sur la sienne pendant quelques secondes.
- Bienvenue, Mac, et pardonnez-moi. La matinée a été quelque peu éprouvante, mais je suis ravie d'avoir
l'opportunité de vous connaître davantage.
- Tout le plaisir est pour moi, madame Taggert. Jenna m'a raconté que votre mari et vous étiez amateurs de
cognac après le dîner.
Mac sortit une bouteille emballée dans un sac de soie noir. La mère de Jessie sourit, rajeunissant ainsi de
quelques années.
- Un homme prévenant. Comme c'est charmant et rare ! J'aime profondément le père de mes filles, mais il
vit la plupart du temps sur une autre planète.
Son sourire disparut et elle poursuivit.
- Comme c'est fâcheux que Jenna n'ait pas pu venir ce soir. Tu m'as dit qu'elle était malade, mais ce n'est
pas grave au moins ? Tu es sûre ?
- Absolument, certifia Jessie. Elle est seulement un peu patraque.
Jessie ravala son amertume vis-à-vis de sa sœur. Elle l'avait mise dans une situation vraiment inconfortable,
l'obligeant à dire des demi-vérités à ses parents et à Mac, un futur membre de la famille.
- Je l'appellerai plus tard alors, juste pour savoir si elle va mieux.
- D'accord, maman. Mais ne t'inquiète pas si elle ne répond pas au téléphone. Elle m'a dit qu'elle comptait
couper la sonnerie et dormir toute la journée.
Son père entra alors dans la pièce. Grand et mince, il portait son uniforme traditionnel - une chemise
boutonnée toute froissée et un pantalon kaki. Son visage étroit trahissait sa confusion.
- Qu'est-ce que c'est que tout ce vacarme? Je ne m'entends plus penser.
Dès qu'il aperçut Jessie, ses yeux s'éclairèrent.
- J'avais déjà oublié qu'on était dimanche, s'exclama-t-il en s'empressant de prendre Jessie dans ses bras.
Il était temps que tu viennes voir ton vieux père, ma petite Jessie.
- Tu m'as manqué aussi, papa.
- Tu ne me présentes pas ton ami ? demanda-t-il en saluant Mac de la tête. Je suis content de voir que tu
recommences à fréquenter des garçons.
- Euh, non, papa, ce n'est pas ...
- Je suis Mac McKenna, le fiancé de Jenna, interrompit Mac en volant à son secours. Nous nous sommes
rencontrés brièvement lors de la soirée organisée pour notre mariage, le mois dernier, monsieur.
Une expression perplexe se peignit sur le visage de son père, tandis qu'il serrait la main de Mac.
- Oui, bien sûr. Excusez-moi. C'était une erreur possible. Enfin, dans la mesure où vous vous tenez à côté de
Jessie et non de Jenna, j'ai pensé ... Où est Jenna d'ailleurs ?
- Explique-lui, maman. Je vais voir si Henri a besoin d'aide dans la cuisine.
- Ce serait merveilleux.
Sa mère donna la bouteille de cognac à Jessie, puis prit son mari par le bras. Offrant son autre bras à Mac, elle
les escorta dans la salle à manger.
- Je te dirai ce que je sais au sujet de Jenna, chéri. Mais asseyons-nous d'abord. Et Mac, c'est Deborah et
Lee. Pas de formalités entre membres de la même famille.
Jessie s'empressa de rejoindre la sécurité de la cuisine où personne ne pourrait prendre Mac pour son petit
ami.
Quelques minutes plus tard, elle avait sorti les couverts de service du buffet. Elle aida Henri à amener les
plats sur la table de la salle à manger avant de prendre place en face de Mac. La chaise vide à côté de lui aurait
tout aussi bien pu être un néon lumineux qui affichait le mot « tromperie ». Jessie espérait que Jenna
clarifierait rapidement la situation avec Mac.
Elle commençait à perdre l'appétit mais s'efforça d'avaler quelques bouchées du rôti d'agneau et des
pommes de terre épicées au romarin et assaisonnées d'un filet d'huile d'olive.
- Alors, Mac, commença sa mère. Jenna m'a dit que la Table Française avait déjà été réservée pour votre
dîner de répétition et qu'elle avait dû se retourner vers son deuxième choix, La Grande Maison. J'espère que vous
n'êtes pas trop déçu.
Mac secoua la tête.
- Jenna a toujours un goût infaillible. Je lui ai laissé prendre en main toute l'organisation du mariage.
- Très malin de votre part, intervint le père de Jessie. Mais parlons de choses plus intéressantes, voulez-
vous? A votre avis, les Cowboys feront-ils une bonne saison cette année ?
Mac haussa les épaules.
- Je n'ai jamais été un grand fan de football américain ou des équipes américaines en général.
Personnellement, je préfère le hockey.
Jessie donna un coup de pied à Mac sous la table, mais il se contenta de lui sourire. Pendant ce temps, le
visage de son père avait retrouvé une expression confuse.
- Et Jenna est au courant ?
- Franchement, monsieur, nous n'avons jamais abordé le sujet...Mais elle m'a accompagné à un match des
Stars de Dallas. Bien sur, elle était plus occupée à se regarder sur l'écran géant qu'à suivre le match, mais cela
n'avait pas l'air de la déranger.
- Eh bien, les Stars feraient mieux de recruter des jeunes joueurs et de travailler leur vitesse s'ils esp èrent
gagner la Stanley Cup de nouveau, déclara Jessie sans réfléchir.
Mac la regarda bouche bée, avant de hausser les sourcils.
- Ils ont bien réussi à gagner la coupe avec les anciens joueurs !
- Les enfants, interrompit la mère de Jessie. On a assez parlé de sport comme ça, s'il vous plaît ! Le
mariage est dans seulement six jours. Nous avons des choses à régler.
Sa mère saisit la main de Jessie sur la table.
- J'aimerais seulement que mon autre fille se mette également en ménage. Je m'inquiète tellement pour toi.
Jessie s'étonnait toujours de l'obstination de sa mère.
- Maman, cela ne fait pas si longtemps que je me suis séparée de Robert. Quand je me sentirai prête, je te
promets de me remettre en quête d'un éventuel fiancé.
- Robert était trop jeune pour toi de toute façon, affirma son père. Mais tu es sans nul doute assez grande
pour choisir la carrière que tu désires. Veux-tu au moins prendre de nouvelles responsabilités? Je pensais que
tu briguais un poste de principale.
- J'envisage cette éventualité, papa. Mais ce n'est pas le bon moment pour moi.
Néanmoins, Jessie n'aurait su dire pourquoi, au moment de s'inscrire à la formation continue, elle avait choisi
les stages habituels an lieu des cours de préparation au diplôme de management. Or ce diplôme était
nécessaire pour exercer le métier de principal.
- Le rôle d'une directrice d'école est manifestement important, déclara Mac. Mais je ne pense pas qu'on
doive sous-estimer l'importance des bonnes maîtresses qui enseignent aux enfants.
Il prit calmement une gorgée de vin, comme s'il venait juste de faire un commentaire anodin sur le temps.
Mac ne voulait-il donc pas faire bonne impression à ses futurs beaux-parents? Elle lui donna un nouveau coup
de pied sons la table, mais son attention resta focalisée sur ses parents.
Sa mère avait les lèvres pincées et son père lui lançait des regards furieux. La dernière fois que Jessie avait
vu une telle expression de désapprobation sur le visage de ses parents, c'était le jour où elle leur avait annoncé
son choix professionnel.
- Si, dès leur plus jeune âge, les enfants n'apprenaient pas avec les meilleurs enseignants qui soient, ajouta-
t-il, ils n'auraient sans doute jamais la chance de faire des études supérieures, afin d'aller à l'université.
Il se tourna vers Jessie et lui sourit, mais elle refusait de lui montrer à quel point son empressement à
prendre sa défense l'avait touchée. Il l'avait déjà suffisamment émue pour la journée en lui avouant ce matin
les raisons tragiques qui le poussaient à se réfugier dans son travail. Et cela expliquait pourquoi il venait juste
d'intervenir et de défendre son choix de carrière devant ses parents.
Comment Jenna pouvait-elle ne pas être amoureuse, voire juste attirée par un tel homme ? Peut-être que,
avec le temps, elle apprendrait à l'aimer. Jessie l'espérait en tout cas.
Entre-temps, elle devait clarifier un point avec son futur beau-frère.
- Mac, merci pour ton soutien, mais ce débat ne date pas d'hier. Mes parents savent bien que la décision
m'appartient, ainsi que ma vie.
Elle se leva, comme pour mettre un terme à cette discussion.
- Je vais aller chercher le café et le dessert.
- Je viens t'aider, proposa Mac.
- Non, tu es l'invité, insista-t-elle, mais il s'était déjà levé de sa chaise et se dirigeait vers la cuisine.
Une fois derrière la porte de la cuisine, elle s'affaira à disposer la cafetière en argent et les délicates tasses en
porcelaine sur le plateau de service. Elle se rappela de ne pas oublier l'assiette qu'Henri avait pr éparée pour
Jenna avant de s'éclipser discrètement de la maison, comme à son habitude.
- Tu penses vraiment que c'est une bonne idée d'engager un conflit avec tes futurs beaux-parents ?
murmura-t-elle.
- Je n'ai fait qu'être sincère.
- Je ne suggère pas que tu mentes à mes parents, mais tu aurais peut-être pu être un, peu moins
brutal.
Mac haussa les épaules.
- Je n'ai jamais été très doué pour jouer la comédie. Si Jenna m'accepte tel que je suis, pourquoi tes
parents n'en feraient-ils pas autant ?
En soupirant, Jessie lui tendit un plat de crêpes. Il était peut-être très doué pour gagner des affaires dans
une salle d'audience, mais il n'avait jamais dû rencontrer des gens comme ses parents auparavant, songea-t-elle.
- Tu ne pourras pas dire que je ne t'avais pas prévenu.
5
- Tu es sûre que cela ne te dérange pas de rouler avec la capote ouverte? demanda Mac, tandis qu'ils
traversaient l'un des plus anciens quartiers de Dallas.
L'épais feuillage des énormes chênes formait une voûte. Il avait décidé de rentrer par les petites routes, pas
seulement pour le paysage, mais parce qu'il espérait que la vitesse réduite amènerait Jessie à lui faire des
confidences.
- Absolument, répliqua Jessie. Mais je croyais qu'il faisait trop chaud, selon toi.
Il frissonna.
- La douche froide que tes parents viennent de me donner pendant le dessert m'a bien refroidi.
Jessie avait fait de son mieux pour combler les silences, mais l'ambiance avait été pour le moins étrange au
cours des trente dernières minutes du dîner;
Le rire de Jessie se mêla à l'air chaud de la soirée.
- Je t'avais pourtant averti qu'il y avait des sujets sensibles à éviter.
- C'est vrai. Mais je ne voulais pas leur donner d'illusions sur ma personne. Ils finiront par m'accepter tel que
je suis.
- Néanmoins, je doute que cela arrive avant le mariage. Mais tu auras tout le temps après.
Jessie renversa sa tête en arrière. La brise souleva les cheveux de ses épaules.
- J'ai toujours aimé les défis, répondit-il.
A peine eut-il prononcé ces mots,qu'il prit conscience que cette affirmation n'était qu'en partie vraie. Il aurait dû
dire qu'il aimait seulement relever certains défis, et non ceux qui lui faisaient perdre la tête.
Bon sang, tout ceci était la faute de Jenna, Leur mariage était prévu dans six jours et il ignorait totalement où
sa fiancée se cachait ou même pourquoi elle était partie. Il voulait et méritait d'avoir des réponses à ses questions.
Le trajet aller avait été un fiasco, et il avait une nouvelle chance de tirer les vers du nez de Jessie. Mais pour cela,
il devait d'abord gagner sa confiance.
- Dis-moi, .qu'est-ce qui t'a poussé à devenir enseignante?
- Ma maîtresse de CM1. Elle m'a laissé une très forte impression et j'aime à croire que je fais parfois cet effet
sur mes élèves.
- Oui, mais toi, tu enseignes aux CE1. Est-ce que tu dois encore leur tenir la main, pour ainsi dire ?
Jessie se tourna vers lui. Il jeta un coup d'œil dans sa direction et remarqua la passion qui animait son regard.
- C'est un compromis que je suis plus que désireuse de faire. Ces enfants sont si ouverts et énergiques,
si créatifs et curieux; Bien sûr, il arrive qu'un enfant soit un peu plus difficile que les autres, mais si c'était facile, je
n'aurais pas un salaire aussi exorbitant!
Mac mêla son rire au sien. Après avoir rencontré les Taggert, il était clair pour lui que Jenna avait pris modèle
sur ses parents, alors que Jessie, avec sa nature chaleureuse et généreuse, avait rempli le rôle de vilain petit canard.
Elle était douce, mais déterminée. Elle lui avait clairement fait comprendre qu'elle n'avait pas besoin de son aide
pour défendre son métier devant ses parents.
- Crois-le ou non, continua-t-elle sur un ton plus morne, je préfère avoir affaire à un enfant difficile en classe
plutôt que de devoir exécuter les politiques illogiques et étriquées, suggérées par le gouvernement
- Est-ce la raison pour laquelle tu veux devenir principale? Pour pouvoir être dans la position de changer les
choses ?
- En partie, probablement.
- Alors pourquoi ne tentes-tu pas le coup ?
- Qu'est-ce que cela peut bien te faire? Et d'ailleurs, ne t'ai-je pas entendu défendre mon métier
d'enseignante?
- Si, et je pensais chaque mot que j'ai dit. Mais si tu es sérieuse sur le fait de vouloir devenir principale, tu
ne devrais rien laisser se mettre en travers de ton chemin,
- Je le ferai le moment voulu. J'aime profondément le lien particulier qui m'unit à mes élèves dans la salle
de classe et je ne me sens pas encore prête à y renoncer. En tant que principale, je continuerai certes à aider les
enfants, mais à distance.
- Si cela te tient réellement à cœur, tu devrais agir plutôt que d'attendre que quelqu'un le fasse à ta place.
Jessie détourna son regard et croisa ses bras sur sa poitrine.
- Et sacrifier ma vie privée, comme toi, en espérant sans aucune garantie que j'arrive à améliorer le système
éducatif?
Mac se demanda où était passée la Jessie douce et amusante qui était assise à ses côtés quelques instants plus
tôt. Elle pouvait critiquer ses choix autant qu'elle voulait. Mais il fallait bien que quelqu'un se batte pour mettre
le personnel médical et les compagnies d'assurances face à leurs responsabilités.
- Je reconnais que cela a un prix de vouloir faire évoluer les choses. Mais je ne regrette rien.
- Tant mieux pour toi. Mais je dois y réfléchir à deux fois avant de me décider à changer de carrière. A
l'heure actuelle, je n'ai pas envie de renoncer à quelque chose que j'aime pour livrer ce qui pourrait être une
bataille perdue d'avance. Pourrait-on changer de sujet? ajouta-t-elle avec un soupçon d'irritation dans la voix. La
journée a été longue et je suis fatiguée.
Bon sang ! Il venait de ruiner toutes ses chances de gagner sa confiance et d'obtenir des confidences.
- Aucun problème.
Énervé contre lui-même, Mac coupa pour rejoindre l'autoroute et les autres automobilistes pressés. S'il avait
proposé de véhiculer Jessie, c'était pour la faire parler afin d'obtenir des informations sur sa sœur, sa fiancée; et il
n'avait rien appris du tout.
Ce soir, il allait appeler Jenna jusqu'à ce qu'elle décroche son satané téléphone et qu'elle réponde elle-
même à ses questions.
Mac se frotta les yeux, fatigué par le manque de sommeil dû à ses innombrables tentatives infructueuses
pour parler à Jenna directement. Il avait abandonné à l'aube et s'était rendu à son cabinet, pour constater
qu'elle y avait laissé un message, disant que, bien entendu, le mariage était maintenu et qu'elle serait rentrée
d'ici vendredi.
Il soupçonnait Jenna de jouer au chat et à la souris avec lui. Par l'affichage du numéro, elle avait pu voir
qu'il avait essayé de la joindre de chez lui la nuit dernière, mais elle l'avait rappelé quelques minutes plus
tard à son cabinet et non à la maison. Mais pourquoi tous ces mystères?
Malheureusement, la raison pour laquelle il n'arrivait pas à se concentrer, alors qu'il devait mettre les
bouchées doubles pour achever la montagne de travail habituelle du lundi matin, n'avait rien à voir avec
l'absence de sa fiancée.
Il était déjà 9 heures et il n'avait réussi qu'à réorganiser les mêmes piles de papiers qui trônaient sur son
bureau et qu'il déplaçait régulièrement depuis qu'il avait rencontré Jessie. Son esprit revenait
continuellement sur leur dernière conversation.
Cela le contrariait qu'elle manque de confiance en elle. C'était une femme manifestement intelligente,
passionnée par son travail et sensible. Et elle semblait être la seule personne de sa famille qui considérait le
personnel de maison comme des êtres humains. En outre, il était convaincu qu'elle avait signé les noms de
tous les membres de la famille Taggert en bas de la carte destinée au petit fils de la gouvernante pour son
baptême. Il pouvait donc ajouter généreuse à la liste. Pourquoi une femme plus que capable de défendre une
cause se montrait-elle si hésitante ?
Ce qui le troublait encore davantage, néanmoins, était le fait qu'il continuait de penser à elle au lieu de se
concentrer sur son travail.
La porte de son bureau s'ouvrit et la tête de Taryn apparut dans l'embrasure.
- Hé, monsieur Mac. J'ai refait du café, vu que vous avez bu toute une cafetière avant que nous n'ayons
eu le temps d'arriver. Vous en voulez une tasse?
La jeune femme, qui venait juste d'obtenir son baccalauréat, avait proposé de remplacer sa mère au poste
de secrétaire. Cette dernière était en train de se remettre d'une mauvaise entorse à la cheville.
Comme, depuis maintenant une dizaine d'années, Taryn avait l'habitude de venir au bureau après l'école, elle
connaissait plutôt bien le fonctionnement du cabinet.
- C'est gentil, mais non merci.
- Ah et au fait ! quelqu'un demande à vous parler sur la ligne une. Est-ce que vous prenez les appels
maintenant?
- Qui est-ce ?
- Elle ne me l'a pas dit, mais elle a insisté sur le fait que c'était une urgence et que vous voudriez prendre
son appel.
Aucune chance que ce soit Jenna alors.
- Merci, je m'en charge.
Dès que Taryn s'éclipsa, il décrocha le combiné.
- Allô?
- Dieu merci, tu as pris mon appel.
Il reconnut sans mal la voix de Jessie et se surprit à tendre l'oreille pour écouter chacun de ses mots et
distinguer toutes les inflexions de sa voix.
- Qu'est-ce qui ne va pas, Jessie?
- Je crois que nous avons un problème, à moins que tu saches quelque chose que j'ignore et que Jenna soit
actuellement sur le chemin du retour.
- Elle m'a laissé un message au bureau en disant qu'elle serait rentrée d'ici vendredi.
- Alors vous avez un gros problème tous les deux.
Serrant le téléphone plus fermement, il demanda :
- Qu'est-ce que tu veux dire ?
- J'ai vérifié les messages de Jenna sur son téléphone et il y en avait un qui semblait venir d'une femme
très jeune, une certaine Taryn. Elle demandait à Jenna de venir au bureau aux alentours de midi, car il y avait
du nouveau sur une affaire. Mais Jenna avait déjà pris sa semaine de vacances à ce moment-là. Qu'est-ce qui
peut bien être si urgent ?
Mac émît un grognement.
- Il y a anguille sous roche, effectivement. On m'a demand é de ne rien prévoir pendant l'heure du
déjeuner car c'était le seul créneau disponible pour un nouveau client.
- Est-ce inhabituel?
- Seulement quand c'est associé avec ce que tu viens de me dire. J'imagine que contrairement à ce que
j'avais demandé, ils nous ont organisé une sorte de petite fête surprise pour notre mariage.
- Tu n'as qu'à placer dans la conversation, ce matin, que Jenna a dû s'absenter.
- Jenna m'a dit, ainsi qu'à tout le monde ici, qu'elle avait besoin de sa semaine pour finir d'organiser le
mariage. Si je dis qu'elle est partie hors de la ville, ils vont se douter de quelque chose. Et j'ai besoin que tout le
monde ici reste concentré sur son travail si je veux pouvoir partir samedi et prendre une semaine de vacances
pour notre lune de miel.
- On dirait que tes projets vont être bouleversés, que tu le veuilles ou non.
- Si Jenna ne se montre pas, le personnel va me bombarder de questions toute la journée.
- Alors dis-leur qu'elle est malade. Ça a marché avec mes parents.
- Tu peux être sure que, dans ce cas, il y en aura au moins un qui va se rendre à son appartement pour
prendre de ses nouvelles. Et il trouvera porte close. Les rumeurs iront bon train et je ne peux pas ...
- Je sais, je sais. Avoir de distraction. Mais même si tu pouvais contacter Jenna sur-le-champ, elle ne pourrait
probablement pas rentrer à temps pour la fête.
- Non, mais toi tu pourrais.
- Moi ? Oh non! Une fois, ça m'a suffi.
- Je n'aime pas plus que toi cette situation, mais Jenna est plus que ma fiancée. C'est aussi mon associée
dans le cabinet. Le personnel l'aime et l'admire. Tu ne voudrais pas qu'ils changent d'opinion sur elle, n'est-ce
pas?
- Très bien, très bien. Je vais le faire; même si je reste persuadée que ce n'est pas une bonne idée.
- Tu ne le regretteras pas, promit-il.
Mac lui décrivit brièvement les membres du personnel, à quoi ils ressemblaient, le travail qu'ils faisaient et les
informations personnelles qui pourraient lui être utiles.
- Merci encore, Jessie, lui dit-il avant de raccrocher.
Mac se sentit à la fois reconnaissant et soulagé. Au moins, cette fois il serait au courant du changement d'identité
des jumelles. Tout ce que Jessie avait à faire, c'était une brève apparition au bureau. Il jouerait le rôle du fiancé
passionné et resterait à ses côtés, en évitant tout contact avec elle, dans la mesure où ses hormones devenaient
incontrôlables devant cette femme. Il n'avait vraiment pas besoin d'un problème supplémentaire juste avant le
mariage.
Jessie s'arrêta quelques minutes devant la porte d'entrée du cabinet de Mac et avala quelques comprimés pour
l'estomac. Sa vie était devenue tellement stressante, ces derniers temps, qu'elle ferait bien d'acheter des actions
dans la société qui fabriquait ces médicaments aromatisés aux fruits.
Elle arrangea le col de sa veste blanche en lin et espéra que le tailleur-pantalon, qu'elle considérait comme
très habillé, était le genre de choses que sa sœur aurait pu porter pour venir au bureau pendant un de ces
jours de congé.
Ses hauts talons lui meurtrissaient les pieds, à tel point que Jessie se demanda comment sa sœur pouvait
les mettre si souvent. Mais les chaussures n'étaient qu'un détail par rapport à ce qui l'attendait. Elle allait devoir
affronter tous les collaborateurs de sa sœur. Arriverait-elle à les duper? Et d'ailleurs, pourquoi devrait-elle ne
serait-ce qu'essayer?
Prenant une profonde inspiration, Jessie afficha un sourire de circonstance avant d'ouvrir la porte et de
pénétrer dans les bureaux. Mac avait omis de mentionner le somptueux décor qui semblait tiré d'un
magazine quand il lui avait présenté le cabinet, traitant de la meilleure façon d'impressionner ses clients.
Mais elle était censée être Jenna et donc habituée à ce décor. Jessie se hâta donc de dissimuler sa surprise.
Une jeune femme avec des cheveux roux et bouclés se leva derrière le bureau d'accueil et lui sourit.
- Bonjour, mademoiselle Jenna. Je suis désolée que vous ayez dû venir pendant un jour de congé.
- Vous avez dit que c'était important, Taryn. Vous savez de quoi il s'agit?
Ses mots étaient froids et sonnaient bizarrement, mais si elle espérait voir réussir ce stratagème, elle devait
tenir compte des conseils de Mac. Il lui avait expliqué que, bien que Jenna s'entendît avec tous les membres
du personnel, elle n'était pas du genre à mélanger vie professionnelle et vie privée. Jessie devait donc garder
ses distances.
Taryn remua quelques papiers sur son bureau et mordilla machinalement sa lèvre inférieure.
- Adam vous expliquera. Il vous attend ainsi que M.Mac dans la salle de conférences. J'espère qu'il ne
va pas rester coincé au téléphone avec ce moulin à paroles de Mme Petersen.
Mac apparut soudain, impeccable, dans un costume anthracite.
- Taryn, rappelez-moi la règle d'or à propos de nos clients? demanda-t-il d'une voix ferme, mais
patiente.
Taryn roula des yeux.
- Je sais: ne rien dire de méchant si un client se trouve à proximité. Mais Mlle Jenna sait bien à quel point
Mme Petersen peut être casse-pieds parfois, n'est-ce pas ?
- Oui, soit, mais ... , commença Jessie en se tournant vers Mac comme pour implorer son aide.
- Parler des clients en termes négatifs est une mauvaise habitude, Taryn, intervint Mac. Cela pourrait
vous échapper un moment le plus inopportun, alors faites attention, voulez-vous ?
- Je vais essayer, assura la jeune femme en désignant d'un mouvement de tête le couloir à sa droite. Vous
devriez vous rendre dans la salle de conférences. Adam vous y attend
Mac acquiesça et posa sa main dans le creux des reins de sa fiancée de substitution. Cependant, il l'enleva
aussitôt, comme si elle était en jeu. Jessie sentit une sensation de picotements à l'endroit où ses doigts l'avaient
effleurée. Elle réprima un soupir de soulagement au moment où la main de Mac retomba le long de son corps,
taudis qu'ils avançaient dans le couloir.
- Tu te débrouilles très bien, lui murmura-t-il à l'oreille dans un souffle qui la fit frissonner. Je te dois une
fière chandelle.
- C'est pour Jenna que je fais ça.
- Quelles que soient tes raisons, je t'en suis très reconnaissant Je ne veux pas que les employés s'in quiètent
de savoir si le mariage aura vraiment lieu; dit-il avant de s’arrêter devant la porte de la salle de conférences. Ils
se sont donné beaucoup de mal, alors rappelle-toi d'avoir l'air surpris.
Mac tourna la poignée de la porte. Jessie retint son souffle.
- Félicitations !
- Surprise!
Jessie et Mac furent accueillis par des souhaits de meilleurs vœux, fusant de toute part.
Jessie n'avait nul besoin de feindre la surprise, mais son étonnement n'avait rien à voir avec la petite fête. Non,
ce qui la perturbait le plus, c'était de réaliser combien Mac se montrait protecteur envers ses employés. Après
ses récriminations au téléphone, elle avait pensé qu'il s'inquiétait avant tout des rumeurs pouvant circuler au
sein du personnel.
Taryn se précipita dans la pièce, s'excusant d'avoir raté leur entrée. Elle devait rester derrière pour s'assurer
qu'ils entraient bien dans la salle, leur expliqua-t-elle, Elle entreprit ensuite de poser à Jessie une tonne de
questions sur sa robe de mariée, Mac resta à ses côtés, mais garda ses mains dans les poches de son pantalon.
Jessie lui en fut reconnaissante, car elle devait garder la tête froide.
Une petite femme aux cheveux roux et bouclés, sans nul doute la mère de Taryn, s'approcha en sautillant,
aidée de ses béquilles, tout en s'exclamant qu'elle n'aurait raté cette fête pour rien au monde.
Elle réclama des détails sur la lune de miel, les yeux pétillants, du même bleu que ceux de Taryn.
Restant dans le sillage de sa mère, Taryn insista pour qu'elle s'asseye et qu'elle suive les ordres du médecin. La
mère et la fille avaient de nombreux traits physiques en commun, mais devant l'intimité qui semblait exister
entre elles, Jessie sentit sa gorge se nouer. Elle espérait un jour pouvoir partager cette même complicité avec ses
propres enfants.
Adam plaisanta gentiment sur qui de Mac ou de Jenna allumerait son ordinateur portable en premier et
combien de temps après la cérémonie cela risquait-il de se produire.
En prenant conscience que Mac et son personnel entretenaient plus une relation familiale qu'une relation
professionnelle classique entre un patron et ses employés, Jessie eut quelques remords. Cela rendait d'autant plus
difficile le fait de devoir les tromper.
- Hé, Mac ! lança Adam. Je peux te parler une seconde?
- Bien sûr;
De loin, Jessie trouva qu'Adam avait l'ait préoccupé mais elle ne voyait pas pourquoi. Mac secoua la tête à la
question qu'Adam lui posait et une expression d'intense soulagement éclaira alors le visage du jeune homme.
Celui-ci gratifia Mac d'un coup de poing amical sur le bras.
Les deux hommes s'avancèrent vers une table, sur laquelle ,se trouvaient un gâteau et un élégant sac blanc qui
contenait un cadeau, recouvert de papier de soie doté.
Adam fit signe à Jessie de se joindre à eux.
- Il est maintenant temps que les futurs mariés s'entraînent à couper le gâteau et à s'en nourrir mutuellement.
- Je te demande pardon? s'écria Mac.
- Mac, tu as de nombreuses qualités, mais la finesse n'en' fait pas partie, n'est-ce pas Jenna? le taquina
Adam en souriant.
- Bonne idée, Adam, renchérit Taryn. Vous ne voudriez pas salir votre robe de mariée, Jenna ?
Jessie lança un regard à Mac, supposant qu'il allait immédiatement rejeter cette idée. Mais à la place, il lui tendit
le couteau.
- Ça m'a tout l'air d'être un défi, dit-il en croisant son regard. Doit-on leur montrer comment faire ?
Mac posa sa main sur la sienne, tremblante, puis coupa deux petites portions du gâteau recouvert d'un nappage
couleur crème et décoré avec des colombes. Les noms de Mac et de Jenna étaient écrits dans un glaçage bleu
foncé, qui rappelait les couleurs de leur mariage, blanc antique et bleu marine. Cela changeait du noir et blanc
traditionnel, tout en gardant un ton théâtral, ce qui allait très bien à Jenna.
Avec une cuillère, Mac prit un morceau de gâteau. Priant pour que sa main cesse de trembler, Jessie suivit son
exemple. Quel autre choix avaient-ils?
- Honneur aux dames, dit-il, d'une voix rauque.
Elle eut l’impression de défaillir au moment où elle mit la cuillère de gâteau dans la bouche de Mac. Puis, elle
essuya instinctivement le nappage resté sur le coin de ses lèvres sensuelles.
Sans quitter son regard, il fit de même, puis l'embrassa délicatement sur les lèvres. Il avait le goût du sucre et
du champagne, Jessie réprima un cri devant la tendresse innattendue de ce baiser bien trop bref. Son cœur
battait si fort qu'elle entendit à peine les sifflements et les acclamations des employés. Bon sang, qu'était-elle en
train de faire ? Ils faisaient juste semblant !
- Ouvrez le paquet maintenant!
Jessie cligna des yeux, heureuse d'avoir été tirée de ses dangereuses pensées. Elle fixa le sac, soulagée de ne pas
avoir à défaire un paquet-cadeau, tant ses mains continuaient résolument à trembler.
- C'est lourd, prévint Taryn, alors fartes attention.
Jessie tira délicatement sur le papier de soie et découvrit une bonbonnière en cristal.
- C'est magnifique. Merci.
- Ce n'est pas tout, insista Taryn, tout excitée. Regardez à l'intérieur.
- Comme vous avez déjà tout, continua Adam, nous avons opté pour quelque chose de plus astucieux et de
plus utile.
Mac souleva le couvercle et sortit des bons pour divers restaurants, qui assuraient un service de livraison. Il
déplia la note jointe et commença à lire à haute voix.
- Pour les nombreuses soirées de travail qui vous attendent, déchiffra-t-il en souriant. J'aime beaucoup.
Jessie sentit tous les yeux braqués sur elle. Elle n'était pas un bourreau de travail elle-même, mais sa sœur l'était
manifestement.
- Ce genre de chose nous sera très utile et pas qu'au bureau. Pour ceux qui ne le sauraient pas encore, je ne
sais pas cuisiner, dit-elle en riant, dans l'espoir de maintenir une atmosphère légère.
Mac joignit son rire au sien et lui donna un petit coup de coude pour l'encourager.
- A ton tour.
Jessie sortit un des deux petits cadres en acrylique de la bonbonnière, il contenait une photo de Mac,
visiblement découpée dans un journal.
- Pour que vous vous souveniez du visage de votre moitié, lut-elle sur l'étiquette.
Des rires fusèrent. Jessie ne put s'empêcher de penser à quel point elle avait sous-estimé la place que le travail
prendrait dans la vie de sa sœur, une fois mariée. La triste vérité lui apparaissait maintenant, claire comme de
l'eau de roche.
S'efforçant de dissimuler son cœur lourd, Jessie afficha un sourire ironique.
- J'espère juste que ma photo est plus avantageuse que celle-ci. Je risque d'avoir de sérieux ennuis sinon.
Vous vous rendez compte, il pourrait ne plus vouloir rentrer à la maison.
Le rire de Mac se mêla à l'hilarité générale, tandis qu'il passait son bras autour de ses épaules et l'attirait près
de lui. Elle présuma que cette étreinte faisait partie du spectacle, mais elle s'en moquait. Elle avait besoin de sa
force pour continuer à jouer la comédie.
- C'était super, merci à tous ! Mais il est temps maintenant de reprendre le travail.
Pour la forme, les employés protestèrent.
- Vous nous avez bien eu, ajouta Jessie. Taryn. je ne vous en veux plus pour m'avoir fait venir pendant un
jour de congé.
Mac réussit à guider Jessie hors de la salle de conférences et dans son bureau, puis referma la porte derrière
eux.
- C'était les trente minutes les plus longues de ma vie, déclara-t-elle avant de s'effondrer sur la première
chaise venue et de chercher dans son sac ses comprimés pour l'estomac.
- Tu en aurais pour moi?
Mac semblait aussi mal en point qu'elle. Elle lui tendit deux comprimés, qu'il mit aussitôt dans sa bouche.
- Merci, dit-il avant de faire la moue. Goût de craie à l'orange. Intéressant.
- Ça calme mon estomac et c'est tout ce qui m'importe. Alors, tu crois qu'ils ont soupçonné quelque chose ?
Mac s'appuya sur un coin de son bureau.
- Non, mais ça a été moins une. Adam croyait que nous nous étions disputés avant de venir.
- Pourquoi?
- Taryn lui a dit que j'avais enlevé ma main un peu trop brusquement de ton dos dans le couloir. Et dans la
salle de conférence, j'ai gardé mes mains dans mes poches.
Mac se redressa brusquement et s'avança vers la fenêtre, lui tournant le dos.
- Enfin, c'est pour ça que je me suis prêté au découpage du gâteau. Et au baiser.
Jessie effleura sa bouche de ses doigts. Elle pouvait encore sentir le goût de ses lèvres et le frémissement de
désir qui l'avait envahie.
- C'est assez ironique, n'est-ce pas? avança-t-il. Nous étions tellement concentrés sur toi et ton rôle à
jouer, que tu as tenu à merveille d'ailleurs, et finalement, c'est moi qui ai failli tout gâcher.
Il se retourna pour lui faire face et fixa ses mains.
- Est-ce qu'ils surveillent mes moindres mouvements?
- Je suis sûre que non. Mais j'ai moi-même constaté, lors de la soirée que j'avais organisée en votre
honneur, il y a quelques semaines, que tu avais toujours tes mains posées sur les épaules de Jenna ou enroulées
autour de sa taille.
- Ah oui ? s'étonna-t-il en haussant les sourcils. J'imagine que cela me vient naturellement. Ma mère est
du genre tactile et vu la situation avec mon frère, personne n'était avare en câlins dans la famille.
Perdu dans ses pensées, Mac avait l'air d'avoir besoin de tendresse à cette minute même. Mais Jessie n'était
pas celle qui pouvait la lui donner, même si elle avait le cœur retourné pour cet adolescent qui avait dû souffrir
de ne pas être en mesure de protéger sa famille.
Aujourd'hui, Jessie avait compris plus d'une chose.
Maintenant qu'elle savait combien sa sœur avait à perdre, elle n'avait plus du tout mauvaise conscience d'avoir
dû la remplacer. Mais après aujourd'hui, la comédie devait s'arrêter.
6
- Merci de venir à mon secours, une fois de plus, Jessie, commença Mac tandis que l'hôtesse du
restaurant tex-mex très en vogue les conduisait vers une table un peu à l'écart. Si je ne me présente pas avec
ma fiancée au rendez-vous avec le révérend Miller dans une heure, j'ai bien peur qu'il n'y ait pas de mariage
à célébrer samedi. Je ne t'aurais pas dérangée si j'avais pu faire autrement. Je sais que tu détestes toute cette
comédie.
«C'est peu dire »,songea Jessie en posant sa serviette en lin sur ses genoux. Elle s'était à peine remise des
effets exténuants de la mascarade de la veille, et elle était déjà en train de manquer à la promesse qu'elle
s'était faite de ne plus duper les autres.
Néanmoins, elle n'avait pas pu refuser son aide à Mac, maintenant qu'elle voulait son bonheur; autant que
celui de sa sœur. Alors quand il avait insisté pour l'inviter à déjeuner afin de la remercier de lui rendre ce
service, elle avait accepté. C'était de toute façon l'occasion de passer en revue les ·éventuelles questions que
le révérend pourrait leur poser et de se mettre d'accord sur les réponses.
- Ce n'est pas de ta faute, Mac, lui assura Jessie. Et comme Jenna continue de ne pas répondre au
téléphone, nous sommes coincés.
Le serveur arriva et prit leur commande avant de disparaître.
- Alors? Quel est le plan? demanda-t-elle, heureuse qu'ils aient été placés à une table un peu isolée.
- Il se peut qu'il demande comment nous nous sommes rencontrés, mais ça tu le sais déjà. L'aspect
financier peut être évoqué. Nous avons bien entendu établi un contrat de mariage, qui stipule qu'en cas de
divorce nous repartirions chacun avec ce que nous avons apporté au moment du mariage. Et cela nous a
semblé logique de garder des comptes séparés. Quelque chose ne va pas?
Elle haussa les épaules.
- Rien. Un contrat de mariage est une chose plutôt courante de nos jours,j'imagine. Et cela paraît sensé
de garder des comptes séparés au cas où, enfin ... si lès choses se passaient mal entre vous.
- Tu as tort si tu crois que nous avons pris cette décision en pensant que notre mariage serait un échec. Nous
avons choisi de gérer notre argent séparément pour une question de simplicité. Et nous sommes d'accord sur ce point
Jenna et moi. C'est tout ce qui m'importe.
- Tu as raison. Cela ne me regarde pas de toute façon.
Mac hocha la tête et prit une gorgée de son thé tiédi.
- La seule chose qu'il pourrait également mentionner, selon moi, se rapporte aux enfants. Et nous
sommes également d'accord sur ce sujet avec Jenna.
- Je te promets de garder mes opinions pour moi;
Mac s'adossa à sa chaise.
- J'entends à ta voix que tu nous désapprouves. Pourtant de nombreux couples se marient sans
vouloir d'enfants. Pourquoi est-ce si important pour toi d'avoir des enfants ?
- Je ne désapprouve pas, c'est juste que je ne comprends pas. J'ai toujours rêvé d'avoir une grande
famille unie. Enfant, j'avais des amis qui célébraient toutes sortes de traditions. C'était pour eux l'occasion
de se rassembler tout au long de l'année. Ma famille n'a qu'une tradition, le repas dominical, et elle est née
de la culpabilité de mes parents.
Jessie aurait également voulu faire partie d'une famille capable de donner son amour
inconditionnellement et de respecter les choix de chacun, même sans les comprendre.
- Certaines familles ne connaissent même pas cela.
- Je le sais bien, et j'aime ma famille. Je les accepte tels qu'ils sont, mais ils ne pourront jamais me
donner ce que je désire le plus au monde. J'ai toutefois la chance de pouvoir considérer mes collègues à
l'école comme une famille. Nous partageons les heureux événements, comme les mariages, les naissances et
les anniversaires, et nous nous épaulons dans les moments difficiles. J'espère pouvoir un jour créer un lien
identique avec ma propre famille.
Le serveur apporta leurs assiettes. Les fajitas au poulet, poivre et oignons frits dégageaient une odeur
délicieuse, mais à la pensée de ce qui l'attendait, Jessie sentit son estomac se nouer. Elle était également
perturbée par le fait que, pas une seule fois, le mot amour n'avait été prononcé, ni par Mac aujourd'hui, ni
par Jenna au cours de leurs précédentes conversations.
Mac se pencha vers elle.
- Une idée vient de me traverser l'esprit.
- A quel sujet?
- Tu disais que l'une des choses qui te retenaient d'envisager le poste de principale était que la relation
régulière que tu entretenais avec tes élèves allait te manquer.
Jessie le regarda, stupéfaite et désorientée par le brusque changement de conversation.
- Eh bien, oui, mais ...
- Tu es née pour enseigner, Jessie. Regarde comment tu as pris les choses en main au cours du dîner
de charité l'autre soir. Grâce à la façon dont tu as fait participer les enfants, nous avons récolté plus
d'argent que jamais.
- Je l'ignorais.- C'est merveilleux, mais ...
- Tu pourrais être directrice d'école tout en entraînant une équipe ou en assurant des cours à une classe à
l'extérieur. Ce serait la solution idéale.
Il n'avait aucune idée de que cela impliquait d'établir une relation quotidienne avec les mêmes enfants.
Et son sourire suffisant irrita Jessie au plus haut point
- Entraîner une équipe ou enseigner occasionnellement à une classe ne serait pas la même chose. Par
ailleurs, nous ne sommes pas ici pour discuter de mes opportunités de carrière, lui rappela-t-elle, résolue à
revenir au sujet principal. Tu vois d'autres questions que le pasteur pourrait nous poser ?
Mac éprouva une sensation étrange de déjà-vu au moment où il pénétra dans le bureau lambrissé du
pasteur. Puis il comprit pourquoi. Il avait l'impression de se retrouver à l'époque où, adolescent, il était
convoqué dans le bureau du principal, ce qui était rarement synonyme de récompense.
- Je suis ravi de pouvoir enfin faire votre connaissance, Mac et Jenna ,les accueillit le révérend
Miller en leur serrant la main. Je dois admettre que même après la publication de vos bans, comme vous
aviez déjà repoussé deux fois la cérémonie, je pensais que vous aviez peut-être des doutes sur le fait de
vouloir vous marier.
- Non, absolument pas, révérend, assura Mac. Seulement des emplois du temps surchargés.
- Bien. Parce que je n'ai pas honte de vous avouer que je suis impatient de pouvoir célébrer un
mariage dans un lieu si unique. Comment donc vous est venue l'idée de vous marier au musée d'art de
Dallas ?
- C'est l'organisatrice du mariage qui nous l'a proposé, n'est-ce pas, Jenn ?
Jessie acquiesça
- Exact. Elle a suggéré cet endroit quand je lui ai dit que je voulais quelque chose de différent.
Le révérend Miller désigna la causeuse contre un mur. De chaque côté, telles deux sentinelles, de tristes
ficus bon marché se dressaient dans des paniers en osier.
- Vous allez devoir rester un petit moment en ma compagnie, puisque nous regroupons plusieurs
séances en une seule. Alors mettez-vous à l'aise.
Mac hésita à la vue de l'étroit canapé. Jessie s'installa et il ne lui resta plus d'autre choix que de la
suivre. Mais, comme il le craignait, leurs épaules et leurs genoux se frôlèrent .
Plus qu'une causeuse, c'était un véritable siège pour amoureux, songea-t-il avec irritation. Un petit coup
de coude sortit Mac de ses rêveries.
- Mac, le révérend pense que tu es nerveux, mais ce n'est pas le cas, n'est ce pas ?
- Non, bien sûr que non.
A cet instant, Mac décida d'éliminer la source de ses soucis. Par sa seule volonté, il allait rester distant et
éloigné, comme si un bouclier invisible les séparait.
- Croyez-moi, la plupart des couples appréhendent cet entretien, même si je ne comprends pas
vraiment pourquoi.
Vêtu d'un jean et d'une chemise, l'homme svelte aux cheveux blancs approcha une chaise et s'assit en
face d'eux.
Mac cacha sa surprise devant le ton informel de la réunion. Il s'attendait à ce que le révérend aille droit au
but et non qu'il essaie d'engager la conversation sur un ton amical.
- Alors, avez-vous décidé si vous vouliez écrire vos vœux vous-mêmes ou pas ?
- Non, répondit Mac. Nous allons faire au plus simple.
- Très bien. J'ai bien reçu le fax avec les détails pour la soirée de répétition et le mariage. Jenna, on
dirait que vous avez tout prévu. Alors, parlons un peu de vous deux en tant que couple. Comment vous
êtes-vous rencontrés, depuis combien de temps vous connaissez-vous, et qu'est-ce qui vous a décidés à vous
marier?
Mac sentit Jessie se raidir à côté de lui, il détestait la savoir nerveuse. Pour tenter de la rassurer, il posa sa
main sur la sienne. il expliqua ensuite au révérend comment Jenna avait été embauchée comme stagiaire
dans son cabinet, quatre ans plus tôt, et à quel point elle s'était montrée digne de devenir une associée. Il
raconta comment ils avaient découvert qu'ils étaient tout aussi compatibles sur le plan personnel et pourquoi
il l'avait alors demandé en mariage. Et comme aucun des deux ne voyait la nécessité de faire traîner leurs
fiançailles, ils avaient opté pour un mariage en juillet.
Une légère pression sur sa main lui fit comprendre qu'elle appréciait le geste. Le révérend hocha la tête.
- C'est bien d'avoir votre travail en commun. Mais vous allez devoir consacrer du temps à votre
couple, également. Il faudra par moments laisser votre travail de côté pour ne prendre soin que de l'autre.
Avez-vous des passions communes, comme le sport ou peut-être les voyages?
Mac se figea. Le travail était sa passion, sa vie,
- Nous ferons probablement des week-ends par-ci, par-là, avança Jessie. J'ai entendu dire que
l'Arkansas était magnifique en automne.
Cette fois, c'est lui qui lui serra la main en signe de gratitude.
- Il parait que Hot Springs est une ville charmante et historiquement riche, ajouta-t-elle. On dit que
l'eau de source a des vertus curatives. Mais, même si ce n'est qu'un mythe, ce serait tout de même agréable
de se promener ou de faire les magasins avant de se laisser dorloter dans l'une des stations thermales.
- Êtes-vous d'accord avec ça, Mac ?
- Bien sûr, pourquoi pas ? répliqua-t-il, avant d'être envahi par la crainte d'être frappé par la foudre pour
avoir menti à un homme d'église.
Mais, en même temps, si Jessie avait vraiment été sa fiancée et qu'elle avait suggéré ce voyage, il aurait été
emballé par cette idée à cause de l'étincelle qui s'était mise à briller dans ses yeux quand elle en avait parlé.
Ce qui signifiait probablement qu'il devrait être frappé par quelque chose de plus mortel que la foudre.
- Bien. J'imagine que vous avez abordé le sujet des enfants ?
Mac se raidit.
- Nous avons des engagements professionnels très lourds. Ce ne serait pas juste d'avoir un enfant dans
de telles conditions.
Le révérend Miller jeta un coup d'œil à Jessie, qui restait silencieuse.
- Vous ne dites rien, Jenna, Êtes-vous du même avis ? Pas d'horloge interne qui vous tracasse? Aucune
pression de vos parents pour avoir des petits-enfants? Non pas que vous deviez fonder votre décision là-dessus,
mais tous ces éléments doivent être pris en compte.
Mac retint sa respiration et pria pour que Jessie tienne sa promesse et se contente d'exposer uniquement
les opinions de sa sœur.
- Grâce à notre travail,des médecins sans scrupules, des hôpitaux et des compagnies d'assurances
doivent répondre de leurs actes. Je ne peux pas imaginer de travail plus gratifiant et plus épanouissant.
- Mais que se passera-t-il si vous n'en êtes plus aussi convaincue dans quelques années ? Cela posera-t-il
problème alors ?
- Absolument pas. Ma sœur a l'intention d'avoir une famille nombreuse. J'aurai ainsi tous les
avantages,d'un côté comme de l'autre. Je serai la tante amusante pour la journée ou le week-end
Mac se souvint de l'expression sur le visage de Jessie plus tôt dans la journée, quand elle avait expliqué
pourquoi c'était si important pour elle d'avoir des enfants. Il s'était pris à rêver avec elle de cette vie, avant
de recouvrer la raison et de se rappeler qu'il préférait une existence sans surprise.
- Il semblerait que vous ayez bien réfléchi à la situation, mais vous êtes encore tous les deux bien
jeunes. Il se peut que vous souhaitiez reconsidérer complètement l'idée de ne pas avoir d'enfants, les mit en
garde le révérend. Ce point éclairci, nous avons gardé les sujets les plus intéressants pour la fin., à savoir
l'argent et le sexe. Ces deux choses peuvent être à l'origine de bien des soucis dans un mariage,
Si la tension de Mac continuait à croître, il allait exploser.
- Peut-on conclure cette réunion assez rapidement, mon révérend? demanda Mac en s'efforçant tant bien
que mal de faire entrer de l'air dans ses poumons. Nous sommes d'accord pour garder des comptes séparés et
nous n'avons aucune raison de croire que nous ne sommes pas compatibles sur le plan sexuel.
Il lança un regard impatient à sa montre.
- Nous devons retourner au bureau pour finir notre travail avant le mariage, sinon notre lune de miel
risque d'être compromise.
Le révérend Miller sourit.
- Eh bien, on dirait que vous avez bien réfléchi à tout. Je vous vois donc vendredi soir, à 17 heures au
musée, dans ce cas ?
- Oui, répondit Mac en lui serrant la main. Le musée dispose d'un parking souterrain. Si vous vous
garez là, l'ascenseur ou les escaliers vous conduiront à l'entrée voulue. Pour samedi, nous avons prévu un
service de voiturier.
- Et le dîner de répétition aura lieu juste après, précisa Jessie. A La Grande Maison, Vous savez
comment vous y rendre ?
- Je connais assez bien le centre-ville. Il est évident que vous êtes prêts, tant l'un que l'autre, à franchir
le pas. Je suis impatient de pouvoir officialiser votre union.
Tandis qu'ils se dirigeaient vers sa voiture, Jessie lui demanda :
- Je trouve qu'on s'en est plutôt bien sortis, qu'en penses-tu ?
« Si on veut» Alors qu'il rencontrait le pasteur qui était censé les marier, Jenna et lui, il s'était laissé aller à
rêver à des escapades en amoureux avec la sœur de sa fiancée et à une vie où il serait son mari et le père de
ses enfants. N'importe quel jury an monde le déclarerait coupable de muflerie suprême. Il devrait être
pendu ou fusillé, selon le procédé qui s'avérerait le plus douloureux.
- Je suis juste content que ce soit terminé. Et j'espère bien que ta sœur a fini de jouer à cache-cache
également. Je vais l'appeler ce soir et elle a intérêt à répondre au téléphone ou à me rappeler et à me parler
directement.
- Jenn te blâme pas d'être en colère après elle, mais tu sais trop bien qu'elle est parfois égocentrique.
Mac secoua la tête.
- Je serai très clair. Et si jamais tu lui parles en premier, tu peux lui dire que si elle ne m'appelle pas ce
soir pour me dire qu'elle est sur le chemin du retour, le mariage est annulé!
Mac s'assit à son bureau, savourant le moment de calme. Le reste du personnel était parti à 17 heures, ce
qui signifiait qu'il avait bénéficié de trois heures de tranquillité. Malheureusement, malgré la sérénité des
lieux et le retard accumulé, il n'avait pas réussi à se concentrer sur son travail.
Non, ce n'était pas vrai. Son problème de concentration était uniquement lié à Jessie et à sa propre
réaction surprenante et totalement inappropriée face à elle. Il supposait que son étrange comportement était
lié à l'intimité forcée qu'il avait dû partager avec Jessie ces temps-ci. Mais la possibilité que cela puisse
être réel l'effrayait au plus haut point et n'avait, de toute façon, aucun sens. Même si Jessie n'était pas sa
future belle-sœur, il ne sortirait jamais avec quelqu'un comme elle, et voudrait encore moins l'épouser. Ils
avaient des avis si différents sur tout!
Si Jenna était restée en ville, comme prévu, il ne serait pas en train de lutter contre ses sentiments
naissants pour Jessie. Dans ces circonstances, il n'était pas étonnant que sa frustration l'ait conduit à
poser un ultimatum à sa fiancée.
Précisément à cet instant, son téléphone portable sonna Mac poussa un soupir de soulagement en
voyant le numéro de Jenna s'afficher. Il pourrait enfin avoir des réponses à ses questions.
- Bonjour, Mac.
Mac n'avait pas besoin de vérifier le numéro de téléphone pour distinguer une jumelle de l'autre. Jenna
parlait d'une façon vive et directe alors que Jessie avait une voix chaleureuse, imprégnée d'une assurance
calme, qu'il trouvait fascinante et diablement sexy.
Et alors? Même si une alchimie existait entre Jessie et lui, c'était plus d'un partenariat qu'il avait besoin.
- Bonjour, Jenna. Cela t'ennuierait-il de me dire ce qui se passe exactement ?
- Tu n'as pas eu mon message, où je te disais que tout allait bien?
- Disons que j'ai du mal à le croire, vu que tu refuses de me parler.
Il entendit un soupir à l'autre bout du fil.
- D'accord, tu as raison. Tout ne va pas bien, mais ce n'est pas ce que tu crois; J'avoue que l'organisation
du mariage a commencé à m'angoisser, alors j'ai préféré m'éloigner quelques jours. J'étais prête à rentrer
dès samedi, mais j'ai alors développé une allergie à un maquillage quelconque et mon visage a
commencé à enfler.
- Mais tu vas bien?
- Tu veux dire mis à part le fait que mon visage est toujours enflé et que j'ai d'énormes valises sous
les yeux qui me donnent l'air d'avoir cent ans ? C'est horrible. J'ai beau appliquer tout le maquillage
possible, je n'arrive pas à dissimuler ce désastre.
- Où es-tu? Je peux peut-être te trouver le nom d'un spécialiste dans la région?
- Merci; Mac, mais je pense avoir trouvé une solution. Je suis à Austin, à la station thermale. Ils
m'ont promis que d'ici vendredi, ils seraient en mesure de me rendre mon beau visage.
- Vendredi? Ce n'est pas un peu juste?
- Crois-moi, tu n'aurais pas envie d'être vu en ma compagnie avec la tête que j'ai aujourd'hui. Qu'y a-
t-il de si urgent ? Jessie m'a appelée pour me transmettre ton ultimatrum.
- Ça a été la folie ces deux derniers jours. Jessie et moi, nous avons dû assister à une fête surprise
organisée au bureau et à un entretien avec le pasteur. Dieu seul sait ce qui nous attend encore. C'est pour
ça que je voulais que tu rentres.
- Je suis désolée, mais tant que mon visage n'aura pas repris son apparence normale, je ne peux rien faire.
- Alors je vais annuler le rendez-vous avec Craig, jeudi. Le couple qui était intéressé par la même
maison que toi, sur Hillcrest, n'a pas pu conclure l'affaire. Craig m'en a alors promis l'exclusivité et propose
de nous la faire visiter. Nous sommes convenus de nous y retrouver jeudi après-midi.
- C'est merveilleux! Je sais que nous n'avons vu la maison que de l'extérieur, mais comme nous avons déjà
visité une maison construite sur le même plan, je sais qu'elle est parfaite pour nous. Tu ne pourrais pas y aller
sans moi ?
- Sûrement pas. Nous recommencerons à chercher une maison quand nous rentrerons de Hawaii, voilà tout
- Mais d'ici là, quelqu'un d'autre risque de sauter sur l'occasion; insista-t-elle. Ne pourrais-tu pas
inventer une excuse pour expliquer que je ne puisse pas venir avec toi ?
- Craig te connaît suffisamment bien maintenant pour savoir que tu n'accepterais jamais que je décide
d'acheter une maison sans que tu sois présente.
Et la dernière chose dont Mac avait besoin était que son témoin de mariage soupçonne que quelque
chose n'allait pas. Divorcé à deux reprises, Craig n'était pas favorable au mariage. Il essaierait
probablement de convaincre Mac de renoncer à son engagement.
- Si tout ce dont tu as besoin pour conclure la vente, c'est que je sois à tes côtés, alors je suis sûre que
Jessie t'aidera encore une fois.
- Jenna, ce n'est juste ni pour moi, ni pour Jessie.
- Tu as raison, mais je vous promets à tous les deux de me rattraper, dès que je serai rentrée. Tu vois,
tout va bien. Fais-moi confiance.
Jeudi après-midi, Mac observa Jessie du coin de l'œil, avant de s'engager dans l'impasse où se trouvait
la maison qui plaisait tant à Jenna,
Jessie avait revêtu l'apparence chic de sa sœur. Mais maintenant qu'il avait passé du temps avec elle, il
n'aurait plus aucun mal à les distinguer l'une de l'autre. Elle possédait une assurance discrète, qu'aucune
coiffure, aucun maquillage ou aucun vêtement ne pourrait dissimuler.
Dieu merci, il avait eu la journée d'hier pour se ressaisir, après avoir été aussi perturbé par l'entretien
avec le pasteur. Et sa discussion avec Jenna l'y avait aidé. Elle semblait être redevenue la Jenna sûre d'elle
et, il devait l'avouer, un peu égoïste. Mais il pouvait vivre avec ça tant qu'elle prenait au sérieux sa place
d'associée dans le cabinet
Toutefois, il ne pouvait se débarrasser d'un mauvais pressentiment.
- Merci encore, Jessie, de nous rendre ce dernier service.
Mac gara la voiture devant la maison mais laissa le moteur tourner pour bénéficier de l'air conditionné en
attendant l'arrivée de Craig.
- Je suis sûr que ce n'est pas comme ça que tu avais prévu de passer tes vacances, ajouta-t-il.
- C'est le moins qu'on puisse dire, répliqua-t-elle en riant. Je n'ai jamais aimé que l'on se fasse passer
l'une pour l'autre quand nous étions enfants, même si j'avoue que cela m'a bien aidée parfois. Mais c'est encore
pire maintenant
Après le rendez-vous stressant avec le pasteur, Mac avait espéré que la prochaine fois qu'il verrait Jessie,
ce serait pour la répétition du mariage, avec Jenn à ses côtés.
- Nous verrons bien à quel point tu es reconnaissant d'ici quelques heures, quand nous retournerons
chez moi et que tu te retrouveras à creuser dans la terre boueuse de mon jardin.
- Je respecterai ma part du contrat, promit-il, même si des piles de dossiers l'attendaient sur son
bureau.
Il aurait pu proposer d'engager quelqu'un pour l'aider, mais elle aurait sûrement refusé et, en outre, il se sentait
contraint de payer de sa personne. Selon lui, Jessie avait été bien au-delà du lien de la fraternité.
Une Mini de couleur rouge s'arrêta devant eux et se gara le long du trottoir. Craig sortit de la voiture, sa
serviette à la main, et ils le rejoignirent. Il n'avait pas changé depuis l'université. Il avait toujours l'esprit
libre, des cheveux blonds un peu plus longs que les convenances ne le permettaient et il refusait toujours de
porter une cravate.
Il admettait que son apparence et sa voiture atypique effrayaient ses clients potentiels les plus
conservateurs, mais il s'en moquait. Il ne souhaitait de toute façon pas traiter avec ce genre de personnes.
La passion de son travail l'avait amené à devenir l'un des agents immobiliers les plus brillants de la région.
Craig embrassa Jessie sur la joue.
- Tu es superbe, comme toujours, Jenn, dit-il, avant de gratifier Mac d'une grande claque dans le dos.
Il n'y a vraiment rien que je puisse faire pour te convaincre de fêter l'enterrement de ta vie de garçon?
- Aucune chance, répliqua Mac. Mais merci quand même.
- Ne perdons pas de temps, alors.
Craig saisit le code de l'alarme et ouvrit la porte. D'un geste de la main, il les encouragea à entrer.
- Je pense que c'est exactement ce que vous recherchez, mis à part pour la salle de bains principale.
Je crois qu'elle ne dispose que d'une baignoire jacuzzi de taille standard.
Jenn et lui avaient déjà eu cette conversation avec Craig quand ils avaient visité d'autres maisons.
Craig sourit.
- Je persiste à dire que les vrais hommes ne prennent pas de bains à bulles.
- Hé, je n'utilise pas de trucs parfumés! protesta Mac. C'est thérapeutique, c'est tout. J'ai commencé à
en prendre après ma blessure au genou, à l'université.
- Oui, mais c'était suffisamment embarrassant quand tu nous l'as avoué.
Mac jeta un coup d'œil à Jessie et vit une étincelle malicieuse briller dans ses yeux.
- Je ne sais pas, Craig. Selon moi, les vraies femmes aiment les hommes qui n'ont pas peur des
bulles.
Mac déglutit avec peine. Il ne se serait jamais imaginé que la recherche d'une maison pourrait s'avérer
une sortie dangereuse. Et encore moins que Jessie jouerait le jeu, allant jusqu'à se délecter de son malaise,
tout en sachant qu'il n'avait aucun moyeu de défense.
Dieu merci, une sonnerie de téléphone qu'il ne connaissait pas résonna dans la pièce. Craig regarda le
numéro de l'appelant sur son téléphone portable.
- Je dois prendre cet appel. Commencez la visite, je vous rejoindrai en cours de route.
- Pas de problème.
Mac s'obligea à poser sa main dans le creux des reins de Jessie, tandis qu'ils empruntaient le couloir les
menant à la cuisine. Il avait déjà été démasqué une fois en train d'agir bizarrement et Craig le connaissait
encore mieux que ses employés.
- Souviens-toi, la préoccupation principale de Jenna est que la maison puisse accueillir de grandes
réceptions, murmura-t-il.
Jessie hocha distraitement la tête, tout en faisant courir ses doigts le long du plan de travail de la cuisine,
puis fronça les sourcils. Toute trace de son expression malicieuse s'évanouit aussitôt.
- Ce beige soutenu fera ressortir toutes les marques et toutes les taches. Et les parquets demandent
beaucoup d'entretien.
- Ce n'est pas un problème. Nous aurons du personnel de maison.
Jessie ouvrit les portes-fenêtres et sortit sur le patio.
- La piscine occupe tout le jardin, dit-elle en secouant la tête. Il n'y aura pas de place pour qu'un chien
puisse s'amuser, sans parler d'un enfant.
- Dans la mesure où nous n'avons l'intention d'avoir ni l'un, ni l'autre, ce n'est pas un problème non
plus.
Une expression étrange apparut sur son visage.
- Oh, c'est vrai ! Eh bien, c'est une superbe piscine pour nager! Vous pourriez même installer un filet
de volley à l'endroit le moins profond. Jenna adorerait cela.
Jessie se dirigea vers la salle de séjour, dotée de plafonds voûtés, d'un petit bar alimenté en eau courante
et d'une cheminée.
- Ça m'a l'air parfait pour recevoir, dit-il, certain qu'elle ne pourrait rien trouver à redire, vu la surface
impressionnante de la pièce.
- Mais n'allez-vous pas vous sentir perdus, quand vous ne serez que tous les deux dans ce grand
salon?
Il n'y avait jamais songé.
- Allons voir les chambres d'amis en bas avant de monter à l'étage.
- Tu veux dire que votre chambre à coucher serait en haut?
- Oui, pourquoi ?
- J'oublie constamment qu'il ne s'agit pas du genre de maison que j'aimerais, moi, répondit-elle
doucement, craignant manifestement d'être entendue par Craig.
- Et ce serait quel genre de maison ? se surprit à demander Mac, même si cela n'était pas censé avoir
d'importance à ses yeux.
- Je voudrais un grand jardin avec une balançoire, un bac à sable et une niche, commença-t-elle en
esquissant un sourire rêveur. Le plan de travail de la cuisine serait coloré avec des motifs, pour que l'on
puisse renverser des choses dessus ou faire des taches sans que cela se voie. Quand les enfants seraient
petits, je les installerais dans les chambres du bas. Je voudrais donc que ma chambre à coucher soit
également au rez-de-chaussée, pour pouvoir être à côté. Mais quand ils grandiraient, ils pourraient
emménager dans les chambres à l'étage pour que papa et maman aient leur intimité.
- Et tu en voudrais combien?
- Oh, un chien pour commencer. Au moins deux enfants, peut-être plus. Cette moquette couleur crème
serait un cauchemar, dit-elle en montrant le sol du doigt Aucun mur ne resterait blanc dans la maison.
J'aimerais des couleurs chaudes pour rendre les pièces accueillantes.
En écoutant Jessie décrire la maison de ses rêves et la famille qu'elle souhaitait, Mac sentit une
douloureuse émotion s'emparer de lui. Des souvenirs d'enfance l'envahirent. Il se rappela comment sa
mère avait transformé leur petite maison en nid douillet pour son frère et pour lui. Elle arrivait à
transformer le moindre petit événement en quelque chose de spécial. Mais après la mort de son frère, toute
joie avait disparu des yeux de sa mère. TI s'était alors juré de ne jamais avoir d'enfants. Les rêves de Jessie
étaient beaucoup trop risqués. Cependant, une partie de lui espérait pouvoir croire encore à ce bonheur.
- Je suis désolé, ça a duré plus longtemps que prévu, s'excusa Craig en entrant dans la salle de
séjour. Êtes-vous prêts à visiter les pièces de l'étage?
Mac était prêt, définitivement. Prêt à ce que sa vie reprenne son cours habituel. Sauf que cela ne
risquait pas d'arriver tant que sa fiancée ne serait pas de retour à la maison.
- Nous en avons vu assez. Tu connais le prix que nous sommes prêts à y mettre, alors prépare
les papiers et faxe-les-moi quand ils seront prêts.
Craig haussa les sourcils.
- Tu es en train de me dire que tu veux faire une offre sans même avoir vu l'intégralité de la maison ?
Cela ne te ressemble pas, Mac.
Mac saisit Jessie par la main et l'entraîna vers la porte d'entrée.
- Non, mais c'est du Jenna tout craché, dit-il par-dessus son épaule. Elle sait ce qu'elle veut. Merci
encore, Craig. Je te vois demain au musée d'art de Dallas pour la répétition du mariage, à 17 heures
précises.
Il referma la porte derrière lui et déverrouilla sa voiture à distance. Enfin, il pouvait respirer.
Jessie indiqua à Mac la salle de bains où il pouvait se changer et mettre des vêtements de travail; puis se
hâta vers sa chambre pour en faire de même. Elle troqua son tailleur chic contre un short en jean et un T-
shirt, puis tira ses cheveux en arrière en une queue-de-cheval. Elle entreprit ensuite de fouiller son armoire
à la recherche d'une vieille paire de tennis.
Mais qu'avait donc Mac aujourd'hui, bon sang? se demanda-t-elle. Pendant tout le trajet du retour, il avait
refusé de lui expliquer pourquoi ils étaient partis aussi précipitamment, en laissant son ami pour le moins
perplexe.
La seule raison pour laquelle elle avait accepté cette comédie au départ, c'était pour ne pas éveiller les
soupçons du témoin du marié à propos de l'absence de Jenna.
- S'il ne fallait pas éveiller les soupçons, c'est fichu maintenant, maugréa-t-elle pour elle-même.
Elle sortit de sa chambre et le trouva en train de regarder par la fenêtre de la cuisine. Son T-shirt et son
short révélaient des bras musclés et des jambes puissantes. Ses mains étaient posées sur ses hanches
sveltes. Bon sang, il avait l'air encore plus appétissant que le meilleur des gâteaux au chocolat.
Elle ferait mieux d'essayer d'éclaircir les choses plutôt que de se laisser obséder par une tentation qui
pourrait faire plus de mal à son cœur qu'une boite de chocolats hautement calorique en ferait à ses cuisses.
- Écoute, Mac, tu m'as clairement fait comprendre que tu ne voulais pas parler de ce qui s'était passé
tout à l'heure dans cette grande maison froide. As-tu peur que j'ai laissé échapper quelque chose devant
Craig?
Mac se retourna. Son visage était dénué de toute expression.
- Cela n'a plus guère d'importance maintenant
- Mais tout l'intérêt de ma présence à tes côtés était pourtant de faire croire à ton ami que tout allait
bien. Et vu la façon dont tu m'as si grossièrement entraînée hors de la maison, il va forcément avoir des
soupçons et se demander ce qui se passe.
- Craig est tellement occupé à saliver en pensant à l'énorme commission qu'il va toucher pour la
vente, que je doute qu'il ait remarqué quoi que ce soit, assura Mac en enfouissant ses mains dans les poches
de son short. Je sais déjà que Jenna va adorer cette maison. Il n'y avait donc aucune raison pour que nous
perdions davantage notre temps.
- Mais ...
Mac désigna le jardin, d'un geste de la tête.
- La pluie menace de tomber d'une minute à l'autre; Nous aurons de la chance si nous arrivons à tout
piauler avant d'être trempés. Ne devrions-nous pas nous y mettre ?
Jessie en convint et conclut qu'elle pouvait ajouter l'obstination à la grossièreté et à la morosité sur la
liste des traits de caractère désagréables de Mac.
Deux heures plus tard, Jessie devait avouer que les qualités irritantes de Mac s'avéraient maintenant être
un atout. Cet homme était tenace. Il ne s'arrêtait que pour essuyer la sueur qui coulait sur son front.
L'eau glacée qu'elle avait maintenue au frais sous le porche les aidait à supporter la chaleur étouffante de
l'après-midi. Elle n'aurait pas pu blâmer Mac s'il avait enlevé son T-shirt, mais elle lui était reconnaissante
de ne pas l'avoir fait.
Une goutte de sueur lui ruissela dans l'œil, la tirant de ses rêveries. Mon Dieu, elle déraillait. Elle était
sûrement restée trop longtemps au soleil. Et elle avait dû passer trop de temps avec un homme qui ne lui
convenait absolument pas, et là, cet homme s'apprêtait à planter le mauvais arbre.
- Attends, Mac, s'écria Jessie. C'est l'autre arbuste qui va dans ce coin.
- Quelle différence cela fait-il ? Ils sont à peu près de la même taille. Et ils sont tous les deux verts.
Elle secoua la tête, tout en levant les yeux au ciel.
- L'un a besoin du soleil du matin alors que l'autre réclame essentiellement de l'ombre.
Il intervertit les deux arbustes, puis se dirigea jusqu'au trou qu'il venait de creuser dans le coin sud-est de
son jardin.
- Comment sais-tu tout ça ? Tu as passé une semaine entière dans une bibliothèque pour faire des
recherches ?
- A t'entendre, on dirait que c'est une corvée. Mais j'ai toujours aimé les plantes et la plupart des
choses qui sont amenées à grandir.
Elle saisit une caissette de lierre anglais et la porta vers le myrte. Un tapis vert à son pied serait du plus
bel effet pour un arbre à la floraison aussi belle et aussi abondante.
- Quand je prends mon café et que je regarde les oiseaux, j'en profite également pour parcourir des
magazines, à la recherche d'idées. Et ensuite, je me documente sur les plantes pour être sûre qu'elles
poussent dans cette région et pour savoir ce dont elles ont besoin.
- Et où trouves-tu le temps pour cela ? Je croyais que les enseignants ramenaient beaucoup de
travail à la maison.
- On trouve toujours le temps de faire ce que l'on aime.
Elle n'était pas prête à lui avouer qu'elle n'avait en réalité jamais eu l'intention de s'occuper de son jardin
avant le mariage. Mais elle avait eu besoin d'une distraction sûre, qui occuperait son esprit, l'empêchant
de réfléchir ou de fantasmer sur un homme qu'elle ne pourrait jamais avoir.
Le ciel s'assombrit, offrant une fraîcheur appréciable après l'implacable soleil de la journée.
- Nous devrions nous dépêcher, annonça Mac en scrutant le ciel. Ces gros nuages se déplacent
relativement vite.
- J'ai terminé de mon côté, déclara Jessie en se levant et en secouant la terre de ses genoux. Il ne
reste plus qu'un arbuste et quelques fleurs à mettre en pot. Mais ça, je peux le faire plus tard.
Elle l'aida à creuser le dernier trou pour le petit arbuste, censé donner, un jour ou l'autre, un peu plus
d'ombre dans son patio. Pourquoi trouvait-elle si merveilleux d'avoir quelqu'un à ses côtés aujourd'hui?
Elle avait pourtant l'habitude de jardiner seule et elle appréciait la solitude.
A la pensée que rien ne sortirait de bon de ses sentiments pour lui, Jessie sentit une profonde
déception l'envahir. Au mieux, ils pourraient être amis, mais son corps ainsi que son cœur semblaient
déterminés à ignorer ce message. Le temps, les dîners dominicaux en famille et des vacances en
compagnie de l'heureux couple marié auraient peut-être raison de ce problème, Elle deviendrait experte
dans l'art de dissimuler ses véritables sentiments pour Mac.
Mac tourna le maigre tronc d'arbre et le secoua légèrement pour qu'il prenne place dans le trou.
- Je peux m'en sortir tout seul, Jess, insista-t-il, il laissa échapper un grognement quand il vitqu'elle
ignorait sa remarque et se mettait à genoux. Elle posa ses petites mains à côté des siennes. Sa bouche
semblait diablement attirante si proche de lui.
- Non, je veux me rendre utile.
Dommage qu'il ne puisse pas lui dire que la meilleure façon de l'aider était encore d'éloigner son
charmant petit derrière de sa vue. Elle avait réussi à l'impressionner avec son immense savoir des
plantes et des soins que chacune d'entre elles réclamait. Modeste, elle était toujours la première à rire
d'elle-même et malgré sa simple queue-de-cheval et ses vieux habits, elle était encore plus belle.
La bruine se transforma en averse douce et régulière tandis qu'ils finissaient de tasser grossièrement
la terre enrichie autour du tronc d'arbre. Ils se dépêchèrent alors de récupérer les pelles et les pots vides
éparpillés dans le jardin.
Mac ne pouvait détourner son regard de Jessie. A cause de la pluie, son T-shirt et son short en jean lui
collaient à la peau, épousant parfaitement les formes de son corps et de ses séduisantes courbes,
Bon sang, elle était magnifique. Mais tellement inaccessible. Alors pourquoi ne parvenait-il pas à
réprimer l'attirance qu'il éprouvait pour elle? Et pourquoi ne ressentait-il pas le même désir pour Jenna,
qui pourtant lui ressemblait comme deux gouttes d'eau ?
Jusqu'à cette semaine, il avait été capable de maîtriser tous les aspects de sa vie, il avait
intentionnellement choisi d'épouser une femme qui, comme lui, pensait que l'amour était une distraction
inutile. Mais entre-temps, il avait fait la connaissance de Jessie, qui était à l'opposé de lui. Toutefois, à
plusieurs reprises, il s'était pris à rêver de partager avec elle une vie remplie d'amour, impliquant un
mariage, des enfants et même un chien. Et il était persuadé qu'elle serait parfaite dans un rôle de mère,
de par sa douceur, sa créativité et sa patience, les mêmes traits de caractère qui faisaient d'elle une
excellente maîtresse d'école et jardinière.
Ignorant les grosses gouttes de pluie, elle éclata de rire.
- Je sais, je ressemble probablement à un chien mouillé, déclara Jessie avec un large sourire. Mais
toi, tu ressembles à un chien mouillé qui se serait roulé dans la boue.
- Ça veut certainement dire que j'ai travaillé plus dur que toi.
Elle roula des yeux.
- Alors, Mac. D'après toi, que diraient tes clients s'ils te voyaient ainsi ?
Pour la deuxième fois de la journée, il préféra se dire qu'elle était en train de le taquiner innocemment.
Mais la réaction que lui inspirent ces propos n'avait rien d'innocent.
Il avait grandement sous-estimé la puissance de sa voix espiègle et l'odeur à la fois délicate et sexy de
son parfum. Elle se tenait à moins d'un mètre de lui. Mac comprenait ce que lui dictait son cœur mais il
avait conscience qu'il ne pourrait jamais avoir ce qu'il désirait le plus au monde.
Craignant que toute cette énergie qu'il réprimait ne finisse par exploser, il saisit la première idée qui
lui traversa l'esprit. Il n'y avait rien de mal à faire un petit combat de catch dans la boue ? Il éclaboussa
alors volontairement les chaussures trempées de Jessie avec de la terre.
- Hé, arrête ça !
- Et d'après toi, que diraient tes élèves s'ils te voyaient ainsi?
Il lança un filet de boue sur son T-shirt. Les yeux de la jeune femme s'agrandirent. Elle le regarda,
bouche bée.
- O.K. Tu veux la guerre.
Elle se baissa, ramassa une poignée de terre dans un pot et projeta la substance gluante sur ses genoux.
Jetant un œil autour de lui, il remarqua la brouette à moitié pleine de terre dont ils s'étaient servis tout
à l'heure. Avant qu'elle ne puisse réagir, il se pencha en avant, la souleva et l'immobilisa sur son épaule.
Elle poussa un cri et martela, par jeu, son dos de ses poings.
- Laisse-moi descendre !
- Avec plaisir, répondit-il en la déposant dans la brouette.
Puis, comme pour admirer son œuvre, il fit un pas en arrière et croisa les bras. Jessie le regarda,
vexée. Ses yeux semblaient lancer des étincelles;
- Tu es un homme mort, McKenna, menaça-t-elle.
Elle tenta de s'extirper de la brouette, mais ses vêtements trempés et la boue moelleuse et collante
semblaient la retenir prisonnière. Un sourire se dessina sur ses lèvres et elle laissa échapper un
gloussement. Puis, son rire se transforma peu à pen en fou rire. Bon sang, elle savait profiter de
chaque instant de la vie et tourner toute situation en événement heureux. Et c'était une des choses qu'il
aimait en elle.
Gagné par sa gaieté, il éclata de rire à son tour tout en se penchant vers elle, pour l'aider à sortir de la
brouette. Brusquement, elle se raidit dans ses bras. Il fit l'erreur de croiser son regard et y lut un désir
auquel il ne s'attendait pas, mais qui le remplit d'espoir.
L'humeur espiègle du moment se dissipa plus rapidement que la rosée d'une chaude matinée d'été. La
sensation enivrante de son corps chaud pressé contre le sien fit fondre ses dernières résistances. Il
s'empara de sa bouche avec avidité, espérant y retrouver la douce innocence qu'il avait perçue lors de
leur précédent baiser, trop bref. Mais au lieu de cela, elle lui répondit par des baisers impatients et
voluptueux, qui ne firent que l'encourager à en demander plus.
Relâchant légèrement son étreinte, il reposa la jeune femme à terre, avant de presser fiévreusement son corps
contre le sien. Elle émit un gémissement et se colla à lui, comme si, elle non plus, ne pouvait supporter le
moindre espace entre eux. Le goût de sa bouche et la sensation de son corps réceptif contre le sien le
rendaient fou de désir. Il n'avait jamais auparavant désiré une femme à ce point.
Pourquoi diable pensait-il que la femme idéale pour lui devait être aussi élégante qu'ambitieuse? Il tenait
la perfection dans ses bras : une femme qui avait les pieds sur terre et pour qui il était naturel de prendre le
temps de sentir le doux parfum des roses qu'elle venait de planter.
Au coup de tonnerre, Mac fit un bond en arrière, comme s'il avait été touché par la foudre. Celle-ci avait
dû précéder le coup de tonnerre, mais ils ne l'avaient pas vue, étant trop absorbés par la sensualité de leurs
baisers.
- Je mentirais si je disais que je suis désolé pour ce qui vient de se passer, déclara Mac d'une voix à la fois
douce et rauque. Alors je vais me contenter de te promettre que cela n'arrivera plus. Cela ne doit plus
arriver.
- Je sais. Moi non plus, je ne suis pas désolée, mais je suis d'accord avec toi. C'était une erreur.
Son amour du jardinage lui avait appris l'importance du facteur temps. Si une graine était plantée trop tôt
ou trop tard dans la saison, elle ne germerait pas et resterait en terre, sans voir ni le ciel, ni le soleil.
Ses sentiments pour Mac avaient éclos trop tard. Ils n'auraient jamais dû naître en réalité ...
- Ne t'inquiète pas. C'est déjà oublié, lui assura-t-elle.
Toutefois, elle savait qu'une partie d'elle n'oublierait jamais ses baisers, qui avaient réussi à l'atteindre au
plus profond de son être. Et elle n'oublierait pas non plus que la foi de Mac en ses capacités l'avait poussée
à réfléchir à ce qu'elle voulait vraiment faire pour son avenir et à agir en conséquence, sans hésiter.
Elle l'aimait, mais manifestement il avait toujours l'intention d'épouser sa sœur.
Mac entendit la porte d'entrée s'ouvrir. Une odeur de hamburger et de frites envahit l'air. Cependant, il n'avait
pas commandé de repas à livrer au bureau. ....,
- Mon grand garçon est encore en train de travailler si tard, comme toujours?
- Maman?
Il alla à la rencontre de sa mère sur le pas de la porte et la serra dans ses bras.
- Mais qu'est-ce que tu fais là, mis à part être venue nourrir un homme affamé ?
- Je suis partie de Houston plus tôt que prévu. Et comme tu ne répondais pas à ton appartement, j'ai
deviné que tu étais ici et que tu n'avais probablement pas encore dîné. Et il est déjà 19 heures passées.
- Tu me connais trop bien.
Mais, en réalité, il n'avait pas très faim. A quoi pensait-il quand il avait agi contre toute logique et tout sens
commun, en embrassant Jessie?
Après qu'il fut parti de chez Jessie, il était rentré chez lui pour prendre une douche et mettre des
vêtements secs avant de retourner au bureau. Il s'était alors réfugié dans le travail qui s'était entassé sur son
bureau.
- Mac, qu'est-ce qui ne va pas ?
La voix de sa mère le ramena brusquement au présent.
- Quoi ? Enfin, je veux dire, rien. Tout va bien, la rassura-t-il avant de désigner le sac de nourriture. Tu
dînes avec moi?
- Bien sûr, répondit-elle en posant le sac sur son bureau, tout en fronçant les sourcils, Mais n'essaie
pas de changer de sujet . Dis-moi ce qui te préoccupe.
Mac commença à se masser les tempes.
- C'est juste la nervosité à l'approche du grand jour.
- Comme tu viens de le dire, je te connais trop bien, Mac, le sermonna-t-elle en croisant les bras. Je
n'y crois pas du tout. Essaie autre chose.
Comme il était hors de question qu'il lui avoue toute la vérité, il décida de lui faire quelques confes sions
innocentes.
- Très bien. Je suis un peu tendu parce que Jenna a subitement quitté la ville sans me prévenir et
qu'elle n'est pas rentrée de toute la semaine.
- Mais cela n'a aucun sens. Tu as pu lui parler ?
- Oui, enfin! Elle est à Austin. C'est une longue histoire, mais elle a une bonne raison pour ne pas être
rentrée tout de suite.
Tout en sortant les sandwichs du sac, sa mère lui rétorqua :
- Je suis sûre que tout ira bien. Vous semblez être faits l'un pour l'autre et, crois-moi, votre amour vous
aidera à traverser les moments de doute an cours de votre longue et heureuse vie de couple.
Il ne prit pas la peine d'avouer à sa mère que l'amour n'avait pas sa place dans leur couple. Elle ne
comprendrait pas. Et après ce qui venait de se passer avec Jessie, il n'était même plus sûr de le
comprendre lui-même.
Mac jeta un œil sur sa montre et décida d'en rester là pour la journée, ou plutôt pour la nuit, étant
donné l'heure avancée. 21 heures. Et il avait besoin d'encore au moins une bonne journée de travail pour
pouvoir clore ses dossier, avant de partir, samedi. en voyage de noces.
Sa mère l'avait quitté pour rejoindre son hôtel peu après leur dîner. Il l'invitait toujours à rester dormir
chez lui, dans sa chambre d'amis, mais elle refusait invariablement, prétendant qu'un honnne avait
besoin de son intimité.
Mac entendit la porte d'entrée s'ouvrir de nouveau et fronça les sourcils. Qui cela pouvait-il bien être
à une heure pareille?
- Quelqu'un aurait-il besoin d'un verre par ici ?
Mac émit un grognement.
- Entre, Craig.
D'abord sa mère et maintenant son meilleur ami. Qui serait le prochain? Le révérend Miller ?
- Mais je n'ai pas trop de temps à t'accorder.
Craig entra nonchalamment dans le bureau, une bouteille de champagne dans une main et deux coupes
dans l'autre.
- Tu as quand même le temps de boire un petit verre. Comme tu as refusé que je t'organise un
enterrement de vie de garçon, j'ai pensé que c'était le moins que je puisse faire.
- Tu n'étais pas obligé, mais merci.
Craig versa le champagne dans les coupes, en tendit une à Mac puis saisit l'autre et la leva en l'air.
- Au meilleur ami qu'un homme puisse avoir.
A son tour, Mac leva son verre et but une gorgée.
- Joli toast, mais n'est-ce pas un peu trop fleur bleue pour toi ?
- Et alors? C'est la première fois que je suis témoin. Et c'est la raison pour laquelle j'hésitais à te
parler.
- Craig, où veux-tu en venir ? demanda Mac, tout en soupçonnant qu'il connaissait déjà la réponse.
- Cet après-midi, je vous ai trouvés étranges, Jenna et toi. Vous vous êtes disputés?
Mac secoua la tête.
- C'est juste l'approche du mariage qui nous rend nerveux.
- Alors vous n'avez pas le moindre doute quant à votre engagement? Parce que si c'était le cas, il n'est
jamais trop tard pour annuler la cérémonie. Crois-moi, plus tu attends et plus elle souffrira de la
rupture.
Craig reposa sou verre sur le bureau.
- Voilà. C'est dit. Alors, dis-moi la vérité, maintenant. Es-tu réellement sur de vouloir te marier?
- Absolument, insista Mac.
Mais il se demanda qui, de lui ou de sou ami, essayait de convaincre l'autre.
8
Tard dans la matinée de vendredi, Jessie gara sa voiture dans l'allée et grogna en voyant que
ses amies l'attendaient sous son porche. Elle se sentait encore trop chamboulée par ce qui s'était
passé entre Mac et elle la veille, et n'était pas sûre de vouloir les mettre au courant de son effroyable
erreur de jugement vis-à-vis du fiancé de sa sœur.
- Hé, Jess, l'interpella Carla. Tu es partie tôt ce matin. Tu avais un rendez-vous chez le médecin ?
Jessie se dit qu'elle ferait tout aussi bien d'avouer.
Elles finiraient de toute façon par lui tirer les vers du nez, tôt ou tard.
- En fait, je suis allée voir Mme Drew.
- La directrice de l'école? demanda Dana. Personne n'a été licencié, au moins ?
- Non, rassure-toi.
Un changement radical dans sa vie pourrait l'aider à rendre les choses plus simples, une fois que Mac et
Jenna seraient rentrés de leur voyage de noces et commenceraient à s'épanouir dans leur vie de couple.
- Quelque chose ne va pas alors ? insista Dana.
- Entrez, proposa Jessie en ouvrant la porte. Je vais vous raconter.
Jessie les conduisit dans la cuisine où elles prirent leur place habituelle autour de la table.
- Ne vous inquiétez pas, tout va bien. En réalité, ce sont plutôt de bonnes nouvelles que j'ai à vous
annoncer. J'ai finalement décidé de quitter mes élèves de CE1 et de préparer le concours pour devenir
principale. Et je suis allée voir Mme Drew pour obtenir quelques renseignements.
- Tu es sûre de toi ?demanda Dana. Tu ne trouveras jamais de meilleure école que la nôtre.
Carla donna un coup de coude à Dana.
- Nous parlons de ce dont Jessie a besoin. Elle fera une excellente directrice d'école.
Se frottant le bras, Dana acquiesça.
- Bien sûr, Jess. Je ne suis qu'une égoïste. Ça va me manquer de ne pas avoir ma meilleure amie au
bout du couloir. Mais cela fait longtemps que tu en parles et il s'agit manifestement de quelque chose que tu
veux faire, alors fonce.
- Et qu'est-ce qui t'a décidée à le faire ?demanda Carla.
Mis à part le fait d'espérer qu'une évolution dans sa carrière l'aiderait à combler un vide dans sa vie,
maintenant qu'elle était tombée amoureuse du seul homme qui lui était interdit ?
- Mme Drew m'a affirmé que si je souhaitais rester dans son école comme institutrice de CE1, dans la
mesure où c'était vraiment ma vocation, elle se battrait pour me garder dans son équipe. Je lui ai avoué que
même si j'adorais enseigner,je me sentais prête à accepter un nouveau défi.
Carla posa sa main sur le bras de Jessie.
- Eh bien,je trouve que c'est une excellente idée ! Quelle est la prochaine étape alors ?
- Je vais devoir retourner sur les bancs de l'école pour obtenir un diplôme de management. Puis, il
faudra que je travaille comme assistante d'un directeur pendant quelque temps. Ce sera donc ma dernière
année en tant qu'enseignante.
Jessie n'aurait jamais cru que cela lui ferait autant de bien de dire à hante voix qu'elle était sur le point de
réaliser son rêve. Si seulement sa vie privée n'était pas une telle catastrophe, songea-t-elle.
- Voilà, vous savez pourquoi je me suis levée si tôt ce matin. Maintenant, dites-moi ce qui se passe ici.
Que faisiez-vous ce matin, plantées devant chez moi?
- Nous nous inquiétions pour toi, lâcha Dana Nous sommes au courant pour Mac.
Jessie eut l'impression que le sang se retirait de son visage.
- Qu'est-ce que tu veux dire ?
- Je ne vous espionnais pas, je te le jure, lui certifia Carla en pressant gentiment son bras. J'étais
coincée à la maison en train de repeindre ma salle de bains et j'avais besoin d'une pause. Alors quand il s'est
mis à pleuvoir, j'ai jeté un œil par-dessus ta haie pour voir si tu avais besoin d'un coup de main et c'est là que
je vous ai vus, Mac et toi, tu sais ... en train de vous embrasser.
Dana posa sa main sur l'autre bras de Jessie.
- Nous ne te jugeons pas, Jess. Nous sommes juste venues voir si tu allais bien.
Jessie n'avait pas le droit de leur montrer son affolement. Il fallait qu'elle minimise ce qui s'était passé entre
Mac et elle dans la mesure où précisément rien ne résulterait de cet incident. Elle arrivait à peine à s'avouer
à elle-même qu'elle était tombée amoureuse de Mac. Personne d'autre n'avait besoin d'être au courant.
Carla hocha la tête.
- Quand je suis passée un peu plus tard, sa voiture n'était plus là et tu ne répondais pas au téléphone.
Alors j'ai pensé que tu étais peut-être partie avec lui, ce qui ne te ressemblait pas du tout. Je ne savais pas
quoi faire, alors j'ai appelé Dana ce matin.
- Mac est rentré chez lui, seul, et je suis partie me coucher tôt.
C'était la vérité.
- Vous vous êtes inquiétées pour rien, ajouta-t-elle, en mentant cette fois.
- Mais le baiser? insista Carla. Je ne l'ai pas imaginé quand même? On aurait dit que vous dégagiez
de la vapeur!
- Ce baiser nous a pris tous les deux par surprise, avoua Jessie sincèrement. La semaine a été
particulièrement difficile pour moi à essayer de jouer le rôle de Jenna. Alors nous relâchions un peu la
pression et nous nous amusions à faire un combat de boue sous la pluie. Et brusquement, les choses nous ont
échappé et nous nous sommes embrassés.
- J'imagine bien que tout cela a du être assez confus, tenta de la rassurer Dana. Jenna et toi, vous vous
ressemblez énormément. Et Mac est plutôt bel homme. Il était facile d'oublier qui vous étiez, qui il était.
Jessie acquiesça, bien qu'elle se rendit compte qu'elle n'avait aucune excuse. Carla laissa échapper un
soupir et se reposa sur le dossier de sa chaise.
- Quel soulagement! Je savais bien, au fond, que tu ne pourrais jamais avoir de liaison avec le
fiancé de ta sœur. Mais après ce que j'ai vu dans ton jardin, j'ai laissé courir mon imagination. Je suis
désolée, Jess.
- Tu n'as pas à t'excuser de quoi que ce soit. Alors, et ce déjeuner? Où et quand?
Jessie n'écouta que d'une oreille distraite les suggestions pour le déjeuner. Ses deux amies
l'occuperaient tout l'après-midi, et ce soir, quand elle verrait sa sœur au bras de Mac au dîner de
répétition, il serait alors facile de faire passer le bonheur de Jenna avant le sien.
Mac jetait des coups d'œil à sa montre tout en écoulant l'organisatrice du mariage.
- Alors, qu'en pensez-vous, monsieur McKenna ?
Whitney, une femme élancée aux cheveux bruns, désigna les sculptures florales de verre dans l’atrium
du musée d'art de Dallas qui devait servir de salle de réception.
- Vous ne trouverez pas ce cadre dans beaucoup d'albums de mariage.
- Je suis sûr que c'est la raison pour laquelle Jenna a choisi cet endroit plutôt qu'un autre.
Jenna l'avait prévenu que l'ordinaire n'aurait pas sa place dans le mariage très en vue qu'elle envisageait.
Elle n'était pas adepte de la discrétion mais avait toujours fait preuve de classe.
- Nous enlèverons toutes les tables et les chaises de l'atrium. Celui-ci sera romantique et élégant
pour la réception, une fois la décoration terminée. Nous apporterons nos propres éclairages, vu que les
bougies sont interdites sur place. Pour le mariage, les chaises seront disposées dans ce large couloir, en
laissant la place pour une allée centrale. La demoiselle d'honneur et la jeune mariée arriveront par
l'escalier, à l'autre extrémité, et se dirigeront vers vous, votre témoin et le révérend. L'entrée semblera
ainsi beaucoup plus théâtrale.
- Mac, êtes-vous sûr que Jenna va arriver? demanda le révérend Miller en regardant de nouveau sa
montre.
- J'en suis sûr, affirma Mac, tout en se demandant s'ils allaient tous finir en enfer à force de mentir
à un homme d'église. Laissez-lui encore cinq minutes.
Jessie, qui avait accepté de jouer encore une fois le rôle de la future mariée à cause d'une annulation de
vol de dernière minute, avait prévu d'arriver en retard afin d'éviter les présentations officielles avec la mère
de Mac, son témoin et le révérend. Et, bien que les parents des jumelles soient au courant de leur changement
d'identité, Mac craignait qu'ils ne révèlent accidentellement la vérité et que cela ne gâche toute la soirée.
Mais si tout se passait comme prévu, les deux sœurs devaient échanger leurs vêtements au restaurant, avant
le dîner de répétition, et personne ne s'en apercevrait.
La porte s'ouvrit et Jessie apparut, les joues rouges, manifestement agitée. Sa robe rouge était fendue
sur un côté et laissait entrevoir ses jambes bien galbées. A sa vue, Mac en eut le souffle coupé. Mais il se
réjouit de ne pas avoir à le cacher, puisqu'elle était après tout sa fiancée.
- Je suis sincèrement désolée, déclara-t-elle, essoufflée, avant de le gratifier d'un baiser rapide sur la
joue droite.
Sa mère apparut à ses côtés et il fit de rapides présentations, qui se terminèrent en embrassade.
- Nous devrions commencer, les pressa Whitney.
- J'ai cru comprendre que votre demoiselle d'honneur avait eu un empêchement pour ce soir, Jenna,
l'interrogea le révérend Miller en fronçant les sourcils. Vous allez devoir la mettre au courant
- Elle est navrée, mais elle n'a pas pu faire autrement Je l'informerai de ce qu'elle doit savoir pour
demain, lui assura-t-elle, avant de se tourner vers son père qui venait de la rejoindre. J'imagine que nous
devons descendre les escaliers et marcher le long de ce couloir, jusqu'ici? C'est bien cela, Whitney?
- Tout à fait.
Jessie, qui avait manifestement été mise au courant par sa sœur, se dirigea vers les escaliers avec son père.
L'organisatrice s'adressa alors à Craig.
- Vous conduirez la mère de la mariée jusqu'à sa place, au premier rang, du côté de la mariée. Puis, le
jeune marié accompagnera sa mère jusqu'à son siège, de son côté à lui. Et vous rejoindrez ensuite le
révérend, ici, au milieu. On voit ce que ça donne rapidement?
Mac et les autres hochèrent la tête. Il avait hâte que la répétition soit finie et qu'ils se retrouvent tous au
restaurant. Revoir Jenna l'aiderait à recouvrer ses esprits et à revenir à la réalité. Il pourrait alors se
concentrer de nouveau sur l'avenir dont il avait réellement envie.
Quelques minutes plus tard, il escortait sa mère le long du couloir, Le pavé calcaire, qui se soulevait par
endroits, ajoutait une dimension à ce lieu, tandis que le plafond bas du vaste hall créait une sorte d'intimité
an milieu de cet immense bâtiment prestigieux.
- Tout ça est si précipité, Mac, lui murmura sa mère. Je n'ai même pas eu le temps de discuter avec
Jenna encore.
Il tapota sa main d'un geste rassurant
- Je sais bien, mais tu auras le temps de lui parler pendant le dîner. Je m'assurerai que vous soyez
assises l'une à côté de l'antre.
- J'ai hâte d'y être alors. Et je l'apprécie déjà, parce qu'il est évident que vous vous aimez beaucoup
tous les deux.
Génial. Il avait d'abord trompé un homme d'église, et maintenant, il était en train de duper sa propre
mère. Jessie et son père firent leur entrée. Ce dernier la confia à Mac avant de rejoindre sa femme. Jessie fit
face à Mac. Comme pour se réconforter mutuellement, ils se prirent instinctivement les mains tandis que
le-révérend récitait une version abrégée de la bénédiction nuptiale.
Plongeant son regard dans les yeux verts chatoyants de Jessie, Mac se surprit à regretter que cette
répétition ne soit pas la véritable cérémonie. Il aurait juré lire le même regret dans le regard de Jessie, mais
se persuada qu'il l'avait imaginé, car rien ne pouvait changer le fait qu'il ne pouvait lui donner la vie dont
elle rêvait.
- Monsieur McKenna ?
Mac secoua la tête, comme pour chasser ses pensées à la fois inopportunes, illogiques et troublantes.
- Excusez-moi. Que disiez-vous, Whitney?
- Seulement qu'une fois que le révérend vous aura déclarés mari et femme, vous vous retournerez pour
faire face à vos invités. Ils vous applaudiront, bien entendu, et vous reprendrez alors l'allée centrale pour
vous diriger vers le fond de la salle. Tout le monde se retrouvera alors là-bas pour se restaurer en
champagne et en canapés. Pendant ce temps, nous déplacerons les chaises dans l'atrium et terminerons les
derniers préparatifs pour la réception.
Mac hocha la tête.
- Parfait.
Il jeta un coup d'œil à sa montre, cherchant une excuse pour éviter de croiser le regard de Jessie, et ajouta :
- Nous pouvons alors nous rendre à La Grande Maison pour le dîner de répétition?
Au moins serait-il tranquille durant le trajet jusqu'au restaurant, puisque tout le monde était venu avec sa
propre voiture. Il aurait ainsi le temps de se ressaisir et de faire taire ses émotions au profit de la logique.
Jenna était parfaite pour lui Dès qu'il la verrait de nouveau, ses doutes s'évanouiraient.
Jessie s'appuya au comptoir en marbre des élégants sanitaires de La Grande Maison et pria pour ne pas
vomir.
Maudit soit son estomac! Elle n'aurait jamais dû céder à la tentation d'embrasser sa bouche sensuelle. Elle
n'avait aucune excuse. Certaines choses ne se font tout simplement pas. Et désirer et embrasser le fiancé de sa
sœur devait figurer en première position sur cette liste.
Elle avait mérité d'éprouver cette douleur abominable qui l'avait tenaillée pendant qu'elle faisait semblant
d'être la fiancée de Mac au cours de la répétition.
La porte des toilettes s'ouvrit et un parfum familier envahit l'air.
- Jess, qu'est-ce qui ne va pas ?
Des larmes vinrent embuer les yeux de Jessie en reconnaissant la voix de sa sœur. Jenna apparut à ses côtés.
- Tu as une tête horrible. Tu es malade ?
- Ça va aller, assura Jessie avant de lever les yeux. Tu es superbe et tellement ... sereine. Comment fais-tu
alors que tout va de travers?
- Au contraire,sœurette. Tout se passe à merveille. Les employés du spa ont pris bien soin de moi. Je
suis comme neuve! Et grâce à toi. la répétition a bien eu lieu, comme prévu. Si tu n'avais pas pris ma place,
nous aurions perdu nos réservations au restaurant et je veux que tout soit parfait pour Mac. Je le lui dois.
Jessie ne savait toujours pas comment elle avait réussi à paraître si normale et calme à la répétition du mariage.
- Et je te remercie, Jess. Tu n'as jamais aimé berner les autres, alors toute cette semaine et la répétition
de ce soir ont dû être de terribles épreuves pour toi.
Amen, pensa Jessie. Mais elle n'avait pas pu refuser de jouer le jeu une dernière fois ce soir. Elle était trop
impliquée dans cette histoire pour faire marche arrière à la dernière minute et réduire ainsi à néant tous les
espoirs de sa sœur d'avoir l'homme et la vie qu'elle semblait désirer.
- Mais nous avons eu tellement de mauvaises surprises aujourd'hui, gémit Jessie, qui avait passé une
grande partie de la journée à imaginer le pire. Ton vol a été annulé et tous les autres se sont avérés complets.
Qu'aurions-nous fait si tu avais eu un problème avec la voiture que tu as louée et que tu n'aies pas pu arriver
au dîner à temps? Et si j'avais craqué devant le révérend, le témoin et la mère de Mac?
- Détends-toi et respire profondément, lui conseilla Jenna en saisissant une serviette en papier pour
tamponner la sueur qui perlait sur le front de Jessie. Heureusement que j'ai pensé à prendre ma trousse à
maquillage avec moi.
Elle examina ensuite les oreilles de Jessie avec désapprobation.
- Pourquoi diable as-tu choisi de porter ces boucles d'oreilles avec cette robe ? Les créoles sont
beaucoup plus adaptées.
- C'est bien le dernier de nos soucis, déclara Jessie en s'efforçant de se redresser. Choisis un des
cabinets, ajouta-t-elle. Nous devons échanger nos vêtements.
Elle se hâta de rentrer dans le plus proche. Tout en se déshabillant, elle fit passer chaque vêtement par-
dessus la paroi commune des toilettes, Jenna, de son côté, en faisait autant.
Quelques minutes plus tard, elle enfila les chaussures à talons que Jenna lui avait fait passer par en
dessous et rejoignit sa sœur devant les grands miroirs qui surplombaient les lavabos.
- Dépêche-toi, donne-moi les pinces, Jess.
Jessie enleva les pinces qu'elle avait dans les cheveux et laissa retomber librement sa chevelure sur ses
épaules. Jenna releva ses cheveux dans le même style que ce que portait Jessie une minute plus tôt.
Jenna fronça les sourcils et lui tendit sa trousse à maquillage.
- Tu es toujours aussi blanche.
Jessie se remit une légère touche de maquillage, à sa façon, puis elles échangèrent leurs bijoux.
- Au fait, j'y pense. Qu'est-ce que je dis pour expliquer mon absence à la répétition du mariage?
- Oh, que dirais-tu d'une excuse du genre : la machine à laver a débordé? Je ne pense pas que
quelqu'un te posera beaucoup de questions de toute façon.
Encore un mensonge, songea-t-elle, Mais, -au moins, celui-ci était inoffensif. Jessie était fascinée par le
calme de Jenna.
- Je n'en reviens pas de ta bonne mine. Tu as vraiment eu une allergie ou tu as juste paniqué à
l'approche du mariage?
Jenna frissonna.
- Crois-moi. c’était horrible.
- Mais comment fais-tu pour être aussi calme ? Si c'était la veille de mon mariage, je serais dans un
état de nervosité incroyable.
- Je me sens juste tellement soulagée que mon visage ait désenflé à temps. Et je suis sûre que tous les
soins et les massages à la station thermale y sont pour beaucoup. Mais je crois que la raison principale qui
fait que je suis si sereine, c'est que je suis aujourd'hui vraiment sure de vouloir épouser Mac. Ces quelques
jours passés avec Dylan m'ont fait prendre conscience que l'alchimie physique entre deux êtres ne suffisait
pas.
Jenna sourit et serra les mains de Jessie dans les siennes.
- Mac et moi, nous formons une excellente équipe. Nous sommes faits pour nous entendre et nous
attendons les mêmes choses de la vie. Notre avenir va être génial, je le sais.
Elle ne parlait toujours pas d'amour.
- Je te souhaite tout le bonheur du monde, Jenn. J'espère que Mac et toi vous serez très heureux
ensemble.
La Grande Maison aurait tout aussi bien pu être un petit troquet plutôt qu'un restaurant cinq étoiles, Mac
ne se serait rendu compte de rien. Il n'avait d'yeux que pour la femme assise en face de lui et,
malheureusement, il ne s'agissait pas de sa future femme. Mais il ne pouvait se résoudre à cesser de jeter des
regards furtifs à Jessie, tout en se forçant à avaler ce qui était sans nul doute une excellente crème brûlée.
Pour autant qu'il puisse dire, les trois personnes qui n'étaient pas dans le secret de la supercherie n'avaient
pas remarqué l’inversion de rôle entre les jumelles. Mac l'aurait en revanche remarqué immédiatement,
même s'il n'avait pas été au courant. Au cours de la semaine passée, il avait eu l'occasion de bien connaître
Jessie. Trop bien même.
Il connaissait l'odeur de ses cheveux, la couleur de son rire. Ce qui le déroutait encore davantage, c'est
qu'il la reconnaissait à cause de la façon dont son propre corps réagissait au son de sa voix ou quand il la
voyait entrer dans une pièce.
- Je me rattraperai vis-à-vis de toi pour mon retard, Mac, lui murmura Jenna à l'oreille.
Il s'efforça de sourire et hocha la tête, trop déconcerté pour parler. Toute la semaine, il s'était rassuré en se
disant que lorsqu'il verrait Jenna de nouveau, cela suffirait pour que tout rentre dans l'ordre. Mais quand elle
était arrivée et s'était précipitée vers lui, le soulagement tant attendu n'était pas arrivé. Et à l'instant, le
chuchotement de sa voix dans son oreille ne l'avait même pas remué. Il avait beau refuser de toutes ses forces
de l'admettre, mais à la perspective de passer le reste de sa vie avec Jenna, il se sentait pris au piège.
En voyant les deux sœurs réunies dans la même pièce, il ne pouvait plus nier l'évidence. Il lui suffisait
de poser les yeux sur Jessie pour se rendre compte que c'était son amour qu'il voulait. Et il voulait avoir
l'opportunité de l'aider à réaliser ses rêves. il sentait qu'il avait précisément besoin de toutes ces choses
qu'il avait rejetées jusqu'à présent... il devait annuler le mariage.
Cette prise de conscience le stupéfia. Ne se targuait-il pas de prendre une décision et de s'y tenir, sans
revenir en arrière? Pas cette fois. S'il épousait Jenna, il finirait par le regretter et par devenir amer et triste.
Ce ne serait juste ni pour lui, ni pour Jenna,
Une fois le dîner passé, il annoncerait la nouvelle à Jenna, en privé. Soudain, Jessie croisa son regard et
son visage devint livide. Elle se leva, marmonna une excuse et sortit précipitamment de la pièce. Avait-elle
lu dans ses yeux ce qu'il avait l'intention de faire?
Il devait lui parler !
Sortant son téléphone portable de sa poche, il fit mine de vérifier s'il avait reçu des appels, pendant que son
téléphone était en mode silencieux.
- J'ai reçu un appel important, Jenna, Je dois rappeler. Je reviens tout de suite.
- Prends ton temps. Je ne bouge pas de là.
Il quitta la pièce et rattrapa Jessie.
- Il faut que je te parle, Jess.
- Va-t'en, Mac, répondit-elle sans se retourner.
- Tu sais. Je l'ai vu dans tes yeux. Tu sais que je ne peux pas épouser Jenna.
- Il le faut.
Mac l'attira vers la cabine d'un téléphone public.
- Je n'ai jamais eu l'intention de blesser Jenna. Tu le sais.
- Alors ne le fais pas.
- Je n'ai pas le choix.
Il secoua la tête.
- J'ai eu deux visites au bureau hier soir, ma mère et Craig. Ils m'ont confirmé ce que je commençais
à soupçonner sans vouloir l'admettre.
- Je ne veux pas le savoir.
- J'étais décidé à faire ce qu'il fallait, mais pour de mauvaises raisons. Et je pensais qu'en revoyant
Jenna, tous mes doutes s'évanouiraient. Mais c'est le contraire qui s'est passé. Et je sais maintenant que se
marier sans amour est une erreur.
Jessie se retourna pour partir, mais il l'attira doucement à lui, prit son visage dans ses mains et l'obligea à
le regarder dans les yeux.
- La vie que je croyais vouloir serait vide. C'est toi qui me l'as montré, Jess. Je dois annuler le
mariage. Il le faut, car je suis tombé amoureux de toi
- Mon Dieu, comment cela est-il arrivé? s'exclama-t-elle tandis que des larmes commençaient à
couler sur ses joues. Même si ma sœur n'était pas concernée par tout ça, rien ne pourra changer le fait que
nous sommes beaucoup trop différents. Tu ne veux pas d'enfants et tu ne feras-jamais passer ta famille
avant ton travail et ce sont deux choses qui sont très importantes pour moi.
- Je t'aime, Jessie et c'est ce qui compte. Je ne peux pas et ne veux pas ignorer mes sentiments.
- Pourtant, il le faut. Pour Jenna. Car même si tu annules le mariage, nous ne pourrons pas être
ensemble.
- Je sais que ce sera difficile, mais ...
Jessie secoua la tête.
- Difficile? Non, impossible tu veux dire. Je t'en prie, ne me demande pas de renoncer à ma famille
pour toi. Car ce serait le prix à payer pour que nous puissions être ensemble et je ne m'en sens pas la force.
Il comprenait la loyauté de Jessie envers sa sœur et combien elle devait se sentir déchirée. Il l'admirait
même pour cela et ne l'aimerait certainement pas autant si elle avait été le genre de personne à pouvoir agir si
égoïstement.
La patience n'était pas forcément son fort, mais il apprendrait, au cours des semaines, des mois, voire
des années à venir, à vivre avec cet énorme vide dans son cœur et dans sa vie, ce vide que Jessie avait
laissé quand elle s'était éloignée de lui et de leur amour.
Le temps était désormais son seul allié. Les parents et la sœur de Jessie finiraient sûrement par leur
pardonner. Et Jessie changerait peut-être d'avis d'ici quelque temps.
Quoi qu'il en soit, il ne pouvait décemment plus épouser Jenna alors qu'il venait de réaliser qu'il était
follement amoureux de Jessie.
Jessie retourna dans la salle à manger, la peur au ventre. Comment pourrait-elle regarder Jenna en face.
ses parents et les autres et prétendre que tout allait bien? Son univers venait d'être déchiré en apprenant que
Mac l'aimait
Si elle était sûre que Mac allait annuler le mariage, elle préviendrait sa sœur. Mais à l'heure actuelle,
elle ne pouvait rien faire, mis à part jouer la parfaite demoiselle d'honneur.
Les assiettes à dessert venaient d'être débarrassées et les invités s'apprêtaient à partir.
Elle s'avança vers ses parents pour leur dire au revoir.
- Merci d'avoir remplacé ta sœur, Jessie, lui murmura son père à l'oreille, tandis qu'il la serrait dans ses
bras.
- Tout s'est très bien passé, tu ne trouves pas ? demanda sa mère. Et la mère de Mac est charmante.
- Je suis d'accord avec toi sur tous les points. Mais la journée a été longue. Je vais voir si Jenna est
prête à partir. A demain.
Elle s'excusa une dernière fuis auprès du révérend pour la répétition manquée et accepta un baiser
fraternel de Craig, an moment où les deux hommes s'apprêtaient à sortir.
- Jessie?
Elle tourna la tête et vit que la mère de Mac se tenait à ses côtés.
- Je suis navrée que nous n'ayons pas eu l'occasion de parler ensemble. Mais comme j'ai tout juste eu le
temps de dire bonjour à Jenna avant la répétition du mariage, je voulais passer un peu de temps avec elle
ce soir, afin de faire sa connaissance.
- Ne vous excusez pas, c'est tout naturel. Nous aurons le temps de bavarder demain.
- Votre ressemblance avec Jenna est vraiment frappante. Les gens doivent vous confondre tout le
temps.
Jessie eut un sourire tendu. La conversation commençait à se rapprocher un peu trop de la vérité. La mère
de Mac étudia Jessie en l'enveloppant d'un doux regard. Elle sut à ce moment que si elle ne parvenait pas à
s'esquiver rapidement, elle finirait par tout lui avouer.
- Je refais mieux de ramener Jenna. Ce fut un plaisir de discuter avec vous, madame McKenna.
Elle se hâta vers la porte d'entrée et arriva juste à temps pour voir le sourire poli de Mac tandis qu'il disait
au revoir à ses invités.
- Tu es prête, Jenna ? Une sacrée journée t'attend demain.
Jenna sourit et serra affectueusement le bras de Mac.
- Pars devant, sœurette. J'ai besoin de passer un peu de temps seul à seul avec mon fiancé. Mac me
ramènera.
Jessie hésita, mais elle n'avait pas d'autre choix que de les laisser seuls. Mac ferait ce qu'il pensait devoir
faire.
- Très bien, je t'attendrai alors, promit-elle, tout en priant pour que Jenna ne revienne pas le cœur
brisé.
- Je suis contente que nous puissions être un peu seuls, déclara Jenna en s'asseyant sur l'un des
nombreux bancs de la cour, qui offrait une vue spectaculaire à la salle à manger. Avant la cérémonie du
mariage, demain, je veux t'expliquer la raison pour laquelle j'ai quitté la ville. Je veux répondre à toutes tes
questions, au cas où tu aurais des doutes à mon sujet.
- C'est trop tard.
Mac enfonça ses mains dans ses poches et rassembla ses forces pour faire la chose la plus difficile qu'il ait
jamais eu à faire.
- Je n'ai jamais eu l'intention de te faire du mal. Je suis sincèrement désolé, mais je ne peux plus
t'épouser. Ni demain, ni jamais.
- Mac, protesta Jenna en se levant et en posant une main sur son bras. Tu as tout à fait le droit d'être
en colère. J'admets que si je me sois éloignée, c'est en partie parce que je commençais à avoir peur, mais en
l'espace de vingt-quatre heures, j'ai compris que je voulais vraiment t'épouser.
- Alors c'est que tu refuses de voir la réalité en face, Ta peur n'était pas anodine. Nous ne nous
aimons pas tous les deux. Nous ne l'avons jamais prétendu et au fond de toi, tu savais que nous allions nous
marier pour de mauvaises raisons. Nous méritons mieux tous les deux.
Jenna fit un pas en arrière, les yeux brillant de larmes.
- C'est toi qui disais que l'amour était une complication inutile. Qu'est-ce qui a pu te faire changer
d'avis sur le mariage en l'espace d'une semaine?
- Aussi bizarre que cela puisse paraître, ce sont tous les préparatifs du mariage. La fête surprise au
bureau, le rendez-vous avec le révérend, les choses que Craig et que ma mère m'ont dites-hier.
- Je ne comprends rien à ce que tu racontes.
- Le mariage est une institution sacrée et travailler ensemble pour une noble cause est une bonne
chose, mais sans amour, cela ne suffira jamais. L'amour est le ciment qui permet de souder le couple et de
traverser les épreuves, partageant ainsi les bons moments, comme les mauvais.
- Tu parles comme un parfait inconnu. Qu'est-ce qui t'est arrivé?
- J'annule le mariage, mais cela ne doit pas compromettre notre association professionnelle. A
moins que tu refuses désormais de travailler avec moi.
Jenna secoua la tête.
- Ce n'est pas possible, je dois être en train de rêver.
Il avança une main vers elle mais elle recula
- J'ai le numéro de téléphone de l'organisatrice du mariage, continua-t-il. Je vais l'appeler et lui
dire d'annoncer que le mariage est annulé pour demain. Je prendrai toutes les dépenses à ma charge. Tu
peux utiliser les billets pour Hawaii on les rendre. Je suis vraiment désolé, Jenna.
- Tes excuses ne suffiront jamais à compenser mon humiliation d'avoir été plaquée la veille de mon
mariage, lança-t-elle en quittant précipitamment la cour.
Il la suivit jusqu'à l'allée circulaire devant le restaurant. Elle héla un taxi et s'engouffra dedans.
Maintenant la porte ouverte, elle ajouta :
- Va au diable, Mac ! Et tu peux garder ton partenariat!
Mac regarda le taxi filer en direction de son appartement, où l'attendait Jessie, prête à la consoler et
probablement à se joindre à elle pour le maudire.
Jessie. Était-il possible de souffrir à ce point? Il avait l'impression que son cœur avait été broyé. Il
avait été ridicule de croire que d'annoncer à Jenna l'annulation de leur mariage était la chose la plus
difficile qu'il ait jamais eut à faire. Non, le défi le plus ardu était encore à venir. Il venait juste de se
condamner à vivre le restant de ses jours sans le moindre espoir de partager la vie de la femme qu'il aimait.
***
- Quelle ordure! s'écria Jenna, furieuse, tout en faisant les cent pas dans sa cuisine. Quel fumier, quel
salaud!
Le thé fumant que Jessie avait préparé était resté intact dans la tasse.
- Il se fiche éperdument que je devienne la risée de tous nos collègues et de ma famille.
Jessie était rongée par la culpabilité en pensant qu'elle était responsable de la situation. Mais, pour le
moment, elle devait mettre de côté ses propres sentiments.
- Je suis sure que c'est faux. Mais quoi qu'il en soit, tu ne voudrais pas te marier avec un homme qui
n'est pas sur de lui ?
- Tu plaisantes ? Un divorce rapide serait toujours moins douloureux qu'une humiliation publique,
s'exclama-t-elle en se dégageant de son étreinte et en continuant d'arpenter la pièce. Nous avions déjà
planifié tout notre avenir. Il faut que je sache ce qui a tout chamboulé. Raconte-moi encore ce qui s'est passé
pendant mon absence.
Jessie lui donna une version condensée des événements de la semaine passée, en omettant soigneusement
de parler de l'intimité qui s'était établie entre Mac et elle et des baisers brûlants échangés dans son jardin.
- Je ne comprends pas. Mac a mentionné qu'il avait parlé à sa mère et à Craig hier. Tu as une idée de
quoi ils auraient bien pu parler ?
- Écoute, Jenna, à quoi bon savoir pourquoi ? Tout ceci n'est pas à cause de toi, mais cela concerne
Mac.
Jeuua plissa les yeux.
- Comment tu sais ça ? Tu savais avant moi qu'il allait annuler le mariage et tu ne m'as même pas
prévenue?
- Je n'ai pas pu. J'avais encore l'espoir qu'il change d'avis. J'ai prié pour que ce soit le cas.
- Mais pourquoi s'est-il confié à toi ?
- Nous avons passé beaucoup de temps ensemble la semaine dernière, pendant que je te rempla çais.
J'imagine qu'il a senti qu'il pouvait me faire confiance,
Plissant les yeux de nouveau, Jenna lui lança des regards furieux.
- Et vous vous êtes rapprochés jusqu'à quel point exactement, pendant mon absence ?
Jessie se sentit devenir livide. Mon Dieu, que faire ?
- Tu n'as jamais été une très bonne menteuse, Jess, déclara Jenna, les yeux brillant de colère. Je ne
peux pas le croire ! Ma propre sœur qui me poignarde dans le dos. Comment peux-tu encore avoir l'audace
d'être ici après ce que tu as fait ?
- Ce n'est pas ce que tu crois. Nous n'avons pas prévu ce qui se passerait.
- Pourquoi donc suis-je surprise ? Tu as toujours été jalouse de moi. Tu ne pouvais probablement pas
supporter l'idée que je me marie avant toi.
- Ce n'est pas du tout comme ça que ça s'est passé. Je ne voulais pas prendre ta place au début, tu te
souviens ?
Elle avait conscience que ce n'était pas une excuse pour son propre comportement, mais elle voulait
montrer à Jenna qu'elle avait également certains torts.
- J'ai découvert qu'il était beaucoup plus que le bourreau de travail égocentrique que je m'imaginais.
Mais tout ceci n'a plus d'importance. Je lui ai fait clairement comprendre qu'il ne pourrait jamais rien se
passer entre nous.
Jenna se précipita sur le téléphone et composa un numéro.
- Excuse-moi de t'appeler à une heure si tardive, maman, mais j'ai de mauvaises nouvelles à vous
annoncer, Mets le haut-parleur pour que papa puisse entendre.
- Jenna, qu'est-ce que tu fais? demanda Jessie en s'approchant.
Le visage sévère, Jenna lui fit signe de s'arrêter.
- Maman, papa, je veux que vous sachiez tous les deux que je pars pour Hawaii demain, seule. Mac a
annulé le mariage. Et la raison pour laquelle il a tout arrêté, c'est parce que votre fille, la seule personne en
qui je croyais avoir confiance, a décidé qu'elle voulait se garder mon fiancé pour elle.
Jenna tendit le combiné à Jessie.
- Essaie de leur expliquer. Peut-être qu'ils croiront à ton histoire.
Jessie fixa le téléphone dans ses mains.
- Et quand tu auras raccroché, quitte mon appartement et ne reviens plus. Jamais.
Jenna prit une bouteille de vin dans le réfrigérateur, ainsi qu'un verre et s'enferma dans sa chambre en
claquant la porte derrière elle.
- Jessie, qu'est-ce qui se passe ? demanda sa mère. Est-ce que c'est vrai ? Le mariage est annulé?
- Il doit y avoir un malentendu, Jessie? s'exclama son père sur un ton incrédule. Tu ne ferais jamais
une chose pareille à ta sœur.
- Si, c'est ma faute, mais ce n'est pas ce que vous croyez et c'est trop compliqué à expliquer au
téléphone. Je viendrai vous voir demain.
- Non, répliqua sa mère. C'est trop horrible. Je ne serai pas en mesure de voir qui que ce soit. Mon Dieu,
quasiment tout le personnel de l'université ainsi que quelques anciens élèves étaient invités. Et le maire.
Comment as-tu pu nous faire ça ?
- Jessie, ta mère est trop contrariée pour parler maintenant
- Alors nous parlerons dimanche, au dîner.
- Étant donné les événements, je pense qu'il vaudrait mieux l'annuler. Nous avons tous besoin d'un
peu de temps pour digérer la nouvelle.
La tonalité du téléphone retentit dans son oreille.
Voilà, elle n'avait même pas pu essayer de leur expliquer et de leur demander pardon. Ses larmes
l'aveuglèrent quand elle sortit en titubant de l'appartement de sa sœur et se dirigea vers sa voiture. Non
seulement elle venait de quitter l'homme qu'elle aimait, mais en plus, ce qu'elle redoutait le plus venait
de se produire. Elle était désormais traitée en paria par sa propre famille.
Mac regarda la foule du matin qui affinait dans le restaurant de l'hôtel Marriolt, il supposa qu'il
s'agissait essentiellement des clients de l'hôtel. D'après leurs tenues décontractées et le sourire qu'ils
arboraient, ils ne devaient pas s'apprêter à passer un samedi particulièrement stressant. Ils allaient
sûrement rendre visite à des amis, aller faire les boutiques au centre commercial chic de Willow Bend.
« Ils en ont de la chance », songea Mac avec envie.
- Allez, vas-y, mon grand, raconte-moi. Je vois bien que quelque chose ne va pas.
- Tu ne regrettes pas de ne pas avoir pris un hôtel au centre-ville cette fois? Cela aurait été plus
pratique.
- J'ai mes petites habitudes. Je connais bien cet hôtel. Et j'attends toujours que tu me dises ce qui se
passe.
- On devrait peut-être commander d'abord,suggéra.
Mac tout en faisant mine de consulter le menu, il avait proposé à sa mère de la rejoindre à son hôtel
afin qu'ils prennent le petit déjeuner ensemble. il ne voulait pas lui apprendre la mauvaise nouvelle par
téléphone. A présent, les mots refusaient de sortit de sa bouche.
- Hors de question. Ce n'est que quand tu as de mauvaises nouvelles à m'annoncer que tu essaies de
gagner du temps comme tu le fais en ce moment. Je vais m'en tenir au café que j'ai devant moi tant que
tu ne m'auras pas dit de quoi il retourne.
Mac étudia la femme surprenante qui était assise face à lui. Sa mère avait toujours été un mélange
parfait de ténacité et de tendresse. C'était une femme aimante, mais qui ne cédait jamais au milieu d'un
combat
- J'ai annulé le mariage, réussit-il finalement à lui annoncer. Mais ce n'est pas le pire de l'histoire.
Elle se contenta de hausser les sourcils. Comment pourrait-il lui dire, sans paraître trop méprisable à ses
yeux ? Quel type d'homme était capable de tomber amoureux de la sœur de sa fiancée ? Il se pencha en
avant.
- Je n'avais rien prévu de ce genre et j'en suis le premier surpris, mais je me suis rendu compte
que . c'était Jessie Taggert que j'aimais et non Jenna.
Sa mère lui sourit tristement et posa sa main menue sur la sienne.
- Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas. Je suis fière de toi d'avoir le courage d'écouter ton
cœur.
Ce n'était pas tout à fait la réaction à laquelle il s'attendait.
- Tu n'as pas l'air surpris.
- Je ne le suis pas. Quand j'ai vu la façon dont tu regardais la femme que je pensais être Jenna à la
répétition de la cérémonie, j'étais si heureuse pour toi. Je savais que tu avais trouvé ton âme sœur. Mais lors
du dîner, une heure plus tard, ce lien entre vous semblait avoir disparu.
- C'était si évident que ça ?
- Seulement pour ceux qui te connaissent réellement. Quand je t'ai surpris à lancer des regards
furtifs à Jessie alors que tu pensais que personne ne te voyait, j'ai tout de suite compris que, pour une
raison quelconque, Jessie avait dû prendre la place de Jenna à la répétition.
Stupéfait, Mac secoua la tête.
- Décidément, rien ne t'échappe. Qu'aurais-tu fait si je m'étais marié avec Jenna malgré tout?
- J'aurais respecté ta décision et je t'aurais soutenu. C'est ta vie, Mac. Mais je ne vais pas te
mentir et te dire que je suis désolée que tu aies pris sur toi et fait ce qu'il fallait.
Sa mère lui pressa tendrement la main avant de poursuivre.
- Alors, dis-moi, quand est-ce que je vais avoir l'occasion de rencontrer ma véritable future belle-
fille?
Mac se renversa sur sa chaise.
- Si seulement je le savais. Ce n'est qu'au moment où j'ai revu Jenna au dîner de répétition que
j'ai su que je devais annuler le mariage. J'ai alors avoué mes sentiments à Jessie, mais elle m'a répondu
catégoriquement que quels que soient les sentiments que nous pouvions avoir l'un pour l'autre, il fallait les
oublier.
Il pouvait encore voir les larmes naissantes dans ses yeux et son allure déterminée tandis qu'elle s'éloignait
de lui.
- Et c'est tout ? Tu vas te contenter d'accepter cette situation ?
- Pour le moment, oui. Je l'ai mise dans position terrible de devoir choisir entre sa famille et moi. Et
par ailleurs, j'ai moi-même certaines choses à régler avant de la presser.
- Mais qu'est-ce qu'il y a donc à régler? Vous vous aimez tous les deux. Sa famille finira par
l'accepter.
- C'est plus compliqué que ça. Jessie est déterminée à avoir des enfants et à partager la vie d'un
homme qui aura le désir de faire passer sa vie familiale avant sa vie professionnelle. Et je ne suis pas sûr de
pouvoir, ni même de vouloir, faire ces deux choses.
- Mais pourquoi? Tu ferais un père formidable. Le fait d'avoir tes propres enfants ne va rien enlever à
ta vie. Au contraire, cela va l'enrichir.
- Jusqu'à ce que tu perdes ton enfant. A ce moment-là, tout ton monde s'écroule. Je ne sais pas
comment tu as réussi à survivre à la mort prématurée de Luke, mais je ne veux pas prendre le risque que
cela m'arrive à moi.
Des larmes montèrent aux yeux de sa mère. Elle lui pressa légèrement la main, connue pour accentuer
ses propos.
- Oh, Mac ! Tu te trompes. Bien sur, la perte d'un enfant si jeune a été une terrible épreuve et par
moments la douleur était si insupportable que je ne savais pas si je pourrais survivre un jour de plus. Mais
pour rien au monde je n'échangerais un seul de ces précieux moments passés avec lui pour m'épargner la
peine de le perdre par la suite.
- Mais ...
Elle secoua la tête.
- Tout le monde n'est pas destiné à être parent. Et si tu n'as pas sincèrement le désir d'avoir des
enfants un jour, je respecterai ton choix. Mais rappelle-toi juste que la vie n'offre aucune garantie.
- Jessie et moi avons besoin de temps pour réfléchir à toutes ces choses.
- Mon grand, aucun de nous ne sait de combien de temps il dispose sur terre. Mais mis à part ça,
cela ne te ressemble guère d'attendre tranquillement que les choses se passent. Tu es d'une nature obstinée
et c'est pour ça que tu excelles dans ton travail. Pourquoi n'as-tu pas la volonté de te battre pour quelque
chose d'aussi important que la femme que tu aimes ?
- Même si j'acceptais de donner à Jessie ce dont elle a besoin pour être heureuse, sa décision est de
toute façon déjà prise. Si je ne laisse pas passer suffisamment de temps pour que Jenna pardonne à sa sœur
et à moi, je risque de perdre Jessie à tout jamais. Je ne veux pas la bousculer maintenant.
- Eh bien, j'espère que tu as raison, déclara sa mère avant de prendre une gorgée de café. Alors, que
vas-tu faire maintenant que ton voyage de noces est annulé? Retourner de ce pas travailler, je suppose ?
Mac n'avait pas eu le temps de penser à son avenir immédiat Avant tous ces événements, il se serait
réfugié dans le travail, mais pour une raison étrange, cette perspective ne le réjouissait guère aujourd'hui.
- Non, je vais prendre des vacances et m'absenter quelque temps. Cela devrait m'aider à mieux
réfléchir.
Il se rappela alors de l'entretien avec le révérend.
Jessie avait confié qu'elle avait toujours voulu visiter Hot Springs, un village touristique, réputé pour
ses sources, qui avaient soi-disant le pouvoir de guérir.
- Je vais aller quelques jours à Hot Sptings.
***
Jessie ne pouvait s'empêcher de consulter continuellement sa montre, en. ce samedi. Après ses
nombreuses siestes, elle regarda l'heure qu'indiquait son radio-réveil Elle n'avait jamais été du genre à
s'allonger au cours de la journée, mais la déprime ou la fatigue, voire les deux, la ramenait invariablement
sur son lit et sous les couvertures.
Plus les aiguilles de la pendule s'approchaient des 19 heures, heure à laquelle sa sœur aurait dû être
mariée, plus l'attention de Jessie se reportait sur sa montre.
Le téléphone se mit à sonner. Elle laissa le répondeur prendre un énième message de Dana, visiblement
inquiète. Carla avait également appelé plusieurs fois, tout aussi anxieuse de l'annulation du mariage et du
silence de Jessie.
En temps normal, Jessie se serait tournée vers ses amies pour trouver un peu de réconfort. Mais
aujourd'hui, elle ne méritait pas leur compassion. Et pour la millième fois, elle se demanda comment Mac
tenait le coup. Même si sa mère et lui paraissaient proches, lui annoncer l'annulation du mariage n'avait pas
dû être une chose facile.
Elle détestait le côté d'elle...même qui s'était senti soulagé à l'annonce de l'annulation du mariage. Elle
ne savait même pas comment cela avait été possible dans la mesure où elle avait été sincère en le
suppliant de reconsidérer sa décision. Elle aurait trouvé un moyen d'accepter son mariage avec sa sœur.
Elle les aurait félicités et serait partie vivre sa propre vie pour tenter de trouver un peu de bonheur.
Quelqu'un sonna à la porte, interrompant sa crise de larmes. Jessie songea à se cacher dans le placard,
mais craignit que son visiteur, Dana ou Carla, ne considère la situation comme une urgence et ne décide
de faite irruption dans la maison malgré tout
Prenant une profonde inspiration, Jessie contourna le désordre qui jonchait le sol, devant le placard,
afin de trouver des mouchoirs. Tout en se dirigeant vers la porte d'entrée, elle s'essuya les yeux, se moucha
le nez, puis jeta un œil à travers les rideaux pour découvrir l'identité de son visiteur.
Ses deux amies se tenaient sous son porche et affichaient des mines déterminées.
- Nous savons que tu es là, Jess.
- Nous ne partirons pas avant que tu nous aies parlé. Tu es prévenue, Jess, nous avons toutes les
deux tes clés et nous n'hésiterons pas à les utiliser.
A contrecœur, elle consentit à ouvrir la porte.
- Dieu merci, tu vas bien, Jess, dit Carla en l'étreignant, avant de la repousser à bout de bras, Mais
pourquoi diable ne réponds-tu pas au téléphone ?
- Maintenant que je sais que tu n'as rien, j'ai envie de t'étrangler! s'écria Dana, en la serrant à son
tour dans ses bras. Le message que tu nous as laissé disait seulement que le mariage était annulé. Sans
aucun autre détail et l'organisatrice du mariage a appelé peu après en laissant le même message. Que s'est-
il passé?
- Tout ça, c'est ma faute. Jenna et mes parents ne me parleront plus jamais. Et Mac, Mac ...
Des larmes se mirent à couler sur ses joues. Elle dut s'interrompre, se sentant incapable de dire à haute
voix qu'elle ne pourrait jamais partager la vie de l'homme qu'elle aimait Carla aida Jessie à s'asseoir sur le
canapé.
- Dana, pourquoi ne nous ferais-tu pas un bon thé chaud. Je pense que notre Jessie pourrait en avoir
besoin.
- Excellente idée.
Dana partit dans la cuisine, tandis que Carla alla chercher une boîte de mouchoirs dans la salle de bains
la plus proche.
Quelques minutes plus tard, Dana réapparut avec un plateau chargé de trois tasses de thé fumant, de
cuillèrés et de sucre. Humant l'odeur du thé au miel et à la cannelle, Jessie se sentit aussitôt apaisée. Elle
but une gorgée.
- Merci. Je crois que j'en avais effectivement besoin.
- A ton service. Et maintenant, déclara Carla en se penchant vers elle, explique-nous ce qui s'est passé.
Comment tout cela pourrait-il être ta faute?
Les larmes redoublèrent et Jessie saisit un autre mouchoir pour les essuyer.
- C'est difficile à expliquer parce que je ne comprends pas moi-même. Tout ce que je sais. c'est qu'il
semblerait que Mac et moi, nous soyons tombés amoureux en moins d'une semaine. Et je me déteste pour
cela.
Jessie regarda droit devant elle, incapable de croiser le regard de ses amies.
Silence.
- Je sais que vous ères choquées, croyez-moi. Je le suis tout autant que vous, mais c'est l'horrible
vérité. J'ai sincèrement tenté de persuader Mac de s'en tenir à ses projets de mariage avec Jenna, Je lui ai
même annoncé que nous ne pourrions jamais être ensemble, quoi qu'il arrive. Mais il a tout de même annulé
le mariage.
- Évidemment qu'il l'a annulé, répliqua Carla. Et il a très bien fait,
Elle posa sa main sur le bras de Jessie.
- Jessie, chérie, j'ai vu comment cet homme te regardait quand vous vous embrassiez dans ton jardin.
Et toi, tu t'abandonnais dans ce baiser autant que lui.
- Mais nous savions tous les deux que ce que nous faisions était mal. Nous aurions dû résister
davantage.
- Tu ne peux pas toujours décider si tu vas aimer quelqu'un ou non, Jess, insista Carla. Ce sont des
choses qui arrivent et auxquelles on ne peut rien.
Jessie secoua la tête.
- Lors de notre première rencontre, Mac m'avoua qu'il ne recherchait ni l'amour ni l'alchimie, mais
juste une associée. Et pour lui, Jenna était la femme idéale car elle pensait comme lui. Puis, nous avons dû
passer beaucoup de temps ensemble et dès le début, nous avons ressenti cette incroyable magie entre nous.
- Attends une minute, l'interrompit Carla. Pas d'amour? Pas d'alchimie? Mais pourquoi diable
voulaient-ils se marier ?
- C'est compliqué.
Jessie raconta rapidement à ses amies le passé de Mac et comment la mort de son frère avait influencé ses
décisions concernant sa vie professionnelle et privée.
- Mais manifestement, poursuivit-elle, Mac désirait ce mariage autant que Jenna, vu qu'il était
d'accord avec moi, il y a deux jours, pour dire que ce qui s'était passé dans mon jardin était une erreur, et
ne devait plus jamais se reproduire.
- Mais ensuite, vingt-quatre heures plus tard, il change d'avis? intervint Dana.
Jessie hocha la tête.
- Il pensait qu'en revoyant Jenna tous les doutes qu'il pouvait avoir s'évanouiraient.
Jessie révéla comment il l'avait suivie hors de la salle à manger an dîner de répétition, pour lui avouer qu'il
l'aimait et qu'il devait annuler le mariage.
- Je ne pourrais jamais faire passer mon bonheur avant celui de Jenna, continua-t-elle. Je lui ai dit
qu'il devait maintenir le mariage car, de toute façon, nous ne pourrions jamais être ensemble, lui et moi
- Mais, Jess, la raisonna Dana. Il ne devrait pas épouser Jenna s'il n'est pas amoureux d'elle. Ce ne
serait juste ni pour elle, ni pour lui.
Jessie secoua la tête.
- Justement. Ils n'ont jamais été amoureux l'un de l'autre et ils étaient d'accord sur ce point. Là n'est
pas la question, insista Jessie. Il reste que j'ai bien volé son fiancé. Les sœurs ne se font pas ce genre de
choses entre elles. Mais je vous jure que je n'ai jamais voulu tomber amoureuse de lui. J'ai résisté. Nous
avons tous les deux résisté.
Carla posa sa main sur celle de Jessie.
- Tous ceux qui te connaissent savent que tu ·ne ferais jamais intentionnellement de mal à
quiconque.
- Et si ta famille ne peut comprendre cela et se préoccupe si peu de ton bonheur, Jess, ajouta Dana,
alors peut-être devrais-tu envisager une relation avec Mac et t'occuper de ton avenir. Vous pourriez créer votre
propre famille, tous les deux.
- C'est exactement pour ça que l'idée d'un avenir avec Mac est si ridicule. Tout ça n'aura servi à rien.
Mac m'a avoué la nuit dernière qu'il commençait à considérer la possibilité de changer ses priorités ou
d'avoir des enfants. Mais si, au fond, il ne voulait pas réellement changer et m'avait dit ça seulement pour
ne pas me perdre ?
- Jessie, chérie, il n'y a qu'un seul moyen de le savoir. Seul le temps te le dira.
- Écoute-toi, Jess, insista Dana. Tu vas vraiment choisir ta famille, qui ne se préoccupe pas de ce
que tu veux et de ce dont tu as besoin actuellement, plutôt que l'homme que tu aimes et qui t'aime?
Carla caressa tendrement les cheveux de Jessie.
- Chérie, l'amour arrive sans crier gare. La question est, vas-tu l'accepter ou lui tourner le dos ?
Jessie aurait bien voulu avoir la réponse à cette question.
10
Jessie observa le traditionnel manège matinal des oiseaux, tout en feuilletant les publicités de l'épais
journal du dimanche. Mais elle savait pertinemment que ce n'était pas là qu'elle trouverait ce qu'elle
cherchait réellement, à savoir la compréhension de ses parents et le pardon de Jenna.
Et le premier point ne risquait pas de se produire tant que les choses ne se seraient pas arrangées avec sa
sœur. Mais comment faire? Jessie avait toujours été celle qui cédait, que ce soit lors d'un match de tennis ou
pour rendre service. Elle soupçonnait même que sa relation avec sa sœur pouvait avoir influencé sa réserve à
devenir principale. Elle ne voulait pas être considérée comme étant en compétition avec Jenna, pour qui, à
l'instar de leurs parents, enseigner n'était pas assez prestigieux pour un membre de la famille Taggert
Alors qu'est-ce qui avait changé? Pourquoi était-elle dorénavant prête à assumer un nouveau métier?
S'était-elle subitement transformée en une personne sans aucune conscience, qui se moquait de faire du mal aux
autres et avait couru après Mac par pure jalousie?
Non. Jessie savait dans son cœur qu'elle n'était en aucune façon en compétition avec sa sœur. Mac et elle
avaient même résisté à leurs sentiments, mais l'attirance qui existait entre eux avait été trop forte pour
qu'ils l'ignorent.
Les oiseaux continuaient à se chamailler. Jessie secoua la tête face à leur acharnement, qui lui
rappelait Mac. C'était l'homme le plus tenace qu'elle ait jamais rencontré. Il s'était même targué de ne
jamais revenir sur ses décisions.
Et pourtant, pour l'un des choix les plus importants de sa vie, à savoir son mariage, il avait décidé
d'écouter son cœur. En annulant la réception à la dernière minute, il avait pris ce qui avait du être une
décision extrêmement difficile pour lui.
Il avait du cran. Cet homme avait confiance en elle et il l'aimait. Mac avait eu un effet catalyseur sur les
bouleversements récents dans sa vie. Il l'avait aidée à changer et à évoluer. Et maintenant que l'amour était
né entre eux, qu'allait-elle faire ?
Soudain, la réponse à cette question, posée la veille par ses amies, lui apparut comme une évidence. Jessie
en avait assez de faire des choix en fonction de ce que les autres pensaient. Elle allait se battre et faire tout
son possible pour avoir l'homme qu'elle aimait.
Elle saisit le téléphone et composa le numéro de l'hôtel de Jenna à Hawaii, mais celle-ci resta
injoignable. Même si elle se doutait que cela ne servirait à rien, Jessie laissa un message, demandant à sa
sœur de la rappeler.
Trop de choses s'étaient accumulées en elle pour qu'elle attende le retour de Jenna. Jessie s'empara d'un
petit carnet aux pages jaunes et déversa son cœur sur les feuilles encore vierges. Elle admit son amour pour
Mac et termina en reconnaissant qu'elle espérait que Jenna et ses parents finiraient par lui pardonner, quand ils
réaliseraient qu'elle n'avait jamais eu l'intention de blesser qui que ce soit et qu'ils comprendraient qu'elle
devait suivre son cœur. Elle inscrivit l'adresse et timbra l'enveloppe avant de la mettre dans son sac avec
l'intention de la poster dans la matinée.
Jessie devait ensuite localiser Mac et le convaincre de leur donner une nouvelle chance. Elle appela
chez lui, au bureau et sur son téléphone portable, mais tomba systématiquement sur son répondeur.
Sa secrétaire devait savoir où il se trouvait Jessie composa le numéro de Taryn et poussa un soupir de
soulagement quand elle décrocha
- Taryn, ici Jessie Taggert.
- Oh, bonjour ! Vous êtes la sœur de Jenna , n'est-ce pas ? J'ai appris pour le mariage. C'est horrible!
- Taryn, je dois parler à Mac. Pouvez-vous me dire où il se trouve ?
- S'agit-il d'une sorte d'urgence? Car il m'a clairement notifié qu'il ne devait être dérangé sous aucun
prétexte, sauf en cas d'urgence.
Jessie en avait assez de devoir faire semblant et mentir.
- Ce n'est pas exactement une urgence, mais c'est très important
- Eh bien, j'imagine que je peux vous dire où il se trouve alors. Mac est à Hot Springs, à l'hôtel
Arlington Resort.
Taryn lui communiqua le numéro de téléphone de l'hôtel
- L'annulation du mariage a dû le contrarier plus qu'il ne veut bien l'admettre. Il m'a demandé de
reprendre son emploi du temps et de décommander tous ses rendez-vous prévus après 17 heures et pendant
les week-ends, pour les planifier pendant ses heures de travail. Étrange, n'est-ce pas ?
Un sourire se forma sur les lèvres de Jessie. Ainsi Mac n'avait pas menti quand il avait parlé de changer
ses priorités.
- Merci, Taryn,
Jessie se précipita dans sa chambre à coucher pour préparer sa valise. Elle posterait la lettre à sa sœur sur
le chemin, en direction de l'autoroute 1-30, la route la plus directe pour se rendre dans l'Arkcansas.
Mac jeta ses habits dans sa valise. Le voyage à Hot Springs avait été une erreur. Partout où il allait, il
rencontrait des couples et des familles, qui lui rappelaient constamment ce qu'il n'avait pas. Et ce n'était que
récemment qu'il avait découvert que c'était ce qu'il voulait réellement
Il devait avoir confiance dans son amour pour Jessie et croire que les joies de la paternité allaient
largement compenser toute douleur éventuelle. La vie pouvait basculer en un clin d'œil et il ne pouvait se
permettre d'attendre,
Sa mère avait essayé de lui expliquer tout cela un peu plus tôt , mais il avait été trop entêté pour écouter.
Il aurait pourtant dû. A plusieurs centaines de kilomètres de distance, il n'avait pas la moindre chance
d'arriver à convaincre Jessie qu'ils avaient un avenir ensemble. Dès qu'il serait rentré, il irait la trouver et...
- Vous essayez de quitter la ville, maître ?
Mac se retourna au son de la voix familière.
Était-il en train de rêver à cet ange qui se tenait dans l'embrasure de la porte ? Vêtue d'une robe d'été
bleu marine et blanc, elle semblait encore plus magnifique que dans son souvenir.
Il s'élança, réduisant d'un bond la distance entre eux, et saisit délicatement ses épaules, comme pour
vérifier qu'elle était bien réelle.
- C'est ce que j'ai de mieux à faire. Je suis venu ici dans l'espoir de guérir, mais je n'ai pu trouver
cette eau magique dont quelqu'un m'avait parlé, A moins que cela ne marche tout simplement pas sur les
cœurs brisés.
- Peut-être que je peux faire quelque chose pour y remédier ?
Jessie prit son visage entre ses mains et fit courir son pouce sur ses lèvres. La douceur de ce contact était une
pore torture pour Mac. Il l'attira étroitement contre lui et huma son parfum délicat, s'émerveillant de voir
à quel point le simple fait de la tenir dans ses bras semblait naturel.
- Je me sens déjà beaucoup mieux, murmura-t-il avec difficulté, la gorge serrée par l'émotion.
- J'ai eu tort de te repousser, Mac. Dis-moi qu'il n'est pas trop tard pour nous laisser une chance.
- Il n'est pas trop tard. Car au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, quand je veux quelque chose, je
m'acharne. Et je te veux, toi. Tu m'as montré que l'amour et la famille sont les deux choses qui
importaient le plus dans la vie. Et je t'aime, Jessie. Accepterais-tu de m'épouser ?
- Oui, répondit-elle, ses yeux verts brillant d'excitation. Mais pas à cause de ton pouvoir de
persuasion.
Son expression se fit plus tendre et elle poursuivit :
- Ce qui m'a convaincue, c'est ton grand cœur et ton empressement à ouvrir ce cœur et à m'y laisser
entrer. J'espère que ma famille bénira un jour notre mariage. Mais d'ici là, nous formerons une famille.
- Aucune objection. Mais nous devrions commencer dès maintenant à chercher la maison
idéale avec cet immense jardin. A quoi pensais-tu déjà? Deux enfants ou trois ?
Jessie lui sourit.
- Deux, au moins. En attendant, penses-tu qu'il est trop tard pour prévenir la réception que tu
as changé d'avis et que tu désires conserver la chambre encore quelque temps ?
- Il n'est jamais trop tard.
- Parfait, parce que j'ai repéré un Jacuzzi que nous devons absolument essayer. Nous pourrions
mettre les jets très fort et faire beaucoup de bulles ...
Dieu qu'il aimait cette femme!
Il plongea son regard dans les yeux étincelants de la jeune femme et sut avec certitude,
comme il devinait parfois à l'avance le vote d'un jury, que Jessie et lui étaient faits l'un pour l'autre.
Épilogue
Six mois plus tard
Jessie appuya sur la sonnette. Quelques secondes plus tard, la porte s'ouvrit et Henri la serra
dans Ses bras, comme à son habitude.
- Mademoiselle Jessie! s'écria-t-il en la tenant à bout de bras afin de mieux la regarder. Cela fait
bien trop longtemps que je n'avais vu ce merveilleux sourire. Mais je peux constater que vous
êtes heureuse, n'est-ce pas ?
- Très, répondit-elle avec un sourire radieux, avant de faire signe à Mac d'avancer. Henri, tu te
souviens de Mac McKenna. Maman t'a parlé de ... nous?
- Bien sûr. Il n'y a pas de secrets dans cette maison. Toutes mes félicitations. J'ai préparé un
dessert, spécialement en l'honneur de votre mariage. Je suis juste un peu déçu de ne pas avoir
pu faire votre véritable gâteau de mariage. Il aurait été magnifique.
- Je suis sûre que le dessert de ce soir sera tout aussi merveilleux.
Jessie devait bien admettre pourtant qu'elle aurait préféré un mariage et une réception plus
traditionnels. Mais étant donné les circonstances et le fait que Mac et elle ne voulaient pas
attendre pour se marier, leur petite escapade à Las Vegas avait semblé une excellente idée.
- Et ne vous en faites pas. Jenna reviendra. Elle est perdue sans vous. Laissez-lui juste un
peu de temps, lui certifia Henri avant de l'étreindre de nouveau. Et quand elle apprendra pour le
petit, murmura-t-il, votre sœur ne pourra pas supporter de rester à l'écart.
Jessie resta sans voix. Sa grossesse ne se voyait pas encore, c'était trop tôt.
- Mais comment as-tu deviné?
Il sourit.
- Nous, les Français, nous savons reconnaître ce genre de chose. Et maintenant, entrez. Vos
parents vous attendent à l'intérieur.
- Tu crois que tes parents se doutent également de quelque chose? murmura Mac à l'oreille
de Jessie.
Elle gloussa.
- Aucun risque. Il n'y a pas une goutte de sang français qui coule dans leurs veines.
Jessie ouvrit la porte. Elle remarqua à peine l'odeur appétissante de saumon grillé et de riz,
tellement la vue de ses parents se tenant la main dans l'entrée était saisissante. Leur expression
semblait hésitante.
L'étrangeté de la situation mit Jessie mal à l'aise.
Elle aurait voulu que le processus de réconciliation soit déjà derrière elle. Elle offrit alors un
large sourire.
- Bonjour, grand-père, bonjour, grand-mère.
Sa mère ouvrit des yeux ronds.
- Quoi?
- Tu veux dire que ...
Jessie hocha la tête.
- C'est prévu pour septembre !
Ses deux parents se précipitèrent et la serrèrent à tour de rôle dans leurs bras, avant de réserver
le même traitement à Mac. Les yeux remplis de larmes, sa mère lui prit les deux mains.
- C'est une merveilleuse nouvelle; Jessie. Pourras-tu nous pardonner de ne pas avoir été
là au cours de ces derniers mois? Nous avons dû soutenir ta sœur. Toi, tu avais Mac, mais ta sœur était
seule.
- Nous avons tous fait ce que nous avions à faire. Ce qui importe aujourd'hui, c'est que nous
essayions d'être de nouveau une famille.
- Et nous y arriverons, Jess, lui promit son père. Jenna a remonté la pente. Elle a
déménagé à Fort Worth et a trouvé un emploi dans l'un des plus prestigieux cabinets de la ville.
Au moins, sa vie professionnelle est de nouveau sur les rails. Laisse-lui encore un peu de temps. Elle
reviendra.
- Quelqu'un parle de moi ici ? Est-il trop tard pour rajouter un couvert? fit une voix.
- Mademoiselle Jenn ! s'écria Henri, radieux. Je vais chercher un autre verre !
Jessie se retourna et vit sa sœur se précipiter à sa rencontre.
- Pourras-tu me pardonner pour toutes les horribles choses que je t'ai dites ? J'ai été si égoïste en
te demandant de renoncer au véritable amour, juste pour éviter de m'embarrasser.
- Bien sûr ! la rassura Jessie en prenant sa sœur dans ses bras. Enfin, si pour commencer tu veux bien
me pardonner de t'avoir causé autant de peine et de honte.
- C'est déjà fait, affirma Jenna en se reculant pour regarder Jessie droit dans les yeux. Ces
quelques mois passés sans te parler ont été horribles. Je ne veux plus que quoi que ce soit se mette entre
nous désormais. Parce que je préfère te prévenir dès aujourd'hui: j'ai l'intention de passer
beaucoup de temps avec ma nièce ou mon neveu.
Jessie éclata de rire, pas le moins du monde surprise que sa sœur jumelle soit déjà au courant de son état.
- On veillera à ce que tu tiennes parole.
Jenna serra une nouvelle fois Jessie dans ses bras, puis s'approcha de Mac et l'embrassa sur la joue.
- Félicitations, Mac. Je suis heureuse pour toi et Jessie. Sincèrement. Et je sais que tu feras un
merveilleux papa
- Merci. Et crois-moi, je suis le premier surpris d'être tombé amoureux de la sorte et aussi
rapidement, mais c'est ainsi. Et cela me semble juste finalement. Enfin, mieux que juste. Et tu
trouveras toi aussi la personne qui te convient.
Jenna roula des yeux.
- Il existe à peu près autant de chances que je me marie et que je devienne mère que
l'équipe des Cowboys de Dallas a de gagner de nouveau le championnat. Sans vouloir t'offenser,
papa.
- Eh bien, si, je suis offensé. Nous avons une bonne équipe, et nous pourrions gagner. Tu ferais
bien de t'en rappeler.
Les rires emplirent la pièce. Jessie n'avait peut-être pas une famille typique, mais c'était la sienne. Le
processus de réconciliation avait commencé.
Fin