CTF 050 0031
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Jacques Pain1
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Résumé
La pédagogie et la psychothérapie institutionnelles sont des pratiques que
l’on peut lire comme systémiques. En effet, la structuration qu’elles revendiquent
les situe dans une liaison opératoire de systèmes d’instances, d’activités, et de
sous-systèmes articulant des institutions multiples, plurielles. Cette matrice de pen-
sée qu’est l’Institutionnel a des fonctions génériques qui permettent de « systémi-
ser » et systématiser des pratiques apparemment différentes, scolaires, éducatives,
cliniques, à partir du moment où elles se reconnaissent comme institutionnelles.
DOI: 10.3917/ctf.050.0031
32 Jacques Pain
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Bertalanffy et aux années 1930. Elle se retrouve dans certaines options de
la thermodynamique de la pensée cybernétique, voire du structuralisme
(Piaget, 1968, avait bien situé le problème), et désormais, elle se remodélise
à partir des concepts de « la toile », et des théories avancées de l’univers.
Il y avait des systèmes ouverts et des systèmes fermés. Watzlawick
et al. (1975) le reprenaient déjà longuement, tout comme des processus
circulaires, ou en boucles. Mais aujourd’hui, on ne pourra pas contourner
Varela & Maturana (1994) : si l’institution est un système, elle est en « auto-
poïèse », autogénérative, ni ouverte ni fermée. Les modélisations sont deve-
nues plus complexes.
La notion de système comporte ses définitions, ses champs d’application,
ses méthodologies dont on ne voit pas ce qui ferait que nous devrions nous en
priver. Sans doute est-ce le fantôme de la totalité qui poursuit ses pérégrinations.
Finies les leçons ! Il est temps de désidéologiser la conceptualisa-
tion des sciences humaines. Et de mesurer l’éthique, non seulement aux
intentions, mais aux dispositifs, aux procédures, et aux choix de conscience.
C’est la fermeture qui, dans tous les cas, reste le danger. Si nous ne devions
retenir de Popper (2011) qu’une seule chose, ce serait la « faillibilité ». Mais
elle n’a jamais empêché de tenter la quadrature du cercle, elle la limite.
Nous allons passer d’un système à l’autre, et jouer de la transversalité
et de la transposition mentales.
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tée à l’analyse interactionnelle permanente de ses travaux, éduque autant
qu’elle instruit. Le maître fait autorité. Mais le conseil est la constituante de
l’autorité. La coopération autorise chaque intelligence à penser, en société ».
d’ateliers ; il est lu par les parents, d’autres classes, envoyé aux corres-
pondants, jusqu’aux Bermudes, parmi des albums, des témoignages, des
reportages ; il peut être relié, on peut en faire un livre ; mais il faut en déci-
der, le préparer en commissions, et régler en collectif la vie de la classe, au
conseil ; les sorties ouvrent l’esprit, du musée à la mairie, à l’entreprise, la
ferme, les voyages reprennent la saga des découvertes et des explorations,
des rencontres ; il faut planifier, réfléchir, lire, écrire, compter, en ateliers ;
tout est occasion de « savoir », d’apprendre, de grandir.
À partir de là, pensons ce système comme socialement généralisable,
dans le respect des identités différentielles des institutions. Nous venons de
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présenter la classe comme une institution, une institution « matrice » d’ins-
titutions, matrice systémique.
Par extension, on peut ainsi penser l’organisation d’une « maison
d’enfants » dans laquelle les enfants vont en classe, mais pas seulement.
Il peut y avoir une dizaine d’activités proposées dans la maison en fin
d’après-midi, en soirée, les mercredis, samedis, dimanches, internes ou ex-
térieures, « en ville ». Il y a un Journal de Maison, envoyé à d’autres « insti-
tutions » – un comité de publication. On découvre des ateliers d’expression
artistiques ou/et cognitifs ; des métiers, des « marchés », sous la direction
de « ceintures », c’est-à-dire les différents niveaux de responsabilités et de
compétences qui nouent la trame institutionnelle. Il y a des contacts privi-
légiés avec des associations d’enfants de plusieurs pays d’Europe. Chaque
semaine, dans les unités, il y a des conseils d’enfants, et des « groupes de
parole » tous les quinze jours. Deux fois l’an, de grandes kermesses de vie
institutionnelle animent des « portes ouvertes ». La classe a muté internat,
foyer, consultation, institution coopérative.
Coopération, réciprocité, responsabilité. De l’institution aux réseaux,
la machine « socialitaire » opère le terrain.
mais fait appel aux mêmes outils et signifiants. Il ne s’agit pas de s’en tenir
à l’universalité abstraite de l’institution (par exemple « l’école »), mais de
la conjuguer avec la particularité spécifique (l’école primaire en France), et
d’en dresser la singularité locale (l’école primaire mixte publique du quar-
tier). Dès lors, il est question de transposition des concepts, et ceci nécessite
un travail précis et « transversal » de réajustements, de corrections. L’action
sociale efficace se pense par la reprise des sciences humaines dans l’institu-
tionnel, expérimentation dirigée et collective qui « taille » les concepts à la
mesure des situations. »
Nous pouvons dès lors passer de l’école au travail social, dans cet
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exercice abstrait et « matriciel » que nous nommons la transposition. Pour
soutenir la pensée adductive qui lui tient lieu de raisonnement, nous livrons
la systémique institutionnelle à l’imaginaire.
soit pour éplucher les pommes de terre, participer à un atelier d’écriture, faire
le marché, aimer ou se battre, il y a toujours de l’institution, de l’institutionnel.
Le Nom ouvre le bal. L’institution est bien ce lieu de fondation entre dire,
interdire, inter(à)dire, interagir, où l’on peut se parler « à propos de » tel ou tel
sujet, c’est même fait pour ça. C’est un « échangeur », nous dit Tosquelles. Elle
permet, elle autorise, elle justifie : « En tant que », j’ai à dire…
L’institution est un milieu intersocial, éducateur, écrit Jacques
Selosse (1966). On y trouve l’homme, ses cultures et ses traces. Et la pé-
dagogie institutionnelle de Fernand Oury pointe le concept « humanité »
comme ce degré zéro de l’institution, prolégomène à toute métaphysique
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future. Attention, être humain, écrit-on pour démarrer le travail. L’humanité
tient du degré zéro, du principe, du nécessaire et suffisant : une loi (inter-
dit) quelques règles, un lieu, un lien, la vie quotidienne, peu de choses après
tout, c’est bien fragile dès lors. Tout s’organise autour des possibilités de la
rencontre, d’une rencontre humaine. C’est en cela qu’essentiellement l’ins-
titution est à faire avec l’autre, qu’elle cadre les objets du sujet ; et qu’au-
delà des arrangements du quotidien, elle est un métacadre symbolique et
cognitif, une réalité psychique et endopsychique de l’individu (Kaës, 2003).
Quatre L y suffisent, y sont nécessaires : Des Lieux ; des Limites ;
des Lois ; c’est dire le fondement d’un Langage commun. Le tour est
presque joué, l’homme et l’institution sont du rendez-vous. On pourrait
même prendre ces quatre L dans l’ordre de la Loi, du Lieu, de la Limite, et
on a le métacadre où s’engage un Langage, porté et inventé par l’angoisse
de la rencontre. C’est ça qui se joue et se rejoue au long cours de l’espèce
humaine, dans l’éducation, la relation, l’organisation de la vie, au cœur de
la pédagogie : l’institution de l’humain. Il y va du sujet mais aussi de l’indi-
viduation, qui passe par là.
Depuis quelques années, des travailleurs sociaux, et en particulier des
responsables, s’inquiètent de l’émiettement des actions éducatives et so-
ciales. Le mythe du « tout individu » n’a pas en effet touché que les usagers,
refermés sur leur angoisse, leurs besoins, leurs biologies quotidiennes. Mais
aussi les travailleurs sociaux, reconstruits sur la maintenance, la relation
professionnelle et la définition libérale. Cette tendance à la libéralisation
professionnelle traverse les secteurs associatifs et publics avec le naturel du
journal télévisé. Nous voyons ainsi éducateurs, assistantes sociales, ensei-
gnants, se périphériser dans leurs institutions, et une bonne partie d’entre
eux ignorer le collectif institutionnel, l’équipe, le cadrage des rôles et des
statuts, la « soutenance » des pratiques. La fuite individualiste l’emporterait
si nous ne réagissions pas.
L’institution comme système 37
Le retour de l’institution
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En somme, qui fait apparaître ce tissage précaire où s’assure l’identité – ins-
titutionnelle, on le voit bien - d’une existence. L’institution est ce concept,
porteur depuis Tocqueville de « l’association » humaine, du destin inter-
médiaire mais déjà intime du social. Où apprendre et reprendre, sinon dans
l’institution, l’équilibre de ses pulsions fondamentales ?
D’ailleurs, l’institution est toujours un feed-back où les situations
confrontent les professionnels aux usagers, sur les problèmes qui scandent
leur quotidien. On voit pourquoi les pédagogues de l’institution font l’hypo-
thèse, toujours vérifiée, que le travail de maturation personnelle se fait en
plein dans la réalité sociale de l’institution. Les relations, les attitudes, le
projet, jusqu’à l’organigramme, sont de l’ordre des vases communicants.
Le mental et l’inconscient sont derrière les portes. Une institution, fer-
mée, ouverte, éclatée, ça se soigne ! Au sens banalisé mais contenant du
terme.
Or, les institutions et leurs professionnels aussi sont malades ! À
l’heure de la souffrance en France et du harcèlement moral, les institutions
sont à la question « libérale » ! Elles attachent, elles épuisent, elles dé-
truisent et parfois tuent.
On pourrait étendre le constat. N’insistons pas sur l’école, qui reste déses-
pérément retranchée sur sa mythique sacralité, loin de ses échecs.
Et l’on voit des enseignants et des travailleurs sociaux utiliser toute
la violence de l’institution pour tenir en place ; l’exclusion est à la mode de
la crise. Mais les prophéties œdipiennes et familialistes ont fait leur temps.
L’échec est sélectif jusque dans la sélection. Jusque dans les familles la
distinctivité opère, et la famille, comme tout groupe primaire, suscite aussi
des résiliences. Ce ne sont pas des personnalités qui font la pérennité des
institutions, mais des groupes, une histoire, des collectifs. L’institution est
une « personne morale » historique, rappelons-le.
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Les pathologies institutionnelles
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portements. Les ceintures, héritées des ceintures de judo que Fernand Oury
pratique, les ceintures que nous comprenions aisément puisqu’une partie
de l’état-major de la pédagogie institutionnelle pratiquait les arts martiaux,
les ceintures sont un grade psychologique, social, que l’on se donne à soi-
même, et qui est reconnu par les autres.
Nous avons pu le vérifier dans une maison d’enfants, à travers une en-
quête qui dura deux ans et mobilisa plusieurs dizaines d’enfants autour d’in-
tervenants extérieurs venus tester ces techniques : les ceintures marquent la
progression sociale du groupe, le rapport social des uns et des autres à la
communauté, à la société… et la construction de ce que Jean Oury appelle
un collectif, c’est-à-dire un ensemble organisé et systématique de compé-
tences cognitives et relationnelles tout entier mobilisé en direction du sujet
et des personnes sociétaires.
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avant tout aux conditions de vie du sujet, à son accueil, à son intégration,
à sa place. On voit bien pourquoi Jean Oury, Fernand Oury et François
Tosquelles y ont insisté avec détermination. Avant même de spécifier le tra-
vail qui est le nôtre à l’école, dans une institution éducative, dans un hôpital
d’enfants, il faut s’organiser et organiser les groupes humains en fonction
de l’institution, et organiser l’institution en fonction des groupes humains
qui y travaillent. Cette évidence, que l’on voudrait ne pas répéter, il faut la
rappeler. C’est ce qui explique le mot de Fernand Oury : « Survivre, vivre,
faire vivre ».
On ne peut pas « faire vivre » si on n’est pas dans la vie soi-même, si
on est enfermé dans la survie. L’état mental des institutions, du quotidien,
de tout un chacun et en particulier des soignants à l’hôpital, des enseignants
à l’école, des éducateurs dans les institutions éducatives, va être détermi-
nant. On retrouve ici cette idée élémentaire qui fait l’hypothèse que l’état
des lieux dans l’institution est en étroite dépendance, en étroite articulation
avec l’état des lieux mentaux des soignants, des enseignants, des éducateurs,
des adultes. En référence au principe des vases communicants, s’opère la
circulation de l’angoisse et la déstructuration, la désorganisation, la désaf-
filiation, la violence, dans la mesure exacte où l’institution s’établit sur ses
propres ruptures, ses défaillances, et lève le siège, abandonnant l’institution
au hasard des relations humaines, en particulier des conflits, des intérêts des
uns ou des autres, des rivalités. À chaque fois que l’institution rate l’accueil,
l’être humain est en danger et la violence est à la porte. La violence, c’est
la perte de l’étayage institutionnel, du cadre, des rapports humains, non
pas de la relation humaine, mais des rapports symboliques qui fondent une
société. La violence, c’est ce que la psychothérapie et la pédagogie institu-
tionnelles systémiques combattent avant tout, cette subtile désorganisation
du monde humain qu’une mauvaise politique des rapports institutionnels et
des rapports sociaux engage si l’on n’y prête garde. Jean Oury a ce mot : La
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sort mieux. Ce que ces stages – cette grille de stages qui est une grille de
vie – nous ont appris, c’est qu’il y a, du point de vue d’une topographie
descriptive, trois types d’institutions, trois cercles de formation, qui s’en-
globent mutuellement.
Il faut commencer par repérer les métiers qui sont les nôtres, et s’y
former : praticiens hospitaliers, aides-soignants, éducateurs en maison d’en-
fants, éducateurs spécialisés, éducateurs de rue, enseignants, enseignants
spécialisés, animateurs, animateurs socioculturels, formateurs d’une façon
ou d’une autre, aussi bien formateurs d’enseignants que de thérapeutes.
Nous avons ce premier niveau de l’institution, qui tourne autour de
cette notion chère à Freinet et que l’on peut reprendre intégralement : le
métier. Les métiers permettent des techniques, des savoir-faire. Donc il faut
partir des métiers, des métiers professionnels, mais aussi des métiers qui
sont les savoirs « secrets » des uns et des autres, et qui leur permettent de
vivre : bricoleurs, champions de hip-hop, mécaniciens, collectionneurs. Ces
métiers, ces savoirs, organisent des techniques et des technicités qui, un peu
partout où l’on se trouve, dans quelque institution que l’on soit, dans tout
établissement, sont une richesse pour le milieu, pour la vie en commun,
pour les autres, autant que pour les personnes qui les détiennent.
C’est un premier niveau de formation : apprendre des techniques,
des métiers, à utiliser des supports, à se débrouiller en milieu « anaéro-
bie » – comme disait Fernand Oury –, en milieu où la respiration n’est pas
facile. Il faut s’organiser pour pouvoir à la fois se laver les mains, faire de la
grammaire ou la cuisine, parler avec quelqu’un, lire tranquille quelques mi-
nutes, et se réunir pour décider. On peut distinguer les savoirs « savants » des
savoirs « profanes », comme le font certains universitaires, mais notre pro-
pos n’est pas là. Tous les savoirs sont des savoirs de « savants », des savoirs
nés de la pratique, des pratiques de savoirs, et c’est à partir de là qu’on peut
42 Jacques Pain
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comme disent les Américains depuis longtemps ; la « classe-groupe », on
peut le faire à l’envers ; le groupe des enfants dans une unité de vie, une
institution éducative ; le groupe des adolescents dans un lycée profession-
nel, dans une classe des « métiers (de vie) de l’immobilier » ; le groupe
des patients dans les structures de soins. Ces groupes ont des caractéris-
tiques, des relations, et ces relations peuvent être le support d’un rapport
positif aux savoirs, mais aussi peuvent gripper le fonctionnement du groupe
dans sa relation à l’adulte responsable, à l’enseignant, à l’éducateur, au
chef de groupe. On sait la complexité que, par exemple, les psychanalystes
de groupe ont pu mettre en avant pour ne pas négliger ces dimensions. Le
groupe est à la fois un apport et un problème pour la construction d’un col-
lectif. Le groupe peut rendre opaque l’approche du sujet. Il peut au contraire
dynamiser puissamment un projet. Donc il est évident que le responsable,
le formateur agissant en direction d’un groupe, devra s’emparer de cette
dimension. Il faut apprendre à vivre en groupe. Il faut apprendre à struc-
turer les groupes, à faire que les groupes (se) parlent. On pourrait penser
à « l’heure de vie » (une heure pour réfléchir, parler, faire le point) dans la
classe, que l’école, l’Éducation nationale, découvraient avec ravissement et
effroi il y a peu de temps, avant de vite la supprimer par impuissance : on ne
gère pas les groupes comme on enseigne. C’est une autre manière de faire.
C’est quelque chose qui doit s’apprendre en plus, et en pratique.
Dans ce deuxième temps, on va faire très attention au groupe, aux
sous-groupes qui se forment, comme dans toute vie quotidienne ; à faire
qu’ils ne s’ankylosent pas, qu’ils ne s’enkystent pas, qu’ils ne se replient
pas sur des schémas de difficultés, d’exclusion, de rejet, de fermeture.
Le troisième niveau, c’est ce lieu du sujet, cette formation qui passe
par la personne, on pourrait dire l’individu à la rigueur. Mais l’individu,
qu’est-il, y compris dans ses compétences, sinon ce lien à plusieurs qui,
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comme un collectif, le sujet pourra à loisir prendre sa place, puisque, à tout
moment, parole lui est laissée, lui est donnée. Il peut la prendre, s’en empa-
rer. Le collectif a prévu ce temps et ce lieu où chacun a la possibilité de dire.
On voit la technicité que tout cela implique. Dans un système insti-
tutionnalisé, ces trois degrés, vivre en groupes, socialisés, en tant que sujet
et en personne propre, se tiennent et interagissent. C’est ce que, jour après
jour, ces classes, ces écoles, ces lieux d’accueil, ces « établissements », es-
saient de réaliser.
Entendre Marx
quotidien, par la réalité de tous les jours : l’organisation des repas, la cui-
sine, sur et à partir du collectif et de son économie politique, permet à tout
un chacun de réguler des échanges et de développer une existence socia-
lement utile. L’argent, ça s’apprend, aussi ! Il n’y a pas qu’une économie
marchande, les modèles sont multiples. C’est cette dimension soulignée par
les ténors de la partie : pour marcher, il faut marcher sur deux jambes ! Marx
et Freud. Pour penser tout autant. C’est toujours d’actualité !
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révolution économique et politique, de faire de l’économie politique inter-
subjective et libidinale au jour le jour, avec la collectivité dans laquelle on
se trouve. Retrouver le sens du moindre geste, le sens de l’épicerie d’insti-
tution, du menu, des courses, du quotidien, de l’accueil, du petit-déjeuner,
des anniversaires, des rituels festifs et des cérémonies. On voit maintenant
des établissements difficiles revenir à cet accueil, par ce petit-déjeuner, ces
repas en commun. Réinventer la société institution au jour le jour. Com-
bien d’enseignants gagneraient pour eux-mêmes, y compris pour leur santé
mentale, à consacrer, de temps à autre, pas toujours bien sûr quelques
heures à une économie des échanges qui passerait par la table, le réfec-
toire qu’on pourrait appeler définitivement « restaurant », s’il se tient, qu’on
pourrait aménager d’autres façons, et la parole en commun, le partage. Le
partage des préoccupations d’un adulte, d’un adolescent, d’un enfant, dans
le monde d’aujourd’hui.
Et pourtant, ce ne sont pas tant les adultes qui éduquent, que les atti-
tudes symboliques qui sont les leurs, au sein des collectifs humains auxquels
L’institution comme système 45
ils adhèrent, ainsi que les institutions qu’ils mettent en place et qui leur per-
durent. L’institution s’inscrit ou non dans le psychisme et l’histoire sociale.
Un plus un égale trois, l’institution toujours ajoute le lien.
Le premier chiffre social, c’est bien trois.
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