Le Sexe Et Ses Bienfaits

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LE SEXE ET SES BIENFAITS

Marco Focchi, Traduction d’ Ombretta Graciotti, Jacques Peraldi

L'École de la Cause freudienne | « La Cause freudienne »

2009/3 N° 73 | pages 14 à 19
ISSN 2258-8051
ISBN 9782905040671
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-la-cause-freudienne-2009-3-page-14.htm
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Le sexe et ses bienfaits


Marco Focchi*

La vie sexuelle est belle


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Les dernières décennies ont été porteuses de changements radicaux dans le champ
de la sexualité. La déghettoïsation de l’homosexualité et la banalisation de la
pornographie ont succédé à la révolution féministe. Ce qui était considéré comme
normal en matière de pratiques sexuelles s’est étendu au point de rendre
superfétatoire le concept de déviance qui ne s’applique plus qu’en cas de violence,
négation, écrasement ou avilissement de l’autre hors consentement bien sûr.
Bien qu’on l’utilise encore pour éclairer certains aspects de la clinique, le terme de
perversion n’est plus un signifiant actif ni socialement reconnaissable. Le DSM1 a
certes essayé de conserver l’idée de déviance, en la dissociant de la condamnation
morale, sous les espèces de la « paraphilie »2 ; mais cette expression stérilisée par la
médicalisation embarrasse plus qu’elle n’éclaire ceux qui en font usage. Si l’on
relevait à l’occasion que les pervers ne venaient pas en analyse, c’est aujourd’hui une
évidence : la perversion ne représente plus une pathologie. Sans le stigmate de la
déviance, la volonté de jouissance ne constitue pas en elle-même une source de
souffrance. Personne ne demande à être guéri de ses modalités de jouissance. C’est
plutôt dans le cadre du conflit névrotique que les voies permettant d’atteindre la
jouissance sont éprouvées comme impraticables ou entravées.
* Marco Focchi est psychanalyste, membre de la Scuola lacaniana di psicoanalisi [SLP]. Ce texte a été présenté lors des
Journées annuelles de la SLP (16-17 mai 2009, Naples) qui avaient pour titre Variazioni sessuali e realtà dell’inconscio
[« Variations sexuelles et réalité de l’inconscient »].
1. Cf. American Psychiatric Association, DSM-IV. Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, 4e éd., trad.
franç. s/dir. J.-D. Guelfi, Paris, Masson, 1996.
2. Attraction ou pratique sexuelle s’écartant de la supposée « normalité ».

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Le sexe et ses bienfaits

Ainsi, les variations sexuelles que nous explorons sont comme les lignes mélodiques
d’une partition en canon désormais obsolète. Dans la vie sexuelle, chacun improvise
son morceau suivant l’inspiration et les fantaisies du moment. Du free jazz, donc,
plus qu’un contrepoint.
Notre époque serait celle du triomphe de la révolution sexuelle parvenue à sa pleine
maturité. Vécue sans répression, la sexualité jaillirait, naturelle et limpide comme de
l’eau de source. Débarrassée de ce qui y faisait obstacle et du sens d’une véritable
transgression, la variété des pratiques sexuelles échapperait au jugement moral implicite
du couple normalité / déviance, et trouverait partout une légitimité citoyenne.

Les supposés bienfaits du sexe

Un rapide survol de sites consacrés à la santé suffit, en effet, pour voir qu’une idée
maîtresse y est battue et rebattue : le sexe fait du bien. Le terrorisme anti-onaniste
du docteur Samuel Tissot3 n’est même plus un souvenir. Les craintes des excès
sexuels qui ont accompagné l’histoire de nos sociétés se sont évanouies. Pourtant,
l’Occident avait de toujours été obsédé par la peur d’être envahi par les forces de la
maladie, du désordre et de la désagrégation, et de se trouver miné par une sensualité
lascive et oiseuse, alors considérée comme une spécialité orientale. Lorsque, pour
asseoir son Carthago delenda, Caton brandit au Sénat un panier de figues fraîches
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en précisant qu’elles provenaient de Carthage, à seulement trois jours de voyage de
Rome, les historiens interprètent la figue comme un symbole de la sexualité
féminine. Bien plus effrayante que toutes les armées ennemies – prophétisait Caton
– c’est la féminisation qui menaçait de désagréger les viriles vertus républicaines, de
défier et plus, de miner Rome par l’indolence de ses mœurs.
De nos jours au contraire, le sexe fait du bien. Affichant force professionnalisme,
les spécialistes de toutes les branches de la médecine nous l’assurent à qui mieux
mieux. Les mouvements du bassin profitent à la colonne vertébrale. La pression
sanguine baisse grâce à l’accélération du rythme cardiaque. Le sexe aide – surtout
les hommes, semble-t-il – à mieux dormir. Il met de bonne humeur, car il stimule
la production des endorphines. Il élève le seuil de la douleur et il favorise la ligne,
puisqu’il brûle des calories et prévient les crises de boulimie. Vous ne le croirez pas,
mais c’est aussi bon pour les dents, étant donné que les baisers intenses favorisent
la salivation. La peau des femmes devient plus élastique, car plus riche en
œstrogènes. La musculature masculine s’en trouve modelée grâce à la production de
testostérone. Enfin, la proximité physique à laquelle le sexe oblige favorise le
renforcement du système immunitaire. En somme, nous avons découvert une
véritable panacée ignorée pendant quelques millénaires, et dans laquelle l’industrie
pharmaceutique n’a apparemment aucun dividende. Il faudrait sans doute parler du
Viagra®, mais ceci est une autre histoire…

3. Cf. Tissot S. A. (1728-1797), L’onanisme, essai sur les maladies produites par la masturbation, Paris, éd. Garnier Frères,
1905, consultable sur le site de la BNF.

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Marco Focchi

Autrement dit, vous pouvez pratiquer toutes les variations que vous voulez, mettre
en application chaque soir dans votre chambre ou votre alcôve le Kama-Sutra de la
première à la dernière page, vous accoupler à autant de partenaires que vous le
souhaitez, et ce, quelle que soit votre orientation sexuelle préférée. Il n’en
demeurera pas moins que la normalité que vous voudriez enfreindre passe
désormais par une autre voie et qu’elle resurgit sous une forme bien plus puissante :
l’identification du sexe à la santé. La moralité se moulait autrefois sur les contours
de l’âme. Elle s’impose aujourd’hui à travers le fitness, l’harmonie des lignes du
corps, les régimes, l’idéalisation de la beauté physique – avec ses contrecoups
destructeurs lorsqu’elle exaspère le rapport du sujet à l’objet oral.
Le sexe fait du bien tout comme parler fait du bien. Il y a quelque temps, Jacques-
Alain Miller ironisait sur le côté passe-partout de ce remède aux maux de l’âme,
devenu un lieu commun lié aux succès de la psychanalyse4. Afficher ses sentiments
de manière ostentatoire, partager ses secrets, donner libre cours à sa parole : parler
fait du bien ! Si cette rengaine s’est sûrement imposée avec le succès de la
psychanalyse, elle témoigne aussi de sa dégradation, puisque le rapport si complexe
que le sujet entretient avec la parole s’y trouve ravalé à une recette empirique.
Cette idée des bienfaits du sexe implique quelque chose de plus alarmant encore : le
corps devient désormais un lieu d’élection pour la politique, car c’est un terrain
d’affrontement sur les questions fondamentales de la naissance et de la mort.
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Écartelée entre des visions inconciliables, la bioéthique devient le champ de bataille
où se jouent les destins de la modernité. Assimilée au bien-être, la nouvelle normalité
conduit à faire équivaloir la vie à un pur calcul. Le bien-être s’est imposé comme une
composante de l’évaluation de la qualité de vie. Les courants bioéthiques utilitaristes
s’en servent pour pousser parfois les gouvernements à prendre certaines décisions,
quant à la répartition des moyens sanitaires, par exemple. Le présupposé de départ
est simple : alors qu’aujourd’hui les technologies médicales tendent à augmenter
toujours plus la durée de la vie, il n’y a pas pour autant des ressources pour tous ;
cela implique donc de déterminer comment ceux qui en profiteront seront
sélectionnés. Ladite décision est le résultat d’un calcul ayant pour paramètres, d’une
part, l’évaluation de la durée de vie et, d’autre part, le bénéfice, le bien-être que l’on
pourra en retirer. Ainsi soupèse-t-on la valeur d’une vie : à durée de vie égale, une
personne atteinte d’un handicap est dotée d’un nombre de points inférieur à celle
qui ne l’est pas. Par exemple, dix ans de vie d’un sujet sans troubles de la vision
vaudront plus de points que chez un non-voyant. C’est assez terrifiant. Les visées
utilitaristes des gestionnaires qui promeuvent la qualité de vie selon de tels critères se
heurtent suscitent les revendications des théologiens qui les combattent au nom du
caractère inaliénable et sacré de la vie. De fait, la situation actuelle de la bioéthique
laisse peu de place au sujet pour décider librement de sa propre vie.

4. Cf. Miller J.-A., « De l’utilité sociale de l’écoute », Le Monde, 30 octobre 2003.

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Le sexe et ses bienfaits

Une nouvelle normalité

Le sexe fonde une nouvelle normalité parce qu’il est une composante essentielle de
notre bien-être. Voilà qui l’installe sur la pente glissante où se bousculent les
facteurs en jeu dans le calcul de la qualité de vie. Ce que la vie recèle de plus intime,
de plus inviolable, de plus irréductible, se trouverait sinon forclos, du moins ravalé
à la qualité de bien disponible. La thèse que le sexe fait du bien mène à une
quantification dégradante de la sphère la plus impénétrable de la vie.
La psychanalyse, nous le savons, suit une autre voie : la jouissance ne peut se
décliner en termes de bien-être, puisque ce dernier suit le circuit linéaire du
principe de plaisir. Je peux apprécier un beau spectacle, un bon repas, une
promenade agréable. Rien de tout cela ne fera naître en moi une contrariété
particulière, ni ne remettra en question mes choix de vie essentiels. Or la jouissance,
elle, est tout autre chose. Parcourue par une antinomie interne, elle inclut la
destruction comme la création. Pour ébaucher ses traits, Lacan fait appel dans le
Séminaire L’éthique de la psychanalyse5 aux figures sadiennes les plus sinistres :
Juliette et le pape Braschi (Pie VI), la puissance d’anéantissement de la nature, et
celle du crime humain qui tente vainement de rivaliser avec elle.
La jouissance, ce n’est pas ce dont causent les cours d’éducation sexuelle dispensés
aux enfants. On leur parle des fleurs et des abeilles ou, tout au plus, quand on se
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veut scientifique, de l’ovocyte et du spermatozoïde qui s’unissent pour donner
naissance à l’embryon et, avec lui, au miracle d’une nouvelle vie. Dans les écoles,
on parle aux enfants du rapport sexuel qu’il y a, celui des animaux, des plantes, ou
bien des gamètes, honnêtes ouvriers de la reproduction. Comment définir ceux-ci
autrement ? Hé bien, les gamètes n’ont rien à voir avec la réalité du sexe, et, dans
les scénarios érotiques, ils ne constituent pas une source notoire d’excitation
sexuelle.
À l’âge adulte, quand les berceuses ne nous endorment plus, c’est l’inexistence du
rapport sexuel qui culmine dans nos préoccupations. Cette question cruciale ne se
résout pas par un calcul. Il ne s’agit plus de la sexualité des abeilles et des fleurs, mais
de celle dont Freud disait que l’humanité donnerait tout pour s’en débarrasser. On
essaye alors de chanter une autre berceuse, celle qui raconte que le sexe fait du bien.
Elle recrute ses ténors dans les rangs des médecins, tout en soudoyant, pour le
chœur, les meilleurs représentants de la sexologie.

Le calcul du bien-être versus la liberté du désir

Poursuivons sur l’aphorisme que Lacan développe dans les années soixante-dix, Il
n’y a pas de rapport sexuel. Il n’est pas nécessaire de vous le démontrer, nous en
sommes apparemment tous convaincus : le non-rapport sexuel est tellement ancré
dans notre arsenal théorique que le contraire nous étonnerait beaucoup. Pourtant,
5. Cf. Lacan J., Le Séminaire, livre VII, L’éthique de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1986, cha. XVI.

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lorsque Lacan l’avait proférée pour la première fois dans son Séminaire D’un
discours qui ne serait pas du semblant, cette formule avait résonné dans l’assistance
d’une façon pour le moins paradoxale. Au fond, c’est un fait d’expérience que les
hommes et les femmes couchent ensemble, et c’est ce qu’on appelle habituellement
le rapport sexuel. Nous savons cependant sophistiquer la chose : il y a, certes,
rapport sexuel dans la réalité, mais il n’y a pas le signifiant de ce rapport. Dans le
même ordre d’idées, on dit que les femmes existent, mais pas le signifiant de La
femme. Et ainsi de suite…
Néanmoins, si l’inexistence du rapport sexuel n’a pas à être démontrée aujourd’hui,
Lacan, dans la « Note italienne »6, invoquait précisément l’expérience analytique
comme le lieu où se démontre l’impossibilité d’écrire ledit rapport, lequel n’est ni
affirmable ni réfutable au titre de la vérité. De là découle l’idée que la rencontre
sexuelle est absolument contingente. Chacun doit se débrouiller comme il peut avec
son partenaire-symptôme, tandis que les célibataires en analyse, lorsqu’ils souffrent
de leur solitude, se plaignent, les hommes, qu’on ne trouve plus de femmes et celles-
ci, qu’il n’y a plus d’hommes.
Transformer le cabinet de l’analyste en agence matrimoniale n’est pas une solution.
Il pourrait nous venir à l’esprit que l’inexistence du rapport sexuel dans l’espèce
humaine est une véritable calamité, et que les animaux sont bien plus chanceux,
puisque leur rencontre avec le partenaire est régie par les solides voies de l’instinct :
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un savoir précis, digne de la plus rigoureuse ingénierie, leur permet d’aller droit au
but. Quant à nous, notre ingenium n’a plus qu’à se décarcasser pour échafauder un
bricolage qui risque toujours de voler en éclats à chaque secousse un peu forte que
la vie nous réserve.
Mais une autre facette mérite d’être considérée. Pour le dire avec Heidegger,
l’homme est l’animal qui peut désobéir à l’instinct. Nous ne suivons pas une voie
tracée d’avance, et pouvons, de ce fait, emprunter de nombreuses directions. Sans
qu’il y ait là motif à vantardise particulière de notre part, c’est un avantage
appréciable. Peut-être n’est-ce pas réellement un avantage, mais c’est du moins une
opportunité. L’absence de rapport sexuel ouvre le champ du possible. C’est
pourquoi nous ne sommes pas obligés de faire l’amour selon un canon
biologiquement prescrit. Nous sommes peut-être les seuls animaux capables de
passer outre les barrières de l’espèce. Dire que le désir est essentiellement pervers –
la référence à la perversion retrouve ici sa valeur expressive –, c’est dire qu’il passe
par les circuits du fantasme et qu’il échappe aux déterminations biologiques.
Si sa valeur de réveil s’est amenuisée depuis le temps où Lacan l’avait lancée,
l’inexistence du rapport sexuel persiste à informer notre champ. De manière moins
provocatrice et plus simple, on pourrait dire que l’homme est libre. Liberté est en
effet le mot qui convient. Ce mot ancien prend dans ce contexte un nouveau relief.
L’homme est libre par rapport à sa structure biologique, car le fait de parler le

6. Cf. Lacan J., « Note italienne », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 310.

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déprogramme des contraintes de l’instinct. Parce qu’il fait précisément du réel


l’impossible, le langage ouvre en même temps l’horizon du possible, celui où il est
nécessaire de choisir, où l’on peut s’égarer ou se retrouver.
Dans le conformisme contemporain où triomphe le slogan hygiéniste du « sexe qui
fait du bien », le bien-être et la liberté, autrement dit le bien-être et le désir en tant
qu’expression de la liberté s’opposent. Le bien-être est un devoir et un somnifère,
un succédané moderne de la morale antique ; contrairement aux apparences, il ne
consone nullement avec la liberté et le désir, dans la mesure où celui-ci conduit au-
delà du principe du plaisir. C’est cet au-delà qui constitue la substance de la vie des
parlêtres. Si nous ne voulons pas que la vie soit reconduite à la simple, honnête et
tranquille conservation de soi-même avec le sexe comme bénéfice salutaire ajouté,
nous devons trouver la voie d’un désir capable de passer outre les limites du secret,
de l’interdit et de la décence. Une psychanalyse qui n’est pas une simple
psychothérapie, porte, comme le suggère Lacan dans sa « Note italienne », la
marque du « rebut »7. Elle doit se garder d’un souci de respectabilité, soit de
préoccupations qui conduisent à traiter le malaise dans la civilisation par une
gestion bureaucratique, visant à maximiser l’utile, à traquer les dépenses superflues,
à annuler le gaspillage, là où quelqu’un comme Georges Bataille reconnaissait la
marque de la jouissance dans un anti-utilitarisme radical.
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Traduction d’Ombretta Graciotti et de Jacques Peraldi, relue par l’auteur.

7. Cf. ibid., p. 308.

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