Ingénierie de La Biosphère - Baret 2021

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Hélios Delbrassine

Introduction à l’ingénierie de la biosphère – Philippe Baret

Diversité génétique, habitat, biodiversité Ressources, crises, conflits pour les ressources/inégalité

Enjeux liés aux grands cycles et à toute la question des émissions


(Équilibre entre les cycles et GES)

Ces différentes dimensions sont au cœur des enjeux qu’on appelle les food systems et qui sont, en
réalité, assez récents. En effet, cette problématique ne date que d’une vingtaine d’années.

H. Delbrassine
Hélios Delbrassine

CHAPITRE 1 - Enjeux de l’agriculture et de l’alimentation au XXIème siècle

Produire plus ?

L’agriculture est aujourd’hui plongée dans une crise liée à des limites écologiques, à l’impact de
l’agriculture sur le climat (il correspond à 26% de la contribution de l’Homme aux GES), aux
inégalités sociales et à l’instabilité économique. Ce qui caractérise d’ailleurs nos sociétés
d’aujourd’hui, c’est que le système est beaucoup plus instable qu’avant – nous verrons pourquoi.

Au niveau du monde agricole, la FAO (Food and Agricultural Organisation) – une agence des
NU créée en 1945 à Québec City a pour rôle de se poser la question de comment nourrir la
population en 2050.
Selon leurs analyses, on serait environ 9 milliards d’êtres humains sur Terre à ce moment-là, soit
34% en plus qu’aujourd’hui. Presque toute cette hausse de population devrait se produire dans les
pays industrialisés. Outre cela, l’urbanisation va, de son côté, s’accélérer avec 70% de la population
qui vivra en situation urbaine (comparé à 49% aujourd’hui). Les niveaux de revenus seront eux
aussi bien plus élevés qu’ils ne le sont aujourd’hui.
Afin de nourrir cette population plus grande, plus urbaine et plus riche, la production de
nourriture devra augmenter de 70% - celle annuelle de céréales devra s’élever jusque 3 milliards de
tonnes, alors qu’elle se situe à 2 milliards aujourd’hui, et celle de viande devra passer de 200 millions
à 470 millions de tonnes, ce qui représente donc plus d’un doublement.
Derrière ces prédictions se cache une causalité : on sait que les gens aux revenus plus aisés et
vivant en milieux urbains ont tendance à avoir une consommation de viande plus importante. On
passera donc de régimes principalement végétariens à omnivores dans les sociétés en voie de
développement (Inde, Chine). Or, la production animale représente 51% des 26% d’impact humain
sur l’environnement.
La FAO ne discute pas cette causalité et ce qu’elle implique. Elle dit simplement que s’il faut
augmenter la production alimentaire grâce à des politiques, il faudra aussi combattre la pauvreté,
particulièrement dans les zones rurales, et proposer des programmes sociaux.
En effet, la faim dans le monde
n’est point liée à un problème de
production, puisque depuis la fin
des années 60s, la vitesse
d’élévation de la population est
inférieure à celle de production
de la nourriture. Cela s’explique
par le fait que la population
mondiale tend vers un plateau
d’environ 11 milliards qui a
d’ailleurs été accéléré par la crise
sanitaire du COVID-19.

Or, 830 millions de personnes


souffrent aujourd’hui de la faim.
Dès lors, augmenter la production alimentaire ne semble pas être la seule solution à envisager
puisqu’elle n’est pas le facteur limitant.

H. Delbrassine
Hélios Delbrassine

Attention toutefois aux statistiques


proposées dans les différents rapports !
En 2010, on prétendait que l’on
dépassait le milliard de personnes
souffrant de la faim dans le monde, à la
suite de la crise de 2008. Ensuite, en
2011, un autre rapport a montré des
résultats complètement différents et,
en 2012, un troisième a encore une fois
rectifié le tir. On comprend ainsi qu’il
faut toujours être prudent avec les
chiffres et les prédictions statistiques.
Finalement, si aujourd’hui nombre de gens souffrent encore de la faim, c’est parce qu’ils n’ont
pas accès à la nourriture.
En 2008, le problème émergeait du fait que l’on s’est retrouvé dans une situation où les prix du
pétrole ont énormément augmenté, ce qui a mené à une augmentation de l’indice des prix
alimentaires. Une des causes de cela est que le pétrole est employé dans la production agricole.
NB : attention aux croyances populaires ! En termes d’émission de GES, le transport agricole ne
représente que 6% des 26% d’impact humain car l’essentiel se fait via des moyens de transport très
peu énergivores par rapport à la quantité de produits dont ils permettent le transport. Ainsi, par
exemple, en termes d’impact climatique, un voyage de la Chine au Havre en bateau aura le même
impact qu’un entre Le Havre et Paris en camion, puisque sur le bateau, la quantité est beaucoup
plus grande, ce qui diffuse l’impact.
Outre cela, il est possible de noter d’autres liens causaux entre la hausse des prix du pétrole et
des denrées alimentaires, tels que l’attention sur les biocarburants pour remplacer le pétrole. En
effet, aux USA, le maïs occupe ce rôle. Son prix a donc augmenté et, finalement, au Mexique ont
eu lieu les premières émeutes dites des Tortillas, liées à cette hausse des tarifs. Ensuite,
l’augmentation sur le maïs a eu un impact sur le prix d’autres aliments, et on a finalement assisté à
une réaction en chaîne.
Notons bien que l’impact sur les ménages variait grandement en fonction de la région du monde
considérée.
En Belgique, par exemple, les
pauvres dépensent environ 13% de leur
revenu seulement pour l’acquisition de
nourriture. D’ailleurs, si l’on regarde la
moyenne des ménages belges, une plus
grande partie des salaires est dépensée
pour les loisirs que pour la nourriture.

Une partie des tensions entre les pays riches et pauvres vient du fait que l’on doit parfois, dans
ces derniers, faire des sacrifices sur l’alimentation pour se permettre une certaine qualité de vie.
Notamment, en Afrique, on paie $5 par semestre pour avoir accès à l’école – or, ces 5$ sont
extrêmement difficiles d’accès. Aussi, les familles se restreindront-elles afin de pouvoir prodiguer
une éducation correcte à leurs enfants.
Ceci amène la question des inégalités : les 85 personnes les plus riches au monde possèdent la
même richesse que les 3,5 milliards de personnes les plus pauvres. De plus, on remarque que ces
inégalités augmentent depuis les années 90s.

H. Delbrassine
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Les enjeux démographiques

Lorsque les gens se plaignent de la surpopulation, ils entendent souvent « ils sont trop nombreux
dans le Sud ». Or, en pratique, si l’argument portait réellement sur les limites des ressources de la
planète, on déplacerait le problème vers les populations occidentales.
Mais outre cela, on remarque que la croissance de la population n’est pas exponentielle et que la
question de la surpopulation n’a, en fait, pas lieu d’être. En effet, le taux de croissance ne fait que
diminuer pour finir par aboutir à une phase de plateau. Cela est dû à une transition démographique
où les taux de mortalité diminue, mais où ceux de natalité diminuent aussi. C’est pendant la phase
de décalage entre les deux que se déroule l’augmentation nette de la population, mais cela finit
toujours par se stabiliser. Notamment, en Europe, on est déjà dans cette phase de décroissance.
Pour en revenir à la question de l’Afrique, si elle se trouve encore dans une phase de croissance,
peut-on réellement considérer qu’il s’agisse là d’un problème ? En effet, cette population représente
un intellect avec une vision du monde différente de la nôtre, étrangère à la surconsommation et
donc ayant le potentiel de mieux se développer. Si elle est aujourd’hui limitée dans son
développement, c’est parce que nos sociétés polluent et exploitent les leurs. Ainsi, l’enjeux
démographique ne se résume finalement qu’à une question de point de vue.

Les limites planétaires

• Le dérèglement climatique ;
• La perte de diversité ;
• L’altération des cycles géochimiques ;
• L’acidification des océans ;
• L’utilisation des terres ;
• L’accès à l’eau douce ;
• La couche d’ozone ;
• Les aérosols atmosphériques ;
• La pollution chimique.
Une bonne partie de ces limites planétaires sont liées à la problématique alimentaire. Les
systèmes alimentaires sont, en effet, les principaux coupables dans le dérèglement des cycles de N
et P, et dans la crise de la biodiversité.
Ainsi, si au XXème siècle on a pu tripler la production alimentaire mondiale afin de répondre à
la demande démographique, l’enjeux aujourd’hui est d’augmenter la production alimentaire de
façon stable, mais surtout, d’en parallèle, trouver un système permettant d’assurer cette
alimentation mondiale sans détruire la biodiversité, le climat et les eaux.

H. Delbrassine
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Les enjeux sociaux

On remarque de 72% dispose


de moins d’un hectare, ce qui
signifie qu’elles sont traitées à la
main. 94% au total dispose de
moins de dix hectares. Or, en
Belgique, en moyenne, une ferme
a une centaine d’hectare à sa
disposition – on se trouve dès
lors dans la minorité de 2%.
Ces petites fermes ne
produisent donc que 30 à 40% de
la nourriture mondiale. Le reste
est produit par les 2% qui ont à
leur disposition plus de vingt
hectares. Ce sont donc les
multinationales, et non les petits artisans, qui nourrissent le monde, que cela nous plaise ou non.

!! Il existe une différence entre les productions agricoles et alimentaires.


Les agriculteurs produisent des produits agricoles. En Wallonie, 1,7 millions de tonnes de blé
sont produites, dont seuls 9% nourrissent les Wallons. À 45%, ils servent à nourrir les animaux
13% aux biocarburants.
Au niveau mondial, on observe les tendances suivantes :

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Sur l’ensemble des calories rendues disponibles par la production agricole, seules 32% serviront
à l’alimentation humaine de façon directe. 30% seront données aux animaux. Or, ces derniers ne
sont pas efficaces et ont un rendement de 30%. Ainsi, sur les 30% prodigués aux animaux, ils n’en
rendront que 10%. En plus de cela, 22% des produits sont perdus, 14% servent à autre chose qu’à
l’alimentation (biocarburant, cotons, etc.) et, enfin, 2% serviront à renouveler la production.
Ceci nous permet de replacer la question du besoin d’une augmentation de la production avancé
par la FAO. En effet, si l’on diminuait les chiffres du gaspillage et qu’on investissait une part de la
production à visée animale vers un rendu végétale, on ferait déjà d’énormes gain. En d’autres
termes, un passage à un mode de vie végétarien permettrait une meilleure exploitation des
ressources.
Outre cela, notons que si l’agriculture bio a un rendement 25% plus faible que l’agriculture
conventionnelle, cela n’aurait aucune importance si on éliminait le gaspillage, puisque les chiffres
se remplaceraient.
Il convient alors de se demander pourquoi on continue d’évoluer dans un système agricole
occasionnant autant de pertes ? Parce que ces dernières rapportent. En effet, aujourd’hui, la valeur
de la nourriture ne correspond pas à son véritable prix qui permet de payer l’agriculteur, les
intermédiaires sur la chaîne et la compensation des impacts sur l’environnement. Le problème du
gaspillage dans une société où le prix n’est qu’un enjeu marketing sans corrélation au véritable prix
de production est trivial.
Ceci est dû au principe des chaînes de valeur.

NB : notons la différence entre consommateurs (achètent dans les magasins) et mangeurs (se
nourrissent).
Les agriculteurs vendent à des intermédiaires, qui eux-mêmes vendent à d’autres intermédiaires.
On arrive alors à la chaine rouge qui représente les 5 pouvoirs de décisions, les centrales d’achat.
Ce sont les acheteurs. Ils font le lien entre la production et la consommation. Ils négocient donc
les produits chez les producteurs afin d’ensuite les prodiguer aux différents magasins d’une chaîne.
Ainsi, tous les agriculteurs du monde sont mis en concurrence par ces centrales d’achat. Ils vont
donc devoir s’abaisser à un prix du marché souvent inférieur au prix de production. On assiste ainsi
au développement d’un rapport de force entre les 5 pouvoirs et les milliers de producteurs dont ils
vont régir les bénéfices.
Ainsi, aujourd’hui, un producteur laitier ne gagne rien pour son lait, mais reçoit simplement des
subsides européens pour ses vaches, ce qui lui permet de continuer son activité. Dès lors, même
s’il ne produisait rien, il continuerait de disposer des subsides et aurait le même bénéfice. On se
trouve donc véritablement aujourd’hui dans une société où prix et salaires sont artificiels.
Pour se débarrasser des excès de production, on a inventé des tactiques marketing. Notamment,
afin d’exporter les surplus de production de lait en Chine, on leur a dit qu’il stimulait la croissance
des enfants. Finalement, ils ont déplacé la production chez eux, et l’Europe a donc décidé d’envoyer

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sa production en Afrique. Or, ses prix du marché européen sont bien inférieurs aux prix africains,
ceux de production locale, renvoyant donc toujours les bénéfices vers l’Occident.
On finit ainsi par avoir un système dans lequel les producteurs ne reposent que sur des subsides
et dont la production est vendue à un prix artificiel grandement inférieur au prix vrai. Le gaspillage
n’est alors plus un problème puisque le prix d’achat par les chaînes de magasin est moindre. En
exigeant une grande production qui leur permettra d’assurer de grands chiffres de vente, les
bénéfices seront tels que le coût du gaspillage deviendra négligeable.
Un autre problème de la société actuelle est la publicité, souvent mensongère et dont le but est
simplement la vente.
Pour combattre cela, certes, il y a le circuit court, mais ce dernier ne représente qu’une infime
partie de la consommation populaire. On ne peut donc présumer qu’il suffira à résoudre les
problèmes de gaspillage. Si on veut véritablement changer les choses, il faudra non seulement
modifier les méthodes de production, mais aussi l’organisation de la distribution des ressources
produites.

Une nouvelle relation à la nature

Le système évoqué ici a été inspiré par le XXème siècle. Il est basé sur une logique de maitrise
de la nature, cette dernière alors placée en opposition à la fonction de production. En effet, on s’est
protégé de la nature afin de produire au maximum, employant donc des herbicides, fongicides, des
animaux hormonalement influencés au point qu’ils ne pourraient plus vivre de manière sauvage.
(Notons que ces tendances s’observent aussi en médecine dont le but est de lutter contre les
maladies plutôt que d’améliorer la santé.)
Par conséquent, les publicités se base sur des arguments de puissance pour faire évoluer la
société. Le problème est que ce système basé sur la maîtrise atteint aujourd’hui son niveau maximal,
puisque certaines productions – notamment de blé en France – ont déjà atteint un plateau. De plus,
outre la puissance de production, il y a aujourd’hui émergence d’une vision d’alliance avec la nature
et de préservation des ressources naturelles. Ce second système est probablement le système de
l’avenir, mais il n’est encore défendu que par une minorité. En effet, non seulement n’a-t-il que 20
ans, mais, en plus, seuls 10% des financements européens vont vers lui, le reste étant toujours
orienté vers la promesse de puissance.
La grosse question aujourd’hui est donc de choisir une politique d’innovation qui déterminera
notre trajectoire pour le futur.
Finalement, ce qui pose actuellement problème, c’est que les systèmes alimentaires ont pour but
de maximiser la production, la consommation et les bénéfices. Ce modèle où l’agriculture n’est
qu’une commodité, un objet d’échange, détermine le fonctionnement du système alimentaire mais
ne fait pas sens par rapport à l’avenir de notre planète.
Il faut ainsi redéfinir un système qui aurait pour objectifs de :
• Assurer la disponibilité en nourriture pour tous ;
• Augmenter le revenu des petits agriculteurs qui comptent aujourd’hui parmi les populations
les plus pauvres et dont la disparition aurait un impact négatif immense sur
l’environnement.
• Développer une agriculture qui ne compromet pas la possibilité de couvrir les besoins
futurs.
Ces objectifs renvoient donc aux droits de l’Homme à l’alimentation, à l’équité et à la durabilité.
Outre cela, une autre dimension est celle de l’immunité.

H. Delbrassine
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Chapitre 2 : Introduction à l’écologie

Sources : « Une histoire de l’écologie », Deléage et « Histoire des agricultures du monde », Mazoyer
et Roudart.

Les racines de l’écologie

Dans l’histoire d’une science, différents concepts émergent. Par exemple, le concept d’évolution
est apparu en 1859 dans les sciences biologiques. Cependant, l’histoire d’une science comprend
aussi celle de ses acteurs, des gens qui ont amené les concepts et, enfin, l’épistémologie, la façon
dont on fait la science.
Finalement, la science est telle un arbre généalogique sur lequel des fusions et divisions de lignées
s’observent parfois.
L’écologie est basée sur trois grands piliers :
• La physicochimie – elle implique une étude en laboratoire du fonctionnement des concepts
et organismes. (Comment fonctionne la photosynthèse ?)
• La population – les relations entre proies et prédateurs, la démographie. (Pourquoi y a-t-il
un boom de lapins en Australie ?)
• La botanique – à la base de l’écologie, elle consiste en la rencontre avec la nature, l’inventaire
des espèces, la compréhension de la raison de leur présence et de la relation avec leur
environnement. (Pourquoi le bois de Lauzelle est-il une hêtraie ?)

L’écologie est apparue en 1860.


Avant elle, le Moyen-Âge avait déjà sa propre idée de la nature. Durant cette période, ont été
réalisées les premières flores et descriptions des plantes, mais ces dernières avaient une visée
purement utilitaire. Elles servaient, en effet, à indiquer aux médecins de quels végétaux ils avaient
besoin, et non à cultiver un intérêt, une curiosité pour la nature dénuée de tout objectif ultérieur.
C’est seulement en 1735 que Carl Von Linné est arrivé avec une fascination pour la nature et
sa complexité. Il a donc tenté d’établir un ordre naturel selon la propagation, la distribution
géographique, la destruction et la conservation des espèces (un concept qu’il a amené).
Sa motivation, cependant, était religieuse. Selon lui, il ne faisait que rendre compte de l’ordre
naturel instauré par un Dieu Créateur.
À la même époque, en France, Buffon était employé par le roi pour créer des collections de
plantes. Étrangement, il était en mauvais termes avec Linné car il percevait, lui, que le besoin de
classer les organismes en était un utilitaire. Dès lors, le regroupement de certaines espèces n’avait
pour lui de sens – il ne fallait pas décrire le cheval et l’âne comme des espèces corrélées mais comme
des espèces à part entière.
Enfin vint le XIXème siècle, qui a connu une triple rupture :
• Maîtrise de l’espace
On se met à pouvoir voyager. Buffon, lui, traversait la France et considérait cela un long
voyage. À partir du XIXème, l’invention de technologies maritimes et ferroviaires ont
permis de grandes expéditions scientifiques.
• Révolution du concept du temps.
Jusque-là, on considérait que Dieu avait créé le monde en 5000ACN. Lamarck, Hutton
et Darwin vont montrer que le monde est bien plus ancien et, surtout, qu’il a changé au
cours du temps.
• Rapports entre sciences physique, chimiques et biologies

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Ces sciences, jusque-là considérées séparément, vont se rencontrer via l’émergence


disciplines telles que la physiologie, les bilans agronomiques et la thermodynamique.

Il convient de retracer l’histoire de l’écologie au travers de ses principaux acteurs.

Alexander von Humboldt (1769-1859) incarnait le profil type de l’explorateur, c’est-à-dire


qu’il s’en allait voyager dans des régions inconnues et racontait ensuite l’histoire de ses aventures.
Il a étudié le nouveau continent, l’Amérique Latine. (cf. « Les arpenteurs du monde » par Daniel
Kehlmann)
Il est notamment monté au sommet des Andes et
a fait l’inventaire des plantes rencontrées aux
différentes altitudes. Il a ainsi pu se rendre compte
que leur distribution dans l’espace n’était pas toujours
la même, mais que l’on pouvait établir certaines
corrélations. Par exemple, en Europe, il note que l’on
retrouve toujours zone décidue, puis conifère, puis
des alpages et, enfin, de la roche car plus rien n’est
capable de pousser.
Survient ainsi le concept de biogéographie, soit la
façon dont les espèces se répartissent dans l’espace.
Cette science est toujours extrêmement importante de nos jours. On sait aujourd’hui que ses grands
facteurs d’influences sont :
• Les températures
• La saisonnalité
Les plantes ne sont pas les mêmes dans des climats avec ou sans hiver, par exemple.
• La tectonique des plaques.
Il existe des points de correspondances entre les espèces d’Australie et d’Indonésie mais
de rupture entre celles d’Indonésie et de Malaisie parce que les plaques ont été séparées à
un moment dans l’histoire du monde.
Ainsi, certains enjeux se placent sur des échelles de temps très grandes (enjeux géologiques),
tandis que d’autres se mesurent sur le cours d’une année (saisonnalité).

Vinrent alors Wallace et Darwin, avec le concept d’évolution. Ce dernier établit les liens entre
la faune actuelle et éteinte, l’idée d’hérédité, de variabilité entre individus, mais surtout aussi de lutte
pour l’existence, soit-elle intra ou interspécifique, dépendante des facteurs environnementaux.
Les deux scientifiques soutiennent, à travers lui, que « toute espèce, à sa naissance, coïncide pour
le temps et pour le lieu avec une autre espèce préexistante et proche alliée. »
Si Alexander von Humboldt annonce l’existence d’une diversité, eux, annoncent celle d’une
corrélation entre les différentes espèces créant la diversité. Il n’y a pas une création immuable
décrite par Linné mais bien une dynamique au sein de la biodiversité.
Une telle conclusion est atteinte chez Darwin à la suite de ses observations aux Galapagos. En
effet, si, au départ, une seule espèce de pinçons s’y trouvait, il note une grande diversité d’individus.
Il dit alors qu’elle est le produit de la première génération et le résultat d’une compétition, d’une
spéciation en fonction de facteurs environnementaux et génétiques.
En d’autres termes, au départ d’un ancêtre commun descendent un certain nombre d’individus
dont certains auront une descendance. Or, ils présentent une certaine variation génétique. Ainsi, au

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fil des descendances, dont les produits ne seront pas exactement identiques à leur parent, apparaît
la biodiversité. Cette dernière se présente alors comme le fruit d’un mécanisme.
C’est l’existence de ce mécanisme que Darwin met en lumière, tandis que Linné pensait que la
diversité qu’il observait était le produit unique d’un Dieu à la création immuable.
Surviennent aussi à cette époque les notions de chimie organique et de physiologie. Ces dernières
s’intéressent à la chimie du monde vivant et rencontrent un certain essor, notamment grâce à la
découverte de la photosynthèse, une véritable révolution pour la science. On découvre aussi le lien
entre le sol et la végétation. Von Liebig comprendra, en effet, que le sol comporte des éléments
nutritifs nécessaires à la pousse des plantes. Ceci nous amènera alors à pouvoir développer des
engrais sur base de ce concept et de sa compréhension.
Dès lors, aux éléments de répartition d’Alexander von Humboldt, se rajoute la qualité du sol.
Théodore de Saussure, finalement, fera ainsi le lien entre le laboratoire et la nature.

Une science consciente d’elle-même

Finalement, c’est Ernst von Haeckel (1834-1919) qui va capitaliser là-dessus.


Il est le traducteur de Darwin en allemand. Il n’a rien découvert mais a fait la synthèse de
beaucoup de travaux et d’études. Via ses lectures, il observe qu’il manque une science étudiant les
relations entre les organismes et leur environnement et en invente donc en le nom en 1866 :
écologie.
« Par oekologie, nous entendons la totalité de la science des relations de l’organisme
avec son environnement, comprenant au sens large toutes les conditions
d’existence. »
Ce terme est le résultat de la fusion des termes grecs oikos (maison, habitat) et logos (science,
connaissance). Il s’agit du lien entre les êtres vivants et leur habitat. Celui-c ne devra donc pas
s’établir à l’aide matériel de laboratoire, mais via une observation macroscopique, à grande échelle.

Vint alors Karl Möbius, qui s’intéressa aux huitres.


À l’époque, les savants servaient grandement l’industrie. Or, lui, habitait dans une région où le
commerce d’huitre était très important. L’apparition du chemin de fer a permis de l’étendre et,
donc, une intensification de la pêche. Cela a mené à la disparition des huitres, mais Möbius a
observé que les coques et les moules, elles, s’étaient énormément développées. Il invente donc le
concept de biocénose : l’ensemble des espèces vivant dans un environnement à un moment donné.
Ceci nous permet d’établir différents niveaux au sein d’un écosystème :

Ecosystème : relation entre les éléments


physicochimiques, soient l’environnement, et les
êtres vivants.
Communauté : idem que biocénose.
Population : ensemble d’individus de la même
espèce.
Organisme : individu.

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Vladimir Vernadsky (1863-1945), un minéralogiste et géochimiste russe, a ensuite amené les


concepts de biosphère et noosphère :
• Biosphère : région de la planète qui renferme les êtres vivants et où la vie est possible en
permanence.
Elle inclut l’air, la terre et l’eau et est le lieu de processus biotiques. Au sens large, elle
correspond au système écologique global intégrant tous les êtres vivants et leurs interactions
avec la lithosphère, l’hydrosphère et l’atmosphère. Elle existe depuis au moins 3,5 milliards
d’années et sa taille globale est de près de 2000 milliards de tonnes de carbone.
• Noosphère : représentation d’une couche de faible épaisseur entourant la Terre (qu’on
comparerait aujourd’hui à un biofilm) qui matérialiserait à la fois toutes les consciences de
l’humanité et toute la capacité de cette dernière à penser.
Aujourd’hui, on sait que la masse créée par l’Homme est plus importante que la
biomasse.

Vers le concept d’écosystème

H.C. Cowles (1869-1939) était un botaniste dont l’étude portait sur les dunes du lac Michigan
et la végétation que l’on peut y trouver.
Il remarque que la végétation évolue lorsque l’on s’éloigne de la mer vers les dunes. On passe,
en effet, d’une plage, à de l’herbe, à une zone colonisée par quelques arbres, à une forêt décidue
mésophytique.
On assiste là à une succession écologique, un changement progressif non saisonnier dans la
composition en espèce d’un écosystème, vers un système de plus en plus arboré. Il s’agit donc là
d’une succession dans l’espace. En effet, les conditions sont telles que, sur une plage, seules de
petites herbes poussent car elles ne parviennent pas à accumuler assez de matière organique pour
se développer davantage.
Cependant, il existe aussi une succession temporelle puisque la décomposition de certains
végétaux amènera, dans certains écosystèmes, la matière organique permettant le développement
d’autres espèces.
La succession écologique se déroulera donc selon un cycle de colonisation, d’établissement, puis
d’extinction. Finalement, le climax d’un écosystème sera atteint lorsqu’il atteindra son plus haut
niveau de développement.
Ensuite, F.E. Clemens (1874-1945) a étudié la grande prairie américaine. Cette dernière existe
grâce à la présence de ruminants qui entretiennent son statut de prairie. Outre cela, elle est aussi
ravagée par des feux dont Clemens dit qu’ils sont des facteurs d’équilibre, certaines semences le
requérant pour se développer.
Il sera celui qui amènera la théorie du climax. Il perçoit les communautés végétales comme des
organismes sous importante influence de facteurs abiotiques, biotiques et de perturbations.
Certains se sont aussi intéressés aux animaux, notamment à l’anthonome du cotonnier, un
arbuste pérenne cultivé en annuelle. (Il devrait se développer sur quelques mètres mais on le coupe
après un an.) L’anthonome pond à l’intérieur des capsules de cotonnier dans lesquelles on ne
trouvera donc plus de coton, mais des larves. Pierce, Unter, Cushman et Hood se penchent sur
la question en 1912 et établissent une chaine alimentaire de tous les animaux qui pourraient être
prédateurs de cet insecte.
Ces liens nutritifs vont en intéresser d’autres, dont Charles S. Elton (1900-1991), un écologiste
animal. On passe avec d’une logique descriptive à mécanique. En effet, on voit, dans ses recherches,

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une évolution dans la conception de l’écologie, qui s’intéresse alors plus aux interactions qu’à leurs
acteurs.
Il va, en effet, rassembler les espèces dans ses célèbres Pyramides d’Elton, selon différents
niveaux : les producteurs primaires (poussent grâce à la photosynthèse), les consommateurs
primaires (se nourrissent des plantes), les consommateurs secondaires (se nourrissent des
primaires) puis les super prédateurs (se nourrissent des secondaires).
Notons qu’au fur et à mesure que l’on avance dans cette pyramide, on trouve de moins en moins
d’organismes. Ainsi, si l’on a beaucoup de producteurs, il existera très peu de super prédateurs.
Elton va non seulement compter les espèces, mais aussi les peser. Les résultats sont alors tout à
fait interpelant. Dans une prairie, ils seront plus ou moins semblables, mais dans une forêt, la
pyramide sera parfois inversée lorsque l’on la considèrera du point de vue de la biomasse.
À la suite de cela, on a aussi commencé à construire des chaînes alimentaires, des systèmes
mettant en évidence la place des différents organismes faisant partie d’un écosystème en son sein.
Cette forme d’étude permettra de pointer certains éléments de complexité importants dans les
interactions entre les populations. Si l’on regarde le cycle du hareng, par exemple, on observe qu’il
n’occupe pas la même place dans la chaîne en fonction de son âge.
Ensuite, d’autres étudieront des liens entres les prédateurs et les consommateurs. Lors d’une
étude sur l’évolution des populations de lynx et de lièvres au Canada, notamment, on remarque
qu’elles sont synchrones, avec une légère avance pour les lièvres.

Ceci illustre leur interaction. Quand les lièvres se nourrissent, leur population croît. Les lynx
peuvent alors les manger et leur propre population se met à croître. Finalement, il y a tant de lynx
que les lièvres sont tués plus vite qu’ils ne se reproduisent : la population descend, entraînant une
diminution du nombre de lynx, et le cycle recommence. Ce type d’observations engendre
l’émergence d’une discipline d’étude de la dynamique des populations.
Ce sont d’ailleurs typiquement ces interactions qui intéressent les écologistes, en dehors des
caractéristiques propres de chaque espèce séparée.

Enfin, en 1935, arrive Arthur Tansley (1871-1955), un botaniste ayant travaillé avec Freud
pendant un an et enseigné à Londres et à Cambridge. Il s’agace du fait que, derrière les recherches
de ses prédécesseurs, se soit développée l’idée que les forêts, les prairies et autres types
d’écosystèmes fonctionnaient comme des superorganismes.

H. Delbrassine
Hélios Delbrassine

Il écrit alors un article intitulé « The use and abuse of vegetational concepts and terms », dans
lequel il critique les approches de Clemens et de son assistant, le professeur Phillips. Il y dit :

« La notion la plus fondamentale, est, me semble-t-il, la totalité du système (dans le


sens où on parle de système en physique) incluant non seulement le complexe des
organismes mais aussi tout le complexe des facteurs physiques formant ce que nous
appelons le milieu du biome, les facteurs de l’habitat au sens large […]. Les systèmes
ainsi formés sont du point de vue de l’écologiste les unités de base de la nature à la
surface de la terre […]. Ces écosystèmes, comme nous pouvons les appeler, offrent la
plus grande diversité de type et de taille. »

Ainsi, selon lui, l’écologie doit bel et bien être toute différente de l’approche de Clemens dans le
sens où elle devrait s’intéresser à des systèmes, et non à des organismes. Ces systèmes sont faits de
deux éléments d’importance égale : un monde physique et chimique et un monde vivant dont
l’interaction est l’objet d’étude de l’écologie.
En d’autres termes, étudier le monde vivant avec le physique comme simple décor nie-t-il
l’influence du vivant sur le physique. Il faut alors considérer comme objet l’écosystème, soit le
système constitué du monde physicochimique d’une part, du vivant de l’autre et, enfin, des
interactions qui les lient.
Ainsi, les composantes de l’écosystèmes vont donc consister en des :
• Composantes chimiques
pH, éléments nutritifs (N, P, K, S, Ca, Mg, etc.), eau, CO2, etc.
• Composantes physiques
Lumière, température, vent, etc.
Le biotope se définit alors comme les dimensions physicochimiques et spatiales d’un milieu. Ce
dernier influence et est influencé par les organismes vivants habitant l’écosystème auquel il
correspond.
L’écosystème est donc le produit tensoriel entre le biotope et la biocénose. Il faudra prendre des
éléments dans chaque matrice et en calculer les interactions entre chacun, ainsi que celles entre les
deux matrices dans leur globalité.

H. Delbrassine
Hélios Delbrassine

Il convient alors de définir la notion de biome. Il s’agit de la communauté d’organismes vivants


répartie sur de vastes surfaces continentales. (ex : la forêt tropicale humide) Ainsi, au sein d’un
écosystème, on rencontrera une biocénose et, au sein d’un macro-écosystème, un biome.
On met maintenant à égalité environnement et monde vivant. Cependant, encore il y a quarante
ans, ces relations n’étaient pas du tout évidentes à la plupart des gens. C’est extrêmement récent
que d’avoir des disciplines telles que l’agriculture de conservation des sols. Dans cette dernière,
plantes couvrent le sol pendant l’hiver pour y remettre de la matière organique à leur mort – on
mêle le vivant et le non-vivant pour maintenir dans le sol des processus chimiques permettant de
conserver sa structure et son équilibre. Ainsi, le « sol vivant » est la rencontre du vivant et du non-
vivant.

Tout est énergie

Après l’intervention de Tansley, si nombre de gens continuent à faire de l’écologie comme avant,
Raymond Lindeman, lui, proposera une nouvelle vision révolutionnaire. Ce scientifique, mort à
27 ans, amène une nouvelle approche scientifique de la problématique.
Ses études portaient sur un lac proche de son université. Il a introduit l’idée importante et
renversante que, ce qui est important dans un système, c’est la notion d’énergie. En effet, selon lui,
se nourrir revient à effectuer une conversion énergétique, d’une source alimentaire à des produits
métaboliques. Il propose ainsi de réduire les chaines alimentaires à des échanges d’énergie.

NB : brouteurs = herbivores (pas uniquement les animaux terrestres, mais aussi les marins et les
insectes).
On remarque deux sources d’énergie : les nutriments et le rayonnement solaire.
Tel un thermodynamicien, Lindeman devra alors créer des unités énergétiques. Il introduit donc
les notions de productivité, de rendement et de niveaux trophiques. Il soutient, en effet, que les
écosystèmes pouvaient être répartis en différentes classes :
• Plantes autotrophes (par la photosynthèse) – producteurs ;
• Plantes hétérotrophes – champignons ;
H. Delbrassine
Hélios Delbrassine

• Animaux – consommateurs primaires ou secondaires ;


• Décomposeurs (se nourrissent de déchets organiques pour faire de la matière minérale) –
saprophages.
Ce qui intéresse Lindeman, c’est que l’énergie permet la croissance, au prix de la respiration : la
seule énergie conservée pour le système est la biomasse – elle s’accumule tandis que le reste
s’évanouit via la respiration. Dès lors, si l’on a beaucoup de croissance pour peu de respiration, le
rendement énergétique sera très bon.
En 1966, John Philipson propose une nouvelle façon de représenter les échanges.

R1 = plantes qui, profitant du rayonnement solaire, acquièrent une masse. Ce premier rectangle,
via λ2, va être mangé par des consommateurs, qui eux-mêmes seront mangés. Au fur et à mesure
que l’on monte, la respiration croît. On a ici un bilan énergétique.
Cependant, qui dit bilan dit calcul :

H. Delbrassine
Hélios Delbrassine

NB : Rayonnement = λ0
Lindeman s’intéressera aussi à la dynamique intervenant au fil des ans.

Le lac est premièrement oligotrophe : il contient peu d’éléments nutritifs. Ceux-ci augmentent
en quantité au fur et à mesure que la vie se développe dans le système, lui permettant de se
développer davantage elle-même. Cependant, on arrivera à un stade où le lac est trop dense et ne
fonctionne plus correctement – les plantes se recouvrent et s’empêchent l’accès au soleil, par
exemple. Le système subit alors une eutrophie.
Notons que certains systèmes ne passent pas par cette phase et demeurent à un stade d’équilibre.
Cependant, on sait que l’intervention humaine de rajout d’éléments dans le système a tendance à
favoriser l’eutrophisation.
Après celle-ci surviendra une phase de sénescence dépourvue d’organismes vivants et menant à
la formation d’une tourbière – un accumulat de matière organique morte. Ceci permettra le
développement de nouveaux végétaux. Le système s’enrichit alors à nouveau et on finit par obtenir
une forêt.
Au final, on peut obtenir des rendements tels que ceux-ci :

H. Delbrassine
Hélios Delbrassine

Bien sûr, ce bilan est celui d’un biologiste analysant un lac. En fonction de la personne et du
système, les objectifs de rendement de biomasse changent. En effet, un agriculteur sera plus
concerné par la rentabilisation de la quantité de pommes de terre, par exemple.
On remarque notamment qu’au point de vue de la productivité, le rendement augmente au fur
et à mesure que l’on monte dans les niveaux trophiques.

Un des élèves de Lindeman était Howard T. Odum (1924-2002). S’il n’a pas fait de découverte
majeure, il a écrit « Principles of Ecology », une véritable référence dans la discipline. Il effectue
des modélisations d’écosystèmes en insistant fortement sur le concept d’énergie. Il combinera ainsi
l’humain et le naturel dans une modélisation de flux d’énergie entre l’agriculture et les écosystèmes,
notamment.
Il convient de définir certains concepts :
• Productivité : quantité de biomasse produite par unité de surface et unité de temps
• Productivité primaire : tonnes de MS par ha/an par la photosynthèse
• Productivité secondaire : kg de MS animale par ha/an.
Au niveau planétaire, on note 3 dimensions différentes : la surface occupée de la terre, la
production nette moyenne et la rencontre des deux.

On remarque ainsi que 70% de la surface de la Terre est recouverte par les biomes aquatiques.
La productivité primaire sera dépendante des conditions physicochimiques et nutritives. Ainsi, dans
une forêt tropicale où l’apport en énergie lumineuse est très bon, de même que les ressources en
nutriments, le rapport sera excellent. En d’autres termes, la productivité dépendra des
caractéristiques physiques des systèmes.
De façon assez ironique, ce sont les milieux les plus productifs qui sont le plus mis en danger
par les activités humaines.
En effet, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, ces biomes sont de plus en plus abimés
par l’Homme. Notamment, la journaliste Rachel Carson a écrit le livre « Silent Spring » en 1962.
Spécialiste des systèmes aquatiques, elle a un jour rêvé qu’elle n’entendrait plus les oiseaux en se
levant le matin. Elle s’est alors intéressée à la disparition des oiseaux causée par l’emploi de
l’insecticide DTT. Son livre sur la question a d’ailleurs amené à l’interdiction de ce produit – on
peut ainsi considérer cette femme comme la première activiste écologique.

H. Delbrassine
Hélios Delbrassine

Une série d’activités se sont ensuite mises en place pour sensibiliser la population à la destruction
des écosystèmes (David Attenborough, Green Peace, etc.), mais ces mouvements demeuraient
relativement marginaux.
Au début des années 2000s, une série de scientifique s’est décidée à faire une mise au point sur
la situation, un bilan de l’état de la planète : le Millenium Ecosystem Assesment. Ce dernier avait
pour but d’évaluer le degré auquel la nature contribuait au bien-être de l’humanité. Ainsi, 1350
experts se sont penchés sur la question pendant 5 ans.
Pour ce faire, ils ont dû établir le lien entre la nature et les humains, notamment afin de
sensibiliser (si besoin) ces derniers à sa protection. Ils ont donc amené la notion de services
écosystémiques.
Parmi les interactions dans la nature, certaines sont des fonctions, telles que le rôle pollinisation
de certains insectes. Cette fonction est assurée par une espèce vivante au service d’une autre. On
peut toutefois étendre la définition de cette notion, pour dire que les fonctions correspondent à
tous les services prodigués par les acteurs des écosystèmes à d’autres éléments de ce dernier, soient-
ils vivants ou non.
Notons bien que ces fonctions écologiques ne contribuent pas à l’Homme, dans quel cas on les
appelle des services écosystémiques. Ainsi, ce que les experts du MEA ont mis en lumière, c’était
que la nature servait à l’Homme.
Services écosystémiques ou écologiques : bénéfices que les humains retirent des écosystèmes
sans avoir à agir pour les obtenir.
Fonctions écologiques : processus naturels de fonctionnement et de maintien des écosystèmes,
alors que les services sont le résultat de ces fonctions qui bénéficient à l’Homme.

• Un même processus peut rentrer dans le cadre des deux définitions.


Les experts du MEA vont tenter de chiffrer ces services de manière économique.

H. Delbrassine
Hélios Delbrassine

H. Delbrassine
Hélios Delbrassine

Le but ultime est que l’Homme ait accès à sa liberté de choix et d’action. Pour cela, il nécessite
la sécurité, les biens de bases pour mener une bonne vie, la santé et de bonnes relations sociales.
Or, ces éléments sont influencés par la nature. Cette dernière peut être comparée à un système de
support sur lequel se développent l’approvisionnement, la régulation et la culture (l’Homme
nécessite des liens avec la nature pour sa santé mentale).
Ceci met en évidence l’importance majeure de l’étude de l’évolution des services écosystémiques,
dont beaucoup sont aujourd’hui dégradés.

De plus, ces services écosystémiques invoquent aussi des choix de gestion. Or, ces derniers
n’invoquent que rarement les services écosystémiques, malgré le fait qu’ils permettent d’établir des
priorités.

H. Delbrassine
Hélios Delbrassine

1) Land sparing – on cultive intensément des zones pour avoir, à côté de la nature sauvage.
2) Lang sharing – on partage l’espace avec la nature.
Un débat important existe entre les deux.

Ceci nous amène au concept de biodiversité.


Il s’agit de la variété de la vie, comprenant tous les niveaux de variation, soit-elle génétique au
sein d’une même espèce ou en terme d’habitats biologiques créés au sein des écosystèmes. Cette
définition fut proposée lors de la conférence de Rio, en 1992.
Attention toutefois au fait que la nature n’est pas équivalente à la biodiversité, mais la comprend.
L’IPBES est l’équivalent de l’IPCC pour la biodiversité.
Cette dernière comprend 3 niveaux :
• Diversité génétique (ou intraspécifique) : variabilité des gènes au sein d’une même espèce,
que ce soit entre les individus ou les populations. La diversité génétique au sein d’une même
espèce est essentielle pour lui permettre de s’adapter aux modifications de son
environnement par le biais de l’évolution.
• Diversité spécifique (ou interspécifique) : diversité des espèces vivantes, unité de base de la
systématique, par leur nombre, leur nature et leur abondance.
• Diversité écosystémique – dépend des deux premiers : diversité des écosystèmes présents
sur Terre qui forment la biosphère. C’est au niveau des écosystèmes que se situe la diversité
des interactions des populations naturelles entre elles et avec leur environnement.
À ces dernières s’ajoutent la diversité des interactions (à l’intérieur des trois niveaux) et la
diversité fonctionnelle. Celle-ci correspond à la diversité des caractéristiques fonctionnelles des
organismes, indépendamment des espèces auxquelles ils appartiennent. Ce concept est
extrêmement récent et fait référence au nombre d’individus pouvant remplir une certaine fonction
dans l’écosystème, plutôt qu’au fait qu’ils viennent ou non d’espèces différentes. Cependant, il peut
poser problème car il permet de mettre sur un même pied d’égalité une plantation d’huile de palme
et une forêt tropicale. Dans un but de sensibilisation des gouvernements, cette diversité
fonctionnelle risque d’avoir un impact négatif sur la préservation de la biodiversité.
La biodiversité ne se limite donc pas à la somme des espèces, mais représente l’ensemble des
interactions entre les êtres vivants, ainsi qu’avec leur environnement physico-chimique sur plusieurs
niveaux.
On fait aujourd’hui face à une crise de cette biodiversité. 104-105

Les fonctions de l’écosystème


La nature rend-elle service à l’Homme ou ce dernier doit-il s’occuper d’elle ?

H. Delbrassine
Hélios Delbrassine

CHAPITRE 3 : Principes d’agronomie

Un système doit être délimité, pouvoir être divisé entre des sous-systèmes hiérarchisés et son
fonctionnement est basé sur des interactions.
Le système agraire est composé d’une dimension « écosystème cultivé » et d’une dimension
« système social productif ». Mazoyer dit :

« L’agriculture telle qu’on peut l’observer en un lieu et à un moment donnés apparait


d’abord comme un objet écologique et économique complexe, composé d’un milieu
cultivé et d’un ensemble d’unités de productions qui entretiennent et qui exploitent
la fertilité de ce milieu. »

« Le concept de système agraire est l’outil intellectuel qui permet d’appréhender la


complexité de toute forme d’agriculture réelle par l’analyse méthodique de son
organisation et de son fonctionnement. »

L’objectif de l’agriculteur n’est ainsi pas de nourrir le monde mais de construire une production
sur base de la fertilité de son sol et de la photosynthèse.
Ce qui va nous intéresser ici, c’est de comparer les agriculteurs à l’aide d’outils neutres.

Le premier pilier est la production de biomasse. Il se base sur le soleil, permettant la


photosynthèse à l’aide de CO2 et d’eau. En ressortent des sucres et de l’oxygène. À côté de cela,
nous employons ces sucres et cet oxygène lors de la respiration pour produire à nouveau du CO2,
de l’eau et de l’énergie. Le but d’un agriculteur est d’optimiser ces réactions.
Or, elles ne sont possibles que si la plante dispose des outils nécessaires à la captation des flux
d’eau et de gaz. Or, ces derniers ne rentrent pas dans les équations décrites – il faudra que les
agriculteurs veillent à une certaine alimentation des plantes, qu’elles trouveront dans le sol. Ce
dernier doit ainsi être fertile.
Fertilité : capacité d’un écosystème à produire durablement de la biomasse végétale.
« Capacité » est un mot-clef car la fertilité d’un sol peut ne pas être optimisée et donc utilisable.
Dès lors, le rôle des agriculteurs est de cultiver correctement afin de produire un maximum de
biomasse.
Notons que la fertilité globale est plus importante que la fertilité utile, utilisable pour
l’agriculture. En effet, des éléments nutritifs à 1m de profondeur ne seront pas forcément utilisables
par des pommes de terre, tandis qu’ils le seront par les arbres d’une forêt, laquelle ne rentre pas
dans ce qui est directement « utile » à l’agriculture humaine.
On peut ainsi définir différents facteurs déterminants :

En d’autres termes, le climat détermine de grandes zones propices à l’agriculture au sein


desquelles différents facteurs influenceront la capacité d’agriculture.

H. Delbrassine
Hélios Delbrassine

Il existe un lien entre agriculture et démographie : plus on produit, plus il y a des gens. Or, on
pourrait dire : plus il y a des gens, plus on produit. En réalité, on ignore dans quel sens s’est établi
la causalité, mais la corrélation, elle, est certaine.
Si l’on regarde l’évolution de la population terrestre depuis 65 000 ACN, on a, jusque 35000
ACN, une d’environ 600 000 personnes. Ce nombre fluctue énormément puisque, son alimentation
étant relativement primaire, elle dépendait énormément des conditions climatiques. Viendra ensuite
la révolution du Paléolithique supérieur, où l’on améliore les techniques de chasse et un peu de
cueillette. Ceci nous permet d’atteindre une population proche des 6 millions de gens, même si elle
est encore relativement sensible aux variations climatiques.
Ensuite, vers 6000-5000 ACN, arrive la révolution du Néolithique.

La révolution agricole du Néolithique

L’Homme décide de domestiquer plantes et animaux.


La domestication est l’idée qu’au lieu d’être dans une logique de chasseur-cueilleur (on prélève
la ressource sans la produire), on rentre dans une logique d’agriculteur (on décide de produire).
Dans cette dernière, on épargne l’animal pour le faire grandir. Ceci comporte toutefois des risques.
En effet, si une tribu voisine décide de voler l’animal, on n’aura mangé ni le petit, ni le grand. Si
l’on peine à le nourrir, la même chose arrivera.
En d’autres termes, épargner l’animal implique une certaine gestion du risque, mais aussi une
sédentarité. On renonce ainsi au bénéfice immédiat dans l’espoir d’un bénéfice futur – c’est l’idée
sur laquelle les banques se sont ensuite construites.
Cependant, cette idée de domestication ne s’est pas faite dans le monde entier, mais dans les
foyers d’origine : les Andes, le Moyen-Orient, l’Amérique du Sud, la Nouvelle-Guinée et la Chine.
De là, ça s’est diffusé.
Sont ensuite venues les aires secondaires, où l’agriculture et la domestication se développent
mais ne se diffusent pas.

H. Delbrassine
Hélios Delbrassine

Notons que ces diffusions prennent du temps et peuvent s’effectuer de différentes manières : de
proche en proche, avec le respect des autres, ou par des méthodes de remplacement. Dans ces
dernières, des peuples puissants deviennent trop important et voyagent vers d’autres contrées en
emportant leurs innovations. Selon l’autre méthode, les humains restent immobiles et les
innovations, elles, se déplacent.
On peut ainsi assister à une substitution des peuples (Grande-Bretagne) ou à une mise en place
inamovible (Italie).
Les mécanismes se résument finalement ainsi :
• Densité de population en augmentation et crise de la prédation qui ne permet plus de la
nourrir. => invention de l’agriculture.
• Spécialisation de l’outillage, invention de technologies et exploitation renforcée du milieu.
• Domestication.
• Sédentarisation (conséquence du précédent).
• Conditions sociales et culturelles = agrandissement des villages (de 0.2 à 2ha) => les gens
se sédentarisent de plus en plus, ce qui modifie la société (création de murailles, d’armées,
de gouvernance). On peut même assister à des changements de spiritualité et de mythologie.
!! On a aussi dû inventer des moyens de cuisson, nécessitant la céramique et autres outils de
cuisine. D’autre part, si on a dû tenter d’augmenter la production végétale, l’inverse est arrivé avec
les animaux. En effet, afin de faciliter leur soin, les espèces domestiquées vont être plus petites,
avec un meilleur ratio viande-graisse. Puisque le coût sera réduit, la petitesse des animaux sera
associée à une diminution des risques.
• Un agriculteur est un gestionnaire de risques.
Certains les maximiseront afin de potentiellement maximiser les profits, tandis que
d’autres tenteront de les minimiser au maximum. Le choix entre les deux dépendra de
différents facteurs mais, dans tous les cas, nécessitera une analyse de risques.

Après la domestication animale est arrivée la domestication végétale.

H. Delbrassine
Hélios Delbrassine

Cependant, tout ne s’est pas fait en une fois ou de la même manière partout. Notamment, le
haricot est une plante américaine importée en Afrique où les gens se nourrissaient jusque-là de
céréales. Là, la domestication de ce légume s’est ainsi faite beaucoup plus tard et de manière
certainement différente.
Il existe aussi des espèces domestiquées plusieurs fois, à différents endroits (les cochons) ou
qu’une seule fois (les bovins).
En ce qui concerne la domestication animale, les foyers sont assez restreints. En Amérique du
Sud, on a eu les alpacas et les lamas, au Moyen-Orient, les cochons, moutons, chèvres et bovins, et
en Chine, les buffles et cochons.
De plus, la domestication animale a été un processus très progressif.

Si l’on regarde les grands foyers de domestication, cependant, ils ne sont pas du tout les mêmes
que les zones d’agricultures les plus importantes aujourd’hui. Ceci est dû à des effets climatiques,
mais aussi autres. La seule exception à ce phénomène est la Chine.
Afin de permettre ces aires d’extension, il a fallu une certaine déforestation, car les sols forestiers
étaient très fertiles. Si l’on s’arrête au point d’équilibre écologique prairie, la fertilité ne sera pas
encore à son maximum. Comme on le verra plus tard, ce sera le cas des systèmes abattis-brulis.

H. Delbrassine
Hélios Delbrassine

Cependant, il existe encore aujourd’hui des systèmes de nomade dans des milieux aux trop faibles
ressources, qui nécessitent donc d’étendre la zone de culture et d’élevage. Ceci requiert que les
agriculteurs se déplacent sur ces zones. Ainsi, les cellules de Hadley déterminant la position de
zones plus désertiques ou tempérées vont séparer le monde en couches – climatiques, mais aussi
agricoles puisque les agriculteurs seront dans les zones plus humides, tandis que les nomades, eux,
se retrouveront dans les zones plus sèches.
C’est pourquoi les nomades basent leurs calendriers sur la lune – parce qu’ils ne dépendent que
du climat à court terme et non pas des saisons, puisqu’ils se déplacent constamment. Par contre,
tous les peuples sédentarisés sont passés à des calendriers solaires, qui ne changent donc pas en
fonction des saisons.

Ainsi, grâce à ce calendrier agraire, on remarque l’agriculture est apparue dans une zone où la
déforestation était relativement facile, jusqu’à atteindre la forêt équatoriale et, finalement, tempérée.
Vont rester des poches d’élevages, de systèmes pastoraux, en fonction des zones observées.

Les systèmes sur abattis-brulis

Les abattis-brulis sont des systèmes agraires dans lesquels les champs sont défrichés par le feu,
puis cultivés pendant une période brève pour être ensuite mis en jachère, le plus souvent forestière,
à longue révolution.
Il s’agit donc d’une mobilisation de la fertilité d’une zone grâce au feu. Ce système permet aussi
la résolution du problème agricole du désherbage, ainsi que de celui du travail. En effet, dans les
endroits où cette pratique est d’application, on a souvent peu de main d’œuvre par rapport à l’espace
mis à disposition. Voilà pourquoi on emploiera le feu pour couper les arbres les plus gros, tandis
qu’on abattra les autres.
Au milieu des débris se feront alors les plantations.
Ceci nous amène au problème de ce système : la destruction de la biomasse. En effet, si sa
réduction en cendre permet sa minéralisation très rapide, elle sera éphémère, puisqu’elle se fera très
facilement emportée par la pluie et le lessivage du sol. On aura alors besoin de se déplacer pour

H. Delbrassine
Hélios Delbrassine

cultiver une autre zone. Finalement, après quelques dizaines d’années, on reviendra aux premières
zones cultivées pour recommencer un cycle.
On construit les zones
cultivées autour du village, bien
que l’on puisse aussi avoir une
organisation linéaire. Ainsi, si la
fertilité est importante, elle sera
éphémère. En effet, la première
fois que l’on coupe, certains
arbres ont près de 100 ans et
prodiguent donc un sol très
fertile. Cependant, si l’on
revient après 25 ans, toutes les
plantes seront plus jeunes et le
système généralement moins
fertile.

Il convient alors de définir certains termes :


Finage : territoire sur lequel une communauté de paysans s’établit et exercent leurs droits
agraires.
Assolement : division des terres d’une exploitation agricole en parties distinctes, appelées soles,
consacrées chacune à un type de culture donné pendant une saison culturale. Une sole peut être
répartie sur plusieurs parcelles.
Chez nous, on appellera une sole un champ, mais là-bas, on ne parle pas de champ car les zones
ne sont pas toujours cultivées par l’agriculteur.
Rotation : dans chaque sole, les cultures peuvent varier d’une saison à l’autre – c’est la succession
culturale, ou rotation, qui reprend cette succession temporelle.

Passons maintenant à une analyse quantitative de l’abatis-brulis.


Au niveau des besoins, on estime qu’une personne humaine a besoin de 200kg de céréales par
an pour survivre. Notons que les agronomes comptent en quintaux (sacs), et non pas en tonne,
avec 1 quintal = 100kg.
Un système comme tel produit 2 tonnes à l’hectare – ce qui est extrêmement productif pour un
système naturel. Cependant, parmi ces hectares, seule la moitié de l’espace est cultivée. Le reste est
occupé par les souches, débris, etc.
De plus, la durée de friche est d’environ 50 ans. Dès lors, pour toute parcelle d’un hectare dont
seule la moitié est cultivée, il faudra 49 autres zones en train de se reposer. Puisqu’un cinquantième
seulement servira dans le rendement, le rendement territorial sera de 0.02t/ha, soit de 2t/km^2.
Il sera ainsi possible de nourrir 10 habitants par km2. C’est bien, mais ici en Belgique, on en a
200/km2 – ce système n’irait donc pas.

H. Delbrassine
Hélios Delbrassine

La fertilité diminue avec le temps, mais les outils deviennent meilleurs, ce qui permet de mieux
mobiliser l’espace. Le rendement annuel demeurera donc le même.
Il existe ainsi une tension entre surface cultivée et rendement. On peut alors se demander s’il
faut préférer un système extensif (beaucoup d’espace peu sollicité) ou intensive (peu d’espace, mais
plus de production par unité d’espace).
Les deux sont possibles, mais ont des conséquences différentes, ne serait-ce qu’en matière de
prise de risque.
De plus, grâce à une meilleure technologie et de meilleurs outillages pour couper la forêt (on en
coupera 75% et non plus 50%), la durée de friche pourra aussi diminuer, jusqu’à ce qu’on atteigne
une capacité à nourrir les gens de 20 habitants/km2. Malgré que la fertilité diminue par cette
importante friche, les deux phénomènes se compensent et on obtient tout de même un meilleur
rendement. On estime que la limite sera de 35 environ.

On peut montrer grâce à ce graphe que plus la litière est riche, plus il faudra attendre pour
recultiver. En effet, en bas à gauche, les cultures se succèdent d’une année à l’autre, mais il y a
beaucoup moins de vie et de diversité dans le sol, puisqu’on ne les laisse pas se reconstruire.

H. Delbrassine
Hélios Delbrassine

Ainsi, dans la plupart des sociétés pratiquant l’abattis-brulis, on choisit un temps de latence plus
court – mais à ce moment-là, la fertilité locale ne suffit plus et il faudra se tourner vers des engrais,
lesquels ne sont pas directement produits en ces régions mais dans les nôtres. Se crée ainsi une
dépendance.

La révolution agricole de l’Antiquité

L’abattis-brulis se pratique encore aujourd’hui en Afrique équatoriale et en Amazonie, mais cela


ne concerne que des populations de faible nombre. En zone méditerranéenne, la zone est moins
facilement cultivable et il y a beaucoup plus de gens, ce qui empêche l’installation d’un tel système.
On s’y est alors arrangé pour travailler avec les animaux capables de brouter les espaces agricoles
et dont les déjections pourront servir de fertilisant.
On assistera donc à une déforestation suivie de l’établissement d’un nouvel écosystème cultivé
ensuite découpé en Ager-Saltus-Silva. Ceci impliquera le développement d’un nouvel outillage
(houe, araire, bricole) et d’un nouveau renouvellement de la fertilité. Pour ce dernier point, on
effectuera des saltus en journée et une jachère la nuit.
Saltus : terre non cultivée ou sauvage (espaces plus ou moins boisés), éventuellement vouée à
l’élevage ou plus précisément au pacage.
• Landes, zones humides – impossibles à cultiver, mais on peut y mettre le bétail.
Pacage : action de faire paître le bétail sur des terrains en friche ou dans les forêts.
Vaine pâture : droit d’usage qui permet de faire paître gratuitement son bétail en dehors de ses
terres, dans les bords des chemins, les friches, les terres nues de leurs cultures, les bois de haute
futaie, les taillis de plus de 4 ou 5 ans et, aussi sur l’ensemble des terres, après la récolte.
• Usage en commun de l’espace qui n’est donc pas privatisé.
• Le droit d’usage énonce que le fait qu’un terrain soit possédé ne signifie pas que l’on ne
puisse en disposer pour y mettre ses animaux comme on veut, alors qu’aujourd’hui, il
faudrait demander l’autorisation au propriétaire. (cf. droit de glanage)
Friche : terrain ou propriété sans occupant humain actif, un terroir délaissé ou une zone
abandonnée par l’homme, qui n’est en conséquence pas, ou plus, cultivée, productive, ni même
entretenue.
Dans le concept de vaine pâture, c’est là que les animaux évoluent.
• Abandon de la terre par l’Homme.
Jachère : état de la terre d’une parcelle entre la récolte d’une culture et le moment de la mise en
place de la suivante. Elle se caractérise, entre autres, par sa durée (1-2 ans), les techniques culturales
appliquées à la terre et les rôles qu’elle remplit.
• Il s’agit de la partie de l’ager qui n’est pas cultivée. Ces zones seront régies par un système
biennal.
• La terre n’est pas abandonnée mais mise en attente.
• La courte période de la jachère ne permet pas que sa fertilité se recompose naturellement.
Cette fertilité devra alors être gérée par un moyen extérieur.
En conclusion, on intègre la dimension animale au système, en faisant une zone polyculture-
élevage, puisque les animaux apportent à la fois une diversité et la culture. En effet, ils seront les
agents fournisseurs de fertilité à l’Ager :

H. Delbrassine
Hélios Delbrassine

On observe une dimension de production, de territoire et une dimension de travail dans


l’organisation de ce système.

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Hélios Delbrassine

NB : Jusqu’au Moyen-Âge, c’est le cochon qui ira en forêt pour se nourrir. Dans le pâturage, par
contre, on retrouvera plutôt des bovins.
Afin de permettre le travail de récolte, on
assiste à l’émergence de techniques, telles
que l’araire, le premier outil inventé par
l’Homme pour travailler le sol. Une
personne ou un animal tire cet appareil
composé d’un manche et d’une griffe
pouvant s’enfoncer dans le sol.
Bricole : corde que l’on place autour du
cou de l’animal pour contrôler son
mouvement. Ce n’était pas très sophistiqué,
cependant, puisque leur productivité
souffrait de l’étouffement causé par cet outil.
Battage : séparation de la céréale et de la
paille (partie non-grain des céréales). Or, les
grains sont bien attachés aux épis – ceci est une marque de la domestication végétale de l’Homme
qui a sélectionné les espèces aux graines les mieux attachées, qui ne laisseront dont pas emporter
par le vent. Une fois que l’on les aura détachés à l’aide d’animaux ou même par des techniques
humaines, il s’agira alors de les réduire en farine.

Rendement pour le travail d’un homme :


Chaque habitant nécessite 0,2t par an et chaque homme permet la production de 0,3t/ha. Un
actif pouvant cultiver 3 à 3,5ha, via une rotation biennale nécessitant un terrain de 6 à 7ha par
homme, la production annuelle s’élèvera entre 0,9 et 1,1t, permettant ainsi de nourrir 5 personnes.
Or, comme on l’a vu, le souci de la fertilité amène à une collaboration avec les animaux. Une
vache, équivalente à 6 moutons, permet la refertilisation d’un hectare. Il faudra ainsi 3 vaches pour
3 hectares. Or, chacune nécessite 6t de matière sèche comme nourriture et, un hectare de saltus en
produisant 2, il faudra ainsi 3 hectares par vache, et donc 9 au total.

H. Delbrassine
Hélios Delbrassine

Le besoin en bois, lui, est d’environ 0,2 ha/personnes. Il faudra ainsi 1 hectare pour subvenir
aux besoins des 5 personnes annoncées plus haut.
Finalement, au total, on estime qu’1km^2 permettra de subvenir aux besoins de 31,25 personnes.
Ce rendement est parfait puisqu’en Méditerranée sèche, on estime une moyenne de 20
habitants/km2, avec un nombre plus important de 30hab/km2 à Athènes.
Un problème survient cependant dans les régions plus froides : en hiver, les animaux sont
beaucoup moins productifs. Il faudra alors 8 ha de saltus pour chaque tête de gros bétail. Or,
comme 3 jachères sont à entretenir, le bétail nécessitera 24ha de saltus au total. Le besoin en bois
étant de 0,7ha/pers, le km2 aura un rendement final de 15 personnes nourries.

La révolution agricole du Moyen-Âge

Encore une fois, on assiste à l’émergence de nouveaux outillages et de nouvelles techniques, tels
que la faux, le harnais, le foin et le fenil, ainsi que le sombrage (fait de labourer une prairie). L’acteur
clef de ces évolutions, cependant, sera la charrue.
Notons que tous ces travaux nécessiteront une main d’œuvre importante dans la ferme.
Jusqu’à présent, tous les systèmes proposés étaient relativement limités, que ce soit au niveau du
travail du sol ou du transport. Au Haut Moyen-Âge (500-1000), émergeront alors des innovations
(=/= inventions – les innovations sont des inventions utilisées socialement) techniques :
• La faux et le foin
• Transports lourds, stabulation et fumier
• Charrue, herse et rouleau
• Mode d’attelage et de ferrage
Apparaîtra aussi un nouvel agro-écosystème comprenant un pré de fauche et une nouvelle
densité du bétail, ainsi qu’une rotation triennale.
Regardons le nombre d’animaux que l’on peut nourrir en fonction de la période de l’année :

Ici, la ligne rouge donne ainsi le nombre maximal d’animaux qu’il est possible de nourrir toute
l’année. Cependant, ce n’est pas très productif et on aura d’énormes pertes d’herbe en été. On
proposera ainsi de la faucher, de la sécher correctement (afin d’éviter les feux et la fermentation),
de la mettre en ballots de foin que l’on stockera en intérieur (fenil). Un tel système permettra de
nourrir 3 à 4x plus d’animaux.

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D’un point de vue technique, toutefois, il faudra une faux pour couper l’herbe, une charrette
pour l’amener au fenil et ce dernier. De plus, comme on place l’animal dans sa maison l’hiver, les
fermes émergeront. Elles auront le foin dans la toiture et les bêtes au rez-de-chaussée. Ainsi, celles-
ci devront être nourries et abreuvées, mais leurs excréments devront aussi être évacués. On place
alors, en-dessous des animaux, de la paille issue de la production de céréales. Ceci établit une
influence entre récoltes et soin des animaux.
Le bon côté de tout cela est l’obtention d’un tas de fumier pour l’agriculteur, qui servira de
fertilisant. Pour le transporter, on emploiera un tombereau, une charrette pour matériaux denses.
Il s’agira ensuite d’utiliser une charrue pour retourner le sol et ainsi placer le fumier en profondeur,
sous la terre propre où l’on pourra semer à l’aide d’une herse et d’un rouleau. Ainsi, lorsque les
céréales pousseront, elles rencontreront des profondeurs bien fertiles.
On assiste ainsi à la mécanisation de l’agriculture (=/= motorisation puisque les appareils sont
principalement tirés par des bovins et, parfois, par des chevaux). Notons que c’est entre autres
l’invention du harnais qui permettra aux animaux de porter des charges plus lourdes sans en souffrir
autant.
Tout ceci est extrêmement élégant en termes d’intégration – la paille, déchet, est réutilisée, de
même que l’herbe précédemment gaspillée – puisque l’on utilise les produits du cycle dans ce cycle
afin d’en optimiser la production. De plus, l’outillage lui-même devient davantage sophistiqué et
demandera, dans sa réalisation, une main d’œuvre de forgeron.

H. Delbrassine
Hélios Delbrassine

Céréales d’hiver : on sème les céréales avant l’hiver pour qu’elles puissent correctement se
développer en profondeur, permettant, l’été, un très bon développement.
Céréales de printemps : il n’est pas possible de semer en juillet, puisque les graines croitront en
hiver, ni en octobre, puisqu’alors le cycle de repos serait trop court par rapport aux céréales d’hiver.
On va ainsi semer vers mars afin d’obtenir les produits en été.
Fenaison : récolte du foin.
Le but de la révolution agricole au Moyen-Âge est donc finalement d’intensifier l’agriculture.
Quand on parle d’intensification, on parle d’amélioration d’un rapport, notamment de celui de
rendement. Elle peut mener à des excès mais sa définition concerne l’augmentation de la quantité
de produits à partir d’une même ressource. Dans ce cadre, elle favorise un système triennal où l’on
cultive deux années sur trois. Ceci est possible grâce à l’optimisation de la fertilisation du sol par
excréments animaux et requiert que l’on divise l’espace en trois.

SYSTÈME ANTIQUE (assolement biennal)

SYSTÈME MEDIEVAL (assolement triennal)

Le problème est qu’en employant les prairies pour faire du foin, les animaux ne peuvent plus
s’en servir pour se nourrir. Il faudra ainsi séparer les prairies – celles plus proches de la ferme seront
employées pour le foin afin de faciliter sa récolte.
C’est ainsi qu’un nouvel élément apparaît dans le paysage médiéval : la prairie de fauche.

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Hélios Delbrassine

La forêt va, elle aussi, être plus exploitée, à la suite de l’apparition des grandes villes. En effet, à
l’Antiquité et au néolithique, l’essentiel de la population était agriculteur afin de nourrir la
population. Au Moyen-Âge surviennent 3 nouveautés :
• Les surplus : l’agriculteur est capable de produire plus que ce qu’il ne requiert pour sa famille
et peut ainsi établir un commerce.
• Émergence de métiers : forgerons, commerçants vendant les surplus, personnes pour gérer
les moulins, etc.
- Développement des villes où vivent tous ces gens.
• Moins de main-d’œuvre est requise dans le monde agricole, ce qui est équilibré par le besoin
accru dans les nouveaux métiers.
Vont donc s’établir un système secondaire et tertiaire derrière le primaire : l’agriculture,
productrice.
Arrivera le moment où la ville se construira sur les territoires de campagne. Notamment, la forêt
devient un lieu de production dans la construction de châteaux, de cathédrales, etc. on assiste alors
à une compétitivité émergente entre les agriculteurs dans l’utilisation de leurs terres, mais aussi due
au commerce.
Tout ce processus conduit à un accroissement du travail de l’agriculteur. En effet, jusque-là, il
avait plutôt lieu l’été, durant la période de semis, de désherbage, etc. Pendant l’hiver par contre, il
n’y avait plus rien à faire. Ici, cela change puisqu’il faut s’occuper des animaux. Finalement, le seul
repos a lieu en juin.
Ce n’est pas pour autant que l’agriculteur nécessite plus de main d’œuvre, cette dernière devient
seulement plus intensive et productive.
Outre cela, l’organisation de l’espace, principalement gérée grâce à la charrue, posera aussi
problème. En effet, son emploi n’est pas toujours évident ou efficace puisqu’on ne pourra pas faire
d’aller-retours avec. À cause de cela, les terres seront réparties de manière différente : les champs
ne seront plus carrés mais en lanière, plus longs, afin de minimiser le nombre de sorties en charrue.
Cependant, cela impliquera de lourds débats entre les agriculteurs qui devront se re-répartir les
terres.
Les zones de prairies resteront donc carrées tandis que celles cultivées seront en lanière.

Le travail animal devient, lui aussi, plus important.

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Au final, dans les régions plus froides, on assiste à une augmentation du rendement de 3
quintaux/ha à 6 grâce aux céréales d’hiver et à 4 grâce aux céréales de printemps. On compte en
réalité une production respective de 8 et 6 quintaux bruts, mais il faut y soustraire les semences et
pertes après récolte.
La rotation triennale permet un ager de 3ha au lieu de
6-7ha, pour une production annuelle d’1t/ha/an, soit de
quoi nourrir 5 personnes. Un actif pouvant cultiver 6 ha,
on comptera pour lui un surplus d’1 tonne qui servira au
commerce.
Les fermes deviennent, en d’autres termes, plus
productives, permettant un excès qui entretiendra le
développement économique au Moyen-Âge et amènera à
une augmentation de la population. Il s’agit ici d’une
intensification du système puisque l’on produit plus sur
une même surface.
Cependant, en parallèle, se fera une extension. En effet,
si l’on regarde l’évolution de la surface forestière en
Europe, on remarque une forte importance du
défrichement au Moyen-Âge – non seulement pour
l’agriculture, mais aussi pour la construction des villes et
leur développement. Il y a eu une réelle convergence
d’intérêt au coupage de la forêt à cette époque.
Finalement, on observe la création d’un nouvel
écosystème qui va impliquer un énorme défrichement,
sous la pression du développement des villes, mais aussi de l’agriculture qui, plus performante,
s’étend. L’impact démographique est alors non négligeable, puisqu’une énorme hausse de la
population telle que celle qu’on a connu au Moyen-Âge nécessitera la construction de davantage
d’habitations, mais aussi la production de plus de nourriture.
Cette population sera cependant régulée
par de difficiles conditions climatiques
ainsi que des épidémies, telles que celle de
la Peste Noire (1347-1351) qui l’a réduite
de moitié. Cette épidémie, probablement
issue d’Asie, a touché des gens déjà
fragilisés par les conditions climatiques – le
tout amenant à une réelle chute du taux de
population.

Notons que cette décroissance n’a pas arrêté le développement technologique. En effet, si l’on
a laissé à l’abandon certaines terres d’agriculture, la population restante ne pouvant plus assurer la
maintenance du système agricole tel qu’il était, elles ont alors été converties en terres de pâturages
pour les moutons. Ceci a été très présent en Grande-Bretagne qui a d’ailleurs fini par s’imposer
comme maîtresse du marché de la laine.

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La première révolution agricole des Temps Modernes

À la fin du XIIIème siècle, la production cesse de croître, ce qui mène à une baisse de la
population. Deux siècles plus tard, à la fin du XVème, on retourne cependant au même niveau de
population et survient alors une nouvelle crise.
Cette première révolution se caractérise par une lutte contre les limites du système à jachère. On
plante des espèces pouvant nourrir les animaux sur les terres précédemment laissées en jachères,
afin que les herbages soient plus productifs grâce aux fumiers. On pourra alors diminuer la
superficie et la durée de jachère et augmenter celle de culture. Ceci mènera aussi à une hausse de la
production de grain.
Outre ce problème de fertilité, il y aura aussi une réelle lutte contre les mauvaises herbes. La
charrue, naturellement, permettra de s’en débarrasser lorsque l’on la combine à la jachère. Pendant
cette dernière, les herbes poussaient et, en fin, le retournage de terre permettait de diminuer la
pression des mauvaises herbes. En effet, le problème était celui de la banque de graines qui pouvait
se développer n’importe où. La jachère permettait de les laisser se développer et d’ainsi épuiser
cette banque. En l’annulant, on conserve les graines. Il faudra donc trouver des façons de lutter
contre leur prolifération.

• La révolution fourragère.
On augmente la quantité de fourrage. C’est la Belgique, et notamment les Flandres, qui sera
pilote là-dedans, avec une plantation de pois, vesce, trèfles et navets qui serviront à nourrir les
animaux. Or, les trèfles et vesces fixent l’azote par symbiose du rhizobium, évitant ainsi d’épuiser
les ressources en azote du sol.
Dans le Sud de l’Europe, on emploiera plutôt le maïs, mais cette plante venant d’Amérique, elle
n’apparaîtra dans l’histoire européenne de l’agriculture qu’après Christophe Colomb.
Finalement, on augmentera le fumier mais aussi l’utilisation du sol. De plus, les plantes
fourragères, en consommant l’azote, le conserve dans le dessus du sol et limite le lessivage et le
besoin d’engrais. En résulte un doublement des rendements.

Ce cycle mettra environ 300 ans à s’installer. Ainsi, dans certaines régions de France, on
employait toujours les systèmes médiévaux au XIXème siècle. Cependant, dans nos régions, cela
s’est fait très précocement.

H. Delbrassine
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Dans les années 1600’s, la


moitié de l’espace est cultivée
en céréales tandis que l’autre est
en jachère. Progressivement, les
jachères se raccourcissent
jusqu’à être substituées par des
cultures fourragères.
La meilleure alimentation du
bétail et la double quantité de
fumier disponible (de 15, on
monte à 30t pour 2ha de terres)
mène à une hausse de 1t à 2t
produites par hectare.
Tout ceci est permis par un ensemble de conditions favorables :
• Exploitations moyennes de 5 à 10ha.
• Attelage et train de culture.
• Optimisation de l’usage des outils.
De nos jours, il n’y a plus du tout de jachère dans les systèmes. On augmente ainsi le rendement,
mais aussi la taille des exploitations, le besoin en équipement et en outils. Ainsi, les agriculteurs qui
perdureront seront ceux plus spécialisés, menant à la disparition de la moitié.
Cependant, lors de la première révolution des Temps Moderne, on assiste seulement à une
intensification, mais pas à une extension.

• Résumé de l’évolution agricole au cours des siècles :

Attelée légère avec jachère : système antique (3ha et on produit 2t => baisse de productivité)
Attelée lourde avec jachère : système médiéval (5ha et on produit 3t)

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Attelée lourde sans jachère : système des temps modernes (5ha et on produit 5t => même
superficie cultivée mais augmentation de rendement)
On arrive à ces systèmes jusqu’à la moitié du XIXème, puis on aura une mécanisation qui
permettra à une personne de cultiver beaucoup plus.

Ce système développé durant les Temps Modernes présente diverses conditions et limites.
CONDITIONS :
• Le droit de cultiver la jachère
• Disparition de la vaine pâture
• Développement de la propriété privée – on installe des haies, des clôtures.
• Lien avec la révolution industrielle – libération d’une partie de la main d’œuvre. Le nombre
d’agriculteurs diminue, mais ce n’est pas un problème parce que la révolution industrielle
requerra cette main d’œuvre.
LIMITES :
• Faiblesse de l’outillage
• Faiblesse des transport – on ne peut transporter le surplus très loin.
CONDITIONS DE DÉVELOPPEMENT :
• Écologiques – le surpeuplement relatif des anciens systèmes
• Techniques – innovations paysannes et agronomiques
• Juridiques et politiques – abolition des servitudes anciennes et des anciens régimes
Servitude : le propriétaire du terrain doit laisser les gens faire certaines choses. En
agriculture, il y en avait beaucoup, notamment liées à l’usage de la forêt, des étangs, etc.
Cette mise en commun disparaît progressivement avec les Temps Modernes.
Régimes : lien entre le propriétaire et le locataire. Notamment, le premier prend une part
importante de la récolte du second. Ceci disparaît aussi.
• Économiques – les débouchés créés par la première révolution industrielle et par
l’urbanisation, ainsi que des agriculteurs capables d’investir.
Sans jachère :

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Sarcler : passer avec un outil entre les plantes pour éliminer les mauvaises herbes
Le système s’intensifie, mais au niveau du travail aussi. Cependant, la charge est partagée entre
les animaux et les hommes. La charge sur les animaux augmente.
On commence aussi à créer des sous-systèmes circulaires. En effet, les agriculteurs sont de
grands innovateurs. Par construction, un agriculteur fait toujours de l’économie circulaire, que ce
soit lorsqu’il essaie de boucler le cycle de l’azote, d’utiliser au mieux les terres, etc. Ici, on a un
exemple du sous-système lait-porc-beurre qui intègre deux systèmes.

De base, les vaches sont des sources de fumier, de travail, mais ils ne sont pas élevés pour la
production de lait. Les porcs, eux, se nourrissent dans la forêt jusqu’à ce qu’on les tue pour les
manger.
Avec urbanisation, apparaît une forte demande en lait. Pour le conserver, les fermes le
transforment en beurre que les agriculteurs commencent à vendre. Le petit lait qui en résulte est
alors donné aux cochons. Cependant, le fait de commencer à les nourrir requiert la construction
d’enclos. On leur donnera aussi les déchets de pommes de terre et le son (poussière restante lorsque
l’on a moulu le grain – on le met par terre dans les porcheries pour que ce soit propre).
Si on mangeait avant ce porc dans la ferme, on va maintenant saler le surplus et le vendre dans
les villes.
On fait ainsi se rencontrer les systèmes porc et vache.

La seconde révolution agricole des Temps Modernes

Les conditions d’apparition de cette seconde révolution :


• Mécanisation de la culture à traction animale via la diffusion de nouveaux matériels.
• Machine à vapeur (première locomotive en Belgique en 1835) et la révolution des transports
(apparition des bateaux à vapeur longue distance)
- Transport des amendements et des engrais
- Désenclavement et spécialisation
- Conquête de pays neufs
• Grandes avancées techniques de la fin du XIXème siècle
- Usage d’engrais
- Sélection de plantes (ex : phytopharmacie)

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- Sélection d’animaux (ex : zoopharmacie)


Les tracteurs à vapeur ont mal fonctionné, mais d’autres engins à vapeur vont, eux, marcher,
comme servant pour battre le blé (séparer le grain de la paille).
ATTENTION à bien différentier la mécanisation (presque 100 ans avant la motorisation –
premières machines mécaniques) de la motorisation (remplacer traction animale par traction à
moteur – XXème siècle).

• Révolution des transports


Elle se caractérise par :
• Apparition de la dépendance et diminution de l’autonomie des agriculteurs qui vont
acheter des ressources à l’extérieur.
• Mise en concurrence des régions
• Spécialisation des régions et des agriculteurs.
Cette révolution a permis d’importer du guano, des excréments d’oiseaux trouvés sur des îles au
large du Pérou, les Iles Chincha. Ce sont de tels accumulats que l’on construisait des mines pour
en sortir des sacs. On en produisait 600 000t par an en 1865. Ces matières acides étaient hyper
concentrées en azote mais combinent aussi du calcaire. Ces substances étant extrêmement utiles
pour les agriculteurs, on importe, d’une certaine manière, de la fertilité du Pérou vers l’Europe.
Le développement des trains, apparus en 1812, a aussi permis de transporter les marchandises
telles que le lait ou les céréales, au travers du Canada vers l’Asie, notamment.
De cela a aussi découlé une spécialisation.
Cependant, comment maintenir la
fertilité du système dans une telle
configuration ?
Si l’on peut utiliser du Guano au lieu des
animaux, on ne nécessite plus leur fumier.
On pourra ainsi cultiver des céréales sans
nécessiter d’association au système animal.
Dès lors, les zones spécialisées dans la
production animale auront un excès, lequel
mènera à la pollution des eaux.
On a ainsi débouclé le cercle vertueux
qui associait animaux et végétaux. Cela se
fera d’autant plus quand, après la 2ème guerre
mondiale, on fera même venir la nourriture
des animaux d’outre-mer.
Le débouclage se fait d’abord à l’échelle
d’un pays, puis de l’Europe, puis du monde
entier. Ceci est permis par la révolution des
transports.

En ce qui concerne la motorisation, il y a eu un décalage énorme entre les USA et l’Europe. La


révolution de la motorisation n’aura lieu qu’entre 1910 et 1940 aux USA à cause du Dustball, tandis
que le tracteur à vapeur apparaît dans nos régions en 1881 et celui à moteur à explosion en 1892.
On peut résumer les étapes du développement de la mécanisation comme suit :
• Point de départ :
- Culture manuelle : ~1ha/UTA

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- Culture attelée légère : ~3ha/UTA


- Culture attelée lourde : ~5ha/UTA
- Culture attelée lourde mécanisée : ~10ha/UTA
• Motomécanisation I (1960) : 15-20 ha/UTA
• Motomécanisation II (1970) : 30-40ha/UTA
• Motomécanisation III (1980) : 60-80ha/UTA
• Motomécanisation IV (1990) : 120-160ha/UTA
• Motomécanisation V (2000) : 240-320ha/UTA

Dans ce système, l’agriculteur survit jusqu’au moment où la production est trop faible et où les
prix du marché diminuant, elle est trop faible que pour même se nourrir.
Les meilleurs agriculteurs avec meilleurs outils produisent plus et déplacent donc la limite de la
superficie. Si on avait 10ha et qu’on s’en sortait bien, celui qui en a 25 peut se permettre de
descendre le prix du marché. On ne peut plus rentabiliser nos 10ha. Ça tombe bien, celui de 25 en
veut bien 10 de plus.
S’enclenche alors une course entre les agriculteurs vers la plus grande surface. Ceux disposants
des plus limitées entrent en crise et finissent par disparaître. Ceci a été engagé par la révolution des
transports – la concurrence se faisant maintenant à une échelle internationale.
Le système agricole n’évolue plus de l’intérieur mais de l’extérieur, ce qui diminue l’autonomie
des agriculteurs.
On assiste en effet à une suppression des obligations d’autofourniture. En effet, la motorisation
supprime l’obligation d’élever des animaux de travail tandis que les engrais minéraux (issus de
mines) suppriment celle de produire du fumier. On sépare ainsi les cultures des élevages qui se font
soit dans des prairies, soient dans des élevages intensifs.
De plus, l’usage de pesticides aura, lui aussi, des conséquences. En effet, ils réduisent les
contraintes de rotation et d’assolement ; on pourra mettre la même culture plusieurs fois. Avant, il
fallait changer afin de tromper les insectes parasites et de se débarrasser des mauvaises herbes qui,
autrement, s’installeraient.
Les systèmes agricoles deviennent ainsi beaucoup plus simples. Avant, il fallait être bon dans
tous les domaines. Maintenant, on peut ne se spécialiser que dans une seule culture ou production.

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La réduction des coûts de transport et la généralisation de la baisse des prix, elle, mènera à
l’élimination des activités devenues non rentables dans une certaine région, à l’allocation des
moyens de production aux activités les plus rentables, à la simplification extrême des systèmes de
culture et d’élevage, ainsi qu’à la déprise agricole dans les régions ou aucune activité ne reste
rentable. Par exemple, dans les Pyrénées, il n’y a plus d’agriculture car tout esttrop loin des centres
de commercialisation. La forêt a donc repris le dessus.
Finalement, à la suite des mécanismes économiques mis en place, le système de production dont
la productivité l’emporte sur celle du tous les autres finit par éliminer les autres systèmes.
Au niveau du rendement :

On met en œuvre tout le système qu’on vient de décrire au 20ème, mais depuis 1995, il y a
stagnation de la production.
Différentes innovations expliquent cette hausse des rendements :

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Si le rendement décroît aujourd’hui, c’est parce que les agriculteurs ont tendance à maximiser la
production à la place. En effet, il faut noter un coût en engrais croissant proportionnellement à la
quantité produite, tandis que cette dernière suit plutôt une courbe. Il s’agit donc de trouver un
endroit où l’écart entre les coûts et le revenu est maximal – c’est la marge maximum.
On dit aux agriculteurs que l’importance est de produire au plus, ce qui fait que la plupart des
agriculteurs sont entre la marge maximum et le produit maximum, soit à un rendement plus faible.
Diverses méthodes ont été mises en place pour augmenter la production :
• Plantation de verse
• Raccourcisseurs
• Variétés Naines
On emploie ainsi des engrais pour que la plante pousse, mais des phytohormones pour réguler
cette croissance. La plante reste ainsi petite et prend moins de place. Elle peut donc avaler plus
d’engrais qui lui permettront de produire davantage. C’est le principe des raccourcisseurs de paille
(on réduit la paille mais pas la partie productive). De plus, comme on n’a plus besoin de paille pour
les animaux, on n’éprouve aucune perte.
Au XXème, on dope les plantes pour qu’elles puissent produire plus en requérant moins.
NB : Au lieu du fumier (mélange de paille avec des excréments animaux), on utilisera du lisier
(liquide d’excréments d’animaux) importé.
Le fait de se tourner vers différentes variétés change aussi les courbes de rendement.

La modernisation et révolution verte du XXème siècle

Elle implique différentes choses :


• Accroissement des rendements
• Diminution de la marge à l’unité
• Dépendance
• Diminution de la pénibilité
• Agrandissement
• Spécialisation des races
• Compétences nouvelles / spécialisation

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Entre 1940 et 1900 se posent les bases de l’intensification :


• 1840 – Premières cargaisons de nitrates du Chili (= guano) en Europe
• 1842 – Emploi de superphosphates (déchets de l’industrie) comme engrais en Angleterre
• 1850 – On comprend les grands principes de la chimie et leur relation à la production
agricole. Justus Von Liebig et Jean-Baptiste Boursigault écrivent « Soil Chemistry Applied
To Agriculture »
• 1850 – On passe la barre de 1,2 milliard d’habitants sur Terre
• 1859 – ‘The Origin of Species’, Charles Darwin
• 1865 – Gregor Mendel
• 1890 – Utilisation de l’arsenate de plomb comme insecticide
• 1892 – Premier tracteur à essence (John Froelich)
• 1900 – On passe la barre de 1,6 milliard d’habitants sur Terre.

Les trois piliers de cette intensification sont :


• Mécanisation et motorisation (tracteurs, électricité – les fermes sont les premières structures
électrisées)
• Fertilisants inorganiques (essentiellement basés sur l’azote)
• Amélioration végétale (variétés hybrides)

Différents problèmes vont cependant survenir. En effet, entre 1940 et 1975, la population
mondiale double, requérant donc que l’on double les surfaces cultivées ou, du moins, que l’on
augmente les rendements. L’essentiel de la révolution agricole se fera alors aux USA où, en 1940,
le rendement du maïs est d’1,8t/ha et la superficie emblavée de 31 millions d’hectares.
Les acteurs de cette révolution seront :
• Rockefeller foundation (1913)
• Kellog foundation (1930)
• Ford foundation (1936)
• Premier programme au Mexique (1943)
• Création de l’IRRI (1960)
• Création du CIMMYT (1966)
Dans les années 30’s, ces groupuscules américains exportent leur technologie dans le monde
avec le simple but d’aider les gens, même si ça servira à leur commerce plus tard.
Si l’on prend l’exemple du blé, ils ont découvert une sorte semi-nain, Norin 10, qui était très
dépendante en azote, et donc en engrais azotés. Ils l’exportent alors d’abord au Japon en 1917, puis
au Mexique en 1953. Dix ans plus tard, ils tombent sur une variété semi-naine pour climat chaud,
qu’ils diffusent aussi. On observe alors un passage de 10 à 17 millions de tonnes dans la production
indienne de blé entre 1963 et 1968.
Un schéma similaire se reproduira dans le cas du riz. Si l’on cultivait avant du riz de grande taille,
on finit par en découvrir une variété semi-naine. L’avantage de celle-ci est un rapport plus faible de
la partie de paille (qui ne sert à rien) sur celle de grain.
En conclusion, si les bases de la révolution se sont faites en Europe entre 1850 et 1900, sa mise
en œuvre s’est réalisée aux États-Unis entre 1910 et 1930. De grandes fondations américaines se
sont chargées ensuite de diffuser leur modèle à travers le monde – entre 1930 et 1950 en Europe
et entre 1950 et 1980 dans les pays en voie de développement.
Ainsi, si l’on a, au cours du XXème siècle, assisté à une hausse de la population par un facteur
3, il n’a toutefois pas fallu augmenter la superficie d’aires cultivées grâce à une meilleure utilisation
H. Delbrassine
Hélios Delbrassine

de celles-ci, qui s’est traduite par une augmentation du rendement de 3% par an dans les pays en
voie de développement, notamment.

La figure de droite nous renseigne aussi sur le fait que, depuis le milieu du XXème siècle, on
utilise de moins en moins de surface cultivée dans les pays industrialisés. Encore une fois, ceci est
permis par la mise en place d’un système très intensif permettant de couvrir les besoins de la
population sur une surface plus restreinte. De plus, il n’est possible d’appliquer un tel système que
sous certaines conditions – notamment, celle de pouvoir déployer les cultures sur de grandes zones
homogènes. Les terres ne correspondant pas aux divers critères, dites « zones marginales », se
feront alors petit à petit abandonner par les agriculteurs.
Finalement, on remarque qu’au niveau mondial, les superficies cultivées diminuent au XXème
siècle. Notons toutefois que cette tendance ne prend pas en compte la déforestation réalisée à des
visées de monocultures intensives ou d’élevage mais ne concerne que les terres des agriculteurs.
En ce qui concerne maintenant la relation entre l’évolution
des rendements et des prix, on remarque que, si la production
de riz a augmenté d’un facteur trois, son prix, lui, a diminué
d’un facteur équivalent.
Cela implique que le bénéfice soit donc entièrement orienté
vers le consommateur, et non pas vers l’agriculteur qui n’aura,
en fin de compte, rien gagné de cette révolution du XXe siècle.
NB : l’à-coup observable en 1973 est dû à la crise du pétrole
et met en avant, comme en 2008, le lien entre cette ressource et
l’industrie alimentaire.

En conclusion, la révolution verte du XXème siècle s’est véritablement basée sur un principe
d’intensification ayant permis une plus grande production. Cette dernière n’a pas été due à une
amélioration de la fertilité des terres, mais à un apport nutritif pour les plantes directement implanté
par l’Homme.
De là, se dégage la grande différence entre les engrais minéraux et le fumier. Ce dernier donne
lieu à une nutrition relativement lente des végétaux. Il faut d’abord que la fertilité soit ramenée au
sol et c’est de là que se nourrira la plante. La révolution verte, elle, propose une source directe pour
la plante via l’usage d’engrais minéraux, réduisant ainsi le sol au simple statut de support. Celui-ci
s’appauvrit alors en matière organique.

H. Delbrassine
Hélios Delbrassine

L’extrême de cette pratique est la culture hydroponique, dans laquelle on fait pousser des plantes
sur de l’ouate tant on est parvenu à se débarrasser du besoin d’un sol.
La conception de la relation entre plantes et sol change alors – on ne place plus dans une logique
écosystémique. En effet, l’écosystème finit par s’apparenter davantage à un désert qu’à un biotope
vivant pouvant potentiellement supporter une forêt si l’on le laissait se développer. La nouvelle
logique suivie en est une technologique, dépourvue d’interaction.
Outre les conséquences environnementales, ceci aura aussi un impact économique sur
l’agriculteur qui, au lieu de se suffire à lui-même, devient dépendant de l’achat d’engrais,
d’insecticides et de fongicides. Les deux derniers s’imposent comme une nécessité car, les plantes
manifestant une plus belle croissance, elles attireront plus de parasites. Or, la réduction de la
biodiversité mène à une hausse de la propagation de maladie et à la prolifération de mauvaises
herbes.
Ainsi, découvrir la chimie agricole à la fin du XIXème siècle a permis aux agriculteurs de
s’appuyer dessus pour répondre à tous les besoins des plantes : nutrition, compétition et
pathogènes.

Il convient alors de se demander si cette révolution verte était véritablement le meilleur


développement à suivre. Mais, avec du recul, si l’on se rend compte des conséquences terribles
qu’elle a eues, personne, à l’époque de son lancement, n’aurait pu anticiper de tels risques.
En effet, il faudra attendre la fin du XXème siècle pour que l’on se rende compte que l’utilisation
intensive d’intrants a conduit à un usage abusif d’azote, d’eau et de phosphore.

Dans les pays du Sud, par exemple, le facteur


limitant était l’eau. On a donc irrigué, ce qui a
permis, en quelque sorte, « d’échapper au climat ».
En Russie, la même situation s’est posée : on a
irrigué le coton et le blé avec la mer d’Aral.
Cependant, on a tant puisé d’eau qu’elle n’existe
plus aujourd’hui.
Finalement, l’utilisation outrancière de ces
ressources pose problème pour différentes raisons.
Dans le cas de l’azote, s’il est renouvelable, il
représente un grand coût énergétique. Le
phosphore, lui, ne peut être produit
industriellement et est donc une ressource limitée
du système. Enfin, l’eau, si elle retourne dans son
cycle, elle le fera sous forme de vapeur ou avec
certaines caractéristiques telles que la salinisation,
qui la rendra inutilisable ou néfaste à la qualité du sol.
Ensuite, les flux de pesticides et leur
importation ont tous les deux augmenté. En effet,
non seulement en utilise-t-on davantage, mais ils
font aussi office d’un commerce international.
Si les grands acteurs de celui-ci étaient
l’Allemagne et les États-Unis, aujourd’hui, la
Chine les remplace. En effet, les pesticides
deviennent du domaine public car les brevets

H. Delbrassine
Hélios Delbrassine

arrivent à terme et on offre aux agriculteurs des versions génériques, moins chères, fabriquées en
Asie.
Il convient aussi de s’interroger sur l’état actuel des
rendements. On remarque aujourd’hui qu’ils
décroissent car le système a atteint un plateau
l’empêchant de réagir aux ajouts supplémentaires
d’engrais.

Mais alors, quelles sont les trajectoires pour le futur ?


Au cours de la période d’intensification agricole, on
a perdu le stock en Carbone organique du sol qui permettait d’en évaluer la productivité. Face à
cela, diverses réactions sont possibles :
• On ne fait rien et le sol demeure pauvre.
• On réduit le laboure qui cause le lessivage de la matière organique.
• On organise une succession des cultures dont certaines seront des couverts – elles ne
serviront alors qu’à remettre de la matière organique dans le sol et à le protéger.
• On ajoute du fumer.
Finalement, la révolution verte nous a amené dans une situation où l’on doit non seulement
travailler davantage afin de rencontrer les buts posés pour 2050 (nourrir tous les Hommes), mais
aussi afin de pallier les dégâts environnementaux causés par les choix technologiques faits aux USA
dans la 1ère moitié du XXème siècle et dans le reste du monde dans la seconde.
On peut alors résumer la situation comme suit :
• Principes de la révolution verte
- Choix des meilleures variétés
- Préparation intensive du sol pour accueillir ces variétés
- Fertilisation et protection phytosanitaire
- Contrôle des mauvaises herbes
- Utilisation de l’eau
• Critiques
Impacts économiques
- Dépendance vis-à-vis des multinationales
- Standardisation des produits qui en a permis la substitution. Avant, pour faire un bon
fromage, il fallait un bon lait. Maintenant, on peut prendre n’importe lequel et se servir
de procédés chimiques pour en faire un bon fromage.
Impacts sociaux
- Bouleversement de l’édifice traditionnel
- Diminution des biens partagés
- Dépendance technologique
- Cycle endettement/vente de terres chez les petits agriculteurs qui tentent d’entrer dans
l’engrenage de la révolution verte.
- Exode rural/bidonvilles.
Impacts écologiques
- Appauvrissement de la biodiversité
- Augmentation de la sensibilité aux maladies
- Appauvrissement des sols
- Contamination des sols/salinisation
- Rupture de l’équilibre écologique.

H. Delbrassine
Hélios Delbrassine

Il convient alors de se demander si une révolution technologique ne pourrait pas se substituer à


une réforme agraire. En effet, on peut se demander s’il est réellement pertinent, voire même juste,
que la terre soit un objet privatisé. Si l’on s’est engagé dans une révolution technologique, c’est afin
de mieux exploiter les parcelles qui représentaient une valeur économique, au lieu de discuter de
meilleures façons de les gérer. En quelque sorte, la privatisation des surfaces a servi de pression
économique dans l’enclanchement de la révolution.
Notons tout de même que cette dernière a aussi eu lieu car elle permettait de minimiser les
risques pour l’agriculteurs en cherchant à prodiguer une hausse des rendements dans des conditions
optimales, plutôt que la régularité de la production dans des conditions variables.
Malgré cela, un nouveau risque a émergé – un de nature financière : le prix du marché auquel on
achètera les produits à un agriculteur. Ce dernier ne peut en effet le prédire et donc savoir si le prix
sera au-dessus ou en-dessous de son coût de production.

-
Quels futurs ?

L’enjeu actuel, la première chose dont il faut convaincre les gens, c’est qu’ils ont le choix.
Cependant, avant de faire un choix, il faut non seulement établir s’il est individuel ou collectif,
et ensuite évaluer les trajectoires possibles. Or, aujourd’hui, on est dans une telle urgence face à la
crise, soit-elle climatique ou alimentaire, que l’on ne prend pas la peine de le faire.
Intervient alors Agrimonde, qui regroupe deux grands instituts français : l’INRAE et le CIRAD.
Son but est de travailler sur les cadres dans lesquels la recherche agricole se fait. Ils ont, pour ce
faire, d’abord découpé le monde en 6 grandes zones dont la plus intéressante est la bleue, l’OCDE,
qui reprend l’Europe, l’Amérique du Nord, le Japon et l’Océanie.

H. Delbrassine
Hélios Delbrassine

Des comparaisons entre les situations d’alimentation dans les différentes zones ont ensuite été
établies. Si l’on compare celles en OCDE et celle en Afrique subsaharienne, dans le cas de cette
dernière, la quantité disponible par jour est presque deux fois plus petite et comporte beaucoup
plus de calories de nature végétale.

Si l’on regarde maintenant la production de ces zones et l’usage fait de cette production, on note
que l’OCDE manifeste un surplus de nourriture d’origine végétale qui sera commercialisable.
L’Afrique subsaharienne, d’un autre côté, se trouve dans la situation opposée, même en utilisant la
majorité de sa production pour se nourrir, tandis qu’en OCDE, elle servait à nourrir le bétail. Or,
on sait que lors de la conversion des calories végétales en animales, on observe des pertes de 2/3.

On remarque ici qu’en Asie, la conversion des calories végétales en calories animales est bien
moindre. Ceci s’explique par le fait que la population de ce continent étant bien supérieure à celle
d’Europe, elle doit rentabiliser sa production au maximum, en limitant ses pertes là où elle le peut,
soit au niveau de l’élevage.
En d’autres termes, on comprend ici qu’il faut penser la production en parallèle avec la
consommation. On introduit alors le concept de Food System, qui intègre ces deux composantes.
Émergent alors deux scénarios pour le futur :
• Agrimonde GO (Global Orchestration)
- Poursuite de la tendance actuelle
- 3600kcal/J/hab
- Mondialisation, standardisation des habitudes alimentaires.
On consomme 830kcal et il faudra augmenter la production de plus d’1%/an, ce qui est
énorme par rapport aux enjeux économiques.
• Agrimonde G1
- Proactivité par rapport aux problèmes environnementaux posés
- 3000kcal/J/hab
- Mondialisation, mais maintien des spécificités alimentaires régionales et diminution des
aliments d’origine animale.

H. Delbrassine
Hélios Delbrassine

En consommant 1/3 de viande en moins, on relargue une partie des calories de la viande
dans le système végétal, augmentant le total des calories disponibles pour l’alimentation
humaine. Seule une augmentation de 0,14% de la productivité sera alors requise pour remplir
les besoins de la population tout en tolérant le développement d’un système bio.

Quelles trajectoires pour les agricultures wallonnes ?

La production de céréales en Wallonie peut être résumée comme suit :

On observe, pour l’agriculture biologique, un rendement deux fois plus petit que pour
l’agriculture conventionnelle intensive. Dans un tel cas de figure, mourrait-on alors de faim ?

H. Delbrassine
Hélios Delbrassine

En réalité, une majorité des agriculteurs se place dans un système intermédiaire, où l’on met
moins de pesticides, tout en obtenant une production finale raisonnable. Il existe donc un gradient
entre l’intensification du système et la production qu’il permet.
De plus, le passage en agriculture biologique ne serait un problème qu’en fonction de l’emploi
que l’on ferait de son rendement. En effet, aujourd’hui, en Wallonie, 46% des céréales servent à
nourrir des animaux qui mènent à une perte de 2/3 des calories, tandis que seuls 9% servent à
l’alimentation humaine.
On observe alors deux possibles voies d’évolution à l’avenir :
• Tendanciel – on prolonge la tendance actuelle

• Transition – on soutient un véritable changement de modèle grâce à une politique


volontariste et à des subsides.

On constate finalement que ce choix n’est pas uniquement idéologique, mais qu’il repose aussi
sur des données à notre disposition. Notamment, on sait que des trajectoires réalistes impliqueront
des compromis.

H. Delbrassine
Hélios Delbrassine

Premièrement, la réduction de notre impact environnemental ne pourra se faire qu’en changeant


de mode de production. Ceci conduit à une baisse de rendement et de production totale, qui aura
un triple impact :
• Sur la quantité totale d’aliments produits
• Sur la structure du revenu des agriculteurs
• Sur nos choix d’exportation et de compétitivité.
De plus, trois dimensions sont à prendre en compte : nos modes de consommation, mais aussi
la structure du revenu des agriculteurs et la rémunération du travail. En effet, aujourd’hui,
l’agriculteur doit produire plus afin de rémunérer son travail. Il est donc poussé dans une politique
de surproduction.

Quel statut pour les productions animales ?

On sait que les productions animales contribuent à 51% des impacts anthropiques sur le climat
et à entre 80 et 90% de ceux sur la biodiversité. De là, on comprend aisément qu’afin de diminuer
l’empreinte climatique des systèmes agricoles, il faut diminuer notre consommation de viande.
On estime que sa diminution de 69%, soit jusque 27g consommés par jour et par personne,
l’empreinte climatique sera, elle, diminuée de 59%.
On peut alors se demander pourquoi l’objectif d’une consommation de viande de 0g n’est pas
envisageable. La réponse à cette question est simplement : afin d’obtenir du fumier. En effet, si l’on
regarde l’ensemble des interactions suivantes, on constate qu’il est possible de relier les deux cycles
en marquant un lien de causalité entre le fumier et la fertilité.

H. Delbrassine
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C’est finalement ce système qui maintient à la fois l’alimentation des Hommes, la biodiversité
forestière et des systèmes, et qui entretient nos paysages. Si l’on venait à faire disparaitre la
composante animale, les prairies disparaitraient aussi, de même que la biodiversité qu’elles
contiennent. Certes, on pourrait récupérer une forêt, mais ces biotopes n’accueillent pas les mêmes
espèces et n’assurent pas la même régulation d’eau. De plus, les forêts ne permettent pas
d’entretenir la fertilité des terres cultivées car n’y est produit aucun fumier.
Dans ce cas-là, le seul moyen de rapporter la fertilité serait alors l’apport d’engrais chimiques.
On constate ainsi une véritable dépendance de la fertilité avec le système d’élevage, ce qui nous
amène à un débat collectif sur la nature du point d’équilibre à trouver entre la consommation de
viande et le climat.

Les agricultures du Sud

La trajectoire suivie au XXe siècle a mené à une énorme hausse des rendements, qui s’est
accompagnée d’externalités. Par là, on entend des effets qui ne sont pas inclus dans le prix du
produit, mais payés par l’ensemble de la communauté.
Ici, ils seront marqués sur les
aspects de ressources, de
changement climatique, de
biodiversité et de pollution.
Tous ces facteurs ne sont pas
intégrés dans la dimension
économique, mais ont bel et bien
un impact sur le bien-être de la
population.
Ainsi, si les externalités
peuvent être positives ou
négatives par définition, dans le
cas de l’intensification, elles
seront principalement négatives.

On va alors tenter de s’orienter vers une intensification écologique. Pour obtenir un rendement,
on ne se tournera alors plus vers une technologie ayant des impacts négatifs, mais vers une logique
d’alliance avec la nature (opposée à une logique de maîtrise). Ceci correspond à un véritable
changement de paradigme, puisqu’on a, d’un côté, un changement de pratiques et, d’un autre, de
vision du monde et des indicateurs du progrès, qui ne se résumeront plus au rendement seulement.
Cependant, d’un point de vue réaliste, il faut se rendre compte que l’on ne peut maintenir les
rendements actuels sans aide chimique. Il faudra donc faire un compromis entre la diminution des
externalités négatives et le rendement, que l’on devra abaisser. Notons seulement qu’aujourd’hui,
22% du rendement est gaspillé, contre 25% de diminution dans le cadre d’un potentiel passage à
une agriculture totalement biologique. Ainsi, si l’on parvenait à se débarrasser complètement des
pertes, on ne verrait aucune différence en changeant de modèle.
Il convient alors d’évoquer les agricultures d’Afrique subsaharienne (la partie la plus humide du
continent), dans lesquelles on ne cultive pas les trois céréales ayant servi de piliers à la révolution
verte : le blé, le riz et le maïs. En effet, le climat étant plutôt propice à la pousse de plantes comme
le bananier, cette zone du monde est restée en dehors des développements proposés par les
Américains au début du XXème siècle.

H. Delbrassine
Hélios Delbrassine

Par conséquent, elle est demeurée au point 1 du graphique ci-dessus. On peut alors se demander
quelle route les agriculteurs emploieront dans le futur. Étonnamment, la majorité désire suivre un
chemin 1-2-3 afin de rejoindre la mouvance globale du marché mondial et de ne pas être laissé de
côté, nonobstant les externalités néfastes flagrantes. De plus, un passage direct de 1 à 3 n’a encore
jamais été testé – on ne peut donc être totalement confiant dans l’idée qu’il fonctionne.

Quelles options pour de nouvelles pratiques ?

On observe 3 méthodes :
• Gain d’efficacité
On continue à faire la même chose, mais de manière plus efficace.
• Substitution
On remplace les technologies, on ouvre une nouvelle piste afin de mieux s’aligner sur les
problématiques écologiques. Ici, on s’oriente vers une agriculture biologique, renonçant
ainsi à un certain type d’intrants pour en accepter d’autres.
Agriculture biologique : accord entre le consommateur et les agriculteurs pour que ces
derniers n’emploient pas d’intrants chimiques. À l’intérieur de ce contrat, on trouve divers
modèles, mais la définition de base est un conventionnement sur la non-utilisation de
produits chimiques. Il faut cependant le contrôler, ce qui sera fait via des certifications.
• Repenser complètement le système.
Ces méthodes proposent deux points d’arrivée. Premièrement, l’écologisation faible s’oriente
vers une production limitant les impacts négatifs. Ensuite, l’écologisation forte, elle, propose de
produire en promouvant les services écosystémiques.
Finalement, aujourd’hui, on détermine 3 options de productions :
• Modèle conventionnel efficace
- Productivité élevée
- Grande efficacité technique
- Logique d’agrandissement
• Recherche d’autonomie
- Travailler surtout sur les coûts – or, fonctionner en autonomie permet de mieux gérer
ses coûts et ses risques car on dépend moins du marché et de facteurs extérieurs.
- Diminuer les dépendances
- Privilégier le revenu sur le rendement – on ne tente pas d’augmenter le rendement, mais
la comptabilité. Si l’on produit moins, la marge de bénéfice, elle, sera maximisée.

H. Delbrassine
Hélios Delbrassine

• Agriculture biologique (ou presque)


- Changer de modèle
- Réduire les coûts
- Développer des produits nouveaux

L’agroécologie

Dans ce système, on tente de travailler de concert avec la nature, ce qui requiert une organisation
des fermes spécifique localement, afin de s’aligner au biotope de la réagion.
Dans les années 70s, Odum est le premier à utiliser les approches de l’écologie et à les appliquer
à un système d’élevage en Uganda.
Une décennie plus tard, est proposé une approche similaire par rapport aux plantations de riz en
Thaïlande. On y relie d’abord l’arrivée d’eau au rendement. De ce dernier découle non seulement
le nombre de personnes que l’on peut nourrir dans la ferme, mais aussi, à partir de là, le nombre
d’employés possible, et donc la surface cultivable.
Or, si le labeur devient trop important, la quantité de riz disponible par personne diminue. Les
gens quitteront donc la ferme pour aller travailler dans les milieux urbains. Or, ne trouvant pas
d’emploi, ils s’appauvrissent et le prix du riz finit par tomber.

On remarque ainsi un lien évident entre les dimensions sociale, économique et


environnementale/agricole.
Finalement, l’agroécologie est un modèle basé sur le concept d’écosystème. Ce dernier renvoie
au système constitué par l’ensemble des interactions entre le milieu abiotique et la communauté des
êtres vivants qui l’occupe (Tansley 1935).
Les éléments constituant un écosystème développent un réseau d’échange d’énergie et de matière
permettant le maintien et le développement de la vie. Ainsi, l’écosystème finit par fournir une série
de services écosystémiques :
• Approvisionnement
• Régulation
• Culturels

H. Delbrassine
Hélios Delbrassine

• Soutien
L’agroécologie constitue alors une approche écologique intégrée des agroécosystèmes et du
contexte économique et social dans lequel ceux-ci se développent, afin d’en comprendre la
complexité et d’en étudier le fonctionnement.
Elle englobe l’analyse et le développement de politiques agro-environnementales dans une
perspective de gestion durable. Elle s’appuie donc sur des disciplines telles que l’agronomie, la
biologie, l’écologie, l’économie, la sociologie et l’analyse systémique.
À sa base, on trouve finalement le soleil et l’énergie qu’il prodigue. Son fonctionnement, lui, peut
être synthétisé comme suit :
On tente d’optimiser ce cycle fermé, lequel
ne reçoit normalement pas d’intrants
extérieurs, afin de rendre plus qualitatif l’usage
d’énergie solaire. Pour cela, on développe des
agroécosystèmes dont on essaie qu’ils soient de
moins en moins dépendants d’inputs
extérieurs. De plus, on favorise les systèmes
agricoles complexes dans lesquels les
interactions écologiques et les synergies entre
composantes biologiques offrent des
mécanismes d’auto-renouvellement de la
fertilité du sol, de la productivité et de la
protection des cultures.
Il faut cependant faire attention à ne pas
tomber dans une opposition systématique
entre les modèles agroécologiques et
industriels. En effet, il s’agit là d’une caricature.
En réalité, si l’agroécologie est une alternative à la révolution verte pour avancer dans le futur,
une dualisation manichéenne n’est pas productive, même si l’on peut pointer les différences de
principes entre les modèles. En effet, on ne vise pas forcément un emploi nul de produits
chimiques, on tente simplement d’amoindrir notre dépendance à eux.
Finalement, on va pouvoir étaler les grands enjeux de l’agroécologie sur 5 niveaux :
1) Augmenter l’efficacité tout réduisant l’emploi d’intrants chers, limités (ex : phosphore) ou
néfastes pour l’environnement.
2) La substitution d’intrants conventionnels pour des pratiques agroécologiques alternatives.
3) Redesigner les agroécosystèmes.
4) Relocaliser la chaîne alimentaire et proposer de meilleurs prix en supprimant une partie des
intermédiaires, pour permettre une reconnexion entre les consommateurs et les
producteurs.
5) Construire un nouveau système mondial basé sur l’agriculture locale, équitable et
écoresponsable.
Notons qu’il est contreproductif de placer toute la pression sur les agriculteurs. En effet, il faut
d’abord changer le fonctionnement du système afin de leur permettre de s’en détacher et d’évoluer
sans courir de trop grands risques.
On finit par pouvoir modéliser l’agroécologie selon des composantes agronomiques, écologiques
et sociales et d’en répartir les principes selon des aspects politiques, environnementaux,
économiques et socio-culturels.

H. Delbrassine
Hélios Delbrassine

Au final, l’agroécologie correspond à des principes, à une vision du monde sur base de laquelle
on peut construire des modèles et les tester.
Dans l’agroécologie, il n’y a pas de recette. La clef est l’alliance avec la nature dans laquelle on se
trouve, ce qui varie en fonction de la région concernée. Le passage d’une échelle globale à une
échelle locale change alors la perspective. Cependant, on peut trouver en la diversité des systèmes
agricoles des éléments pour une transition écologique.
En conclusion, l’essentiel du problème est lié à l’agriculture et à l’alimentation industrielle. De
plus, il est nécessaire de noter qu’une agriculture agroécologique ou biologique sans animaux est
impossible.

Régime sociotechnique et verrouillages

Ici, nous nous concentration sur le Blanc Bleu Belge, qui représente une véritable réussite
technologique. En effet, dans le cas de ces viandes, 80% de la carcasse de l’animal peut être
valorisée, au lieu des 70% habituels.
Ceci est dû au fait que les animaux concernés ont un gène muté pour la myostatine, normalement
responsable de freiner le développement des muscles. Sa mutation enclenche une hypertrophie
musculaire, avantageuse du point de vue des bouchers car la partie consommée des animaux est
leurs muscles. Les agriculteurs ont donc pris la décision de les conserver.
Cependant, ces individus présentaient une physiologie telle que la naissance par voie naturelle
était très compliquée. Quand on a commencer à les sélectionner, il a donc fallu consulter des
vétérinaires afin de limiter le nombre de mort-nés.
S’est alors construit un réseau entre les agriculteurs, les vétérinaires et les bouchers. La place du
consommateur dans tout cela a été d’accepter, d’apprécier cette production donnant une viande,
certes très tendre, mais peut goûteuse.
Au niveau de la dimension technologique, cette dernière a requis de mobiliser des connaissances
en terme de sélection, d’alimentation et de découpe.
H. Delbrassine
Hélios Delbrassine

Finalement, on obtient une situation où les acteurs se retrouvent dans une relation à la fois
commerciale, mais aussi sur les normes. Notamment, ils sont tous d’accord sur le fait que la
césarienne pratiquée sur une vache ne constitue pas une forme de maltraitance animale. Il est alors
important de noter que ces accords sont le résultat de l’élaboration du réseau et ne sont pas des
impositions extérieures sur lesquelles les acteurs ont dû débattre. Ils ont été amenés à les faire de
concert.

Cependant, une telle conformation donne lieu à un verrouillage sociotechnique. En effet, le


réseau constitué par l’ensemble des acteurs et les contraintes techniques conforte le modèle et
empêche toute transition. Il se repose et influence le goût des consommateurs, les filières de
commercialisation ainsi que le savoir-faire des agriculteurs et a donc mené à un verrouillage
progressif.
On observe finalement que de nombreux mécanismes s’articulent pour créer une situation de
verrouillages. Si l’on prend le cas de l’industrie laitière, par exemple :

Il convient alors de se demander pour quelles raisons les éleveurs tenteront de se démarquer du
circuit conventionnel. Dans le cadre de notre exemple, on peut pointer :
• Prix du lait
Recherche d’un prix plus élevé ou plus stable.

H. Delbrassine
Hélios Delbrassine

• Opportunités de contexte
Demande de la fromagerie, proximité, reprise d’une structure existante.
• Opportunités structurelles
Caractéristiques de l’exploitation, disponibilité de main d’œuvre et de connaissances.
• Relations avec l’aval du secteur
Reprise d’un certain pouvoir de négociation, connaissance du devenir de la production.
Les éleveurs pourront alors se démarquer de plusieurs éléments constitutifs du régime afin de se
démarquer de la situation de verrouillage identifiée.
Premièrement, ils peuvent adapter certaines de leurs pratiques, telles que la race laitière utilisée.
Ensuite, ils peuvent entretenir des relations différentes avec les acteurs situés en aval, en établissant
une relation de confiance basée sur le retour positif du consommateur. Ils se concentrent alors sur
les éléments de rapport de force et d’absence de contact avec le consommateur.
Finalement, ils peuvent acquérir des connaissances et compétences spécifiques, stratégiques et
relationnelles.

Transition

On peut modéliser un régime sociotechnique comme suit :

Ce qu’il se passe aujourd’hui, c’est que les gens se sentent beaucoup plus concernés par la
question climatique et que cette inquiétude diminue la consommation de viande ainsi que l’intérêt
pour la production locale. Ceci ne vient pas du régime mais de facteurs extérieurs. Ce sont des
tendances de la société qui sont en train de changer : le paysage. Les médias y jouent un grand rôle.
De là a émergé le modèle de Geels & Schott pour la reconfiguration du régime. Il a été établi en
réponse à une demande du gouvernement hollandais concernant les possibles moyens d’un
changement de système qu’il jugeait nécessaire.
On y décrit 3 niveaux : le paysage sociotechnique (contexte exogène), le régime sociotechnique
et, enfin, les innovations de niche, soit des gens qui décident de se démarquer du régime. On
identifie alors 3 leviers :
1) Légitimer les alternatives – il faut d’abord développer des propositions alternatives qui
fonctionnent.
2) Faire pression sur le régime dominant en disant qu’on n’en veut plus.
3) Convergence des initiatives de transition – coalitions, création de filières, développement
de réseaux entre les niches. Il faut réunir les innovations isolées (rôle des coopératives).

H. Delbrassine
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L’idée globale de cela est l’idée d’apprentissage. Le rôle de l’état serait alors de protéger les gens
pendant leur période d’apprentissage de telle manière qu’il puisse se faire. Après doit venir
l’autonomie. En effet, si le système ne peut tenir seul, il n’est pas bon.

Notons que la part de changement du comportement individuel ne représente que 35% face à
65% de potentiel dans le changement de système. De plus, s’investir sur les 3 dimensions est
extrêmement difficile. Il faut donc choisir sur quel axe on souhaite se concentrer dans notre
comportement individuel.
Finalement, on peut résumer les 3 dimensions d’une agriculture du XXIème siècle par :
• Droit à l’alimentation
Les systèmes alimentaires doivent assurer la disponibilité de la nourriture pour chacun.
• Équité
Les systèmes alimentaires doivent assurer les revenus des petits producteurs.
• Durabilité
L’agriculture ne doit pas compromettre sa capacité à satisfaire les besoins futurs.
De nos jours, on est plutôt dans du développement durable faible : on regarde si ça marche
économiquement, puis on fait un peu d’environnemental et de social. À ce modèle s’oppose celui
de l’œil de bœuf, avec des cercles concentriques dont le plus externe est celui de l’environnement,
qui conditionne la vie sur terre et l’organisation de la société. Si l’on le détruit, il n’est même pas
pertinent de se pencher sur les deux autres (le social,
puis l’économie au centre).
Tim Jackson propose alors qu’il y ait des cercles
vertueux à créer entre les gens et les écosystèmes. Un
investissement dans la nature permet de récupérer des
services écosystémiques, de remplacer la boucle
d’investissement capitalistique pour un gain écologique.
Il y a aussi dans ce modèle une dimension sociale. Au
lieu d’une mécanique de salaire/consommation, on
propose de mettre les compétences de la population au
service d’une entreprise en échange de bien-être qui
peut passer par un salaire ou non.
Pour cela, il faut donc ralentir la boucle de
consommation en prodiguant du bien-être qui passe

H. Delbrassine
Hélios Delbrassine

moins par elle. Par exemple, si les gens ne travaillent plus à 100% mais à 80% et qu’on leur propose,
à la place, du travail de volontaire, de bénévole, de service à l’environnement, ils trouveront une
satisfaction à leurs deux activités. Cependant, si dès que les gens sortent de leur boulot on les met
devant de la publicité de consommation, ils sont forcés de travailler à 100% pour trouver le seul
bien-être qui leur est proposé : la consommation.

H. Delbrassine

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