SAPL (3)
SAPL (3)
SAPL (3)
Antiphospholipides :
de la biologie à la clinique en 2024
Maxime Delrue a,b,c, Valérie Eschwège d,*
a Service d’hématologie biologique, unité hémostase clinique, hôpital Lariboisière APHP Nord, 2, rue Ambroise-Paré,
75010 Paris, France
b Service de médecine vasculaire, hôpitaux Saint-Joseph et Marie-Lannelongue, 133 avenue de la Résistance,
92350 Le-Plessis-Robinson, France
c Institut de recherche Saint-Louis, EA 3518, hôpital Saint-Louis, université Paris-Cité, 1 avenue Claude-Vellefaux,
75010 Paris, France
d Service d’hématologie biologique, CHRU de Nancy, rue du Morvan, 54500 Vandœuvre-Les-Nancy, France
* Autrice correspondante.
Adresse e-mail : v.eschwege@chru-nancy.fr (V. Eschwège).
RÉSUMÉ
Le syndrome des anticorps antiphospholipides (SAPL) est une
entité clinico-biologique caractérisée par des manifestations
cliniques polymorphes associées à la présence persistante
d’anticorps antiphospholipides. C’est une pathologie affectant
principalement la femme jeune, bien que l’homme ou les sujets
plus âgés puissent également être atteints. Les manifestations
cliniques sont principalement thrombotiques (macro- et
microvasculaires) et obstétricales. D’autres atteintes sont
également décrites : cardiaque, rénale, cérébrale ou cutanée.
La mise en évidence des anticorps antiphospholipides fait appel
à des méthodes de titrage d’anticorps (anticardiolipides et anti-
β2GPI) mais également à des examens d’hémostase pour lesquels
la connaissance et l’expérience des techniques utilisées sont
indispensables pour assurer la fiabilité des résultats et permettre
le diagnostic final de SAPL. Le traitement du SAPL fait notamment
appel aux thérapeutiques anti-
© Hailshadow/Istock
thrombotiques mais également
aux traitements par corticoïdes
MOTS CLÉS voire immunosuppresseurs
◗ anticoagulant pour les formes plus sévères.
◗ anticorps
antiphospholipides
◗ obstétrique
◗ syndrome des
ABSTRACT
antiphospholipides Anti-phospholipid : from biology to clinic in 2024
◗ thrombose Anti-phospholipid syndrome is a clinical and biological condition characterized
by polymorphic clinical manifestations associated with the persistence of anti-
KEYWORDS phospholipid antibodies.This disease mainly involves young women, although men
◗ anticoagulant or older people can also be affected. Most of clinical features are thrombotic
◗ antiphospholipid (macro- and micro-vascular) and obstetrical manifestations. Some other signs
antibodies are also described: cardiac, renal, cerebral or cutaneous. The detection of anti-
◗ antiphospholipid phospholipid antibodies antibody relies on titration methods (anti-cardiolipin and
syndrome anti-β2GPI) but also hemostasis tests for which knowledge and experience of
◗ obstetric complication the techniques are needed to ensure the reliability of the results and enable the
◗ thrombosis
final APS diagnosis. The treatment of APS leans on anti-thrombotic therapies but
also on treatments with corticosteroids or even immunosuppressives for more
© 2024 – Elsevier Masson SAS severe forms.
Tous droits réservés.
Tableau 1. Résumé des critères de classification du SAPL proposés en 2023 par ACR/EULAR.
Diagnostic de SAPL porté si ≥ 3 points critères “cliniques”
et ≥ 3 points critères “biologiques”.
Critères cliniques Points
Mort fœtale entre la 16e et 33e + 6 semaines de grossesse en l’absence de PEC sévère
1
Domaine 4 ou IP sévère
Obstétrique
PEC sévère ou IP sévère avant la 34e semaine de grossesse (avec ou sans mort fœtale) 3
PEC sévère et IP sévère avant la 34e semaine de grossesse (avec ou sans mort fœtale) 4
Domaine 6
Thrombopénie 20-130 G/L 2
Hématologie
Critères biologiques
Domaine 7 LA recherché selon les recommandations de l’ISTH (cf) sur un seul prélèvement 1
Anticoagulant
lupique LA recherché selon les recommandations de l’ISTH (cf) persistant 5
aβ2GPI : anticorps anti-β2glycoprotéine I ; aCL : anticorps anticardiolipide ; aPL : antiphospholipide ; IP : insuffisance placentaire ;
ISTH : international society of thrombosis and haemostasis ; LA : anticoagulant circulant de type lupique ; PEC : prééclampsie ;
Elisa : enzyme-linked immunosorbent assay ; IDM : infarctus du myocarde.
D'après [7].
◗ temps du “malade” avec réactif de dépistage (M dep) ; s’agir d’un LA "puissant" mais aussi d’interférences
◗ temps du “témoin” avec réactif de dépistage (T dep) ; liées à des déficits en facteurs (AVK ou autres déficits
en facteur de coagulation). Dans le premier cas,
◗ temps du “malade” avec réactif de confirmation
l’ensemble de la démarche pourra être recommencé
(M conf) ;
sur le mélange 1:1 et le résultat final restera positif,
◗ temps du Témoin avec réactif de confirmation dans le deuxième cas, s’il s’agit d’une fausse positivité,
(T conf) ; le test de dépistage sur le mélange sera le plus souvent
◗ temps du mélange 1:1 M+T avec réactif de dépistage négatif [19]. Les autres situations peuvent être difficiles
(M+T dep) ; à interpréter et une recherche systématique de toutes
◗ temps du mélange 1:1 M+T avec réactif de les causes pouvant interférer avec le résultat doit être
confirmation (M+T conf). entreprise.
Une conclusion pour chaque type de test peut être
Avec les ratios suivants :
indiquée mais la synthèse générale de la recherche de
◗ ratio M dep / T dep (R1) ;
LA (présence ou absence) doit figurer clairement sur
◗ ratio M conf / T conf (R2) ; le compte rendu.
◗ ratio R1 / R2 (R3) ;
Dans ce contexte d'hétérogénéité des méthodes, ◗ d’autre part le profil à faible risque thrombotique,
il faudra être très attentif et préférer le suivi des défini par la présence isolée d’aCL ou d’anti-B2GPI,
patients dans un même laboratoire afin de pouvoir notamment à titre faible ou intermédiaire [29].
interpréter les variations de résultats quantitatifs.
Le résultat des tests immunologiques n’est pas influencé Prévention et traitement
par les traitements anticoagulants et peuvent s’effectuer des manifestations
sur un faible volume d’échantillon. thrombotiques
La présence d’un facteur rhumatoïde, d’une hyper-
g ammaglobulinémie ou d’une gammapathie peut
Thromboprophylaxie primaire
Chez les porteurs d’aPL asymptomatiques (sans
interférer avec le test de dépistage des aCL d’isotype
événement thrombotique ni autre critère clinique
IgM.
définissant un SAPL), la thromboprophylaxie
primaire repose toujours sur une dose faible d’acide
Étape post-analytique acétylsalicylique (75-100 mg par jour). Elle est
Le caractère persistant de l’aPL doit être confirmé sur recommandée pour les patients asymptomatiques
un second échantillon prélevé au moins douze semaines présentant un profil sérologique à haut risque. Chez
plus tard. les patients ayant un profil sérologique à faible
À l’issue de ce contrôle, les conclusions intermédiaires risque et atteints de lupus érythémateux systémique,
pour chacun des tests composant la recherche de la thromboprophylaxie primaire par aspirine à faible dose
LA, la synthèse générale de recherche (présence ou est à considérer au cas par cas. Enfin, chez les patientes
absence) ainsi que l’interprétation des titres de chacun aux antécédents de SAPL obstétrical, le maintien d’une
des isotypes pour les aCL et les aβ2GPI peuvent être thromboprophylaxie par aspirine à faible dose est
complétées par la notion de profil biologique intégrant recommandée au décours de la grossesse [29].
l’ensemble. Il est intéressant, en particulier, d’attirer
l’attention du prescripteur sur les profils triple positif Traitement de la thrombose veineuse
surtout s’il s’agit d’IgG (présence de LA associé à des au cours du SAPL
aCL de titre moyen ou fort et des aβ2GPI de titre moyen Pour le SAPL à manifestation thrombotique
ou fort). veineuse, le traitement de référence repose sur
les héparines de bas poids moléculaire (HBPM)
relayées par un AVK (classiquement la warfarine)
Conséquences avec un objectif d’INR entre 2 et 3. Ce traitement
thérapeutiques est le plus souvent reconduit au long cours pour la
prévention de la récidive thrombotique. Néanmoins,
antithrombotiques les recommandations de l’EULAR suggèrent la
possibilité d’une durée d’anticoagulation plus courte,
liées à la présence en accord avec les recommandations internationales
d’antiphospholipides éditées hors SAPL, pour les patients ayant un
événement thrombotique veineux provoqué par un
Les complications thrombotiques sont fréquentes au facteur transitoire et dont le profil sérologique n’est
cours du SAPL et nécessitent une thérapeutique anti- pas à haut risque. En cas de récidive thrombotique
thrombotique adaptée. Le traitement de référence malgré le traitement par AVK (INR 2-3), il est
d’un événement thrombotique repose actuellement d’abord proposé de s’enquérir de l’observance et
sur les dérivés hépariniques classiquement relayés par de l’équilibre du traitement. Si ce dernier point est
un AVK. Ce traitement est, en règle générale, poursuivi vérifié, alors il est suggéré d’ajouter une faible dose
au long cours en prévention secondaire des récidives d’acide acétylsalicylique, ou de majorer les objectifs
thrombotiques. L’identification du niveau de risque d’INR entre 3 et 4, ou encore de relayer le traitement
thrombotique par le profil sérologique permet de par une HBPM [29].
guider la prise en charge thérapeutique des patients
porteurs d’aPL. Les dernières recommandations Traitement de la thrombose artérielle
de l’EULAR, éditées en 2019, définissent le risque En cas de SAPL à manifestation thrombotique
thrombotique associé aux différents profils biologiques artérielle, un traitement par AVK doit être préféré
d’aPL : à l’aspirine faible dose avec un objectif d’INR
compris entre 2 et 3, voire entre 3 et 4 en fonction
◗ d’une part le profil à haut risque thrombotique,
de la balance entre les risques thrombotique
caractérisé par la présence persistante d’un LA isolé et hémorragique. De même, l’adjonction d’une
ou d’une double positivité associant LA et/ou aCL faible dose d’aspirine au traitement par AVK peut
et/ou aβ2GPI ou l’association concomitante des être envisagée au cas par cas. En cas de récidive
trois aPL (c'est-à-dire LA + aCL + aβ2GPI) ; thrombotique artérielle malgré le traitement par