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Les droits des homosexuels en Europe

2016

SAN 3|16 SWI SS A I D S N E WS MÉDECINE | SOCIÉ TÉ | DROIT Etre gay en 2016. Facile? ÉDITORIAL SAN 3|16 SW I S S A I D S N E WS MÉDECINE | SOCIÉ TÉ | DROIT Etre gay en 2016. Facile? Le photographe et artiste Patrick Mettraux a bien voulu mettre ses talents à notre disposition pour les collages. patrickmettraux.com IMPRESSUM Edité par Aide Suisse contre le Sida (ASS) Office fédéral de la santé publique (OFSP) Rédaction Brigitta Javurek (jak), journaliste RP, rédactrice en chef Dr jur. LL. M. Caroline Suter (cs) BLaw Cliff Egli (ce), MLaw Julia Hug (jh) lic. phil. Stéphane Praz (sp) Fabien Bertrand (fbe) Nathan Schocher, chef programme personnes vivant avec le VIH (nsch) Andreas R. Ziegler Alexander Bücheli Chère lectrice, Cher lecteur, La Suisse n’est pas une île, mais un navire privilégié qui vogue habilement sur les mers du monde avec des cales encore bien remplies. Son taux de chômage est bas, le produit national brut élevé, l’interconnexion est bonne et la protection des minorités est garantie. Est-ce à dire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes? La revue Swiss Aids News a cherché à savoir s’il était facile d’être homosexuel en 2016 et donne ici la parole à des auteurs engagés. Andreas Lehner parle de la campagne #undetectable destinée aux gays, lancée voilà plus d’une année maintenant. Le chef du programme HSH à l’Aide Suisse contre le Sida explique ce que signifie «indétectable» pour les personnes séropositives, et pour les homosexuels en particulier. De son côté, Alexander Bücheli a écrit un texte engagé sur le chemsex, expliquant pourquoi il vaut mieux aborder le phénomène de front. Quant à Andreas Ziegler, il brosse un tableau des droits des homosexuels en Europe et en Suisse, avec le constat que tout n’est pas toujours facile. Nous avons également interviewé Emmanuelle Boffi au sujet de la PrEP ou prophylaxie pré-exposition qui consiste, pour une personne séronégative, à prendre des médicaments antirétroviraux à titre préventif pour se protéger d’une éventuelle infection par le VIH. Ci-contre, Tobias Urech décrit en toute franchise ce que signifie être jeune et gay en 2016. Enfin la revue se termine, comme à l’accoutumée, par les articles toujours très riches d’enseignements signés Caroline Suter, juriste à l’ASS, consacrés en l’occurrence à la protection des données sur internet. A propos, la revue Swiss Aids News a eu droit à un léger lifting. Elle a gagné en clarté et est désormais plus agréable à lire. C’est du moins notre avis. Qu’en pensez-vous? Nous serons heureux de recueillir vos réactions. Rédaction photo Mary Manser Version française Line Rollier, Bussigny-près-Lausanne Daniel Seiler, Directeur de l’Aide Suisse contre le Sida Conception graphique et mise en pages Ritz & Häfliger, Visuelle Kommunikation, Bâle SAN no 3, octobre 2016 Tirage: 2700, parution trois fois par an © Aide Suisse contre le Sida, Zurich Les SAN bénéficient du soutien de l’Office fédéral de la santé publique Pour vos communications Rédaction Swiss Aids News Aide Suisse contre le Sida Stauffacherstrasse 101 CH-8004 Zürich Tél. 044 447 11 11 san@aids.ch, www.aids.ch SOM M AI RE 0 S O C IÉ T É Homo, c’est O.K.? 3 Visite guidée au zoo, série en dvd, 19 Nous prenons les choses en main 6 livres Planer – sexe sous drogues Swiss Aids News 3 | octobre 2016 12 L A F L EU R DE L’ÂGE Au-delà du jeunisme M É D ECI NE PrEP: la panacée? 20 10 DROI T / FORU M D RO IT I NT ERNAT I ONAL Les droits des homosexuels en Europe 2 P ÊL E- MÊL E 16 Protection des données personnelles sur internet 21 SOCIÉTÉ Tobias Urech © Dominik Huber (22 ans) fait des études d’histoire et de genre à Zurich et à Bâle. Il travaille depuis trois ans comme rédacteur en chef de la revue Milchbüechli qui s’adresse aux jeunes et est actif au sein de l’association «Milchjugend». Homo, c’est O.K.? Corine Mauch l’est, tout comme Sven Epiney. Ou encore Walter Andreas Müller, et même Hans-Ueli Vogt. Personnalités politiques ou médiatiques, toutes vivent ouvertement leur homosexualité, et il semble que ce soit bien ainsi. Pas d’hostilité, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais est-ce vraiment O.K. d’être homosexuel dans la Suisse d’aujourd’hui? Comment vit-on en Suisse en tant que jeune gay? Témoignage. Je sirote une bière dans un bar gay zurichois branché, entouré d’amis. Nous bavardons et plaisantons. Juste avant, j’ai passé dans une boutique où la vendeuse m’a conseillé pour le choix d’un nouveau maquillage en vue de ma prochaine sortie en drag queen. Et avant cela, j’étais à l’Uni où j’ai raconté mon week-end à mes copains et copines d’études, en leur disant avec quel homme je l’avais passé. Je me sens accepté, même conforté dans mon rôle d’homosexuel dans cette métropole suisse qu’est Zurich. Mon homosexualité ne semble faire ni chaud ni froid à qui que ce soit. Mon dernier «vrai» coming out, du style «Dites, il faut que je vous dise quelque chose», doit dater d’il y a plusieurs années chez mes parents. Puis plus rien. Acceptation pure et simple. Mais est-ce bien vrai? Ou les apparences sont-elles trompeuses? Clivage ville-campagne Pour moi qui ai grandi dans une petite ville de province, Zurich a été le paradis au début. Personne ne me regarde parce que je m’habille différemment des autres hommes ou que je gesticule davantage quand je rigole avec une amie. C’est vrai, il y avait aussi des exceptions dans ma ville de province, des camarades d’école très ouverts par exemple. Mais l’ambiance générale était et reste différente loin de la métropole. La vie semble s’y écouler de manière plus linéaire et plus conformiste puisqu’on part du principe qu’un homme épousera un jour une femme, qu’il lui fera des enfants et Swiss Aids News 3 | octobre 2016 3 SOCIÉTÉ Bien sûr, la reconnaissance juridique génère l’acceptation. Mais les changements sociétaux sont lents à se concrétiser face à l’urgence des problèmes auxquels la jeunesse est confrontée. qu’il pourvoira à l’entretien de la famille. En échange, la femme aura le droit de s’occuper du ménage, à la rigueur de travailler à temps partiel – exceptionnellement. L’homosexualité, c’est seulement sur RTL. Je pense à la différence avec ma patrie d’adoption où les hommes aussi passent l’aspirateur et où les femmes s’activent non pas aux fourneaux, mais à la tête de leurs entreprises. Ce qui manquait, dans la ville où j’ai grandi, c’était la visibilité. Bien sûr, je n’étais pas le seul «gay du village». Mais l’atmosphère ne se prêtait pas au coming out. Vouloir s’écarter du chemin tout tracé aurait probablement débouché sur un rejet violent, rejet qu’un ado ne peut pas se permettre. D’où l’importance aujourd’hui, pour les jeunes LGBT, des modèles qui vivent ouvertement leur sexualité «différente», comme les personnes citées en tête, et des groupes de jeunes qui offrent un espace de sécurité où chacune et chacun peut découvrir son identité sans avoir peur d’être démasqué. Un Etat qui se soucie de nous Un enseignement de la biologie un tant soit moins hétéronormatif m’aurait déjà aidé à briser les stéréotypes des sexes et les clichés dans les têtes des gens. Car d’innombrables LGBT sont démolis chaque année par ces stéréotypes – un jeune homosexuel sur cinq a déjà essayé de se suicider (on ne dispose malheureusement d’aucune statistique pour les trans). Je vis dans un pays qui a inscrit dans sa Constitution le droit des jeunes à une protection particulière, mais qui oublie apparemment les jeunes LGBT. Car où sont les brochures de l’Etat sur le coming out destinées aux écoles, où les centres de consultation adéquats? Cela se veut aussi une petite pointe contre de grandes associations LGBT de Suisse dont l’unique revendication, telle un mantra, est l’accès au mariage. Mais à quoi sert à une jeune lesbienne trans de seize ans, qui souffre dans un environnement hostile, de savoir qu’un jour elle pourrait peut-être se marier? 4 Swiss Aids News 3 | octobre 2016 Bien sûr, la reconnaissance juridique génère l’acceptation. Mais les changements sociétaux sont lents à se concrétiser face à l’urgence des problèmes auxquels la jeunesse est confrontée. Nous devons continuer à nous battre Mais j’ai au moins réussi à un endroit où je suis accepté. Ou bien où les «îlots d’acceptation» sont, disons, plus grands que dans ma ville d’origine. Car pour en revenir à la question initiale: non, bien sûr que tout ne baigne pas non plus à Zurich. On s’en rend compte, en tant que gay, au plus tard au moment où on se dévoile en tant que tel. Alors oui, je me suis habitué à être dévisagé quand je me promenais dans les rues avec mon ami d’alors. Même les injures hautement spirituelles du style «pédé» ont fini par me laisser indifférent. Ce qui a été dur, ça a été d’être pris un soir sous une déferlante de boisson énergisante projetée sur nous par une bande de loubards alors que nous nous embrassions à la gare. Mais bon, de manière générale, on vit plutôt bien en tant qu’homme cis gay dans cette bulle zurichoise qui est la mienne. Toutefois, j’avoue que je ne sors pas tellement de la norme. Si j’étais lesbienne ou transgenre, ma vie serait sûrement plus difficile. Voilà pourquoi nous devons poursuivre le combat, nous autres les jeunes, et ne pas nous contenter des objectifs atteints par la génération précédente. Mais je me dis que nous pouvons au moins les apprécier. Alors je me lève et je me commande une nouvelle bière au bar tout en songeant avec satisfaction à mon maquillage de cet après-midi. GESUNDHEITSZENTRUM FÜR DIE COMMUNITY CENTRE DE SANTÉ COMMUNAUTAIRE Komm zu uns, sprich mit uns, lass dich beraten und teste dich Le lieu privilégié pour faire le point sur votre santé sexuelle myCHECKPOINT.ch Checkpoint Zurich Checkpoint Basel Checkpoint Genève Checkpoint Bern Checkpoint Vaud Konradstrasse 1 8005 Zürich So 16-20 Uhr, Mo 14-20 Uhr, Di & Do 09 -17Uhr, Mi & Fr 12-20 Uhr +41 44 455 59 10 Clarastrasse 4 4058 Basel Di & Fr 17–21 Uhr +41 61 685 95 58 Rue du Grand-Pré 9 1202 Genève (Grottes) Lu & Me16h-20h, Ve 12h -16h +41 22 906 40 30 Monbijoustrasse 32 3011 Bern Ohne Voranmeldung Mo 13–17 Uhr Termine zu anderen Zeiten mit Voranmeldung +41 31 390 36 46 Rue du Pont 22 1003 Lausanne Lu 12h-16h, Me & Ve 16 -20h +41 21 631 01 76 SOCIÉTÉ «Nous prenons les choses en main» Une campagne se focalise pour la première fois sur une chose connue depuis un certain temps déjà dans les milieux professionnels: les patients séropositifs sous traitement efficace ne transmettent pas le VIH par voie sexuelle. La campagne #undetectable lancée en décembre 2015 s’adresse aux homosexuels. Andreas Lehner, responsable de la campagne, évoque ici le contexte et les premières réactions. INT ERVIEW Andreas Lehner, l’élément clé de votre campagne est le terme undetectable, précédé du hashtag#. Quel est le message que vous voulez transmettre? Andreas Lehner: Undetectable signifie «indétectable». Nous voulons dire par là que les séropositifs dont la charge virale n’est plus détectable grâce au traitement antirétroviral efficace ne transmettent pas le VIH par voie sexuelle. Ne devrait-on pas dire plutôt «non transmittable» ou «non transmissible»? Undetectable pourrait être mal interprété et laisser entendre qu’on ne peut tout bonnement plus déceler une infection par le VIH. Tout le monde n’est peut-être pas encore familiarisé avec ce terme, mais il s’est imposé aux Etats-Unis et dans d’autres pays, et en particulier sur les sites de rencontre en ligne destinés aux gays. Nous ne faisons que le reprendre et le renforçons, en lui donnant pour ainsi dire un poids officiel. Ce qui est bien, c’est qu’il existe des traductions dans presque toutes les langues. En un seul mot, nous en venons au fait: les personnes séropositives sous traitement efficace ne transmettent pas le VIH par voie sexuelle. A qui s’adresse ce message, et dans quel but? Notre campagne s’adresse à tous les homosexuels. Tous doivent connaître et assimiler ce message afin que les séropositifs ne soient plus considérés comme un danger potentiel et un foyer d’épidémie et qu’eux aussi cessent de se 6 Swiss Aids News 3 | octobre 2016 voir comme tels. En effet, c’est une façon de voir très éprouvante qui est à l’origine de problèmes psychiques et d’isolement social pour de nombreux séropositifs. #undetectable est donc ce que l’on appelle une campagne d’image qui améliore l’image générale des séropositifs, mais aussi celle qu’ils ont d’eux-mêmes, ce qui les encourage et les soutient? Avant tout, oui. Simultanément, le message central est important aussi pour la prévention. Si le VIH est moins stigmatisé, les gens ont moins peur de faire le test. S’il y a davantage de tests, davantage de séropositifs reçoivent le traitement et ne transmettent plus le virus. Cette perspective motive aujourd’hui déjà un bon nombre de séropositifs à commencer le traitement rapidement. Cela leur permet de vivre une vie sexuelle normale et d’avoir des rapports sans préservatifs et sans craintes. Certains professionnels restent sceptiques vis-à-vis de l’abandon du préservatif, depuis que cette possibilité a été évoquée publiquement pour la première fois dans la Déclaration suisse de 2008. Ils redoutent un encouragement des rapports sans préservatif. Nous sommes en effet au courant au moins depuis 2008 d’une découverte capitale pour les séropositifs comme pour la prévention. La taire ou n’en parler qu’à mots couverts serait une erreur. Chez les gays qui sont très intéressés par la question, cela ne ferait qu’encourager les demi-vérités et les idées fausses, ce qui ne rend pas service. Ne craignez-vous pas que la campagne soit interprétée comme un appel aux rapports sexuels sans préservatifs? Parce que la tendance à se protéger diminue? Non, les homosexuels se protègent toujours très bien. Mais à l’heure actuelle, la pratique du sexe anal est bien plus fréquente qu’il y a quelques années encore. L’enquête Gaysurvey, réalisée à intervalles réguliers, révèle que seuls environ 30 pour cent des homosexuels avaient encore des relations anales dans les premières années de l’épidémie de VIH. Avec ou sans préservatif, la peur du VIH était énorme. Mais elle a beaucoup diminué ces dernières années étant donné que la maladie n’est plus mortelle. Aujourd’hui, environ 80 pour cent déclarent pratiquer le sexe anal. Même si la très grande majorité utilise des préser- © Marilyn Manser Au contraire. Nous prenons les choses en main, informons en toute honnêteté et sans rien omettre. Dans le cadre de la campagne, nous donnons toutes les informations requises, y compris au sujet du préservatif. Nous disposons aujourd’hui de trois outils de prévention majeurs pour le groupe cible des gays: le préservatif, la PrEP (prise d’antirétroviraux à titre préventif pour une personne séronégative) et la protection au moyen du traitement au stade indétectable. Il est crucial d’utiliser tout ce qui est à notre disposition. Andreas Lehner Andreas Lehner est vice-directeur et chef du programme HSH (hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes) à l’Aide Suisse contre le Sida. Après une carrière dans le marketing, il a choisi de travailler dans différents domaines liés au VIH depuis plus de dix ans. Il a terminé voilà deux ans des études de master en cours d’emploi dans la prévention et la promotion de la santé à la Haute école lucernoise. Swiss Aids News 3 | octobre 2016 7 SOCIÉTÉ vatifs, les rapports non protégés ont bien sûr augmenté en nombre absolu. Mais en même temps, un nombre bien plus grand de séropositifs sont aujourd’hui sous traitement efficace, donc ils ne transmettent plus le virus. C’est exact. Il faut dire haut et fort que des rapports non protégés avec un séropositif sous traitement sont sûrs en ce qui concerne le VIH, mais qu’ils sont en revanche très risqués avec un homme qui ne connaît pas son statut VIH. Mais nous disons aussi clairement que si, sous traitement efficace, on ne peut plus contracter le VIH lorsque l’on renonce au préservatif, on peut toujours contracter d’autres infections sexuellement transmissibles. Et cela vaut pour les deux partenaires. #undetectable est la première campagne à faire ces affirmations publiquement. Y a-t-il eu des réticences au sein de l’association Aide Suisse contre le Sida ou chez des partenaires? De nombreux débats ont eu lieu. Il y avait clairement des partisans et des opposants. Mais les questions critiques nous ont aidés à planifier la campagne avec toute la prudence requise étant donné que nous avons toujours dû nous expliquer et nous remettre en question. L’association tout comme nos partenaires soutiennent désormais pleinement la campagne dans sa forme actuelle. Pouvez-vous déjà nous parler des réactions du groupe cible? Nous en avons eu en direct en juin à l’occasion de la Zurich Pride où nous tenions un grand stand. La campagne retient l’attention. Nous avons entendu «Cool, il était temps que vous y veniez» tout comme «Ça rime à quoi?». Mais les réactions positives ont largement dominé. Pour moi, le plus grand succès a été la réaction d’un séropositif sur Facebook qui a dévoilé son statut en lien direct avec #undetectable. Il a écrit en substance: «Vous voyez, les séropos ne sont pas du tout dangereux. A propos, j’en fais partie.» 8 Swiss Aids News 3 | octobre 2016 La campagne se déroule-t-elle essentiellement en ligne, comme le suggère le hashtag? Internet est effectivement un canal important. Nous sommes présents dans les médias sociaux, sur les sites gays et en bien d’autres endroits du Net. Mais le hashtag a aussi fait son entrée dans les médias imprimés depuis longtemps, surtout chez les jeunes. Il signifie: «Attention, c’est important». «Nous voulons dire par là que les séropositifs dont la charge virale n’est plus détectable grâce au traitement antirétroviral efficace ne transmettent pas le VIH par voie sexuelle.» efficace ne transmettent pas le virus, et pas seulement les gays. Si nous avons lancé la campagne dans un premier temps chez les gays, c’est pour deux raisons: d’abord, c’est un groupe très fortement touché par le VIH. Ensuite, et précisément à cause de cela, nous disposons dans ce groupe d’une bonne infrastructure pour mener une campagne. Voilà pourquoi c’est souvent là que nous testons de nouvelles interventions. Par la suite, lorsqu’une campagne a fait ses preuves, nous l’adaptons à d’autres groupes cibles. Nous agirons de la même manière avec #undetectable. sp Quels sont les autres canaux que vous utilisez? Nous passons des annonces dans des médias gays, nous réalisons des actions sur le terrain dans des clubs et des soirées, nous distribuons des prospectus, placardons des affiches et nous misons sur des cadeaux publicitaires qui vont de l’ourson en gomme aux cartes de jass portant le logo #undetectable. Des cartes de jass? Le jass est-il populaire chez les gays? Pas mal. Et puis, on joue au jass aussi avec des hétéros, ce qui peut générer des discussions intéressantes… Mais nous avons encore d’autres cadeaux pour cibler aussi ceux qui ne jouent pas au jass (rire). Et d’autres suivront. Combien de temps durera la campagne? #undetectable durera plusieurs années. Nous espérons être aisément reconnaissables avec ce mot marquant qui se détache sur fond noir. Nous jouerons là-dessus de différentes manières. Est-il prévu d’étendre la campagne à d’autres groupes cibles? Toutes les personnes séropositives sous traitement Undetectable – la norme chez les séropositifs en Suisse Indétectable – charge virale au-dessous du seuil de détection – undetectable. Toutes ces expressions disent la même chose: la charge virale d’un patient séropositif est abaissée par le traitement antirétroviral au point que les tests usuels ne détectent plus le virus. C’est le cas lorsque les valeurs passent au-dessous de cinquante virus par millilitre de sang. En Suisse, plus de 95% de tous les patients séropositifs traités remplissent ce critère. Leur infection par le VIH n’est pas pour autant guérie, mais elle n’évolue plus. Et surtout: les patients dont la charge virale est indétectable ne peuvent plus transmettre le VIH par voie sexuelle. MÉDECINE PrEP: la panacée? Il y a plusieurs manières de se protéger d’une infection par le VIH. La plus avantageuse consiste à utiliser des préservatifs, la dernière en date se nomme PrEP (prophylaxie pré-exposition). La PrEP est un traitement pour des personnes qui, à un moment donné de leur vie, sont exposées à un risque de VIH élevé. Toute PrEP est précédée d’un entretien avec un médecin dans le but de mettre les choses au clair. C’est au consommateur de payer le médicament de sa poche. IN TERVIEW «Tout débute par une discussion avec un médecin prescripteur, qui va évaluer la pertinence de l’indication à la PrEP. Une fois celle-ci retenue, un bilan sanguin de départ est nécessaire.» Quels sont les moyens de prévention contre le VIH, à l’heure actuelle? E. Boffi El Amari: En l’absence de vaccin efficace pour éviter l’infection par le virus VIH, les moyens de prévention comprennent les éléments suivants: l’utilisation du préservatif, le traitement à un stade précoce de l’infection, afin d’obtenir une charge virale (quantité de virus circulant dans le sang) indétectable. Effectivement les personnes séropositives, dont le traitement est efficace (c’est-à-dire que leur charge virale est en-dessous du seuil de détection, dans le sang, depuis plus de six mois) ne transmettent pas le VIH e. Pour les hommes, la circoncision a également été proposée, mais reste nettement moins efficace. Enfin, il y a la prophylaxie post-exposition, en d’autres termes la PEP. Depuis peu vient s’ajouter à cet arsenal la PrEP, c’est-à-dire la prophylaxie pré-exposition. Il est important de souligner toutefois que le préservatif permet, à moindre coût, de se protéger du virus VIH et participe également à la prévention des autres infections sexuellement transmissibles (IST), ce qui n’est ni le cas de la PEP, ni de la PrEP. Quelle est la différence entre la PEP et la PrEP? La PEP (prophylaxie post-exposition) consiste à prendre une trithérapie (trois médicaments contre le VIH), comme une personne réellement infectée par le virus, durant un mois, après l’éventuelle exposition au VIH. La clef de voûte de ce traitement réside dans la rapidité d’introduction de celui-ci, qui doit se faire le plus vite possible, au plus tard 48h post exposition. Ceci justifie de ne pas 10 Swiss Aids News 3 | octobre 2016 attendre pour consulter un médecin. La PrEP consiste, par contre, à prendre une bithérapie (deux médicaments contre le VIH) avant l’éventuelle exposition au virus et durant toute la durée de celle-ci. En quoi consiste donc cette PrEP? Il s’agit de proposer aux hommes et aux femmes, qui seraient à certains moments de leur vie fortement exposés à un risque d’infection par le VIH, de prendre quotidiennement un comprimé de Truvada® (une pilule qui contient le tenofovir et l’emtricitabine). Tout comme la PEP, cette intervention se fait sous guidance médicale et ne garantit pas 100% de succès. Elle vient s’ajouter aux autres méthodes de «safer sex» (utilisation de préservatifs et dépistages réguliers), mais ne les remplace pas. Comment cela se passe-t-il concrètement? Tout débute par une discussion avec un médecin prescripteur, qui va évaluer la pertinence de l’indication à la PrEP. Une fois celle-ci retenue, un bilan sanguin de départ est nécessaire. Il comprend un dépistage VIH et IST, l’exclusion de l’infection par l’hépatite B ainsi qu’une évaluation de la fonction rénale, entre autres. L’ordonnance sera remise à la personne concernée, qui devra se fournir en Truvada® à sa charge, car en Suisse, cette prescription n’est pas remboursée par la LAMal. Un suivi médical sera mis en place, qui correspond habituellement à un contrôle clinique et de laboratoire tous les trois mois. Dr Emmanuelle Boffi El Amari Docteur Emmanuelle Boffi El Amari, FMH Médecine Interne et Maladies Infectieuses. Actuellement installée en cabinet, en ville de Genève, elle est également médecin responsable du Centre Checkpoint de Genève. Elle a été médecin cheffe de clinique et consultante à l’Unité VIH du service des maladies infectieuses des Hôpitaux Universitaires de Genève. Et l’efficacité? On base cette pratique principalement sur les résultats de trois grandes études: l’étude américaine précurseur iPrEx r, l’étude anglaise PROUD t et la française IperGay u. La première a montré plus de 90% d’efficacité chez les participants, qui suivaient scrupuleusement la prescription quotidienne du médicament; les deux autres 86%. Il est très important de comprendre qu’une excellente adhérence thérapeutique est nécessaire. Les cas d’infections recensés dans ces études l’étaient chez des personnes dont le taux de médicament était sous-optimal ou inexistant dans le sang, au moment du contact à risque. La PrEP s’adresse aux personnes fortement exposées au VIH, de qui s’agit-il? La définition retenue par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) i est celle d’une population pour laquelle l’incidence d’infection est supérieure à 3 pour cent personnes-années. Ceci peut être traduit, dans la pratique, par l’association de pratiques à risques tels la multiplicité des partenaires sexuels, la difficulté à utiliser des préservatifs lors de rapports sexuels anaux ou vaginaux, l’emploi de substances psychoactives, en particulier le «chemsex». A cela s’ajoute, des antécédents d’infections sexuellement transmissibles, comme la syphilis, l’infection par chlamydia, la gonorrhée ou la prescription antérieure de PEP et le fait d’appartenir à une communauté dans laquelle la prévalence de l’infection VIH est plus élevée, en particulier les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes. En Suisse, c’est surtout cette dernière population qui est concernée par la PrEP. Existe-t-il plusieurs façons de prendre la PrEP? Effectivement, si l’étude iPrEx a démontré l’efficacité de la prise quotidienne ininterrompue de Truvada®, l’étude française IperGay a démontré celle de son utilisation intermittente, chez les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes, c’est-à-dire avant, pendant et les deux jours suivant le dernier rapport sexuel à risque. Le choix entre les deux méthodes devrait être discuté avec le prescripteur et prendre en compte la situation de vie de la personne. Existe-t-il une éventuelle toxicité associée à la prise à long terme? La composante de tenofovir dans le Truvada® a été associée à une potentielle toxicité rénale et une modification de la densité minérale osseuse, c’est une des raisons pour lesquelles la personne utilisant une PrEP doit avoir un suivi médical. Il existe une nouvelle formulation de cette molécule, exempte de ces problèmes, mais des étude cliniques doivent encore déterminer si elle pourra être utilisée pour la PrEP. ahs «Ceci peut être traduit, dans la pratique, par l’association de pratiques à risques tels la multiplicité des partenaires sexuels, la difficulté à utiliser des préservatifs lors de rapports sexuels anaux ou vaginaux, l’emploi de substances psychoactives, en particulier le ‹chemsex›.» Références e Vernazza P, Hirschel B, Bernasconi E, Flepp M. Les personnes séropositives ne souffrant d’aucune autre MST et suivant un traitement antirétroviral efficace ne transmettent pas le VIH par voie sexuelle. Bulletin des médecins suisses. 2008;89(5): 165-9. r Grant RM, Lama JR, Anderson PL, McMahan V, Liu AY, Vargas L, et al. Preexposure chemoprophylaxis for HIV prevention in men who have sex with men. N Engl J Med. 2010; 363(27): 2587-99. t McCormack S, Dunn DT, Desai M, Dolling DI, Gafos M, Gilson R, et al. Pre-exposure prophylaxis to prevent the acquisition of HIV-1 infection (PROUD): effectiveness results from the pilot phase of a pragmatic openlabel randomised trial. Lancet. 2016;387 (10013):53-60. u Molina JM, Capitant C, Spire B, Pialoux G, Cotte L, Charreau I, et al. ondemand preexposure prophylaxis in men athigh risk for HIV-1 infection. N Engl J Med. 2015; 373(23): 2237-46. i WHO. Policy brief on oral preexposure prophylaxis of HIV infection (PrEP) 2015. Téléchargeable à l’adresse suivante: www.who.int/hiv/ pub/prep/policy-brief-prep-2015/en. Swiss Aids News 3 | octobre 2016 11 SOCIÉTÉ Planer – sexe sous drogues © Andreas Lehner Le sexe sous l’influence de drogues n’est pas un phénomène nouveau et pas non plus l’apanage d’un mode de vie gay. Les états d’ivresse et d’euphorie ont toujours fait partie des besoins humains. Londres et Berlin sont des hauts lieux du chemsex en Europe. En Suisse, des sex-parties de ce type ont lieu de temps à autre, mais on ne dispose pas de données précises. Le chemsex associé à des médicaments contre le VIH présente des risques à ne pas sous-estimer. Le point sur les faits et les interactions. Alexander Bücheli Alexander Bücheli (M.A.), 40 ans, travaille depuis 2001 dans la prévention et la réduction des risques dans le domaine des drogues à usage récréatif. De 2001 au printemps 2015, il a été responsable de la prévention pour la vie nocturne de saferparty.ch, une offre émanant de la ville de Zurich. Il travaille en ce moment sur mandat pour les réseaux Bar und Club Kommission Zürich, Safer Dance Swiss, Safer Nightlife et Safer Clubbing Schweiz ainsi que comme consultant indépendant pour les questions de prévention et de réduction des risques. Plus d’infos sur www.a-buecheli.ch 12 Swiss Aids News 3 | octobre 2016 Une tendance au goût du jour Plaisir et risque Si le phénomène croît en notoriété, c’est surtout en rapport avec l’apparition d’un sousgroupe du chemsex, le slamming. Le slamming implique la consommation de substances chimiques par voie intraveineuse. Parmi les substances injectées, on trouve essentiellement la méthamphétamine et la méphédrone. Les soirées de slamming n’ont pas lieu dans les clubs, bars ou saunas publics, mais dans le cadre privé, chez des particuliers. On peut présumer que le chemsex et le slamming sont aussi pratiqués en Suisse. Il est toutefois difficile d’évaluer l’ampleur du slamming étant donné qu’il se déroule dans un cadre protégé et qu’il associe deux sujets tabous, le sexe et les drogues. Des connaisseurs font remarquer que l’on rencontre de plus en plus souvent, et pas seulement sur des plateformes en ligne, des termes tels que ChemsFriendly ou Tina, qui font allusion à une affinité pour le chemsex. Il est difficile de dire s’il s’agit là d’un désir concret qui est assouvi dans la réalité ou d’un phénomène de «pornographie cérébrale». Il est tout aussi impossible d’établir le profil d’une personne qui pratique le slamming. Il faut a priori une attirance pour la nouveauté, peut-être aussi une insatisfaction sexuelle pour s’embarquer dans une sex-party privée, et dans le slamming en particulier, étant donné que cela requiert des recherches actives pour savoir où ces soirées ont lieu. Il convient de souligner à cet égard le rôle important que jouent les plateformes de rencontre en ligne telles que Planetromeo ou Grindr qui permettent de trouver des partenaires sexuels ou des soirées festives. Ce qui est sûr, c’est que le slamming n’intéresse qu’un petit groupe de personnes. Comme elles ont un comportement à risque marqué, il est essentiel de les prendre en charge activement. Si cela ne procurait pas du plaisir, personne ne pratiquerait le chemsex. Les substances aident à se connaître soi-même, à donner plus d’intensité au vécu, à faciliter les pratiques et à vivre ses fantasmes. Elles peuvent donc au mieux magnifier une expérience sexuelle et contribuer à une sexualité épanouie. L’attirance vers le slamming s’explique probablement avant tout par la soif de découverte, de nouveauté, qu’il s’agisse du contexte, des pratiques sexuelles ou de la substance absorbée. Si la méthamphétamine est consommée dans ce genre d’occasions, c’est qu’elle a un fort effet euphorique, désinhibant et aphrodisiaque déjà à partir de quelques milligrammes. Des usagers racontent que cette focalisation extrême sur le sexe peut être décrite comme un «tunnel de luxure» dans lequel plus rien n’existe si ce n’est le sexe, où l’on ne ressent pas la douleur et d’où l’on n’émerge que longtemps après. Le sexe sous drogues cumule risque sexuel et risque lié à la substance. Ce dernier est dépendant du type de prise : les substances prises oralement sont difficiles à doser ; quant à l’injection, elle s’accompagne d’un risque de transmission de maladies. Il n’est pas rare que le chemsex se transforme en dépendance, le sexe normal ne suffisant plus pour atteindre la jouissance. Un comportement à moindre risque Le slamming s’accompagnant, comme dans les années 80, d’une consommation par voie intraveineuse, cette pratique suscite bien souvent l’incompréhension, voire une attitude d’intolérance et de rejet. Or, la tolérance est essentielle pour que ces personnes aient des lieux où s’adresser et pour que l’on puisse aborder le phénomène, en toute objectivité et neutra- lité, en visant la réduction des risques. Car si toute consommation de drogues présuppose des risques, celle qui accompagne le chemsex, et plus particulièrement le slamming, est particulièrement risquée. Un comportement à moindre risque peut faire qu’on ne prenne pas de risques inutiles. Il faut pour cela donner des informations qui soient fondées sur des faits, et non sur la morale, et s’appuyer sur le concept «Drug, Set and Setting», complété par les approches liées à la consommation (avant, pendant et après) et au sexe. L’élément «drug» concerne tout ce qui a affaire avec la substance. L’élément «set» se concentre sur la personne et son état de santé, y compris son statut VIH. L’élément «setting» prend en compte les lieux de la consommation. Dans le cas du chemsex, il convient de savoir si l’hygiène y est correcte et si le matériel pour le safer sex est dispo- Si cela ne procurait pas du plaisir, personne ne pratiquerait le chemsex. Les substances aident à se connaître soi-même, à donner plus d’intensité au vécu, à faciliter les pratiques et à vivre ses fantasmes. nible. S’agissant du sexe, il est essentiel, avant la consommation, de réfléchir aux fantasmes que l’on cherche à assouvir et à d’éventuels tabous. Les connaître permet d’éviter, en état d’euphorie, de se laisser aller à des choses que l’on regrette ensuite. Après la consommation, il faut comparer ce qui a été vécu avec ce qui était recherché et en tirer un bilan pour un prochain trip combinant sexe et drogues. En outre, suivant les risques encourus, il faut faire vérifier son statut VIH. L’importance des substances La réflexion sur les drogues joue un rôle essentiel dans un comportement à moindre Swiss Aids News 3 | octobre 2016 13 SOCIÉTÉ Il faudrait, avant de la consommer, connaître les effets et la composition véritable de la substance. Comme les substances psychoactives prises avant tout pour l’ivresse qu’elles engendrent sont souvent illégales (à l’exception de l’alcool), elles sont achetées la plupart du temps via des canaux privés. risque. Il faudrait, avant de la consommer, connaître les effets et la composition véritable de la substance. Comme les substances psychoactives prises avant tout pour l’ivresse qu’elles engendrent sont souvent illégales (à l’exception de l’alcool), elles sont achetées la plupart du temps via des canaux privés. Etant donné qu’il n’y a pas de contrôle de la qualité, la composition exacte et la teneur en substance active sont généralement inconnues – ce qui représente un autre risque potentiel si l’on ne recourt pas à une offre de Drug Checking. En ce qui concerne le sexe sous drogues, le plus gros potentiel d’interaction du chemsex réside dans les effets physiques (tels que la relaxation musculaire, l’insensibilité à la douleur et la capacité érectile) ainsi que dans la désinhibition psychique et l’envie de sexe. L’alcool à haute dose est par exemple fortement désinhibant; les fantasmes sont plus faciles à assouvir dans cet état. Le GHB/GBL est myorelaxant, désinhibant et renforce l’envie de sexe. Pour augmenter le potentiel d’interaction sexuel, il n’est pas rare que des substances soient combinées. Chemsex et médicaments contre le VIH Un mélange s’accompagne toujours d’un risque plus élevé. Certaines combinaisons telles qu’alcool et GHB/GBL peuvent même mettre la vie en danger. Les patients séropositifs sous traitement s’exposent également à un risque important. En effet, il s’agit là aussi d’une forme de polyconsommation puisque les substances actives sont décomposées ou métabolisées par les mêmes enzymes. Ainsi, les inhibiteurs de protéase représentent un risque particulièrement élevé, y compris s’ils entrent dans une préparation combinée. Etant donné qu’ils bloquent une enzyme essentielle pour la décomposition de la plupart des stupéfiants, 14 Swiss Aids News 3 | octobre 2016 l’effet de la drogue est bien plus puissant et difficile à évaluer. Le chemsex est une réalité. Dans la plupart des cas, il s’agit d’un enrichissement de la sexualité. Toutefois, comme l’euphorie liée aux drogues et au sexe est très intense, le risque existe que l’on soit tenté de répéter l’expérience trop souvent, créant une forme de dépendance fonctionnelle et émotionnelle. Voilà pourquoi l’un des fondements de la satisfaction sexuelle n’est pas l’expérience des extrêmes, mais les rapports sexuels tout à fait normaux. Chimie et sexualité La chimie et la sexualité sont plus proches et le lien entre elles plus banal qu’on ne le pense. Toutes deux stimulent la libération de neurotransmetteurs dans notre cerveau ou bloquent le processus de réabsorption. L’effet se manifeste psychiquement et/ou physiquement. L’alcool, par exemple, calme l’organisme et entraîne la fatigue, tout en étant désinhibant. Il affiche donc un potentiel d’interaction sexe-drogues à la fois au plan physique et psychique. Vu sous cet angle, on peut partir du principe que la plupart des personnes, qu’elles soient bi, homo ou hétéro, ont déjà eu une fois dans leur vie des rapports sexuels en étant sciemment sous l’influence d’une drogue. ANNONCES «Selbstverständlich out» – so lautet das Jahresmotto von Network. Als schwule Führungskräfte gehen die Networker ganz selbstverständlich mit ihrer Homosexualität um. COMME JE FAISAIS PAS MAL D’ACTIVITÉS AVEC MES COLLÈGUES, JE VOULAIS LEUR PARLER DE MON AMI ET MÊME LE FAIRE VENIR À NOS SORTIES Gerade in der Arbeitswelt übernehmen sie hiermit eine wichtige Vorbildfunktion für andere schwule Männer. In diesem Sinne hat Fotograf Raffi P. N. Falchi mehrere Networker abgelichtet, die ihr Schwulsein im beruflichen und persönlichen Umfeld offen leben. Vom Schwimm- oder Schachclub über KMU bis zur WTO: Es ist schön, wenn Schwulsein nichts anderes mehr als Normalsein bedeutet. Jaime Coghi Arias Mission Permanente du Costa Rica auprès de l’Organisation Mondiale du Commerce PF - 8027 Zürich - T 044 918 30 31 Swiss Aids News 3 | octobre 2016 15 D R O I T I N T E R N AT I O N A L Les droits des homosexuels en Europe Rien n’a bougé pendant longtemps. Mais ces dernières années, un grand nombre de discriminations des homosexuels ont été abolies au plan juridique, en particulier en Europe du Nord et de l’Ouest. Cependant, de nombreux problèmes subsistent, notamment concernant le droit d’adoption et les crimes de haine. zVg Poursuites pénales en Europe Andreas R. Ziegler est professeur de droit international à l’Université de Lausanne. Menant des recherches approfondies sur les droits LGBTI (https://www.unil.ch/dip/home/ menuguid/droit-lgbti.html), il est membre de l’European Commission on Sexual Orientation Law et figure sur la liste d’experts du Conseil de l’Europe (Sexual Orientation and Gender Identity). L’époque des poursuites pénales à l’encontre des homosexuels en Europe est révolue, et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg garantit depuis 1981, à l’échelle de l’Europe entière, que des dispositions pénales à cet égard sont contraires à l’autodétermination sexuelle qui fait partie des droits de l’homme. De ce fait, l’absence de telles dispositions pénales discriminatoires est aujourd’hui une condition d’admission pour le Conseil de l’Europe. Cependant, la Russie a introduit récemment une loi dite anti-propagande qui interdit de donner aux mineurs des informations sur des questions d’orientation sexuelle. Cela a incité d’autres Etats en particulier de l’ex-URSS à lancer des initiatives similaires. Une plainte à ce sujet est actuellement pendante devant la Cour européenne des droits de l’homme. Les violences à l’égard des minorités sexuelles sont par ailleurs extrêmement fréquentes : on parle dans ce contexte de crimes de haine. Ceux-ci sont punis sévèrement dans de nombreux pays d’Europe, mais de loin pas partout. Des dispositions dans ce sens manquent notamment en Suisse, alors qu’elles sont en cours d’élaboration en Allemagne. De grosses différences: mariage et partenariat On observe en Europe un clivage très net estouest et nord-sud concernant l’accès au mariage. Si la péninsule ibérique (Espagne 2005, Portugal 2010), les Pays-Bas (2001), la Belgique (2003), la France (2013), le Luxembourg (2015), les îles britanniques (Irlande 2015, RoyaumeUni à l’exception de l’Irlande du Nord 2014) et 16 Swiss Aids News 3 | octobre 2016 les pays nordiques (Suède et Norvège 2009, Islande 2010, Danemark 2012, Finlande 2017) ont tous ouvert le mariage aux couples homosexuels, la plupart des Etats d’Europe de l’Ouest en restent momentanément au «partenariat enregistré» (Allemagne depuis 2001, la Suisse depuis 2004 et l’Autriche depuis 2009, le Liechtenstein depuis 2011). En Europe du Sud, la Grèce (2015) et l’Italie (2016) n’ont accepté que très récemment des projets de loi du gouvernement afin de créer les bases du partenariat enregistré, et ce en dépit d’une forte opposition. Alors que certains pays d’Europe de l’Est (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Roumanie, Hongrie, Serbie, Bulgarie, Pologne) n’ont toujours pas de réglementation à ce sujet, d’autres Etats d’Europe centrale et orientale sont allés jusqu’à introduire dans leur Constitution des dispositions visant à rendre l’accès au mariage impossible pour les gays et les lesbiennes. C’est arrivé notamment suite à une votation populaire en 2013 en Croatie, en 2014 en Slovaquie et en 2015 en Arménie. D’autres Etats partent du principe que la définition du mariage inscrite dans la Constitution n’autorise pas le mariage entre personnes du même sexe. Même au sein de l’Union européenne, il s’avère difficile d’élaborer des solutions communes compte tenu des grandes divergences dans la perception et l’approbation de l’amour homosexuel. Quoi qu’il en soit, la discrimination des personnes fondée sur l’orientation sexuelle est clairement interdite par la Charte des droits fondamentaux de l’UE (art. 21). En dépit de cette interdiction, les Etats membres ne sont pas tenus, vu l’état actuel de l’harmonisation juridique au sein de l’UE, d’introduire le mariage homosexuel ou le partenariat enregistré. Un pas en avant, un pas en arrière: enfants et adoption Les Etats qui connaissent l’adoption par une personne seule ne peuvent pas la refuser à des homosexuels à cause de leur orientation sexuelle. Toutefois, cela ne signifie pas qu’il existe un droit absolu à l’adoption. L’adoption homoparentale reste interdite dans de nombreux pays. On observe ici aussi que les pays de l’Europe de l’Ouest et du Nord sont les plus avancés à cet égard. La plupart des pays européens qui acceptent le mariage homosexuel autorisent aussi l’adoption de nos jours. Premiers en Europe, les Pays-Bas ont introduit en 2001 le mariage homosexuel et le droit à l’adoption conjointe. Mais d’autres pays comme Andorre, Malte, l’Autriche (depuis 2016) et l’Islande l’ont aussi introduit, alors que le mariage gay n’y a pas encore été accepté. En Suisse, l’adoption par un couple vivant en partenariat enregistré est expressément exclue, alors qu’elle est autorisée pour une personne seule, ce qui est particulièrement choquant. L’Allemagne ne permet pas non plus l’adoption conjointe par des partenaires enregistrés. En Suisse, l’adoption par un couple vivant en partenariat enregistré est expressément exclue, alors qu’elle est autorisée pour une personne seule, ce qui est particulièrement choquant. Hormis l’adoption conjointe ou par une personne seule, il convient d’évoquer aussi l’adoption de l’enfant (généralement né d’une relation antérieure) du ou de la partenaire. Les conséquences d’une telle adoption, notamment en ce qui concerne le statut du deuxième parent d’origine, peuvent être réglées de différentes manières. En Allemagne, la loi sur le partenariat a ouvert en 2001 l’adoption de l’enfant du partenaire également aux couples de même sexe vivant en partenariat enregistré. Par contre, cette possibilité n’a pas été incluse en Suisse en 2004 au moment de l’introduction du partenariat enregistré et elle pourrait l’être a posteriori par le biais d’une modification de la loi, mais le référendum menace pour un débat qui s’annonce très émotionnel. Swiss Aids News 3 | octobre 2016 17 D R O I T I N T E R N AT I O N A L Les discriminations des minorités sexuelles ne se limitent pas aux poursuites pénales et au droit de la famille, mais touchent de nombreux autres domaines, telle l’admission au service militaire, dans l’enseignement ou au don de sang. LECTURE REC OMMANDÉE Droit LGBT – Droits des gays, lesbiennes, bisexuels et transgenres en Suisse: partenariat enregistré, communauté de vie de fait et questions juridiques autour de l’orientation sexuelle et l’identité de genre Ziegler, Andreas R. / Montini, Michel / Copur, Eylem Ayse (éd.), Helbing & Lichtenhahn, Bâle, 2e édition 2015. Toujours d’importantes discriminations Les discriminations des minorités sexuelles ne se limitent pas aux poursuites pénales et au droit de la famille, mais touchent de nombreux autres domaines, telle l’admission au service militaire, dans l’enseignement ou au don de sang. Ces sujets font débat et l’on constate certes une amélioration dans tous ces domaines au cours des dernières années, mais les discriminations subsistent dans bon nombre d’Etats (y compris en Europe). Ainsi, les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes sont en règle générale exclus du don de sang dans de nombreux pays. La Cour de justice de l’Union européenne s’y est opposée en 2015, établissant qu’une telle exclusion ne peut avoir lieu qu’après un questionnaire individuel concernant un comportement à risque concret, et non en raison de la simple appartenance à une minorité sexuelle, même s’il est avéré que le VIH y est plus répandu. Une résistance opiniâtre S’il est du moins officiellement interdit en Europe de poursuivre les homosexuels, de nombreux problèmes subsistent dans certains pays européens: répression indirecte par l’interdiction des parades (p. ex. en Turquie, Russie, Serbie) ou des informations destinées aux jeunes (lois anti-propagande), mais aussi 18 Swiss Aids News 3 | octobre 2016 poursuites insuffisantes contre les crimes de haine. Le traitement juridique du partenariat et du désir d’enfant varie énormément et reste tabou dans de nombreux Etats. Le taux de suicide dans tous les groupes concernés reste effrayant. Les efforts du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne visent une meilleure protection et l’égalité de traitement juridique, mais se heurtent encore souvent à de fortes résistances. Comme les pays d’Europe de l’Est s’ouvrent aussi peu à peu et sont amenés à côtoyer les modèles de vie d’autres Etats, on peut en espérer une baisse des discriminations et de la violence – peut-être trop lente. L’article intégral en allemand est paru pour la première fois dans le numéro d’août 2016 de la revue «Religion & Gesellschaft – In Ost und West», Kirchen und Homosexualität. Cette revue qui présente un grand intérêt peut être commandée sur www.g2w.eu. PÊLE-MÊLE VISITE GUIDÉE AU ZOO On prétend souvent que l’homosexualité est contre nature, et que la sexualité sert avant tout à la reproduction et non au plaisir. Ce sont là des propos de rabat-joie et d’homophobes. En effet, voilà longtemps que des biologistes du monde entier ont prouvé qu’un grand nombre d’espèces animales s’adonnent aux rapports entre individus du même sexe. Nous aimerions recommander à tous les incrédules et à tous les passionnés des animaux de suivre la visite guidée sur le thème «L’homosexualité dans le règne animal». Il s’agit là de visites très instructives que le zoo de Zurich propose à tous depuis quelques années, l’idée étant de découvrir quels sont pour les animaux les avantages des rapports entre individus du même sexe. En effet, l’homosexualité est à l’ordre du jour dans le règne animal et on l’observe chez les pingouins, les girafes, les cygnes, les flamants, les singes, les éléphants et bien d’autres espèces encore. Les visites guidées se font en allemand et en anglais (sur demande également en français et en italien). Pour plus de renseignements: www.zoo.ch/fr/node/801 ou 044 254 25 33 © SHAWSHANK61 / iStock Flamant rose – L’homosexualité dans le règne animal LIVRES © DragonImages/iStock SÉRIE EN DVD © HOB Au bonheur des queer «Looking» Dans la série «Looking» de la chaîne HBO, tout tourne autour des joies et déboires de trois amis gay dans le San Francisco d’aujourd’hui. Le trio se compose de Patrick, designer de jeux vidéo, Dom le sommelier et Agustín qui rêve de devenir artiste. Maladroit en amour, Patrick ne cesse de mettre les pieds dans le plat. Dom rêve d’ouvrir son propre restaurant, mais il a besoin pour cela d’une aide financière. Quant à Agustín, il est tiraillé entre son envie d’emménager avec son compagnon et son penchant pour les drogues. Le réalisateur et scénariste Andrew Haigh s’est fait un nom avec les longs métrages «Week-end» et «45 Years». La série reflète la vie gay de la métropole de manière crédible et les thèmes universels qu’elle aborde, tels qu’amitié, amour, sexe et carrière, font que l’on peut s’identifier rapidement aux personnages. La saison 1 est disponible en DVD en français, le DVD de la saison 2 paraîtra prochainement. La série a été clôturée par un film. «Chez queerbooks.ch, une librairie unique en son genre à Berne qui est la section lesbogay, trans*– et inter* de la librairie Weyermann/Candinas, tu trouves tout ce que peut désirer le cœur queer: des livres, des films, des revues, des livres audio et bien plus encore.» Voilà ce que dit le site internet. La librairie propose en effet tout un éventail d’œuvres à lire, à regarder ou à écouter écouter, dont une sélection en français et en anglais. Les rubriques Sélection lesbienne, Sélection gay, Trans* & inter* ou encore Queer/genre/féminisme regroupent des ouvrages spécialisés, romans, polars, livres illustrés, recueils de photos, DVD et jeux. Toutes les commandes peuvent aussi être passées en ligne. Librairie queerbooks.ch, Herrengasse 30, 3011 Berne Swiss Aids News 3 | octobre 2016 19 R U E L F A L E G Â ’ L E D Au-delà du jeunisme Les jeunes gays s’imaginent qu’il n’y a plus de vie au-delà de cinquante ans. Et pourtant leurs aînés ont quelques avantages sur eux. Une génération pionnière Les gays en sont donc réduits à «s’inventer» leur vieillesse, ce qui leur donne aussi l’occasion de la concevoir autrement. Les gays âgés de plus de cinquante ans font partie d’une génération pionnière. Il existe en effet peu de modèles, historiquement parlant, montrant à quoi ressemble une vieillesse homosexuelle assumée. Les gays en sont donc réduits à «s’inventer» leur vieillesse, ce qui leur donne aussi l’occasion de la concevoir autrement. En vieillissant, on gagne la liberté de s’affranchir des contraintes auxquelles on est encore soumis en tant que jeune gay. Ce sont par exemple la pression de devoir faire carrière ou de répondre aux attentes des proches et des amis. Avec le temps, on a déjà beaucoup vécu et on ne se laisse plus démonter aussi facilement. Comparés aux hétérosexuels du même âge, les gays sont plus rarement impliqués dans des obligations familiales. Eux aussi passent bien sûr du temps en famille, avec leurs frères et sœurs et les enfants de ceux-ci. Mais ils décident plus librement de leur temps que les hommes hétérosexuels ayant leur propre progéniture. Tandis que les hétérosexuels du même âge sont souvent installés à la campagne dans des maisons individuelles, les gays vivent encore en milieu urbain. Des formes d’habitat innovantes pourraient ici contribuer à ce que les homosexuels d’un certain âge puissent mener une vie autonome et malgré tout en communauté. Soigner ses relations Il est important d’entretenir les amitiés, relations ou réseaux sexuels. Ces choses-là se définissent chez un homosexuel autrement que chez un hétéro, et il n’y a pas de raison de changer 20 Swiss Aids News 3 | octobre 2016 en vieillissant. Un grand nombre de gays d’un certain âge disent vivre une sexualité bien plus épanouie qu’avant. Ils se sont familiarisés avec leur corps et ils savent ce qu’ils aiment dans les rapports sexuels. Au-delà des Ours et des hommes en cuir organisés en communautés, un grand nombre d’homosexuels d’un certain âge se retrouvent aujourd’hui pour des activités communes, font du sport et des excursions ou se rendent ensemble à des manifestations culturelles. Mais que se passe-t-il si les souvenirs d’événements pénibles ou une santé se fragilisant viennent rendre la vie plus difficile? Il est plus aisé de le gérer si l’on se distancie de l’image médiatisée de l’homosexuel toujours souriant au corps bodybuildé et que l’on se demande aussi de temps à autre: de quoi puis-je être fier? Qu’ai-je réalisé? Quelles sont les expériences et les connaissances que j’ai accumulées et que personne ne peut me prendre? P.-S. Le prochain numéro de SAN sera entièrement dédié au thème «Vieillir avec le VIH». Avec des articles sur divers sujets: médecine, logement, prévoyance et social. A ne pas manquer! nsch DROIT Protection des données personnelles sur internet Les violations de la protection des données via des réseaux sociaux comme Facebook, Twitter, GayRomeo, etc. ne cessent d’augmenter. La consultation juridique de l’Aide Suisse contre le Sida enregistre également une hausse des déclarations des cas dans lesquels des personnes voient leur séropositivité divulguée sans leur consentement ou sont injuriées, voire menacées. Quelle est la situation juridique en Suisse et quelles sont les possibilités d’agir contre de telles violations de la protection des données? Protection juridique de la personnalité Chacun a le droit de garder secret des faits concernant sa vie privée. Les données très personnelles font partie des données dites sensibles au sens de la loi sur la protection des données. Ce sont par exemple les informations concernant l’orientation sexuelle, la santé ou l’appartenance ethnique. Ces données sont mieux protégées que d’autres. La protection de la sphère privée est inscrite à l’article 13 de la Constitution fédérale. Cette norme constitutionnelle s’accompagne de diverses dispositions légales d’exécution ayant des domaines d’application variables, mais visant toutes le même objectif: la protection de la personnalité. La protection des données est régie essentiellement par le Code civil (CC), la loi sur la protection des données (LPD) et le Code pénal (CP). Ces dispositions légales remontent à une époque où internet n’existait pas encore ou, comme dans le cas de la LPD datant de 1993, n’en était encore qu’à ses balbutiements. Suite au progrès technologique, le nombre de traitements de données a connu une croissance fulgurante au cours des 25 dernières années. Avec internet, il est de plus en plus facile de collecter des données, de les transmettre et de les associer. Simultanément, il devient de plus en plus difficile pour une personne de garder le contrôle sur ses propres données. Dans un rapport datant de 2014, le Conseil fédéral est parvenu à la conclusion qu’il n’était malgré tout pas nécessaire pour l’instant de créer de loi spécifique pour les médias sociaux. Appliquées à bon escient, les dispositions générales contenues dans les lois en vigueur apportent selon lui une réponse adéquate à la plupart des problèmes. L’application du droit en cas de conflit a été jugée difficile, surtout compte tenu de l’orientation internationale de la plupart des plateformes, de la communication souvent anonyme et du problème posé par l’identification de la responsabilité des divers participants (utilisateurs, exploitants de plateformes, fournisseurs de services, etc.). Ainsi, un groupe de travail institué par l’Office fédéral de la justice étudie en ce moment la manière dont la loi sur la protection des données pourrait être adaptée concernant les médias sociaux. Il n’y a pas de données personnelles que l’on puisse transmettre sans condition. Violations de la protection des données Il n’y a pas de données personnelles que l’on puisse transmettre sans condition. Une transmission est autorisée à titre exceptionnel dans certains cas clairement limités: lorsque la personne concernée donne son consentement explicite, qu’une loi le prévoit expressément (ainsi la loi sur les épidémies établit que les médecins et les hôpitaux sont tenus de déclarer les diagnostics de VIH sous forme anonyme à l’autorité cantonale compétente) ou que l’intérêt prépondérant de la personne qui traite les données le justifie. C’est le cas notamment lorsque des données sont transmises concernant une personnalité publique, dans la mesure où ces données se réfèrent à son activité publique et qu’elles sont vraies. En l’absence d’un de ces motifs justificatifs, la transmission de données personnelles constitue une violation de la protection des données. Les violations sur internet ne sont pas différentes des autres. Swiss Aids News 3 | octobre 2016 21 DROIT § SE RV ICE Service de consultation juridique de l’Aide Suisse contre le Sida  Nous répondons à des questions juridiques en relation directe avec une infection à VIH dans les domaines suivants: Droit des assurances sociales Droit de l’aide sociale Assurances privées Droit du travail Droit en matière de protection des données Droit des patients Droit sur l’entrée et le séjour des étrangers Notre équipe est à votre service: mardi et jeudi: de 9 h à 12 h et de 14 h à 16 h. Tél. 044 447 11 11 recht@aids.ch Brochure Protection des données et VIH La nouvelle brochure «Protection des données et VIH» va paraître prochainement. Elle expose les principales réglementations relatives à la protection des données dans le monde du travail, le domaine médical et la sphère privée tout en expliquant comment on peut se défendre contre une violation de la protection des données. La brochure peut être téléchargée sur www.aids.ch. 22 Swiss Aids News 3 | octobre 2016 Toutefois, une violation via les médias sociaux peut avoir des conséquences bien plus vastes étant donné que les informations sur internet atteignent un très grand nombre de personnes en peu de temps. Mesures à l’encontre d’une divulgation contre son gré Si une personne est dévoilée séropositive sans son consentement dans des médias sociaux ou si d’autres données dites sensibles sont divulguées, par exemple l’information concernant son orientation sexuelle, elle peut exiger que la publication soit supprimée immédiatement en déclarant qu’il s’agit là d’une atteinte illicite à la personnalité. Si l’on ne veut pas contacter l’auteur directement ou si celui-ci n’a pas réagi à l’injonction, il faut se mettre en rapport avec l’exploitant de la plateforme. Les possibilités d’établir un contact varient de l’une à l’autre. Souvent, un formulaire est prévu à cet effet. Sur le site www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/ pratique/ se trouve un article intitulé «Comment signaler les contenus violents sur Internet» qui indique la manière de procéder pour les différentes plateformes. Si ces mesures n’aboutissent pas, on peut déposer plainte auprès de la police locale ou du ministère public dans les trois mois à compter de la divulgation. Les délits pouvant entrer en ligne de compte sont la diffamation (propagation d’allégations vraies ou fausses susceptibles de porter atteinte à la considération, art. 173 CP), le cas échéant la contrainte (obliger une personne à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte en la menaçant d’un dommage sérieux, art. 181 CP) ou les menaces (alarmer ou effrayer une personne par une menace grave, art. 180 CP). Comme il s’agit dans les trois cas d’éléments constitutifs d’une infraction, on peut demander conseil dans un centre cantonal de consultation pour l’aide aux victimes avant d’aller à la police. Les adresses se trouvent sur www.aide-aux-victimes.ch. L’application de la loi dépend en bonne partie de la volonté de coopérer qu’affiche l’exploitant de la plateforme. Si une autorité de poursuite pénale intervient, la coopération est généralement meilleure. La procédure est plus compliquée lorsque l’auteur de la violation n’est pas identifiable ou si l’atteinte provient de l’étranger, que l’exploitant de la plateforme ne coopère pas et que les autorités doivent par conséquent faire une demande d’entraide internationale. On peut par ailleurs intenter une action civile (art. 28 CC) pour faire cesser le traitement de données et réclamer, le cas échéant, une indemnité à titre de réparation morale ou des dommages-intérêts. Il est important de sauvegarder immédiatement les contenus incriminés puisqu’il appartient au demandeur Avec internet, il est de plus en plus facile de collecter des données, de les transmettre et de les associer. Simultanément, il devient de plus en plus difficile pour une personne de garder le contrôle sur ses propres données. d’apporter la preuve de la violation de la protection des données. En outre, il est recommandé de faire appel à un avocat étant donné qu’il s’agit de procédures complexes dans lesquelles on doit supporter les risques financiers en tant que demandeur. Le droit à l’oubli Si des informations sont propagées via des médias sociaux, il arrive fréquemment qu’elles apparaissent aussi dans les résultats de moteurs de recherche sur internet (p. ex. Google). Dans un arrêt rendu en 2014, la Cour de justice de l’Union européenne a établi que les exploitants de moteurs de recherche sont responsables du traitement des données personnelles qui apparaissent sur leurs pages internet et qu’ils doivent, sous certaines conditions, supprimer les liens vers ces pages. Par la suite, Google a élaboré un formulaire à l’aide duquel une personne peut demander la suppression des URL auxquelles elle s’oppose (disponible à l’adresse https://support.google.com/legal/contact/lr_ eudpa?product=websearch). Jusqu’à présent, ce n’était possible que pour les versions UE de Google (y compris www.google.ch); depuis peu, c’est valable également pour la version google.com. Si l’on accède à www.google.com avec une adresse IP de l’UE ou de Suisse, on n’a désormais accès qu’aux résultats filtrés. Mais si l’on se connecte depuis un pays non européen, on continue à avoir accès à tous les résultats de la recherche, autrement dit aussi à ceux qui sont bloqués en Europe. cs FORUM X NOUS RÉPONDONS À VOS QUESTIONS Effets du partenariat enregistré découlant du droit social et patrimonial QU E STION ? Monsieur J.S. R É PON SE … Réponse de Caroline Suter, Dr en droit S’agissant des rapports patrimoniaux, le partenariat enregistré est soumis au régime de la séparation de biens. Toutefois, les partenaires peuvent convenir d’une réglementation spéciale dans le cadre d’une convention établie en la forme authentique. Ils peuvent prévoir par exemple que les biens seront partagés selon les règles du régime de la participation aux acquêts [Note: ces dispositions se trouvent aux articles 196 ss CC, www.admin. ch/ch/f/rs/2/210.fr.pdf]. La grande différence entre séparation de biens et participation aux acquêts se manifeste seulement au moment de la dissolution du partenariat enregistré ou au décès d’un des partenaires: dans le cadre de la participation aux acquêts, les biens acquis par chacun des partenaires grâce à son travail ou au titre de revenu de ses biens propres pendant la durée du partenariat enregistré sont divisés par deux. Dans le régime de la séparation de biens, il n’y a en revanche rien à partager au moment du décès ou de la dissolution, sauf convention contraire des partenaires. En ce qui concerne les assurances sociales, le partenariat enregistré est assimilé au mariage pendant toute sa durée, conformément à l’article 13a de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA). En cas de dissolution judiciaire du partenariat enregistré, c’est la réglementation relative au divorce qui s’applique, et en cas de décès d’un des partenaires, le survivant est assimilé à un veuf. L’enregistrement du partenariat ne change rien à votre rente d’invalidité: vous conservez le même droit à la rente. Il n’en va pas de même pour les prestations complémentaires (PC). Pour établir votre droit, on additionne, pour les partenaires enregistrés comme pour les époux, les revenus déterminants © Marilyn Manser Mon compagnon et moi aimerions faire enregistrer notre partenariat. Comme je reçois une rente d’invalidité et des prestations complémentaires à cause de mon infection à VIH, nous aimerions savoir au préalable quelles seraient les conséquences d’une telle démarche sur nos biens et sur les prestations de l’assurance sociale. Caroline Suter, Dr en droit Consultation juridique de l’Aide Suisse contre le Sida. (votre rente du 1er et, le cas échéant, du 2e pilier, le revenu de l’activité lucrative de votre partenaire, le revenu de la fortune) et les dépenses reconnues (besoins vitaux, loyer, caissemaladie, cotisations AVS/AI/APG). Les forfaits alloués pour les dépenses sont supérieurs (pour le loyer et les besoins vitaux) et l’on applique des franchises plus élevées (sur la fortune et les revenus provenant de l’activité lucrative). Le droit aux prestations complémentaires correspond à la différence entre les dépenses reconnues et les revenus déterminants. Le mieux est de demander à votre caisse ou au service compétent en matière de prestations complémentaires de faire le calcul préalable afin de mesurer les effets concrets de l’enregistrement de votre partenariat. Pour éviter une éventuelle demande de restitution, il est important de remplir votre obligation de renseigner et d’informer à temps les assureurs (assurance-invalidité, PC) de votre changement d’état civil.• Swiss Aids News 3 | octobre 2016 23 ÉDECINE NOUS NE NOUS EN MOCCUPONS PAS, CE QUE LES AUTRES DISENT SUR NOUS. NOUS NE NOUS JUSTIFIERONS JAMAIS. NOUS VOULONS NOUS DÉFENDRE. ILS NOUS TRAITENT DE TAPETTE DE MAUVAIS OU DE PERVERS? NOUS EN SOMMES FIERS, D’ÊTRE AUSSI MAUVAIS. Photographie Dominique TOI AUSSI TU PEUX ÊTRE FIER DE TOI, TEL QUE TU ES. MILCHBÜECHLI MILCHBAR LE JOURNAL DE LA MAUVAISE SEXUALITE Le Milchbüechli apparaît quatre fois par année et tu peux t’y abonner pour 20.--/année. LE BAR DE LA MAUVAISE SEXUALITE Tous les mardis à partir de 19 heures, au WERKK Baden MILCHKULTUR MOLKE 7 LA SOIREE DE LA MAUVAISE SEXUALITE Tous les deux mois, nous dansons au Heaven à Zürich jusqu’au petit matin. À partir de 16 ans, entrée à 10.–. LES SOIREES CULTURELLES DE LA MAUVAISE SEXUALITE Quatre fois par année, nous organisons une soirée à Plus sur le monde de la mauvaise sexualité sur thème et discutons d’art queer, de musique, des normes MILCHJUGEND.CH et du monde de la mauvaise sexualité. Swiss Aids News 3 | octobre 2016 24