R4-Art+4 HMID+et+al.+ 333-355
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R4-Art+4 HMID+et+al.+ 333-355
E-ISSN : 2665-7511
https://revues.imist.ma/?journal=AME
2.Doyen, Laboratoire interdisciplinaire, ingénierie des affaires, soft skills, management et droit,
Université Hassan 2, Casablanca, Maroc, dabbadi@gmail.com.
Résumé :
Devant l'expansion rapide de la mondialisation, le territoire n'est plus perçu comme un simple
espace géographique ; il est devenu un acteur clé du développement. Dans ce contexte, l'État
marocain a été contraint de revoir son approche centralisatrice de la gestion territoriale, qui était
en vigueur jusqu'aux années 2000.
Cette approche a montré ses limites et n'a fait qu'accentuer les disparités territoriales. L'article
explore la problématique de l'action territoriale sous l'angle du management stratégique des
territoires, privilégiant le développement par le bas. Il offre un aperçu théorique de la recherche,
retraçant l'histoire de l'action territoriale au Maroc et exposant les fondements du projet de
territoire.
Abstract :
In the face of the rapid expansion of globalization, the territory is no longer seen as just a
geographical space; it has become a key player in development. In this context, the Moroccan state
has found it necessary to reconsider its centralized approach to territorial management, which was
in place until the 2000s.
This approach has shown its limitations and has only increased territorial disparities. This article
explores the issue of territorial action through the lens of strategic territory management, favoring
bottom-up development. It provides a theoretical overview of the research, tracing the history of
territorial action in Morocco, and presenting the foundations of the territorial project.
Le territoire ne se limite pas à un simple lieu géographique, mais il représente un système complexe
qui implique plusieurs parties prenantes telles que l'Etat, le secteur privé, les collectivités
territoriales, la société civile, etc. La compréhension de ses phénomènes et la nécessité de son
développement exigent la collaboration de tous ces acteurs dans un projet commun. Les pays
développés ainsi ceux qui sont en développement cherchent constamment de nouvelles approches
pour gérer leur territoire de manière cohérente, harmonieuse et durable.
Cette démarche est devenue obsolète face à la multiplicité des acteurs pouvant intervenir dans la
gestion territoriale. En conséquence, elle n'a pas pu atteindre les résultats escomptés ; au
contraire, elle a contribué à l'aggravation de la situation en générant des inégalités territoriales.
Dans ce contexte, l'État marocain a été contraint de réfléchir à une nouvelle démarche de gestion
territoriale efficace, participative et inclusive. Ainsi, il s'est trouvé dans l'obligation de partager la
gestion du territoire avec les différentes parties prenantes. En conséquence, l'État marocain ne se
considère plus comme un seul acteur du développement mais juste un acteur parmi d'autres.
Cette transformation de l'action territoriale au Maroc est désignée ici sous le nom du management
stratégique des territoires (approche territorial efficace, participatif et intégré). Cela reflète la
volonté de l'Etat de travailler en étroite collaboration avec les différents acteurs territoriaux tout
en mettant l’homme au centre de ce processus et la gouvernance comme un outil de la prise de
décision collective dont l’objectif est d’assurer un développement équilibré et durable de
l'ensemble du territoire.
A cet effet, notre problématique est basée principalement sur cette réflexion, afin de répondre à
la question suivante : En quoi l'évolution vers le management territorial stratégique peut-elle
constituer une nouvelle configuration de l'action territoriale au Maroc ?
Dans le cadre de notre article, nous avons choisi de nous concentrer sur l'analyse de l'évolution de
l'action territoriale vers le management stratégique des territoires à travers une nouvelle
démarche de gestion territoriale (le projet de territoire ou le territoire projet). L'objectif principal
est de renforcer l'efficacité des actions territoriales et d'adapter les projets et programmes de
développement aux spécificités de chaque territoire.
L'étude sur laquelle nous nous sommes appuyés a adopté une approche exploratoire qualitative
visant à approfondir la compréhension du management stratégique des territoires. Cette approche
a facilité une exploration approfondie des perceptions et des expériences marocaines concernant
la mise en œuvre de projets de développement adaptés à des territoires spécifiques, en employant
une nouvelle approche fondée sur le projet de territoire et qui implique la population locale dans
le processus de prise de décision territoriale.
Le choix de l'approche qualitative est justifié par les connaissances empiriques limitées en matière
de management stratégique des territoires. Notre objectif est de combler cette lacune en
examinant les expériences et perceptions de l'État marocain dans la mise en place de ces projets
de développement territorial. À travers l'approche exploratoire, nous visons également à identifier
les facteurs clés qui favorisent l'évolution vers le management stratégique des territoires ainsi que
les limites qui peuvent constituer des freins à l'efficacité de l'action territoriale.
Nous avons délimité notre terrain d'étude au Maroc en raison de la spécificité de notre sujet de
recherche sur le management stratégique des territoires dans ce pays. Le choix du Maroc est
justifié par la confrontation entre les logiques politiques et les logiques territoriales qui a connu le
Pour collecter nos données, nous avons utilisé la recherche et l'analyse de documents pertinents
et la participation à des conférences traitants notre problématique de recherche.
La recherche et l'analyse documentaire ont été menées dans divers endroits, notamment à la
bibliothèque de la Fondation du roi Abdul-Aziz Al Saoud, qui a été le principal centre de
concentration. Nous avons également consulté la Bibliothèque nationale de Rabat, la bibliothèque
de la faculté d'Ain Sebâa, ainsi que des bibliothèques en ligne, et aussi à travers des documents
pertinents tels que des ouvrages et des articles scientifiques, etc.
Notre participation aux conférences s'est principalement concentrée sur deux colloques
internationaux : le colloque international sur la gouvernance et l'innovation organisé à l'université
Cadi Ayyad de Marrakech en partenariat avec l'université de Sherbrooke au Canada, et le colloque
international des utilisateurs des SIG organisé à la Faculté des sciences humaines de Fès.
Ces techniques nous ont permis d'obtenir des informations riches et détaillées sur les pratiques de
gestion territoriale au Maroc, en donnant la parole aux acteurs locaux et en recueillant des
données contextualisées. Pour le traitement des données, nous avons adopté une approche
d'analyse thématique pour identifier les thèmes et les motifs émergents dans nos données, ce qui
nous a permis de répondre efficacement à notre problématique de recherche.
Pour répondre à notre problématique de recherche et atteindre les objectifs assignés, nous avons
structuré notre papier en utilisant le canevas ci-après, en prenant en compte l'association du
contexte, de la problématique de recherche, de ses intérêts et de sa méthodologie :
- Il s’agit dans un premier lieu de mettre l’accent sur les fondements théoriques de la
recherche, de définir ses principales composantes et de mettre la lumière brièvement sur
la littérature de cette dernière.
- Dans un deuxième lieu, nous nous essayons de procéder à une analyse de l’évolution de la
gestion territoriale au Maroc afin de mettre l’éclairage sur l’échec des stratégies de
développement.
- En dernier lieu, nous essayons de mettre nos efforts sur la contribution à la promotion de
l’action territoriale au Maroc dans un cadre de management territorial stratégique à travers
une association des deux axes précédents.
Le concept est certainement trop récent pour être opérationnelle, il n'est pas encore un concept
clair et bien établi (Découtére, 1996). L'idée de management est principalement due au secteur
privé, par contre il faut bien mentionner que le privé n'est pas le public et l'entreprise n'est pas
l'Etat, la première cherche à obtenir en contrepartie de l'activité productive une récompense qui
se traduit principalement par un but lucratif, contrairement la rentabilité de l'Etat n'est pas
monétaire et le but du secteur public n'est pas lucratif, il s'intéresse à l'ensemble des besoins
collectifs ( besoin d'éducation, de santé, de sécurité, etc.), alors sa rentabilité se mesure
principalement par la satisfaction des besoins des citoyens (Passet, 1996). C'est une approche de
gestion publique visant à mettre en place une politique efficace en tenant compte des multiples
dimensions territoriales (Ruegg, 1997).
Pour certain, il s’agit d’un ensemble de politiques, actions, démarches et projets multiples de la
puissance publique, applicables sur les territoires (Huteau, 2002). Pour d’autres, il représente une
forme de la gestion publique qui intègre l'impact des actions et des structures gouvernementales
à différentes échelles territoriales et même internationale sur la cohésion sociale. Cela offre
également aux gouvernements la possibilité d'influer sur la définition, la cohérence, la viabilité et
les répercussions des politiques publiques, ainsi que sur leur intensité. Il a noté aussi que le
management stratégique des territoires vise à planifier stratégiquement le territoire.
De ce fait, Il est crucial que cette planification territoriale stratégique se focalise sur trois objectifs
primordiaux : englober toutes les dimensions d'un territoire, le dynamiser par une coordination
d'actions, et exécuter progressivement ces actions conformément à un calendrier établi à l'avance.
En d'autres termes, il s'agit d'une approche de gestion publique visant à planifier et coordonner les
initiatives territoriales de manière stratégique et structurée pour favoriser le développement
territorial (Duez, 2009).
Le concept de la stratégie en science de gestion se réfère à l'ensemble des choix et des décisions
prises pour atteindre des objectifs dans un environnement incertain et en constante évolution.
C’est un système qui permet d'harmoniser les finalités à long terme, les objectifs à moyen terme
et les actions à court terme. Au niveau des organisations, la stratégie consiste à définir une vision
Les pratiques de management et leurs objectifs doivent évoluer dans ce nouveau contexte. De
même, l'école suisse identifie deux objectifs majeurs pour le management territorial : la première
est dite stratégique qui vise à orienter la production du territoire dans une vision à long terme
selon une approche participative. La seconde est dite opérationnelle, car le management territorial
vise à accroitre la puissance d’une collectivité et ses acteurs à prendre en compte les évolutions
territoriales, les menaces et les opportunités qu’elles génèrent à travers des méthodes, des outils
et des processus de management, de consultation, de concertation et d’information (Découtére,
1996).
Le projet de territoire implique principalement une approche qui rompt avec la gestion
traditionnelle de territoire, au niveau de laquelle toutes les stratégies toutes à exécuter étaient
décidés et mises en œuvre à l'échelle centrale, sans nécessairement impliquer une consultation
préalable de la population/acteurs du territoire auxquels ces stratégies s'appliquaient.
Contrairement, le projet de territoire intègre la participation active de tous les acteurs concernés
afin de déterminer et accomplir les projets qui s'adaptent aux atouts de ce territoire. Ce modèle
se distingue des politiques de gestion territoriale dictées d'en haut vers le bas par son caractère
unique, sa conformité au contexte de chaque territoire et son incapacité à être appliqué
directement aux autres territoires (Courlet et al., 2013).
Donc on peut dire que le projet de territoire se présente comme une nouvelle approche innovante
qui rompt avec la méthode centralisatrice de développement-Elle repose sur la participation active
des différents acteurs locaux à toutes les étapes du projet. Ce dernier vise à mobiliser les capacités
de développement pour structurer le territoire à long terme.
La mise en
Le diagnostic L’élaboration L’évaluation
œuvre
Source : Auteurs
- Le diagnostic :
Il constitue une démarche de travail participatif visant à identifier les forces, les faiblesses, les
opportunités et les menaces de chaque territoire. Il cherche à repérer les divergences entre les
représentations des divers acteurs, met en lumière les atouts et les attentes, recherche les sources
des problèmes et, surtout, explore les pistes d’amélioration. Pour ce faire, nous établissons qu’il
est constitué de quatre étapes interconnectées :
✓ L’établissement de l’état des lieux : cela englobe une analyse méthodique des faits et des
actions qui caractérisent le territoire concerné. Cette phase de l’état des lieux implique
souvent de considérer le territoire comme un système organisé et structuré, en examinant
à la fois les éléments fondamentaux et les interactions entre eux.
✓ La détermination des enjeux : il s’agit d’exprimer sous des termes économiques, sociaux ou
environnementaux les conséquences potentielles des dynamiques en cours ainsi que les
risques encourus.
✓ Le choix d’une stratégie : cela implique de hiérarchiser les enjeux en fonction des
dynamiques observées et des objectifs fixés.
- L’élaboration :
Dans ce cas, il est préalablement nécessaire de définir les divers scénarios de développement.
L'élaboration de ces scénarios peut s'appuyer sur une démarche prospective. Dans ce cadre, il peut
s'agir sur deux types :
✓ Normatifs, via une démarche déductive, on établit une vision souhaitée du territoire en
l'année n, puis on déduit les étapes à entreprendre pour y parvenir.
✓ Exploratoires, par une démarche inductive, on part de l'état actuel pour définir la vision
souhaitée du territoire en l'année n.
Ces scénarios servent à « modéliser » le futur du territoire. Donc Il est nécessaire de sélectionner
le scénario privilégié, c'est-à-dire le futur le plus probable ou désirable pour le territoire. Cette
étape doit être accomplie en concertation avec les initiateurs du projet. À partir de ce scénario
favori, la stratégie à mettre en place pour faciliter sa concrétisation peut être élaborée (Slaoui,
2022).
- La mise en œuvre :
- L'évaluation :
Il peut se considérer comme une obligation ou un choix, soit au niveau interne ou externe.
L’évaluation doit reposer sur des indicateurs qui facilitent la mesure de la mise en œuvre du projet
territorial et de ses impacts. Ainsi, diverses catégories d'indicateurs se démarquent en fonction du
niveau d'objectif considéré. L'évaluation doit s'appuyer sur une combinaison de ces divers niveaux
d'indicateurs afin d'obtenir une vision complète sur la mise en œuvre du projet territorial,
englobant aussi bien sa réalisation que l'impact qu'il peut avoir sur les différents enjeux. La figure
suivante permet de comprendre les niveaux et les indicateurs de l’évaluations (Slaoui, 2022).
De nos jours, la gouvernance est un sujet qui suscite l'intérêt de nombreux organismes tels que
l'ONU, les ONG, les institutions financières internationales et les universitaires, qui l'abordent avec
Historiquement, le concept de la gouvernance a été introduit pour la première fois dans un article
de l'économiste américain Ronald Coase intitulé « The Nature of the Firm » en 1937. Coase
s'intéressait aux moyens de réduire les coûts de transaction, qui peuvent être atteints soit par le
marché, soit par l'organisation. Selon Coase, l'utilisation de l'organisation ou de l'entreprise peut
parfois être plus efficace que le marché pour atteindre cet objectif. Il a appelé les méthodes
utilisées par l'entreprise pour y parvenir "gouvernance". Les économistes néoinstitutionnalistes,
en particulier Olivier Williamson, ont redécouvert cette théorie dans les années 70 qui a conduit à
des travaux définissant la gouvernance comme les moyens que les entreprises utilisent pour
coordonner efficacement leurs activités. Selon cette théorie, il existe deux types de dispositifs de
gouvernance : les protocoles internes, tels que la hiérarchie, utilisés par les entreprises intégrées,
et les contrats, les partenariats et les normes, utilisés par les entreprises travaillant avec des sous-
traitants.
La nature et les intérêts impliqués déterminent si la gouvernance d'une entité est publique ou
privée. Lorsque l'intérêt général est en jeu, comme c'est le cas pour l'Etat et les collectivités
publiques, on parle de gouvernance publique. En revanche, lorsque les organismes et les intérêts
sont de statut privé, on parle de gouvernance privée (Traore, 2011). La question de la gouvernance
a connu une évolution conceptuelle, depuis son apparition, jusqu’à nos jours.
En termes de décision collective, la gouvernance est utilisée à la fois par les observateurs et les
acteurs de terrain. Les systèmes hiérarchiques centralisés traditionnels sont de plus en plus en crise
dans un monde qui requiert de la souplesse et de la réactivité. La complexité juridique, financière
ou technique des dispositifs d’action publique nécessite la coordination de nombreux partenaires
pour garantir la cohérence des actions. Une approche séquentielle de ces procédures entraînerait
des retards de décision aberrants et des risques d'incohérence. La gouvernance, avec ses
procédures interactives, rapides et peu formalisées, répond à ces exigences et permet une prise
de décision collective efficace. Elle est généralement comprise comme un ensemble de
mécanismes qui encadrent la prise de décision, notamment en ce qui concerne la création et la
distribution de valeur. La relation entre gouvernance et décision est souvent considérée du point
de vue du contrôle exercé par la gouvernance sur la décision, avant et après sa prise, sans que son
impact sur le processus de décision lui-même soit suffisamment exploré (Chatelin & Nicolas, 2011).
Ce triomphe est d'autant plus notable qu'il est utilisé non seulement par les observateurs, mais
également par les intervenants sur le terrain, et il a des origines multiples. Le pouvoir local
traditionnel, ancré dans une structure institutionnelle, est confronté à une crise que tous les
systèmes hiérarchiques centralisés et monolithiques connaissent dans un monde qui exige de la
souplesse, de la réactivité et la capacité à intégrer des éléments contradictoires. De plus, la
complexité financière, juridique ou technique des mécanismes de l'action publique nécessite la
participation de nombreux partenaires qui doivent se coordonner pour garantir la cohérence des
actions mises en place. Un traitement séquentiel de ces procédures entraînerait des délais de
décision aberrants et de graves risques d'incohérence. Pour assurer l'efficacité de la décision
collective, il est nécessaire de recourir à des procédures interactives, rapides et peu formalisées.
L'aspect décisionnel de la gouvernance répond parfaitement à ces exigences (Casteigts, 2003).
L'action territoriale au Maroc a été caractérisée essentiellement par des périodes très marquantes.
Après son départ, le colonisateur a laissé derrière lui d'importantes inégalités territoriales sur
l'ensemble du territoire national. Dans ce contexte, l'État marocain a été dans l'obligation de gérer
ces disparités territoriales héritées de la période coloniale. Pour y faire face, il s'est engagé
progressivement dans une grande réforme territoriale visant à transformer l'économie coloniale
en une économie nationale.
Après son départ, le colonisateur a laissé derrière lui des disparités territoriales très marquantes,
c’est la chose qui a frustré le rêve d’un meilleur avenir. A cet effet, directement après l’obtention
de son indépendance, l’Etat marocain s’est trouvé dans la nécessité de gérer ces inégalités héritées
de la période coloniale, c’est dans ce contexte qu’il a lancé plusieurs réformes et nouvelles voies
de développement qui ont visé de transformer l’économie coloniale a une économie nationale.
La première action territoriale des années d’indépendance a été pour objectif de divisé
administrativement le territoire national, il s’agit d’une période qui a été caractérisée
essentiellement par le commencement de la phase des discours avec des références très limités.
Cela exprime la volonté de parvenir à un équilibre cohérent, d'une part, entre les zones rurales et
les villes urbaines, et d'autre part, entre les différents secteurs économiques du pays. Donc même
avec l'absence des mesures concrètes, l'ensemble des discours successifs révèle une puissance
politique très contingente. Cependant, les conflits internes au sein de la classe ouvrière et les
discussions stériles basées sur des idées destructrices et inadaptées à des actions nobles sont
certainement des obstacles au développement du Maroc. En 1962, le Maroc a adopté la première
constitution par référendum. Alors l'absence d'une politique territoriale cohérente est
principalement due à la méthodologie adoptée (Mohaine, 2017).
La réforme a été commencée essentiellement par l’adoption des plan quinquennaux, cette
stratégie a connu le lancement d’un premier plan quinquennal en 1960-1964 qui a visé de réduire
les disparités régionales en se concentrant sur les inégalités économiques et démographiques
entre les régions. Les principaux objectifs étaient d'atteindre un niveau d'une croissance
économique de 6,2%, de développer le secteur agricole, de créer une industrie de base et
d'améliorer les ressources nationales pour assurer l'indépendance économique du pays.
Cependant, les résultats obtenus n'ont pas été à la hauteur des attentes ainsi qu'ils n'ont pas pu
répondu aux attentes en raison de contraintes financières, ce qui a entraîné l'annulation ou le
report de plusieurs projets (El Bouzaidi & Boudouah, 2016). Ce plan a été abandonné en 1964, une
action qui a été causée par la crise financière de la même année et les politiques de développent
du pays ont enregistré une intervention des institutions internationales.
Les années 1965 ont connu l’adoption du Plan triennal du 1965-1967, comme on a déjà signalé que
ce dernier a été élaborer selon les orientations des institutions internationales (la Banque
internationale pour la reconstruction et le développement et le fonds monétaire international) qui
ont contribué au financement de ce plan avec des prêts qui s’élèvent à 1,3 millions de dollars. Il a
contribué à la promotion de l’économie marocaine à travers le développement des infrastructures,
réduction du taux de chômage, développement de l’agriculture, de l’industrie et de tourisme ainsi
que la formation continue aux profits de cadres. Les résultats ont été similaire à celui du
quinquennal de 1960-1964, il a créé des disparités économiques et sociales entre les régions du
royaume car les investissements ont été concentrés au niveau de quelques secteurs et quelques
régions par rapport aux d’autres, ce qui a conduit à l’échec de ce dernier.
Cette période a été dominée par l'adoption d'une approche de gestion centralisatrice avec une
série de réformes territoriales (naturelles, économiques, sociales, politiques, nationales et
internationales) qui sont inadaptées au contexte marocain. Cela se reflète dans les difficultés
économiques rencontrées lors de l'intégration compétitive dans les échanges internationaux, les
problèmes sociétaux liés à l'accélération de l'urbanisation, de l'habitat et de l'accès aux services,
ainsi qu'au niveau politique avec une grande volonté de décentralisation de l'action territoriale.
Cela traduit un « nouveau concept de l’autorité » (Planel, 2009).
Historiquement, l'action politique (le Makhzen) s'est fondée sur une centralisation spatiale
hétérogène. L'État marocain possède une tradition politique forte et centralisée, mais il possède
également un registre qui vise à concéder plusieurs prérogatives : la production territoriale. Le
Makhzen, allant du palais royal jusqu'au moqqadem, est un système de pouvoirs imbriqués qui
gère les différents espaces à partir d'un centre historiquement mobile. Cette gestion se fait par
hiérarchie, créant ainsi une relation centre/périphérie qui rend difficile la gestion des régions
périphériques négligées ou opposées au pouvoir central. En conséquence, les régions caractérisées
par un manque important d'équipements considèrent l'État comme « un système que l’on subit
plutôt qu’un système auquel on a l’impression d’appartenir et de participer » (Fadil, 2000, cité par
Planel, 2009).
En 1983, le Maroc a dû faire face à des déséquilibres territoriaux causés par plusieurs
transformations (Hibou, 2005). Pour y faire face, notre pays a été contraint de procéder à la mise
en place d'un Programme d'Ajustement Structurel (PAS) en septembre 1983, soutenu par le Fonds
Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale (BM). L'objectif principal de ce programme a
été de corriger les inégalités économiques afin de permettre une croissance forte et durable
(Nachoui, 2018).
Pendant cette période, l’action territoriale a enregistré l'adoption d'une nouvelle approche fondée
sur l'aspect qualitatif au lieu de celui du quantitatif, concrétisée par le lancement du plan
quinquennal de 1981-1985. Cependant, cette approche a été abandonnée en 1983 en raison des
conséquences de la sécheresse, pour être réintroduite en 1988 sous le nom de « Plan
d'orientation ». Ce dernier met l'accent sur la libéralisation économique, le désengagement de
l'État et la privatisation.
En résumé, cette période a été caractérisée essentiellement par une forte présence de l’État
centralisateur à travers une gestion territoriale basée sur la démarche descendante. Cette
présence de l’État sur l’ensemble du territoire national a été garantie par des personnes nommées
qui détiennent un grand pouvoir et qui peuvent influencer le processus de décision pour la mise
en place des politiques de développement à toutes les échelles territoriales.
Après des années d'absence en matière territoriale, la naissance d'une véritable politique de
gestion territoriale n'a commencé qu'à partir des années 2000 avec l'intronisation du Roi
Mohamed VI, qui a annoncé sa volonté de changement. Ce dernier a lancé une révolution en
matière de gestion territoriale dont l'objectif est d'assurer un équilibre harmonieux entre
développement économique, social et environnemental tout en intégrant l'approche territoriale
dans les politiques de développement. Ainsi, la démarche centralisatrice de développement est
devenue obsolète. Elle commence à céder la place à une démarche qui accorde plus de valeur aux
spécificités de chaque territoire et qui prend en considération la différenciation territoriale dans la
mise en place des politiques de développement, ainsi que la participation de tous les acteurs
concernés par la gestion du territoire.
À cet effet, l'État a cherché à obtenir un accord national afin de mobiliser l'ensemble des acteurs
pour son projet politique. La Direction de l'Aménagement du Territoire (DAT) a émis en décembre
1999 une série de documents "d'orientation" en vue d'un futur débat national sur l'aménagement
du territoire.
Le début des années 2000, précisément en janvier, a marqué le début d'une révolution de l'action
territoriale avec le lancement de la politique d'aménagement territorial et le début du débat
national sur l'aménagement du territoire, impliquant tous les acteurs de la société.
Ce débat a rassemblé de grands acteurs de diverses échelles territoriales pour discuter des
principales problématiques économiques, sociales et environnementales du Maroc, telles que les
disparités régionales, les disparités entre les zones urbaines et rurales, les infrastructures urbaines,
la gestion de l'eau, les zones sensibles, les équipements clés, la rénovation de logements insalubres
et la pollution environnementale. Cette rencontre a donné lieu à la mise en place de plus de 50
ateliers locaux et 16 forums régionaux (Raounak, 2002).
En 2001, elle a été introduite en tant que résultat du débat national, axée sur la prise en compte
des idées et perspectives émises lors de ce dernier. Son objectif est de définir le cadre juridique et
institutionnel de l'aménagement du territoire (Nachoui, 2018). Elle est structurée en trois sections
principales, comprenant neuf chapitres et totalisant quatre-vingt-neuf pages.
En 2003, une action significative a été entreprise pour l'aménagement territorial au Maroc,
marquée par la validation du Schéma National d'Aménagement du Territoire (SNAT), qui fait suite
au Débat National d'Aménagement du Territoire. Ce dernier a été élaboré par le bureau d'études
tunisien DIRASSET et définit les grandes orientations de l'aménagement territorial au Maroc à
travers une méthode prospective prenant en considération les évolutions passées, internes et
externes. Il se compose de sept volumes et totalise 1607 pages, proposant une approche
territoriale transversale globale pour l'aménagement du territoire au niveau national, identifiant
des pôles de croissance et servant de référence pour la planification territoriale. À cet effet, des
tournées ministérielles ont été effectuées entre 2003 et 2004 dans toutes les régions du royaume
pour présenter le SNAT et ses objectifs aux élus et aux services extérieurs de l'administration
déconcentrée (Mohaine, 2017).
Donc pour approfondir notre analyse qualitative textuelle, nous avons utilisé plusieurs techniques
de visualisation des données, notamment les nuages de mots, les diagrammes, et l'analyse
factorielle des correspondances (AFC). Les nuages de mots nous ont permis de mettre en évidence
les termes les plus fréquemment mentionnés dans nos données, soulignant ainsi les principaux
thèmes et concepts abordés dans notre article. Par exemple, les termes « participation »,
« gouvernance », et « efficacité » sont apparus de manière récurrente, mettant en lumière
l'importance accordée à ces aspects dans le management stratégique des territoires au Maroc.
De plus, l'AFC a été utilisés pour explorer les relations entre différents items et concepts. Par
exemple, elle a révélé des regroupements significatifs entre certaines variables, comme la
perception de l'efficacité des politiques territoriales et le degré d'implication des acteurs locaux.
Ces analyses ont enrichi notre compréhension des dynamiques sous-jacentes à la gestion de
l'action territoriale et ont permis d'identifier des patterns et des tendances significatives dans nos
données qualitatives.
En intégrant ces différentes méthodes de visualisation des données, notre étude qualitative a pu
fournir une analyse approfondie et nuancée des thèmes et des relations clés en lien avec le
management stratégique des territoires au Maroc.
Les réformes territoriales entreprises au milieu des années 1990 ont été hésitantes et timides au
début ; aujourd'hui, elles deviennent de plus en plus claires et courageuses. La politique
centralisatrice a cédé la place à une dimension territoriale, qui accorde davantage de valeur aux
spécificités territoriales tout en reconnaissant l'autonomie et la diversité des espaces. Il ne s'agit
Cette nouvelle approche, basée sur les spécificités territoriales, a également été mise en œuvre à
travers le test de faisabilité de deux approches : les « Systèmes Productifs Localisés » et les « Projets
de Territoires ». Cette démarche novatrice a été expérimentée dans quatre régions du Royaume
en 2009, à savoir Doukkala-Abda, Gharb-Chrarda-Beni-Hssen, Taza-Al Hoceima-Taounate et
Chaouia Ourdigha. Ces régions sont fortement rurales et disposent d'un potentiel important, mais
souffrent d'un manque de services publics de base, d'emplois insuffisants et d'investissements
limités (El Bouzaidi & Boudouah, 2016).
Les Systèmes Productifs Localisés (SPL) ont également joué un rôle majeur dans cette nouvelle
démarche de management territorial. Ces systèmes de production localisés contribuent à amorcer
un processus cumulatif de développement. Ils valorisent un avantage comparatif spécifique aux
territoires, tels que les ressources naturelles, les savoir-faire, la géographie, la position, etc
(Hannou, 2004). Ces systèmes sont reconnus comme des atouts pour les territoires, car ils
représentent une source d'information et de gains économiques. Ils confèrent à ces territoires une
plus grande compétitivité, les aidant ainsi à relever les défis de la globalisation. En effet, il n'existe
pas de territoires sous-développés, mais plutôt des territoires sous-analysés. Dans ce contexte, la
DAT (Direction de l'Aménagement du Territoire) a lancé une étude expérimentale sur neuf cas,
dans le but de clarifier les conditions et les circonstances dans lesquelles l'approche des Systèmes
Productifs Localisés (SPL) évolue. La DAT encourage les PME, en particulier celles du secteur
artisanal, à renforcer leurs relations mutuelles, notamment en favorisant les collaborations
interentreprises et les complémentarités, ainsi qu'en promouvant la mutualisation et le partage de
ressources. Ces actions conduisent à une plus grande compétitivité et à une capacité d'innovation
renforcée.
La réforme de la régionalisation avancée a été lancée par le Maroc en 2011 et mise en œuvre en
2015. À cet effet, le nombre de régions a été réduit à douze au lieu de seize. Cette réorganisation
territoriale s'est basée sur certains critères, notamment les principes d'efficacité, d'homogénéité,
de proportionnalité, d'équilibre, ainsi que d'accessibilité et de proximité. Les régions deviennent
ainsi un niveau territorial privilégié et adéquat pour l'intégration des politiques sectorielles et la
coordination des efforts et des initiatives de tous les acteurs économiques opérant sur le territoire.
Elles jouent également un rôle propice à l'engagement actif de la population dans la gestion des
affaires territoriales et dans les efforts de développement territorial grâce à la mise en place de
nouvelles modalités de démocratie participative (Almountada, 2019).
Ainsi, la demande des acteurs économiques, sociaux et des citoyens pour participer aux décisions
collectives entraîne une augmentation du partage des décisions qui ne peuvent plus être prises
uniquement par une entité collective. Au Maroc, plusieurs réformes constitutionnelles, juridiques
Dans ce contexte on peut dire que nos résultats mettent en évidence une forte corrélation entre
l'implication des acteurs locaux et la réussite des projets de développement territorial au Maroc.
Cette observation rejoint les conclusions de plusieurs études antérieures (Courlet et al., 2013) qui
ont également souligné l'importance de l'engagement communautaire dans la mise en œuvre
efficace des initiatives de développement territorial. En effet, nos résultats confirment l'idée selon
laquelle une participation active des acteurs locaux, y compris les résidents, les autorités locales et
les organisations de la société civile, est cruciale pour garantir une approche inclusive et durable
du management stratégique des territoires.
En revanche, nos données révèlent des divergences significatives par rapport à certaines
recherches antérieures, notamment en ce qui concerne l'efficacité des mécanismes de
coordination intergouvernementale. Alors que certaines études (Chatelin & Nicolas, 2011) ont
souligné les avantages d'une coordination centralisée pour la mise en œuvre des politiques
territoriales, nos résultats indiquent que les approches plus décentralisées peuvent offrir des
résultats plus adaptés aux spécificités locales du Maroc. Cette divergence souligne l'importance de
considérer les contextes nationaux et régionaux uniques lors de la conception des stratégies de
développement territorial.
Conclusion et perspectives :
Malgré ces avancées, certains défis persistent encore. Tout d'abord, la coordination entre les
différents niveaux de gouvernance reste un défi majeur, car il est crucial que les décisions prises
au niveau local soient cohérentes avec les politiques nationales. De plus, la participation effective
des acteurs locaux et de la société civile doit être encouragée pour assurer une prise de décision
démocratique et inclusive. Il est donc impératif que les nouvelles modalités de gouvernance soient
Afin que la gouvernance contribue à renforcer la légitimité démocratique des décisions collectives
plutôt que de l'affaiblir, il convient de la réintégrer, au moins en partie, dans les procédures
institutionnelles formalisées. Selon la plupart des études menées dans ce sens, les résultats
obtenus en ce qui concerne l'implication des populations dans les processus décisionnels au niveau
national et local sont insuffisants pour répondre aux attentes de la population en matière de
partage des pouvoirs et d'élaboration de plans de développement participatifs. Ainsi, la
participation citoyenne peut constituer un axe important pour un développement durable et
inclusif (Abbadi, 2004).
Alors, après la réalisation de notre article on peut synthétiser les rapports de notre recherche entre
les trois volets théorique, méthodologique et empirique de la manière suivante :
Sur le plan méthodologique, notre étude a adopté une approche qualitative exploratoire qui a
permis d'explorer en profondeur les perceptions et les expériences des acteurs impliqués dans la
gestion territoriale au Maroc. Nous avons justifié nos choix méthodologiques en fonction des
objectifs de recherche et des spécificités du terrain d'étude, ce qui a renforcé la validité et la
fiabilité de nos résultats.
Au niveau empirique, nos résultats ont fourni des insights précieux sur les pratiques actuelles de
gestion territoriale au Maroc et ont identifié des défis et des opportunités pour améliorer
l'efficacité des actions territoriales. Ces résultats ont des implications pratiques importantes pour
les décideurs et les praticiens impliqués dans la gestion et le développement des territoires au
Maroc.
Pour ce qui concerne les limites de la recherche, au niveau théorique, notre étude présente
certaines limites liées à la disponibilité de données historiques exhaustives sur le management
stratégique des territoires et plus particulièrement au Maroc. Certains aspects théoriques
Au niveau empirique, notre étude a été limitée par la disponibilité des données et l'accès à
certaines références clés de la gestion de l'action territoriale au Maroc. Cela a restreint la portée
de nos résultats et leur généralisable à l'ensemble du pays.
Au niveau théorique, des perspectives de recherche futures pourraient inclure une analyse
approfondie des théories de la gouvernance territoriale et de la participation communautaire dans
le contexte marocain. L'exploration de nouvelles théories ou l'adaptation de cadres théoriques
existants à des situations spécifiques au Maroc pourrait également être envisagée.
Au niveau méthodologique, il serait bénéfique d'intégrer des approches mixtes combinant des
méthodes qualitatives et quantitatives pour obtenir une compréhension plus holistique de la
gestion territoriale au Maroc. De plus, des études comparatives entre différentes régions ou pays
pourraient fournir des insights précieux sur les bonnes pratiques et les leçons apprises en matière
de gestion territoriale.
Au niveau empirique, les perspectives de recherche pourraient inclure des études longitudinales
pour suivre l'évolution des pratiques de management stratégique des territoires au fil du temps.
Des études de cas approfondies sur des projets de développement spécifiques pourraient
également enrichir notre compréhension des défis et des réussites dans la mise en œuvre de
politiques territoriales au Maroc.
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