SAPL (3)

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Dossier scientifique

Antiphospholipides :
de la biologie à la clinique en 2024
Maxime Delrue a,b,c, Valérie Eschwège d,*
a Service d’hématologie biologique, unité hémostase clinique, hôpital Lariboisière APHP Nord, 2, rue Ambroise-Paré,
75010 Paris, France
b Service de médecine vasculaire, hôpitaux Saint-Joseph et Marie-Lannelongue, 133 avenue de la Résistance,
92350 Le-Plessis-Robinson, France
c Institut de recherche Saint-Louis, EA 3518, hôpital Saint-Louis, université Paris-Cité, 1 avenue Claude-Vellefaux,
75010 Paris, France
d Service d’hématologie biologique, CHRU de Nancy, rue du Morvan, 54500 Vandœuvre-Les-Nancy, France
* Autrice correspondante.
Adresse e-mail : v.eschwege@chru-nancy.fr (V. Eschwège).

RÉSUMÉ
Le syndrome des anticorps antiphospholipides (SAPL) est une
entité clinico-biologique caractérisée par des manifestations
cliniques polymorphes associées à la présence persistante
d’anticorps antiphospholipides. C’est une pathologie affectant
principalement la femme jeune, bien que l’homme ou les sujets
plus âgés puissent également être atteints. Les manifestations
cliniques sont principalement thrombotiques (macro- et
microvasculaires) et obstétricales. D’autres atteintes sont
également décrites : cardiaque, rénale, cérébrale ou cutanée.
La mise en évidence des anticorps antiphospholipides fait appel
à des méthodes de titrage d’anticorps (anticardiolipides et anti-
β2GPI) mais également à des examens d’hémostase pour lesquels
la connaissance et l’expérience des techniques utilisées sont
indispensables pour assurer la fiabilité des résultats et permettre
le diagnostic final de SAPL. Le traitement du SAPL fait notamment
appel aux thérapeutiques anti-
© Hailshadow/Istock
thrombotiques mais également
aux traitements par corticoïdes
MOTS CLÉS voire immunosuppresseurs
◗ anticoagulant pour les formes plus sévères.
◗ anticorps
antiphospholipides
◗ obstétrique
◗ syndrome des
ABSTRACT
antiphospholipides Anti-phospholipid : from biology to clinic in 2024
◗ thrombose Anti-phospholipid syndrome is a clinical and biological condition characterized
by polymorphic clinical manifestations associated with the persistence of anti-
KEYWORDS phospholipid antibodies.This disease mainly involves young women, although men
◗ anticoagulant or older people can also be affected. Most of clinical features are thrombotic
◗ antiphospholipid (macro- and micro-vascular) and obstetrical manifestations. Some other signs
antibodies are also described: cardiac, renal, cerebral or cutaneous. The detection of anti-
◗ antiphospholipid phospholipid antibodies antibody relies on titration methods (anti-cardiolipin and
syndrome anti-β2GPI) but also hemostasis tests for which knowledge and experience of
◗ obstetric complication the techniques are needed to ensure the reliability of the results and enable the
◗ thrombosis
final APS diagnosis. The treatment of APS leans on anti-thrombotic therapies but
also on treatments with corticosteroids or even immunosuppressives for more
© 2024 – Elsevier Masson SAS severe forms.
Tous droits réservés.

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Liste des abréviations


AVK : antagoniste de la vitamine K
aβ2GPI : anticorps anti-β2-glycoprotéine-I
CAPS : syndrome catastrophique des antiphospholipides
aCL : anticorps anticardiolipide
LA : anticoagulant circulant de type lupique
AOD : anticoagulant oral direct
SAPL : syndrome des anticorps antiphospholipides
aPL : anticorps antiphospholipides

Introduction sujet aux infections récurrentes. De même, des données


anciennes rapportent une fréquence élevée des
Le syndrome des anticorps antiphospholipides anticorps anticardiolipides (aCL) chez le sujet âgé sans
(SAPL) est une pathologie systémique auto-immune manifestation clinique de SAPL, jusqu’à 50 % d’après
caractérisée par des manifestations vasculaires Manoussakis et al. [5]. Chez près de 500 patients
thrombotiques (thromboses artérielles, veineuses ou présentant un premier événement thromboembolique
microcirculatoires, manifestations obstétricales) ou veineux non provoqué, 9 % étaient porteurs d’aPL [6].
non thrombotiques associées à la présence persistante En cas de thrombose artérielle, 22 % des patients de
d’anticorps antiphospholipides (aPL). Cet article dresse moins de 69 ans présentant un AVC sont porteurs
un rappel clinique général de cette pathologie et intègre d’aPL et jusqu’à 42,1 % chez les femmes de moins
les notions biologiques indispensables pour faire le de 44 ans [2].
diagnostic de SAPL et proposer une prise en
charge thérapeutique adaptée. Par souci
de concision, la physiopathologie
Diagnostic clinique
n’y sera pas abordée [1].
La définition du SAPL
Épidémiologie clinique du syndrome Présentations
des anticorps cliniques
du SAPL Les manifestations cliniques
antiphospholipides
sur viennent principalement
L’épidémiologie du SAPL est a évolué au cours à un jeune âge. Il s’agit de mani-
complexe du fait de l’évolution
de sa définition clinico-biologique du temps festations thrombotiques arté-
rielles (infarctus du myocarde,
au cours du temps. Bien que des
critères de classification soient établis accident vasculaire cérébral isché-
et régulièrement mis à jour, les critères mique, infarctus d’organe plein, ischémie
diagnostiques, utilisés en pratique clinique, de membre), veineuses (thrombose
sont moins définis. D’après la revue de Dabit et al., veineuse profonde ou superficielle, embolie
la prévalence du SAPL serait de 40 à 50 cas pour pulmonaire, thrombose veineuse cérébrale ou
100 000 habitants et l’incidence de un à deux cas pour splanchnique), microcirculatoires ou encore
100 000 habitants. L’ensemble des données s’accordent obstétricales (prééclampsie sévère, éclampsie, HELLP
sur l’existence d’une prédominance féminine, et un syndrome [pour Hemolysis, Elevated liver enzyme
pic d’incidence à l’âge de la trentaine chez la femme, and Low platelet count]). D’autres manifestations,
plus tardif chez l’homme (50-60 ans). La mortalité des non thrombotiques, existent : valvulopathie
patients atteints d’un SAPL est supérieure à celle de cardiaque, livedo racemosa à larges mailles ouvertes,
sujets non atteints, appariés sur l’âge et le sexe [2]. thrombopénie modérée aux alentours de 100 G/L.
Par rapport à la population générale du Royaume- Certains patients peuvent également présenter des
Uni, Rodziewicz et al. rapportent un indice standardisé symptômes liés à une autre pathologie auto-immune
de mortalité de 1,49 et 1,33 chez les femmes et associée.
les hommes, respectivement [3]. Ces données sont Des critères de classification du SAPL ont été
confirmées aux États-Unis par Duarte-Garcia et al., établis pour la recherche clinique. Deux premières
qui relèvent un indice standardisé de mortalité de 1,61 classifications ont été proposées en 1999 à Sapporo
par rapport à la population générale [4]. puis en 2006 à Sydney. Néanmoins, ces classifications
D’autres travaux décrivent la mise en évidence se sont trouvées insuffisantes à l’usage. De nouveaux
d’aPL au cours de différents contextes cliniques, critères ont pu être proposés en 2023, au terme d’une
sans préjuger de leur persistance à douze semaines collaboration conjointe d’experts issus de l’American
ni de leur association à des manifestations cliniques. College of Rheumatology (ACR) et de l’European Alliance
Ainsi, la fréquence des aPL en population générale of Associations for Rheumatology (EULAR) [7]. L’objectif
peut atteindre 10 %, voire jusqu’à 20 % chez l’enfant, était de développer une nouvelle classification

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Anticorps en hémostase
du SAPL tenant compte des connaissances (RR 2,1, IC95 % [1,4-3,3]), cette association n’a pas
actualisées et permettant d’obtenir la meilleure été démontrée au cours des cancers génito-urinaires.
spécificité possible (tableau 1). Comparativement Sur une autre cohorte prospective, le risque de
aux classifications antérieures, les nouveaux critères développer un événement thrombotique (artériel
cliniques comprennent, notamment, une stratification et veineux) est multiplié par trois chez les patients
du risque de thrombose macrovasculaire en associant atteints de cancer et porteurs d’aPL et d’autant plus
les facteurs de risque thrombotique traditionnels, une important chez ceux présentant un anticoagulant
définition plus précise de l’atteinte microvasculaire, lupique [11].
une redéfinition des complications obstétricales et,
enfin, l’addition de l’atteinte valvulaire cardiaque Syndrome catastrophique
et de la thrombocytopénie qui étaient absentes des des antiphospholipides
classifications antérieures. Les nouveaux critères Le syndrome catastrophique des antiphospholipides
biologiques : (CAPS) est une manifestation rare du SAPL et
◗ accordent un poids stratifié en fonction de la présence survient chez 1 à 5 % des patients. En revanche,
d’une simple, double, voire triple positivité la survenue d’un CAPS est associée à une
des aPL ; mortalité élevée (environ 75 % des
patients en l’absence de traitement
◗ distinguent les aCL des anticorps
anti-β2glycoprotéine-I (aβ2GPI) Les nouveaux spécifique et environ 30 % des
patients en cas de traitement
ainsi que les isotypes IgG et IgM ; critères de adapté). Dans un peu moins
◗ définissent deux niveaux de classification donnent de la moitié des cas, le CAPS
positivité des aCL et aβ2GPI sur vient chez des patients
considérés comme pertinents une importance différente pour lesquels le diagnostic de
par les investigateurs [7]. aux aCL et aβ2GPI selon SAPL n’avait pas encore été
leurs titres (modéré ou porté [12]. Les atteintes rénale,
SAPL sujet âgé cardiaque, cutanée et cérébro-
Le SAPL est principalement une élevé) et leur isotope vasculaire sont les plus fréquentes
pathologie du sujet de moins de et affectent respectivement 76 %,
50 ans. Néanmoins, la présence d’aPL
IgG ou IgM
66 %, 55 % et 48 % des patients.
est également relevée chez des sujets Le profil biologique rapporte un LA,
présentant une thrombose veineuse à plus un aCL ou un aβ2GPI dans 90 %, 90 % et
de 70 ans. En effet, un anticoagulant circulant de type 66 % des cas respectivement. Une triple positivité
lupique (LA) est mis en évidence chez 5,7 % des sujets est retenue pour 58 % des patients. Des critères de
de plus de 70 ans présentant un premier événement classification du CAPS sont disponibles, notamment
thrombotique veineux. Néanmoins, la notion de à visée d’homogénéisation des patients inclus
persistance du LA n’est pas précisée [8]. Le SAPL dans les essais cliniques. Ces derniers retiennent
diagnostiqué chez des patients de plus de 60 ans une atteinte d’au moins trois organes sur un délai
présente des particularités cliniques et biologiques. d’une semaine, documentée par la présence de
La cohorte française Elderly-phospholipid révèle que thrombi microvasculaires à la biopsie d’organe
le SAPL diagnostiqué après 60 ans est plus souvent et associée à la présence d’aPL persistante
primaire, lié à la présence d’un LA et associé à un (au moins six semaines) [14]. La survenue d’un
phénotype thrombotique artériel (p < 0,01) [9]. CAPS est associée à un contexte clinique spécifique
dans 64 % des cas. D’après l’analyse de la cohorte
SAPL para-néoplasique française, il s’agissait d’une infection, d’une grossesse
La présence d’aPL est décrite chez les patients ou encore d’une chirurgie chez respectivement 27 %,
atteints de cancer. Dans la revue systématique 22 % et 15 % des patients. La thérapie comporte
de Abdel-Wahab et al., comparativement à des notamment le traitement du facteur déclenchant, une
patients sans cancer, la présence d’aCL IgG est plus héparinothérapie intraveineuse, une corticothérapie
fréquente chez les patients atteints de cancers gastro- intraveineuse et des échanges plasmatiques [13,14].
intestinaux (RR 5,1, IC95% [2,6-9,95]), génito-urinaires Du fait de la prévalence élevée d’un LA et d’un
(RR 7,3, IC95% [3,3-16,2]) et pulmonaires (RR 5,2, syndrome inflammatoire chez les patients atteints
IC95% [1,3-20,6]) [10]. Ceci n’était, en revanche, pas de CAPS, une attention particulière sera portée
démontré pour la présence d’aβ2GPI ni d’un LA chez à la surveillance de l’héparinothérapie en utilisant
ces patients. Alors que la présence d’aPL au cours du exclusivement l’activité anti-Xa plutôt que le TCA,
cancer pulmonaire augmente le risque de survenue d’un plus spécifique et s’affranchissant de nombreuses
événement thrombotique (RR 3,8, IC95% [1,2-12,2]) interférences analytiques (LA, niveaux élevés
et de décès lié à un événement thrombotique de CRP, etc.).

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Tableau 1. Résumé des critères de classification du SAPL proposés en 2023 par ACR/EULAR.
Diagnostic de SAPL porté si ≥ 3 points critères “cliniques”
et ≥ 3 points critères “biologiques”.
Critères cliniques Points

Domaine 1 Événement thrombo-embolique veineux et profil thrombotique veineux à haut risque 1


Thrombose veineuse
macrovasculaire Événement thrombo-embolique veineux sans profil thrombotique veineux à haut risque 3

Domaine 2 Événement thrombotique artériel et profil à haut risque cardiovasculaire 2


Thrombose artérielle
macrovasculaire Événement thrombotique artériel sans profil à haut risque cardiovasculaire 4

Suspectée à l’examen clinique : livedo racemosa, vasculopathie livédoïde, néphropathie 2


associée aux aPL, hémorragie pulmonaire
Domaine 3
Atteinte
microvasculaire Établie (biopsie/imagerie) : vasculopathie livédoïde, néphropathie associée aux aPL,
hémorragie pulmonaire, ischémie myocardique à coronaires “saines”, 5
infarctus/hémorragie des surrénales.

≥ 3 fausses couches avant la 10e semaine de grossesse et/ou mort fœtale 1


entre la 10e et 15e + 6 semaines de grossesse

Mort fœtale entre la 16e et 33e + 6 semaines de grossesse en l’absence de PEC sévère
1
Domaine 4 ou IP sévère
Obstétrique
PEC sévère ou IP sévère avant la 34e semaine de grossesse (avec ou sans mort fœtale) 3

PEC sévère et IP sévère avant la 34e semaine de grossesse (avec ou sans mort fœtale) 4

Domaine 5 Épaississement valvulaire 2


Valvulopathie
cardiaque Végétation valvulaire 4

Domaine 6
Thrombopénie 20-130 G/L 2
Hématologie

Critères biologiques

Domaine 7 LA recherché selon les recommandations de l’ISTH (cf) sur un seul prélèvement 1
Anticoagulant
lupique LA recherché selon les recommandations de l’ISTH (cf) persistant 5

aCL et/ou aβ2GPI IgM à titres modéré ou élevé 1

Domaine 8 aCL et/ou aβ2GPI IgG à titre modéré 4


aPL-phase solide
persistants
Elisa standardisés aCL ou aβ2GPI IgG à titre élevé 5

aCL et aβ2GPI IgG à titre élevé 7

aβ2GPI : anticorps anti-β2glycoprotéine I ; aCL : anticorps anticardiolipide ; aPL : antiphospholipide ; IP : insuffisance placentaire ;
ISTH : international society of thrombosis and haemostasis ; LA : anticoagulant circulant de type lupique ; PEC : prééclampsie ;
Elisa : enzyme-linked immunosorbent assay ; IDM : infarctus du myocarde.
D'après [7].

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Anticorps en hémostase

Indication de la recherche d’apl ◗ anticorps anti-β2 glycoprotéine-I (IgG et IgM) code


acte 1460 B67 par isotype.
Les indications de la recherche d’aPL sont multiples
du fait de l’hétérogénéité des manifestations clinico- La recherche de LA mettant en jeu deux types de tests,
biologiques associées à la présence des anticorps anti- il s’agit donc de six analyses à maîtriser.
phospholipides. Plusieurs pathologies peuvent ainsi être De nombreuses autres cibles antigéniques ou isotypes
rencontrées. ont été étudiés et la recherche de tels anticorps
peut être effectuée dans le cadre du SAPL : anti-
phosphatidylserine, anti-phosphatidylethanolamine,
Pathologie thrombotique a n ti- p h o sp h a tidy lse r in e / p ro th ro m b in e , a n t i -
- en cas d’événement veineux : devant une première
prothrombine, anti-annexine V, anti-domaine1 de la β2
thrombose veineuse profonde/embolie pulmonaire
glycoprotéine-I, etc. On peut noter qu’aucun n’a été
ou en présence d’événements thrombotiques veineux
intégré dans les derniers critères de classification mis
récidivants.
à jour en 2023 parce qu’ils n’ont pas, ou pas encore
- en cas d’événement artériel : infarctus du myocarde
suffisamment, fait preuve de leur intérêt en pratique
ou accident vasculaire cérébral du sujet jeune
clinique [7].
(<45-50 ans), notamment en l’absence de facteur de
risque cardiovasculaire surajouté.
Étape préanalytique
Devant toute pathologie thrombotique (artérielle ou
veineuse), la récidive documentée d’une thrombose Les tubes à prélever pour la recherche de LA
malgré le traitement antithrombotique bien conduit contiennent du citrate ou du CTAD. Les analyses
peut indiquer la recherche d’un SAPL. sont réalisées sur le plasma obtenu après double
centrifugation en frais, ou décongelé si congelé dans
Pathologie microcirculatoire les quatre heures après le prélèvement. Seul un cycle
Présence de signes cliniques évocateurs d’une atteinte de congélation-décongélation est possible.
de la microcirculation (livedo, ulcération cutanée, Pour la recherche des aCL et aβ2GPI, les conditions
ischémie myocardique sans lésion coronaire, etc.). préanalytiques sont beaucoup moins contraignantes :
tube sec ou tube citrate, simple centrifugation, jusqu’à
cinq cycles de congélation-décongélation possibles [16].
Pathologie obstétricale
Pathologie associant des fausses couches répétées avant Étape analytique
dix semaines de grossesse, une mort fœtale in utero ou
encore une prééclampsie sévère ou éclampsie. Recherche de LA par méthodes
coagulométriques : généralités
Pathologies associées à la présence Pour cette recherche, chaque laboratoire doit mettre
d’aPL en œuvre deux types de tests : un test de type TCA
Dans ce cas, les patients ne déclarent pas de signes et un test de type dRVVT. En effet, aucun test n’étant
cliniques évocateurs de SAPL mais présentent une 100 % sensible, un seul type de test négatif ne permettra
pathologie, le plus souvent auto-immune (comme le pas de conclure à l’absence de LA.
lupus érythémateux systémique par exemple) à laquelle Pour ceux de type TCA, il faudra s’assurer de la bonne
s’associe fréquemment des aPL et dont la présence sensibilité du réactif aux LA.
modifie l’attitude thérapeutique (instauration d’une Pour chaque type de test, il est souhaitable d’avoir un
thromboprophylaxie primaire). couple de réactifs : l'un de dépistage avec une faible
concentration en phospholipides qui permet de majorer
la compétition entre les facteurs de coagulation et les
Diagnostic biologique éventuels anticorps présents et l'autre de confirmation,
avec le même activateur mais contenant une plus forte
du SAPL concentration en phospholipides, qui, s’il est raccourci,
voire normalisé, va permettre de mettre en évidence
Un chapitre des propositions du GFHT 2020 sur la le caractère phospholipide-dépendant de l’allongement
recherche d’une thrombophilie biologique est consacré
du test de dépistage.
au diagnostic biologique du SAPL [15].
Dans chaque série, les tests de dépistage et de
La recherche des aPL se décompose principalement en
confirmation seront réalisés sur un pool de plasma
trois paramètres :
normal. Ces temps dit “témoin” serviront à calculer
◗ anticoagulant de type lupique (recherche et les ratios de chacun et le ratio de ces ratios (ratio
identification) code acte 1020 B200 ; normalisé).
◗ anticorps anticardiolipide (IgG et IgM) code acte 1460 Plusieurs temps de coagulation sont à paramétrer pour
B67 par isotype ; chacun des types de test :

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◗ temps du “malade” avec réactif de dépistage (M dep) ; s’agir d’un LA "puissant" mais aussi d’interférences
◗ temps du “témoin” avec réactif de dépistage (T dep) ; liées à des déficits en facteurs (AVK ou autres déficits
en facteur de coagulation). Dans le premier cas,
◗ temps du “malade” avec réactif de confirmation
l’ensemble de la démarche pourra être recommencé
(M conf) ;
sur le mélange 1:1 et le résultat final restera positif,
◗ temps du Témoin avec réactif de confirmation dans le deuxième cas, s’il s’agit d’une fausse positivité,
(T conf) ; le test de dépistage sur le mélange sera le plus souvent
◗ temps du mélange 1:1 M+T avec réactif de dépistage négatif [19]. Les autres situations peuvent être difficiles
(M+T dep) ; à interpréter et une recherche systématique de toutes
◗ temps du mélange 1:1 M+T avec réactif de les causes pouvant interférer avec le résultat doit être
confirmation (M+T conf). entreprise.
Une conclusion pour chaque type de test peut être
Avec les ratios suivants :
indiquée mais la synthèse générale de la recherche de
◗ ratio M dep / T dep (R1) ;
LA (présence ou absence) doit figurer clairement sur
◗ ratio M conf / T conf (R2) ; le compte rendu.
◗ ratio R1 / R2 (R3) ;

◗ ratio M+T dep / T dep (R’1) ; Recherche de LA par méthodes


◗ ratio M+T conf / T conf (R’2) ;
coagulométriques : interférence
des traitements anticoagulants
◗ ratio R’1 / R’2 (R’3).
Cette recherche est rendue très difficile par les
Remarque : le test Staclot LA est un test intégré interférences liées aux traitements anticoagulants. Il est
particulier dont le résultat est la différence, en secondes, recommandé, autant que possible, de prélever ce type
des temps de coagulation du mélange 1:1 avec ou sans de recherche en dehors de tout traitement :
phospholipides hexagonaux. ◗ Pour les interférences liées aux héparines, on peut
La démarche diagnostique en trois étapes a évolué envisager l’utilisation de réactifs contenant des
entre les recommandations internationales de 2009 et inhibiteurs (polybrene ou autre) en connaissant leurs
les plus récentes datant de 2020 [17,18]. Elle est la limites d’utilisation ;
même pour chaque type de test et l’étape de mélange
◗ En cas de traitement par AVK (hors surdosage), mais
qui visait à mettre en évidence l’activité inhibitrice des
LA occupe une place sensiblement différente résumée aussi en cas de déficits en facteurs d’une autre origine,
ci-dessous : le test de dépistage et éventuellement le reste de la
◗ l’étape de confirmation sera mise en œuvre seulement
démarche peut être fait directement sur le mélange
si l’étape de dépistage (R1) suggère la présence d’un (M+T) ;
LA et quel que soit le résultat de l’étape de mélange ◗ Les anticoagulants oraux directs (AOD), même en
(utilisation du réactif de dépistage sur un mélange 1:1 faibles concentrations (concentrations résiduelles
du plasma du malade avec un pool de plasma normal) avant prise suivante ou concentrations inférieures au
(R’1) ; seuil de sécurité hémostatique, voire inférieures au
◗ l’étape de confirmation sera répétée sur un mélange
seuil de détection des techniques chromogéniques
1:1 (R’2) si le résultat du test de confirmation (R2) classiquement utilisées dans les laboratoires
d’hémostase), interfèrent fortement avec les tests
est allongé, ce qui permet de diminuer de manière
de recherche des LA. Ils ne sont pas adsorbés par
importante les résultats faussement positifs, que ce
les inhibiteurs d’héparine et le mélange 1:1 avec un
soit en présence d’un traitement par un antagoniste
plasma normal ne permet que de diminuer par deux la
de la vitamine K (AVK) ou non [19].
concentration interférante mais pas de s’affranchir de
En pratique : l’interférence [20]. Les expériences réalisées sur des
◗ 1. Si le ratio du test de dépistage (R1) est inférieur plasmas surchargés avec des concentrations croissantes
au seuil, le type de test en question est rendu négatif de dabigatran montrent un allongement important et
et la démarche doit être effectuée avec un deuxième dose-dépendant des temps de coagulation obtenus
type de test. avec PTT LA, Staclot® dRVV Screen et Staclot® dRVV
◗ 2. Si le ratio du test de dépistage (R1) est supérieur Confirm (Diagnostica Stago), avec un ratio Screen/
au seuil et le ratio du test de confirmation (R2) est Confirm également croissant [21]. Les AOD anti-Xa,
normal, le résultat du test sera celui du ratio normalisé rivaroxaban et apixaban, quant à eux, interfèrent peu
(R3). Si le ratio normalisé est positif, la recherche de LA sur le test en PTTA LA jusqu’à 100 ng/ml mais de
peut être rendue positive et s’il est négatif, la démarche manière significative sur les tests de type dRVVT.
doit être effectuée avec un deuxième type de test. L’allongement relatif du test de confirmation étant plus
Une attention particulière est requise sur le résultat du faible que celui du test de dépistage, l’interférence va
ratio de confirmation (R2) car, s’il est allongé, il peut se traduire, comme pour le dabigatran, par des faux

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Anticorps en hémostase
positifs. Pour l’apixaban, en revanche, l’allongement exemple à l’absence de parallélisme ou “effet dilution”
relatif du test de confirmation étant plus important observé sur les dosages de facteurs VIII, IX et XI,
que celui du test de dépistage, la résultante sur le peut conduire à une discussion clinico-biologique et,
ratio pourra se traduire par des résultats faussement si la prise en charge du patient est susceptible d’être
négatifs [22,23]. Les interférences peuvent varier modifiée par le résultat de l’analyse, une recherche
en fonction des réactifs utilisés [23]. Si le risque complète avec les réactifs dédiés prescrite en dehors
thrombotique associé est acceptable, la suspension de tout traitement anticoagulant pourra être envisagée.
du traitement par AOD pendant au moins 72 heures
(fonction rénale normale) peut être proposée La recherche d’anticoagulants de type lupique est une
analyse complexe mettant en jeu plusieurs types de
avec un dosage de la concentration résiduelle du
réactifs.
médicament pour vérifier l’élimination complète
du médicament avant d’entreprendre la recherche Cette recherche ne peut en aucun cas se résumer à
de LA. Le prétraitement du plasma par du charbon une épreuve de mélange faite sur un TCA.
actif, étudié par de nombreux auteurs, semble une
alternative acceptable [24]. Recherche d’aCL (IgG et IgM)
et aβ2GPI (IgG et IgM) par méthodes
Recherche de LA immunologiques
et allongement du TCA Les dernières recommandations de
Le TCA n’est pas un test à prescrire l’ISTH pour la recherche des aPL
pour la détection d’un LA. Il peut être en phase solide datent de 2014 [25].
utile avec les TP, TT et anti-Xa pour La recherche
Les plateformes automatisées
exclure la présence de traitement d’anticoagulants (chimioluminescence , billes
anticoagulant qui n’aurait pas multiplex, etc.) commençaient
été précisé par le prescripteur
de type lupique ne peut
à apparaitre mais elles sont
mais il ne répond pas à cette en aucun cas se résumer maintenant en place dans la
indication. L’indication principale à une épreuve de majorité des laboratoires.
du TCA est le dépistage d’un Ces plateformes utilisent différents
risque hémorragique associé à une mélange faite s u p p o r t s s o l i d e s ( c u ve t t e s
diminution des facteurs VIII, IX et XI. sur un TCA polystyrène coatées, microbilles
Un TCA normal n’exclut en ou billes magnétiques) et différents
aucun cas un LA. Il n’est pas rare de systèmes de révélation (fluorescence
diagnostiquer la présence d’un LA avec ou chimioluminescence). Elles diminuent
les réactifs dédiés en présence d’un TCA le temps technique de manière importante
normal, même si le réactif utilisé pour le TCA est dit par rapport aux techniques de type Elisa et leurs
“polyvalent”. performances en termes de répétabilité, reproductibilité
En cas d’allongement du TCA préopératoire, le test et comparaison inter-automates entre les laboratoires
dit de correction du TCA désigné “dépistage d’un utilisant la même plateforme sont très appréciables.
anticoagulant circulant” (code acte 0182 B20) est La principale difficulté réside dans le choix des seuils
progressivement abandonné car peu spécifique et ne de positivité et des seuils cliniquement significatifs [26].
permettant pas l’exclusion du risque hémorragique. L'association avec les évènements thrombotiques est
En effet, un TCA allongé corrigé par épreuve de plus forte en cas de titres élevés et d'isotype IgG. Cette
mélange (indice de Rosner < 15 %) oriente vers un notion se traduit dans les critères de classification par
déficit en facteurs et seuls les dosages spécifiques des la seule prise en compte des résultats avec des titres
facteurs VIII, IX et XI permettront de renseigner sur la moyens ou forts mais, dans la mesure où les résultats
possibilité ou non de réaliser le geste invasif. À l’inverse, quantitatifs ne sont pas du tout du même ordre de
un TCA allongé non corrigé par épreuve de mélange grandeur selon les différentes plateformes, il n’est
(indice de Rosner > 15 %) oriente vers la présence pas possible d’utiliser des seuils communs [27]. Ceux
d’un inhibiteur et, sans avoir exclu la présence d’un retenus dans les derniers critères de classification
inhibiteur spécifique de facteur, il ne sera pas non plus sont respectivement à 40 et 80 unités pour le seuil
possible de renseigner sur la possibilité ou non de des titres moyens et forts, avec la mention précisant
réaliser le geste invasif. “basés sur des tests Elisa standardisés”. Un premier
Après avoir exclu toutes les causes d’allongement travail a été effectué pour proposer des seuils avec le
associées à un risque hémorragique qui est la principale système AcuStar/BioFlash qui correspondent aux seuils
indication du TCA, la recherche d’un anticoagulant de de 40 et 80 unités en gardant les mêmes sensibilités et
type lupique peut être envisagée mais cette recherche spécificités [28]. Ceux-ci sont différents pour chacun
doit obligatoirement être prescrite et pas déclenchée des quatre paramètres et ne sont pas utilisables pour
directement par le laboratoire. Une suspicion, liée par d’autres plateformes.

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Dans ce contexte d'hétérogénéité des méthodes, ◗ d’autre part le profil à faible risque thrombotique,
il faudra être très attentif et préférer le suivi des défini par la présence isolée d’aCL ou d’anti-B2GPI,
patients dans un même laboratoire afin de pouvoir notamment à titre faible ou intermédiaire [29].
interpréter les variations de résultats quantitatifs.
Le résultat des tests immunologiques n’est pas influencé Prévention et traitement
par les traitements anticoagulants et peuvent s’effectuer des manifestations
sur un faible volume d’échantillon. thrombotiques
La présence d’un facteur rhumatoïde, d’une hyper-
g ammaglobulinémie ou d’une gammapathie peut
Thromboprophylaxie primaire
Chez les porteurs d’aPL asymptomatiques (sans
interférer avec le test de dépistage des aCL d’isotype
événement thrombotique ni autre critère clinique
IgM.
définissant un SAPL), la thromboprophylaxie
primaire repose toujours sur une dose faible d’acide
Étape post-analytique acétylsalicylique (75-100 mg par jour). Elle est
Le caractère persistant de l’aPL doit être confirmé sur recommandée pour les patients asymptomatiques
un second échantillon prélevé au moins douze semaines présentant un profil sérologique à haut risque. Chez
plus tard. les patients ayant un profil sérologique à faible
À l’issue de ce contrôle, les conclusions intermédiaires risque et atteints de lupus érythémateux systémique,
pour chacun des tests composant la recherche de la thromboprophylaxie primaire par aspirine à faible dose
LA, la synthèse générale de recherche (présence ou est à considérer au cas par cas. Enfin, chez les patientes
absence) ainsi que l’interprétation des titres de chacun aux antécédents de SAPL obstétrical, le maintien d’une
des isotypes pour les aCL et les aβ2GPI peuvent être thromboprophylaxie par aspirine à faible dose est
complétées par la notion de profil biologique intégrant recommandée au décours de la grossesse [29].
l’ensemble. Il est intéressant, en particulier, d’attirer
l’attention du prescripteur sur les profils triple positif Traitement de la thrombose veineuse
surtout s’il s’agit d’IgG (présence de LA associé à des au cours du SAPL
aCL de titre moyen ou fort et des aβ2GPI de titre moyen Pour le SAPL à manifestation thrombotique
ou fort). veineuse, le traitement de référence repose sur
les héparines de bas poids moléculaire (HBPM)
relayées par un AVK (classiquement la warfarine)
Conséquences avec un objectif d’INR entre 2 et 3. Ce traitement
thérapeutiques est le plus souvent reconduit au long cours pour la
prévention de la récidive thrombotique. Néanmoins,
antithrombotiques les recommandations de l’EULAR suggèrent la
possibilité d’une durée d’anticoagulation plus courte,
liées à la présence en accord avec les recommandations internationales
d’antiphospholipides éditées hors SAPL, pour les patients ayant un
événement thrombotique veineux provoqué par un
Les complications thrombotiques sont fréquentes au facteur transitoire et dont le profil sérologique n’est
cours du SAPL et nécessitent une thérapeutique anti- pas à haut risque. En cas de récidive thrombotique
thrombotique adaptée. Le traitement de référence malgré le traitement par AVK (INR 2-3), il est
d’un événement thrombotique repose actuellement d’abord proposé de s’enquérir de l’observance et
sur les dérivés hépariniques classiquement relayés par de l’équilibre du traitement. Si ce dernier point est
un AVK. Ce traitement est, en règle générale, poursuivi vérifié, alors il est suggéré d’ajouter une faible dose
au long cours en prévention secondaire des récidives d’acide acétylsalicylique, ou de majorer les objectifs
thrombotiques. L’identification du niveau de risque d’INR entre 3 et 4, ou encore de relayer le traitement
thrombotique par le profil sérologique permet de par une HBPM [29].
guider la prise en charge thérapeutique des patients
porteurs d’aPL. Les dernières recommandations Traitement de la thrombose artérielle
de l’EULAR, éditées en 2019, définissent le risque En cas de SAPL à manifestation thrombotique
thrombotique associé aux différents profils biologiques artérielle, un traitement par AVK doit être préféré
d’aPL : à l’aspirine faible dose avec un objectif d’INR
compris entre 2 et 3, voire entre 3 et 4 en fonction
◗ d’une part le profil à haut risque thrombotique,
de la balance entre les risques thrombotique
caractérisé par la présence persistante d’un LA isolé et hémorragique. De même, l’adjonction d’une
ou d’une double positivité associant LA et/ou aCL faible dose d’aspirine au traitement par AVK peut
et/ou aβ2GPI ou l’association concomitante des être envisagée au cas par cas. En cas de récidive
trois aPL (c'est-à-dire LA + aCL + aβ2GPI) ; thrombotique artérielle malgré le traitement par

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Anticorps en hémostase
AVK seul, l’adjonction d’aspirine, la majoration des Prévention secondaire
objectifs d’INR à 3-4 ou encore le relais par une Un traitement par aspirine faible dose adjoint à une HBPM
HBPM peuvent être discutés [29]. à posologie thromboprophylactique est recommandé
pendant la grossesse chez une patiente porteuse d’aPL et
Utilisation des anticoagulants ayant trois antécédents de fausses couches précoces avant
oraux directs la dizième semaine de grossesse ou ayant un antécédent
Hors SAPL, par leur profil de sécurité/efficacité de mort fœtale in utero après la dizième semaine
favorable, les AOD sont recommandés en première de grossesse. Pour les patientes ayant un antécédent
intention pour le traitement des événements d’accouchement prématuré avant la 34e semaine de
thromboemboliques veineux. Ainsi, il est fréquent que grossesse du fait d’une éclampsie, prééclampsie ou d’une
le diagnostic de SAPL soit porté alors que le patient est insuffisance placentaire, un traitement par aspirine faible
déjà traité par AOD depuis plusieurs mois, voire années. dose, éventuellement associé à une HBPM à posologie
Les événements thrombotiques artériels in situ sont plus thromboprophylactique, est recommandé, en fonction
rares et l’utilisation des AOD dans ce contexte est peu de l’évaluation des risques. Le traitement par HPBM
documentée en dehors de la prévention des embolies à posologie thromboprophylactique sera poursuivi
systémiques en cas de fibrillation auriculaire. Au six semaines post-partum chez les patientes en ayant
regard des résultats des essais contrôlés l’indication pendant la grossesse. Enfin, un
randomisés et des méta-analyses, au cours traitement par HBPM à posologie curative,
du SAPL, l’utilisation des AOD pour la associé à de l’aspirine faible dose, est
prévention des AVC ou thromboses recommandé chez les patientes
artérielles d’autres sites n’est ayant un antécédent de SAPL
pas recommandée. En effet, un Pour les aCL thrombotique [29].
surrisque thrombotique semble et les aβ2GPI,
exister chez ces patients, Conclusion
notamment pour le rivaroxaban, préférer le suivi
comparativement au traitement dans un même Le SAPL est une pathologie au
par warfarine [30]. Chez les croisement de plusieurs spécialités
patients atteints de thrombose laboratoire
médicales dont le diagnostic repose
veineuse au cours du SAPL, les sur l’association de signes cliniques,
AOD semblent prévenir la récidive potentiellement polymorphes et à la
thrombotique veineuse mais pas présence d’aPL. Le diagnostic nécessite
artérielle. Dans la méta-analyse de Dufrost donc l’interaction de compétences cliniques
et al., 58 % des patients ayant présenté une et biologiques spécialisées ayant une expérience dans
récidive thrombotique artérielle malgré le traitement la prise en charge de ces patients. À ce jour, de nombreux
par AOD avaient un antécédent de SAPL “veineux”, et efforts sont faits sur le plan clinique et biologique afin de
la moitié de ces patients présentaient une biologie aPL préciser les critères diagnostiques dans le but d’optimiser
triple positive. Ainsi, les recommandations actuelles la prise en charge thérapeutique des patients et d’en
proposent l’utilisation des AVK plutôt que des AOD améliorer l’évaluation au sein d’essais cliniques. QQ
pour les patients à haut risque : triple positivité des
aPL, antécédent de thrombose artérielle, atteinte Déclaration de liens d’intérêts : les auteurs déclarent
microvasculaire, atteinte d’organe ou encore porteurs ne pas avoir de liens d'intérêts.
d’une valvulopathie cardiaque. En revanche, chez un
patient traité depuis plusieurs mois par AOD pour
un SAPL “veineux” avec une bonne efficacité clinique, Points à retenir
ce traitement peut être poursuivi après discussion
avec le patient et exposition des bénéfices et des ◗tLa définition du syndrome du SAPL fait appel à des
risques [31]. compétences cliniques et biologiques.
◗tDe nouveaux critères clinico-biologiques de
SAPL et contexte obstétrical classification du SAPL sont disponibles depuis
2023.
Prévention primaire
Chez les patientes porteuses d’aPL persistants à ◗tLes titres d'aPL, leurs éventuelles associations,
douze semaines, sans antécédent thrombotique ni ainsi que leur persistance sont des éléments
obstétrical (c'est-à-dire biologie antiphospholipide indispensables au diagnostic biologique du SAPL.
isolée), un traitement par aspirine faible dose ◗tAu cours du SAPL, la conduite du traitement
(75-100 mg/jour) peut être proposé pour la prévention antithrombotique est à adapter au profil du patient.
de la pathologie vasculo-placentaire [29].

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