Lait Sterilisé

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Définition et contrôle du lait stérilisé

Jean Pien

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Jean Pien. Définition et contrôle du lait stérilisé. Le Lait, INRA Editions, 1971, 51 (503_504),
pp.176-202. �hal-00928544�

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176 LE LAIT / MARS-AVRIL 1971 / N° 503-504

Définition et contrôle du lait stérilisé

par
Jean PIEN

PREMIÈRE PARTIE

DEFINITION DU LAIT STERILISE

Il n'existe, à l'heure actuelle, aucune définition internationale du


lait stérilisé. C'est là une lacune grave, car cette absence de défini-
tion est à l'origine de la confusion qui règne dans le langage courant,
comme dans certains textes réglementaires et même dans la littéra-
ture scientifique, quant au sens à donner à ces mots.
Dans quelques pays, en revanche, il existe une définition légale
du lait stérilisé ; mais ces différentes définitions locales sont le plus
souvent divergentes, ce qui signifie que la plupart d'entre elles ne
sont pas satisfaisantes.
Il paraît donc indispensable de tenter de dégager les principes
d'une définition du lait stérilisé, puis d'en déduire les termes d'un
texte général (qui pourrait, d'ailleurs, servir de base à une réglemen-
tation internationale).
Tel est l'objet de la présente étude.

PRINCIPES D'UNE DEFINITION CORRECTE


Dans le cas qui nous occupe, définir c'est prescrire les caractè-
res d'un objet en fonction du but poursuivi. C'est exprimer ce qu'il
doit être pour être conforme à sa destination, à sa raison d'être.
Appliquons cette notion au problème du lait stérilisé.
Pourquoi prépare-t-on du lait stérilisé ? A quel souci cette fabri-
cation correspond-elle ?
Il est facile de répondre : le lait stérilisé doit se conserver. Il
s'agit de prolonger considérablement la possibilité de le mettre en
vente et de l'utiliser.
MÉMOIRES ORIGINAUX 177

Donc, le lait stérilisé doit se maintenir, le plus longtemps pos-


sible, sans altération, c'est-à-dire en conservant ses qualités initiales.
Mais une telle définition ne serait pas suffisante, car elle ne
donne qu'une confirmation du but, sans indiquer le moyen de l'at-
teindre.
Il est donc nécessaire d'aller plus loin.

Premier principe : la stérilité du lait stérilisé est inutile


Les altérations que nous voulons éviter sont dues, essentielle-
ment, à l'activité des micro-organismes. Il faut donc, théoriquement,
les détruire (ce qui signifie que les laits stérilisés devraient être
stériles ).
Or, la meilleure connaissance que nous avons depuis vingt ans
de la physiologie microbienne, nous permet d'affirmer que la pré-
sence de micro-organismes vivants n'implique pas toujours, ni néces-
sairement, l'apparition des altérations. Pour qu'il y ait altération, en
effet, il est nécessaire que les individus microbiens soient présents
en grand nombre. Un seul germe vivant dans un grand volume de
liquide et ne s'y développant pas, est incapable, par son métabolisme
individuel, d'entraîner une altération décelable ou mesurable. Pour
atteindre cet {(état de grand nombre» indispensable, il faut que les
micro-organismes puissent proliférer, c'est-à-dire se reproduire. Or,
dans quelques milieux naturels, comme le lait, certains germes sont
dans l'impossibilité de proliférer soit que certaines formes végéta-
tives ne puissent se reproduire, soit que des formes particulières
(certaines spores) soient incapables de germer. Cette impossibilité
de proliférer peut tenir à des facteurs intrinsèques intéressant la
cellule microbienne ou à des facteurs extrinsèques résultant de la
composition chimique ou biochimique du milieu ou encore d'in-
fluences physiques antérieures.
Il résulte de ces connaissances relativement nouvelles cette
conséquence très importante que, dans certaines circonstances, la
présence de micro-organismes vivants, peu nombreux et non proli-
férants, est parfaitement compatible avec l'aptitude à une bonne
conservation (1).
Donc : la conservabilité n'implique pas la stérilité.
D'autres auteurs ont depuis longtemps exprimé la même opinion
(notamment Tentoni [20]).

(1) Il est même parfaitement établi que la multiplication des germes ayant
survécu à la stérilisation n'entraîne pas toujours une modification physico-
chimique du lait se traduisant par une altération (Hermier [12]).
Cependant nous ne considérerons pas comme acceptable, dans le lait sté-
rilisé, la présence d'une flore résultant de la prolifération de germes quelcon-
ques, même si elle n'entraîne pas d'altération.
178 LE LAIT / MARS-AVRIL 1971 / N° 503-504

Une conséquence de ce premier principe en vue de la définition


du lait stérilisé sera, non pas que le lait stérilisé doit être stérile
mais qu'il ne doit pas renfermer de micro-organismes susceptibles
d'y proliférer.

Deuxième principe : la stérilité absolue est pratiquement impossible


à atteindre
Une objection vient immédiatement à l'esprit: en admettant, ce
qui est exact, que la présence de certains germes vivants, peu nom-
breux et non proliférants, soit compatible avec une parfaite conser-
vabilité, pourquoi ne pas tendre à la stérilité totale et pourquoi ne
pas l'exiger, ce qui résoudrait tous les problèmes ?
La réponse est simple : la stérilité totale, dont on vient de
démontrer qu'elle est inutile, est impossible à atteindre pratique-
ment.
En effet
Il est bien connu que, dans une culture pure d'une espèce spo-
rulée déterminée, il est possible de rencontrer des spores de résis-
tances thermiques différentes. Cette probabilité s'accroît évidem-
ment lorsqu'il s'agit de mélanges d'espèces différentes comme il
s'en présente dans les contaminations spontanées d'un milieu liquide
tel que le lait cru. Les cellules les plus résistantes sont les moins
nombreuses dans les conditions moyennes et il est évident que la
probabilité de rencontrer des germes d'une thermorésistance excep-
tionnelle croît avec l'importance quantitative de la contamination.
Pour obtenir la « stérilité », il faudrait évidemment soumettre
le produit à des conditions thermiques capables de détruire les orga-
nismes les plus résistants. Or, quelles que soient les précautions
prises, il est inévitable que le produit à stériliser renferme plus ou
moins de spores très thermorésistantes. Donc, les conditions ther-
miques à mettre en œuvre risquent toujours de devoir être très
sévères.
Il est difficile de déterminer quelles doivent être ces conditions,
car elles dépendent de la nature et du nombre de spores, de leur
degré de thermorésistance et, en technologie pratique, des appareils
utilisés (efficacité bactéricide ou « effet stérilisant»).
Tous les chiffres rencontrés dans la littérature sont, pour ces
raisons, difficiles à interpréter. Ce que l'on peut dire, c'est qu'ils sont
toujours très sévères (en température ou en durée) quand ils résul-
tent d'études pratiques ayant pour objet d'atteindre la stérilité
totale, avec une marge de sécurité suffisante.
Ainsi, dans l'industrie des antibiotiques où le problème se pose
de stériliser absolument de grands volumes de milieux, Rambaud [19],
utilisant un matériel perfectionné de stérilisation continue, adopte
7 mn à 1400 C pour des milieux limpides et acides. Cet auteur cite
MÉMOIRES ORIGINAUX 179

les chiffres donnés antérieurement par Pfeifer et Vojnovich [17] et


qui s'étendent de 5 mn à 135°C dans le cas des milieux limpides
jusqu'à 13 mn à 163°C dans le cas des milieux troubles.
Il est donc certain que si l'on avait à stériliser de grands volu-
mes de lait ne devant plus renfermer une seule spore vivante, il
faudrait, pour ce milieu trouble et voisin de la neutralité, des condi-
tions thermiques de cet ordre ou plus sévères encore.
Or, il est parfaitement connu qu'en opérant ainsi on altérerait
très fortement les caractères organoleptiques du lait et même sa
stabilité. Dans de nombreux cas, le lait (même parfaitement neutre)
serait coagulé et dans tous les cas il serait fortement coloré, bruni
et présenterait une saveur désagréable de brûlé. De toute façon, il
serait inutilisable.
Voilà pourquoi, pratiquement, il est impossible d'envisager de
préparer du lait qui soit absolument stérile dans tous les cas. Il
ne s'agit pas, en l'occurence, d'une impossibilité de détruire la tota-
lité des germes vivants (on y parvient bien dans l'industrie des anti-
biotiques) mais du fait qu'il serait inacceptable, dans le cas du lait,
d'appliquer les conditions techniques qui le permettraient.
C'est pourquoi nous disons que la stérilité absolue de volumes
quelconques de lait est impossible à atteindre (sans risquer de
détruire le lait lui-même).
Remarque: Une nouvelle objection se présente immédiatement
à l'esprit :
S'il est vraiment impossible pratiquement d'atteindre la stérilité
du lait; 'Comment se fait-il cependant que l'on rencontre tous les
jours dans le commerce, des laits stérilisés d'excellente qualité et de
longue conservation? Apparemment, de tels laits sont stériles. Com-
ment concilier cette observation avec ce qui vient d'être dit ?
Il convient de faire deux réponses à cette observation pertinente:
a) INFLUENCE DU DIVISIONNEMENT SUR LA PROBABILITÉ DE STÉRILITÉ

Lorsque, dans l'industrie des antibiotiques, on cherche à attein-


dre la stérilité absolue d'une cuve contenant 50 rn" de milieux de
culture, il faut appliquer à ce volume entier les conditions thermi-
ques sévères qui correspondent à la destruction des quelques spores
les plus thermorésistantes de toutes (ou même de l'unique spore
plus résistante que toutes les autres). Si cet objectif n'était pas
atteint, la réussite de la fabrication serait compromise.
Dans le cas du lait, les conditions sont différentes : on n'aura
jamais à « stériliser » le contenu d'une cuve de 50 m", Ce volume
sera divisionné par exemple en 50 000 récipients de 1 1. Or si, dans
le volume total, il n'existe que quelques spores très thermorésistan-
tes; elles ne seront évidemment pas présentes dans chacun des
50 000 récipients mais seulement dans quelques-uns (voire même
dans un seul).
180 LE LAIT / MARS-AVRIL 1971 / N° 503-504

Dans ces conditions, en appliquant aux 50 000 récipients conte-


nant le lait des conditions thermiques moins sévères que celles qui
correspondraient à la stérilité absolue, c'est-à-dire, par exemple,
compatibles avec le maintien des propriétés organoleptiques du pro-
duit, on aboutit au double résultat suivant :
1) Certains récipients ne sont pas stériles. Ce sont ceux qui
contiennent une ou plusieurs spores très thermorésistantes, non
détruites par les conditions thermiques moins sévères qui ont été
adoptées.
2) D'autres récipients (la grande majorité) ne renfermant pas
ces spores très thermorésistantes (ou renfermant seulement des
espèces moins résistantes) sont stériles et il est théoriquement pos-
sible d'affirmer que leur stérilité est absolue.
Tout le problème pratique du lait stérilisé revient donc à déter-
miner quel est le pourcentage relatif de ces deux classes de réci-
pients. Or, ce pourcentage relatif dépend de deux facteurs :
1) La probabilité de la présence des spores très thermorésis-
tantes. Cette probabilité est liée au degré de contamination initiale
du produit. Plus le produit a été contaminé, plus le risque de. ren-
contrer des spores très résistantes est grand. Et, moins ces spores
exceptionnelles sont nombreuses, moins il y aura de récipients non
stériles.
2) Le degré de sévérité des conditions de chauffage, compatibles
avec la conservation des caractères organoleptiques du produit. Plus
ces conditions pourront être sévères, plus la stérilisation sera effi-
cace et plus le nombre de récipients stériles sera grand.
On voit donc que la « stérilité » du lait divisionné en récipients,
est le résultat d'une probabilité statistique concernant l'importance
du pourcentage du nombre de récipients vraiment stériles.
On rencontrera donc, dans le commerce, une très grande majo-
rité de récipients réellement stériles et quelques autres qui ne le
sont pas.
Comment se fait-il, cependant, que l'on ne trouve pratiquement
jamais chez les détaillants de lait « non stérile », altéré, etc. (excep-
tion faite du cas accidentel de récipients non étanches ayant été
secondairement contaminés) ? La deuxième « réponse » que nous
présentons maintenant va nous éclairer sur ce point.
b) NON DÉVELOPPEMENT DES SPORES SURVIVANTES

Nous avons montré plus haut que la conservabilité n'impliquait


pas la stérilité parce que, dans le lait stérilisé, peuvent survivre des
spores hautement thermorésistantes, incapables de se développer
dans le lait, donc de l'altérer. Ainsi, même après de longues périodes
de stockage et même après incubation, ces laits, renfermant encore
des spores ayant survécu à la stérilisation, ne sont pas modifiés et
restent d'excellente qualité. C'est pourquoi, dans le commerce, (et
MÉMOIRES ORIGINAUX 181

même, il faut bien le dire, à l'occasion du contrôle courant) ces laits


passent inaperçus puisqu'ils ne se distinguent pas de ceux qui sont
absolument stériles.
Une réserve, cependant, reste à faire :
On peut admettre que les récipients non absolument stériles à
l'issue du traitement thermique relativement modéré qu'ils ont subi,
se divisent en deux classes:
- Ceux qui ne renferment que des spores non susceptibles de
se développer dans le lait (ce sont ceux dont nous venons de parler
et dont la présence passe inaperçue, même dans le cas du contrôle
courant). Ils sont assimilables aux récipients contenant du lait abso-
lument stérile.
- Ceux qui renferment des spores très thermorésistantes, cer-
tes, et capables de germer et de proliférer dans le lait, donc, éven-
tuellement, de l'altérer. La pratique montre que ces récipients sont
très rares et que, dans un lot donné, leur pourcentage est infime ou
nul. Cette circonstance ne constitue aucune entrave pratique au
développement de l'industrialisation et de la vente du lait stérilisé,
pas plus que les rares accidents qui peuvent résulter de la défail-
lance ou du défaut d'étanchéité d'un emballage.
Voilà donc pourquoi, en dépit du fait que la stérilité absolue
d'un volume quelconque de lait est une impossibilité pratique, on
rencontre dans le commerce une très grande majorité de récipients
de lait stérilisé de bonne qualité, de bonne conservation c'est-à-dire
conformes à ce que l'on attend d'eux.
Après avoir montré que la conservabilité, caractère essentiel du
lait stérilisé, n'impliquait pas la stérilité (ou, ce qui revient au même,
que la stérilité était inutile) puis, que cette stérilité était pratique-
ment irréalisable en valeur absolue sans risquer de détruire le lait
lui-même, il nous reste à dire que la stérilité, quand elle est possible,
est indémontrable donc incontrôlable.

Troisième principe : la stérilité n'est pas contrôlable

Le contrôle de la stérilité revient à rechercher la présence de


micro-organismes vivants et à aboutir à une réponse négative.
Or, de quels moyens pratiques dispose-t-on pour cette recher-
che? Uniquement ceux qui permettent la mise en évidence des mani-
festations de la vie c'est-à-dire, soit la reproduction, se traduisant par
une prolifération, soit la détection des produits du métabolisme, soit
les deux.
Dans le cas d'un très petit nombre de cellules vivant dans un
grand volume de liquide, sans proliférer, ces détections correspon-
dent à une impossibilité pratique. L'addition de « suppléments »
peut, dans certains cas, permettre à des germes vivants de proliférer
182 LE LAIT / MARS-AVRIL 1971 / N° 503-504

dans le lait et de l'altérer, (Hermier [12], Kaplan [14]). Mais les ger-
mes qui seront insensibles à l'apport de ces suppléments (ou, ce qui
revient au même, à la transplantation dans un milieu nutritif plus
favorable) passeront inaperçus et seront considérés comme morts ou
absents. On peut donc dire dans ce cas qu'un échantillon renfermant
des germes vivants serait déclaré « stérile » puisqu'il serait impos-
sible de mettre ces germes en évidence.
En fait, on ne pourra jamais trancher entre les deux termes
suivants : ou bien l'échantillon est stérile, ou bien iLa été impos-
sible de déceler la présence de certaines cellules vivantes, si les
techniques actuelles ne le permettent pas.
Au reste, en admettant même qu'une technique améliorée donne,
demain, le moyen de dépister à coup sûr la présence éventuelle de
tout micro-organisme vivant, la réponse ne serait valable que pour
la prise d'essai soumise à l'examen et non pour le volume entier du
récipient. Et si la technique permettait l'examen du contenu du
récipient entier, la réponse ne serait pas valable pour les autres
récipients du lot entier.
Donc, à l'impossibilité technique de décider de la stérilité d'une
prise d'essai ou d'un récipient, s'ajoute l'impossibilité statistique de
conclure à la stérilité d'un lot entier. Dans les deux cas, une réponse
négative ne correspond qu'à une certaine probabilité de stérilité.
En conclusion: si l'on définissait le lait stérilisé comme devant
être stérile, cette définition serait incontrôlable, donc sans utilité
puisqu'il ne serait pas possible d'affirmer qu'elle a été respectée (non
pas pour la raison que la stérilité ne serait pas possible théorique-
ment, mais parce qu'il serait impossible de la prouver pratiquement).

ELABORATION DE LA DEFINITION DU LAIT


STERILISE

Nous avons donc jusqu'ici dégagé un certain nombre de prin-


cipes qui vont nous guider maintenant dans l'élaboration de la
définition du lait stérilisé.
Nous savons en effet:
- que le lait stérilisé, conformément à son but, doit se conser-
ver le plus longtemps possible (pour faciliter sa distribution, sa mise
en vente, etc.) ;
- que, pour atteindre ce résultat, il ne doit pas renfermer de
germes vivants susceptibles de l'altérer c'est-à-dire de micro-orga-
nismes capables de proliférer dans le lait stérilisé ;
- que, en conséquence, il n'est pas nécessaire que le lait stéri-
lisé soit stérile (cette stérilité inutile étant, par ailleurs, impossible
MÉMOIRES ORIGINAUX 183

à réaliser pratiquement dans le cas du lait et, d'autre part, incon-


trôlable).
De sorte que la véritable définition du lait stérilisé devrait au
moins reposer sur le fait de l'absence totale d'altération au cours de
sa conservation, impliquant l'absence de proliférations microbiennes
c'est-à-dire finalement, l'absence de germes capables d'y proliférer
(ce qui n'exclut pas nécessairement la présence de quelques germes
vivants, incapables de se développer dans le lait stérilisé, voulant
exprimer par .là, comme nous l'avons montré, 'que la stérilité n'est
pas nécessaire, donc pas exigible).
Voilà donc un point de départ très clair pour une bonne défi-
nition.
Cependant, il faut bien reconnaître que si ce point de départ
est nécessaire, il n'est pas entièrement suffisant. En effet

1) Limitation du nombre acceptable de germes vivants


Nous admettons donc la présence, dans le lait stérilisé, de spores
ayant résisté au chauffage et incapables de germer, donc de proli-
férer dans le lait.
Peut-on accepter qu'il y en ait un nombre quelconque, par exem-
ple très élevé, si leur présence s'avère sans inconvénient ? En fait,
il s'agit là d'un faux problème puisque l'expérience a montré depuis
longtemps que les spores très thermorésistantes sont fort peu nom-
breuses dans le lait cru (même dans les pays chauds) : de l'ordre
de une par ml au maximum (1).
Divers auteurs (Burton, Buttiaux, Galesloot, etc.) estiment que,
dans le lait correctement stérilisé, il subsiste moins de 50 ou moins
de 100 spores vivantes par litre de lait.
Nous n'avons donc pas à redouter, dans le lait stérilisé (non
recontaminé) la présence d'un nombre élevé de spores vivantes et
l'on serait tenté, théoriquement, de ne pas s'en préoccuper et de
passer sous silence, dans la définition, une limitation quelconque de
ce nombre. Nous persistons cependant à penser qu'il convient d'en-
visager cette limitation.
En effet:
Nous ne devons pas oublier que parmi les germes ayant survécu
à la stérilisation (notamment à une stérilisation trop peu sévère) il
peut exister, à côté des spores incapables de germer, des germes
parfaitement capables de se développer mais dont la présence ne se

(1) On admet d'ailleurs que le nombre total de spores (y compris toutes


celles qui sont faciles à détruire dans des conditions de stérilisation n'altérant
pas les caractères organoleptiques du lait) ne dépasse pas quelques centaines
par ml.
184 LE LAIT / MARS-AVRIL 1971 / N° 503-504

traduit pas toujours par une modification physico-chimique du lait


(Hermier [12]).
Dans une définition uniquement basée sur l'absence d'altération,
c'est-à-dire sur la stabilité physico-chimique du lait stérilisé au cours
d'incubations appropriées, de tels germes pourraient donc proliférer
sans faire rejeter l'échantillon.
Cette perspective n'est pas acceptable, d'abord parce qu'il n'est
pas absolument démontré que ce développement n'entraînerait pas
à la longue, dans certains cas, des modifications imprévisibles (donc
une altération), ensuite parce que la nature de ces germes prolifé-
rants et altérants n'est pas connue à priori et peut être suspecte ;
enfin parce que si nous acceptons que quelques spores vivantes puis-
sent survivre dans le lait stérilisé, ce ne peut être qu'à la faveur
d'une thermorésistance sévère de quelques individus isolés, incapa-
bles ultérieurement de se développer, et non pas comme le résultat
d'une prolifération de survivants susceptibles de se multiplier rapi-
dement.
Donc, toute question d'hygiène mise à part (voir ci-après) si
nous avons le droit d'accepter la présence de spores survivantes, non
capables de proliférer dans le lait au cours d'une incubation par
exemple, nous avons aussi le devoir d'en limiter le nombre, et cela
sera d'autant plus facile que, dans la pratique courante, ce nombre
est déjà, précisément et naturellement, très limité (de l'ordre de
1 spore par ml ou même beaucoup moins) (Franklin et al. [6J).
Les bactériologistes français qui se sont penchés sur ce pro-
blème, ont estimé qu'une limite supérieure fixée- à 5 spores revivi-
fiables par ml de lait stérilisé, était raisonnable et devait très large-
ment couvrir tous les cas normaux (1).
Remarque : Les partisans de la « stérilité » du lait stérile vou-
draient, bien entendu, que cette « norme }}soit ramenée à zéro,
autrement dit, qu'il n'y ait aucune spore vivante revivifiable sur
milieux artificiels dans 1 ml de lait. Or, l'expérience que nous avons
de ce genre de contrôles montre qu'il en est très souvent ainsi,
même dans le cas de laits non stériles et sans que, pour autant, l'on
puisse affirmer la stérilité. En effet : si le lait ne renferme qu'une
seule de ces spores survivantes dans 10 ml de lait, l'examen de 1 ml
n'aura qu'une chance sur dix de donner un résultat positif. Un tel
lait non stérile, mais parfaitement satisfaisant, sera donc, le plus
souvent, déclaré stérile, à moins de procéder à des contrôles portant
sur des dizaines de repiquages de 1 ml. D'autre part, si le principe
de la stérilité obligatoire était admis, le lait que nous venons de

(1) Ces spores qui n'auront pas germé dans le lait stérilisé, même au cours
des incubations prévues à l'occasion du contrôle, seront mises en évidence sur
des milieux nutritifs appropriés où elles donneront des colonies dénombrables
(voir plus loin).
MÉMOIRES ORIGINAUX 185

citer en exemple (et qui, encore une fois, est parfaitement satisfai-
sant) aurait une chance sur dix d'être refusé.
Puisque, comme nous l'avons longuement exposé plus haut, la
notion de stérilité du lait stérilisé doit être rejetée, la raison com-
mande d'accepter la présence de quelques spores survivantes et
d'imposer une limite raisonnable quant à leur nombre.
Enfin, pour en terminer avec cette notion, et pour répondre à
une ultime objection, il faut dire qu'il n'y a aucun risque que ces
quelques spores soient le résultat de la prolifération, au cours des
incubations, de germes ayant résisté à la stérilisation. Si tel était le
cas, on sait très bien que le nombre constaté lors du contrôle serait
considérable (même éventuellement sans altération du lait) et que
cette circonstance serait très facile à mettre en évidence par un
simple examen microscopique direct. Cette crainte est donc à écar-
ter définitivement.

2) Conditions relatives à l'hygiène - Absence de germes


pathogènes

Nous avons volontairement laissé de côté jusqu'ici cette notion,


cependant nécessaire, de l'absence de germes pathogènes dans le
lait stérilisé. La raison en est simple : l'absence indispensable de
micro-organismes susceptibles de compromettre la santé des consom-
mateurs est une notion très générale, intéressant tous les aliments.
Elle n'est pas spéciale au lait stérilisé ; elle n'en constitue pas un
caractère spécifique. En disant que, comme tous les aliments, le
lait stérilisé doit être exempt de germes pathogènes, comme il doit
être loyal et marchand, on n'ajoute rien à sa définition.
Cependant, lorsque nous disons que « le lait stérilisé» doit être
exempt de micro-organismes susceptibles d'y proliférer, nous ne
sommes pas à l'abri de la présence éventuelle de germes pathogènes
ou de toxines. En effet:
- Le lait stérilisé peut renfermer des spores de germes patho-
gènes, non susceptibles de proliférer, sans cesser d'être conforme
aux éléments de définition déjà donnés plus haut.
- Même observation en ce qui concerne la présence éventuelle
de germes toxinogènes.
- Il pourrait également contenir des toxines thermo-résistantes
dont l'absence n'a pas été prescrite jusqu'ici.
Donc, de toute manière, dans un lait stérilisé conforme aux
conditions déjà exprimées, la présence de micro-organismes nuisibles
ou de leurs toxines reste possible. Or, elle est indésirable et aucune
définition contrôlable ne saurait postuler leur absence. Donc nous
devons envisager une définition plus large, impliquant cette condi-
tion supplémentaire.
186 LE LAIT / MARS-AVRIL 1971 / N° 503-504

3) Durée de conservation des laits stérilisés


On serait tenté de souhaiter (et de croire possible) une conser-
vabilité indéfinie du lait stérilisé. Outre que cela serait pratiquement
inutile, il convient de montrer que cela est impossible pour des
raisons qui n'ont rien à voir avec la bactériologie.
En effet:
Dans un lait qui serait stérile (au sens absolu) des modifications
de nature physico-chimique interviendraient inévitablement avec le
temps. L'émulsion grasse, malgré l'homogénéisation qui diminue la
force ascensionnelle des globules gras, sans l'annuler complètement,
se déstabilise progressivement surtout si la température ambiante
s'élève et diminue la viscosité du produit. Il n'y a pas rupture de
l'émulsion, mais seulement crémage spontané dont la vitesse est
fonction du temps et de la température.
Dans les laits stérilisés non soumis à la désaération préalable,
des phénomènes d'altération oxydative de la matière grasse peuvent
aussi intervenir, plus ou moins rapidement, causant un suiffage
parfois suivi d'un rancissement qui rendent, à la longue, le produit
inconsommable. L'action de la lumière dans le cas des récipients de
verre, accélère évidemment ces phénomènes.
D'autre part, la phase colloïdale tend également à se déstabiliser
sous l'action de la pesanteur et, dans les laits les plus stables, obte-
nus grâce aux techniques actuelles, on parvient à constater, après
un long temps de repos, la formation d'un dépôt de phosphocaséinate
de calcium au fond des récipients.
Ces trois phénomènes, dans les laits de bonne qualité, sont
extrêmement lents et peuvent n'apparaître qu'au bout de plusieurs
années. Mais ils aboutissent à rendre le lait stérilisé non marchand.
Dans la pratique, leur extrême lenteur est le plus souvent sans
inconvénient. Mais, à eux seuls, ils s'opposent formellement à l'intro-
duction, dans la définition du lait stérilisé, de la notion de conser-
vation indéfinie.

4) Conditions relatives aux récipients


Quelle que soit la technique de stérilisation (en récipients ou en
flux continu suivie du remplissage aseptique en récipients stériles),
le lait stérilisé doit être parfaitement à l'abri de toute contamina-
tion et de toute altération pendant son stockage, son transport et
sa mise en vente.
Cela signifie que les récipients qui renferment le lait stérilisé
doivent être parfaitement étanches non seulement aux micro-orga-
nismes mais aussi aux liquides et aux gaz.
Enfin, il serait souhaitable que ces récipients fussent opaques
pour protéger le lait stérilisé contre l'action de la lumière. A défaut
MÉMOIRES ORIGINAUX 187

de cette condition, il doit être spécifié que le lait stérilisé ne peut


être entreposé qu'à l'abri de la lumière.
Nous possédons maintenant tous les éléments nous permettant
de définir correctement, à notre avis, le lait stérilisé. Nous propo-
sons donc la définition suivante:

DEFINITION DU LAIT STERILISE

Le lait stérilisé est un lait qui a été traité par chauffage (ou
par tout autre procédé officiellement autorisé) de telle manière qu'il
satisfasse aux conditions suivantes :
1) Etre exempt de micro-organismes nuisibles à la santé des
consommateurs, c'est-à-dire ne pas renfermer de germes pathogènes
ou toxinogènes.
2) Etre exempt de micro-organismes quelconques susceptibles
de s'y développer, c'est-à-dire n'être le siège d'aucune prolifération.
3) Etre et rester parjaitement stable et de bonne qualité orga-
noleptique, c'est-à-dire ne présenter aucun signe d'altération pendant
une période assez longue, compatible avec les nécessités commer-
ciales.
4) Ne pas renfermer, après trois semaines d'incubation à 31 C 0

± 1 C, plus de 5 spores vivantes par ml, incapables de proliférer


0

dans le' lait, révélées par culture sur plaques dans .un milieu nutritif
approprié.
5) Le lait stérilisé doit être conditionné dans des récipients
étanches aux liquides, aux gaz et aux micro-organismes.
6) Le lait stérilisé doit être entreposé à l'abri de la lumière ou
conditionné en récipients opaques.
Désignation : La désignation officielle d'un tel lait ne peut être
que « lait stérilisé »,

CAS PARTICULIER DES LAITS U.H.T.

On sait qu'il existe maintenant plusieurs techniques de stérili-


sation du lait:

1) Stérilisation en récipients, après conditionnement et bou-


chage hermétique, qui se subdivise en deux groupes :
a) Stérilisation discontinue, en autoclaves classiques, qui groupe
tous les procédés traditionnels,
188 LE LAIT / MARS-AVRIL 1971 / N° 503-504

b) Stérilisation continue, en autoclaves à colonnes de pression


d'eau alimentés en continu.

2) Stérilisation en flux continu, suivie du conditionnement asep-


tique en récipients stériles, appelée encore stérilisation U.H.T.

On connaît les différences qui séparent ces deux groupes de


méthodes:

a) CAS DE LA STÉRILISATION EN RÉCIPIENTS

Dans le cas de la stérilisation en récipients (même agités) les


échanges thermiques ne sont pas instantanés et, pour obtenir le
résultat cherché (c'est-à-dire une très bonne conservation du lait
stérilisé au cours d'un stockage de longue durée à la température
ordinaire) il est indispensable de prolonger la période de chauffage,
(à 115° C ou 120° C par exemple) pendant une durée égale ou supé-
rieure à 15-20 mn.
La pratique s'accorde avec la théorie pour admettre que, dans
ces conditions, les bouteilles de lait ainsi traité ne sont pas toutes
stériles et, pour les raisons indiquées plus haut, un certain nombre
d'entre elles (toujours inconnu et imprévisible) peuvent renfermer
des spores vivantes incapables de germer et de proliférer dans le
-Iait, En outre, tous les laits traités par ces techniques présentent
une couleur et une saveur légèrement modifiées, anormales, parfois
désagréables.

b) CAS DE LA STÉRILISATION V.H.T.


En revanche, dans la technique des laits V.H.T., le chauffage en
flux continu, c'est-à-dire sans l'interposition de la paroi des récipients
entre le fluide chauffant et le fluide chauffé, c'est-à-dire encore,
comportant des échanges thermiques instantanés et excellents, les
conditions de la stérilisation sont modifiées : il est possible d'utiliser
des températures très élevées. (V.H.T. c'est-à-dire ultra-haute tempé-
rature) pendant des temps très courts car l'efficacité bactéricide de
la chaleur est beaucoup plus fonction de la température que de la
durée d'application de cette température. Ce que nous appelons le
QlO de la destruction des spores, c'est-à-dire la variation de la
vitesse de cette réaction bactéricide pour une élévation de tempé-
rature de 10° C, est importante, de l'ordre de 8 à 10. Cette augmen-
tation quasi-logarithmique de l'efficacité stérilisante quand la tempé-
rature passe de 120° C, à 130°C, à 140° C, à 150° C (et qui varie à
peu près comme 1, 10, 100, 1000) permet donc d'avoir les mêmes
résultats avec des durées d'application variant en sens inverse
comme 1 000, 100, 10, 1, ce qui signifie que si, dans des conditions
données, il faut appliquer la température de 120° C pendant 2000 s
(par exemple), le même résultat bactériologique sera obtenu à 150°C
en 2 s.
- MÉMOIRES ORIGINAUX 189

1) Caractères physiques du lait U.H.T.


Or le Q'0 des réactions chimiques a une valeur beaucoup moindre
(3 à 4 fois) que celui des réactions bactéricides et, d'autre part, ces
réactions chimiques (changement de coloration, de saveur, etc.) pré-
sentent une intensité proportionnelle à la durée d'application de la
température. Pour ces deux raisons, l'élévation de la température,
dans les conditions d'application de la stérilisation D.H.T., se traduit
par des modifications chimiques de plus en plus faibles au fur et à
mesure que les températures sont plus élevées et les durées d'appli-
cation plus courtes (Burton [4], Galesloot [10], Pien [18]).
La conclusion pratique de ce qui précède est la suivante : le
lait stérilisé D.H.T. (par exemple à 150 C pendant 2 s) ne présente
0

aucun des défauts de coloration, saveur, etc. du lait stérilisé dans les
conditions classiques (par exemple à 120 C pendant 15-20 mn). Il
0

est blanc et de saveur normale.

2) Caractères bactériologiques du lait U.H.T.


Qu'en est-il du degré de stérilité des laits D.H.T. ?
Certains auteurs (et surtout certains hygiénistes, non spécialistes
de la technologie laitière) ont prétendu que le lait V.H.T. était
stérile.
Or le problème se pose exactement comme dans le cas de la
stérilisation classique et pour les mêmes raisons: le lait cru contient
ou peut contenir, en quantités variables mais toujours faibles, des
spores très thermorésistantes qui ne sont pas détruites par les
conditions de la stérilisation classique ni par celles de la stérilisation
V.H.T., (dont certaines ne peuvent pas germer, ni par conséquent
proliférer, dans les conditions normales du stockage des laits stéri-
lisés). Il se trouve donc que certains récipients de lait stérilisé
(classique ou D.H.T.) peuvent renfermer une ou plusieurs spores
ayant survécu au traitement thermique. Donc, le contenu de ces
récipients n'est pas stérile, mais nous savons que cela est sans
importance si ces spores ne peuvent pas se développer, donc altérer
le lait. Tout ce qui a été dit plus haut retrouve sa place ici, dans
le cas des laits D.H.T. et pour les mêmes raisons.
C'est pourquoi il faut conclure que la stérilité (dont nous avons
montré qu'elle n'était pas nécessaire) est aussi impossible à obtenir
d'une manière générale et absolue dans la préparation des laits
D.H.T. que dans celle des laits stérilisés, classiques et, par consé-
quent, il ne faut pas prétendre que de tels laits sont {( stériles »,
même si un pourcentage élevé de récipients le sont.
, Des preuves directes de cette affirmation ont été données. par
divers auteurs qui ont volontairement contaminé du lait cru avec des
spores de germes très thermorésistants, ont soumis ce lait à des
traitements D.H.T. et ont retrouvé dans le lait ainsi traité, des quan-
190 LE LAIT / MARS-AVRIL 1971 / N" 503-504

tités de spores vivantes, variables certes, mais jamais nulles, même


dans de nombreux cas, en l'absence de toute altération du lait après
incubation [1,2,3,6 à 9, 13, 15, 16,22,23].

3) Remplissage aseptique du lait U.H.T.


Nous n'avons pas parlé du remplissage aseptique des laits D.H.T.
parce que chacun sait que les chauffages très brefs à très haute
température dont il a été parlé ci-dessus ne peuvent pas être réalisés
dans le lait préalablement réparti dans des récipients clos. Cette
condition ne peut être satisfaite, pour des raisons évidentes, que sur
le lait liquide circulant en flux continu dans des appareils appro-
priés. Ce lait stérilisé doit donc obligatoirement être introduit asep-
tiquement dans des récipients stériles et c'est précisément ce qui
se fait tous les jours' dans les usines appliquant les principes du
traitement D.H.T.
Si le lait chauffé à ultra-haute température (par exemple stéri-
lisé 2 s à 1500 C ou 10-20 s à 1400 C) n'était pas conditionné asepti-
quement il serait contaminé plus ou moins gravement et sa cons er-
vabilité, voire sa qualité hygiénique, seraient compromises (ce que
l'expérience a confirmé).

4) Elaboration de la définition du lait U.H.T.


Il apparaît clairement, à la suite de ce qui vient d'être dit, que
le lait D.H.T. n'est pas plus un lait ({ stérile » que le lait stérilisé
traditionnel. Mais, sa probabilité de stérilité n'est pas moindre et,
du point de vue bactériologique et commercial (conservation) ces
deux types de laits sont identiques et doivent comporter la même
désignation qui ne peut être que celle de lait stérilisé.
En quoi consiste donc la supériorité du lait stérilisé D.H.T. sur
le lait stérilisé traditionnel ?
Nous l'avons dit plus haut : les caractères organoleptiques du
lait D.H.T. (couleur, saveur, etc.) sont très supérieurs à ceux du lait
stérilisé classique.
Nous en avons donné les raisons. Il serait donc souhaitable que
cette supériorité, réelle et très importante, fût indiquée dans la défi-
nition. Or, il existe un moyen permettant de distinguer ces deux
sortes de laits, en dehors de l'application subjective des caractères
organoleptiques : la considération du 010 des réactions chimiques
par rapport à celui des réactions bactéricides et la possibilité de
chauffer pendant des temps très courts à très haute température,
amenuise de façon considérable l'intensité des réactions chimiques
(et physico-chimiques). En dehors de la couleur et de la saveur, nous
savons maintenant que l'insolubilisation de l'albumine du lait, totale
dans la stérilisation classique, est faible ou très faible dans les stéri-
lisations D.H.T.
MÉMOIRES ORIGINAUX 191

Donc, pour qu'un lait stérilisé V.H.T. puisse se prévaloir de cette


dénomination, il faut que ce caractère soit vérifié. Une telle distinc-
tion est maintenant parfaitement possible grâce à la réaction d'Aschaf-
fenburg (1) bien connue des spécialistes, que nous avons (à la
demande de la Fédération Internationale de Laiterie) adaptée à ce
problème particulier. Le Groupe d'Experts de la F.LL. chargé de
l'étude des laits V.H.T. a adopté nos propositions et décidé de dési-
gner cette réaction modifiée sous le nom de test de turbidité.
En conclusion le « test de turbidité », appliqué aux laits stéri-
lisés V.HT., doit donner une réponse positive (présence d'albumine
soluble).
Remarque : On pourrait aller plus loin et proposer d'introduire
également ce test dans la définition des laits stérilisés classiques (où
il doit donner une réponse négative). Nous ne pensons pas que cela
soit indispensable, car si le lait stérilisé est, comme il se doit à notre
avis, conforme à la définition générale donnée plus haut, ce résultat
peut être obtenu de deux façons : soit par les techniques de traite-
ment V.H.T. qui conduisent à un test de turbidité positif, soit autre-
ment (c'est-à-dire par les techniques traditionnelles de stérilisation
en récipients) et, dans ce cas, le test de turbidité est négatif. On
pourrait, certes, admettre qu'une stérilisation « classique » conduise
à un test de turbidité plus ou moins positif, ce qui correspondrait à
l'application de températures beaucoup trop basses ou à des durées
d'application beaucoup trop courtes. Or, dans ce cas, les caractères
exigés de tout lait stérilisé dans la définition générale ne seraient
pas respectés et un tel lait stérilisé ne serait pas acceptable. Il
n'aurait pas droit à la dénomination « lait stérilisé », Par conséquent,
il n'y a aucun· risque d'équivoque à ne pas faire figurer cette mention
du test de stabilité dans la définition générale du lait stérilisé.
D'ailleurs, il est facile de comprendre que ce test ne pourrait
pas figurer dans la définition générale qui couvre tous-les laits sté-
rilisés, aussi bien les laits V.H.T. (où le test doit être positif) que
les laits stérilisés classiques (où le test doit être négatif). Ce n'est
que dans une définition particulière aux laits stérilisés classiques
que l'obligation de prévoir un test de turbidité négatif pourrait se
concevoir, dans le but, par exemple, de simplifier les opérations de
contrôle.

(1) Cette réaction était utilisée, jusqu'ici, à la distinction des laits pasteu-
risés (où l'albumine est en grande partie non dénaturée et décelable) et des
laits stérilisés classiques (où l'albumine est totalement dénaturée). Or on a
depuis longtemps constaté que cette réaction était inutilisable pour distinguer
les laits pasteurisés et les laits stérilisés V.H.T., car dans les deux cas, elle
donne une réaction positive d'albumine non dénaturée. C'est la raison qui nous
a incité à utiliser cette réaction (en la modifiant pour l'adapter) afin d'effectuer
la distinction entre les laits V.H.T. (où une grande partie de la lactalbumine
reste soluble) et les laits stérilisés classiques (où l'albumine est entièrement
dénaturée).
192 LE LAIT / MARS-AVRIL 1971 / N" 503-504

Nous possédons maintenant tous les éléments d'une définition


correcte du lait V.H.T.

DEFINITION DU LAIT U.H.T.


Le lait U.H.T. est un lait stérilisé obtenu dans les conditions
suivantes:
1) Chauffage en flux continu du lait non conditionné.
2) Chauffage direct du lait cru (donc aucun chauffage avant le
traitement U.H.T.).
3) Chauffage à haute température (au moins 135° C) pendant
un temps très court (au maximum quelques secondes aux plus hau-
tes températures et moins de 1 mn aux températures les plus basses)
suivi d'homogénéisation et de refroidissement aseptiques immédiats.
4) Chauffage suivi de conditionnement aseptique en récipients
stériles.
5) Si le conditionnement ne suit pas immédiatement la stérili-
sation, le lait stérilisé refroidi doit être stocké aseptiquement en
réservoirs stériles sans aucun risque de contamination. La durée de
ce stockage ne doit pas excéder 24 h.
6) Le lait U.H.T. étant un lait stérilisé doit répondre aux condi-
tions requises dans la définition générale du lait stérilisé et satis-
faire aux normes de contrôle définies plus loin.
7) Le lait U.H.T. doit donner une réponse positive lors de l'ap-
plication du test de turbidité (voir plus loin).
Désignation : La désignation officielle d'un tel lait doit être
« lait stérilisé V.H.T. » ou, simplement, « lait V.H.T. »,

Remarques relatives à l'appellation « lait stérilisé » : Certains


spécialistes estiment que le mot « lait stérilisé » ne peut signifier
que « lait stérile» et pensent que cette dernière expression devrait
remplacer la précédente.
Or, nous avons vu plus haut que le lait stérile est une entité
théorique, irréalisable au sens absolu dans la pratique, incontrôlable
en tout cas, car la stérilité ne peut pas être démontrée et, par dessus
tout, parfaitement inutile puisque l'on peut obtenir des laits de très
longue conservation, exempts de germes dangereux et de germes d'al-
tération, et impossibles à distinguer de laits qui seraient absolument
stériles.
Donc, l'expression lait stérile n'est pas défendable et n'est pas
utilisable car elle n'a pas de signification pratique. Les laits soumis
à l'opération de stérilisation dans des conditions qui .les rendent
conformes aux définitions données plus haut (c'est-à-dire satisfai-
MÉMOIRES ORIGINAUX 193

sants à tous égards) ne sont pas nécessairement stériles. Ils ont


cependant été « stérilisés » et c'est cette dénomination qui doit per-
mettre de les désigner et de les définir, comme ayant subi la stérili-
sation (au même titre que les laits pasteurisés sont des laits qui ont
subi la pasteurisation).
D'autre part, l'usage international tout à fait général des mots
« lait stérilisé}) doit être respecté. Nous ne devons pas, en France,
méconnaître cette position et' nous en écarter. Nous ne nous ferions
plus comprendre dans le commerce international. Or le lait stérilisé
fait en France, l'objet d'exportations de plus en plus importantes qui
risqueraient fort d'être compromises si nous changions l'appellation.
Les organisations internationales (F.A.O., O.M.S., etc.) utilisent
l'expression « lait stérilisé}) dans le sens que nous lui donnons ici.
Le Marché Commun reconnaît également cette expression et les
règles qui seront établies pour des échanges internationaux concer-
nant ce produit ne s'appliqueront évidemment pas à un produit
portant un autre nom.
D'ailleurs dans tous les pays étrangers l'expression « lait stéri-
lisé })existe et continue d'être régulièrement utilisée.
Serions-nous amenés à ne plus exporter de lait stérilisé sous
le prétexte qu'aucun produit répondant à cette définition internatio-
nale n'existerait plus en France ? Il Y a là quelque chose de très
grave.
Conclusion: Pour désigner le lait stérilisé, tel que nous l'avons
défini plus haut, il faut, d'une part, s'interdire l'utilisation du terme
« lait stérile }) qui, on l'a vu, n'a pas de signification précise, et,
d'autre part, renoncer à toute autre expression que celle de « lait
stérilisé }) qui donne entière satisfaction, qui est utilisée dans le
monde entier et désigne avec certitude le produit qui a été défini
plus haut.

DEUXIÈME PARTIE

CONTROLE DU LAIT STERILISE

La Fédération Internationale de Laiterie a longuement étudié


. cette question. Elle a constitué un Groupe d'Experts (1) qui, après

(1) Composition du Groupe d'Experts chargé de l'étude du contrôle du


lait stérilisé: MM. Borgeaud (CH), Demeter (B), Franklin (UK), Galesloot (NL),
Mocquot (F), Negri (1), Pien (F) responsable du Groupe et rapporteur, Samuels-
son (S).
194 LE LAIT / MARS-AVRIL 1971 / N" 503-504

plusieurs années d'étude, a mis au point un document important,


publié comme Norme Internationale de la F.I.L. (n> 48, 1969).
Les principes qui ont guidé les Experts dans leur travail ont été
les suivants :
1) Le lait stérilisé devant être, conformément à ce qu'on en
attend, parfaitement stable au cours d'une conservation prolongée,
les épreuves doivent essentiellement porter sur le contrôle de la
stabilité physico-chimique du lait stérilisé soumis à des incubations
appropriées.
2) Le lait stérilisé ne devant être le siège d'aucun développement
microbien, mais pouvant néanmoins renfermer quelques rares micro-
organismes ayant survécu à la stérilisation et incapables de se
développer dans le lait, il est procédé à un examen bactériologique
sommaire (qui ne doit laisser apparaître, au cours de cultures sur
milieux solides, qu'un très faible nombre de colonies).
L'application des principes donne lieu, de notre part, aux com-
mentaires suivants

1) Concernant la stabilité physico-chimique du lait


Nous avons admis que le lait est stable si, après incubation à
30° C et à 55° C :
- le test à l'alcool n'entraîne aucune floculation,
- l'acidité, après incubation, n'est pas différente de plus de
0,2 g exprimée en acide lactique par litre, de ce qu'elle était avant
incubation,
- le pH, après incubation, n'est pas différent de plus de 0,5
unité de ce qu'il était avant incubation,
- l'examen organoleptique ne révèle pas, après incubation, de
modifications anormales de l'aspect, de la couleur, de la saveur (en
dehors de l'évolution que certaines de ces caractéristiques subissent
normalement au cours d'un séjour prolongé à l'étuve).

2) Concernant la stabilité microbiologique du lait


L'absence de prolifération de micro-organismes (quels qu'ils
soient) au cours des incubations est mise en évidence par un exa-
men microscopique direct d'une petite quantité de lait étalée sur
lame. Cet examen, effectué avant et après incubation, doit donner
des résultats comparables (voir plus loin le mode opératoire pro-
posé).
D'autre part nous avons admis que le lait stérilisé pouvait ren-
fermer quelques spores capables de survivre à la stérilisation, mais
que le nombre devait en être très limité. Les avis diffèrent quant à
ce nombre limite acceptable. Mais, de toute façon, il ne peut s'agir
que de spores incapables de germer, donc de proliférer, au cours de
l'incubation à laquelle sont soumis les échantillons. Par conséquent,
"""""",_atM'

MÉMOIRES ORIGINAUX 195

en procédant à cet examen après incubation et en constatant que le


nombre de germes vivants (colonies sur milieu gélosé) est très petit,
on aura la preuve que le lait remplit à la fois les deux conditions
imposées. (Si l'on avait affaire à des spores survivantes capables de
germer et de proliférer, le nombre de germes ainsi formés au cours
de l'incubation serait considérable et l'on en serait déjà averti par
l'examen microscopique direct, éventuellement par l'altération du
lait, rendant ainsi inutile ce contrôle par culture).
Ce n'est donc que si les autres tests donnent, après incubation,
des résultats conformes à la définition du lait stérilisé, que l'on
envisagera de procéder à cette épreuve complémentaire, uniquement
destinée à dépister les « spores dormantes )} et à n'accepter pour
« bons)} que les laits stérilisés n'en refermant qu'un très petit nom-
bre. (Les spécialistes français ont admis, depuis longtemps, que ce
nombre, avant ou après incubation, ne devait pas dépasser 5 par ml.
Une disposition analogue figure déjà dans la réglementation fran-
çaise (arrêté du 13 août 1963) concernant les laits concentrés non
sucrés stérilisés). La norme nv 48 de la F.I.L. en tolère jusqu'à 100
par ml (10 par inoculum de 0,1 ml). Ce chiffre semble très élevé à
certains spécialistes. En fait, dans la pratique, il est toujours très
loin d'être atteint.
Les conditions à remplir, selon nous, par le lait stérilisé ont été
précisées plus haut à l'occasion de la définition que nous avons pro-
posée du lait stérilisé.
Quant à la méthode de contrôle elle-même, nous proposons
l'adoption de la norme F.I.L. nv 48 légèrement modifiée pour tenir
compte de la norme française déjà existante relative au contrôle des
laits .concentrés non sucrés (arrêté du 13 août 1963, annexe II) et
des indications données par les Professeurs G. Thieulin et R. Vuil-
laume dans leur excellent Manuel d'Analyse et d'Inspection du lait [22]
et par celles données également par le Professeur Buttiaux dans la
Monographie F.A.o., nv 65, sur la stérilisation du lait [5].
La combinaison de ces quatre documents conduit au texte sui-
vant dont nous proposons l'adoption :

METHODE DE CONTROLE DU LAIT STERILISE


(projet)

Le contrôle bactériologique des laits stérilisés a pour but de


rechercher si ces laits ont subi un traitement convenable et suffisant
pour assurer l'absence de germes pathogènes et la stabilité de la
qualité marchande (1).

(1) Le contrôle des laits V.H.T. (qui sont des laits stérilisés) s'effectuera
par cette méthode,complétéepar le test de turbidité, décrit plus loin.
196 LE LAIT / MARS-AVRIL 1971/ N° 503-504

Il nécessite, pour chaque contrôle, le prélèvement de cinq


échantillons.

a) Examen avant incubation


Sur un échantillon non incubé sont effectués :
Un examen organoleptique (aspect, odeur, saveur).
- Une mesure électrométrique du pH et de l'acidité titrable.
- Un examen bactériologique (numération directe approxima-
tive sous le microscope) (1).

b) Epreuve d'étuvage
Deux autres échantillons sont mis à incuber à 30° C ± 1°C pen-
dant 14 j. Après incubation, l'un d'eux servira aux examens organo-
lep tique, physique et bactériologique décrits au paragraphe c, l'autre
sera réservé à l'examen bactériologique (dénombrement par culture)
décrit au paragraphe d.
Les deux derniers échantillons sont mis à incuber à 55° C ± 1°C
pendant 7 j. Après incubation, ils subiront respectivement les mêmes
examens.

c) Examens organoleptique, physique et bactériologique après


incubation.
Le produit doit satisfaire simultanément à toutes les épreuves
suivantes:
1) Examen organoleptique
Examen visuel en vue de déceler toute trace de coagulation ou
de protéolyse (si elle n'est pas apparente, centrifuger, par exemple
5 mn à 1000 tours/mn, pour accélérer la sédimentation éventuelle).

(1) Nous recommandons tout particulièrement la méthode suivante que


nous avons mise au point jadis (Le Lait, juillet-août 1931,p. 705 à 711) et qui
nous a toujours donné d'excellents résultats :
1) 5 cm" de lait sont additionnés de 1 cm" d'une solution de chlorure de
calcium cristallisé à 50 p. 100 dans l'eau (dans le but de régulariser le séchage).
2) Etaler 1/100 de cm" de ce mélange sur un carré de 1 cm de côté, tracé
au diamant sur une lame de verre.
3) Sécher, laver à l'alcool à 90°C (pour éliminer le CaCI2), sécher, dégrais-
ser au xylol, rincer à l'éther, sécher, colorer au bleu de méthylène, rincer à
l'eau, sécher.
4) Examiner à l'aide d'un objectif à immersion, en ayant soin de jauger ·Ie
champ pour qu'il ait un diamètre de 120 IL(0,12 mm).
5) Explorer une ou plusieurs bandes d'un trait de diamant à l'autre (c'est-
à-dire des bandes de 1 cm de long et de 120 ILde large).
Un germe rencontré dans une de ces bandes correspond à 10000 germes
dans 1 cm" de lait initia!.
MÉMOIRES ORIGINAUX 197

L'odeur et la saveur de l'échantillon ne doivent pas être diffé-


rentes de celles d'un lait stérile soumis à une incubation prolongée
à l'étuve.

2) Epreuve à l'alcool
Mélanger à parties égales : lait à étudier et alcool éthylique à
68°. Il ne doit se produire aucune floculation.

3) Epreuve d'ébullition
Introduire quelques cm' de lait stérilisé dans un tube à essai et
porter 5 mn au BM bouillant. Il ne doit se produire aucune flocu-
lation.

4) Mesure électrométrique du pH
Le pH du lait stérilisé mesuré après incubation ne doit pas dif-
férer du pH mesuré avant incubation de plus de 0,5 unité.

5) Mesure" de l'acidité titrable


L'acidité titrable du lait stérilisé mesurée après incubation ne
doit pas différer de l'acidité titrable mesurée avant incubation de
plus de 0,2 exprimée en grammes d'acide lactique par litre de lait.

6) Examen bactériologique
L'examen microscopique direct (effectué par la méthode directe
décrite plus haut) ne doit pas faire apparaître un nombre de germes
totaux sensiblement plus élevé que dans le cas de l'examen avant
incubation.

d) Examen bactériologique (Dénombrement par culture des for-


mes revivifiables).
Le cas échéant, on procèdera aux épreuves suivantes:

1) En aérobiose
Un ml du contenu de l'échantillon est placé aseptiquement dans
une boîte de Pétri de 100 mm de diamètre. On le mélange de façon
très homogène avec 20 ml du milieu stérilisé suivant :
Peptone trypsique de caséine (Bacto-tryptone Difco
nv B 123) . 5 g
Extrait de levure .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. 3 g
Glucose . 1 g
Amidon soluble (exempt de propriétés bactéricides) 1g
Agar . 15 g
Eau distillée dans un appareil en verre ou en silice 1000 ml
Ajuster à pH : 7. Répartir le milieu à raison de 20 ml par tube
de 200 X 20 mm. Autoclaver 20 mn à 115° C. Conserver au frais et
à l'obscurité.
198 LE LAIT / MARS-AVRIL 1971 / N° 503-504

Ce milieu est fondu préalablement au bain-marie bouillant puis


ramené à la température de 48° C.
Le milieu ainsi ensemencé est incubé pendant 3 j à 31° C ±
1° C ou à 55° C ± 1° C selon que l'échantillon a été incubé lui-même
à l'une ou à l'autre de ces températures.

2) En anaérobiose
Un ml du contenu de l'échantillon est introduit aseptiquement
dans 20 ml du milieu V.L. (viande extrait de levure) ci-après
Peptone trypsique de caséine (Bacto-tryptone Difco
nv B 123) .. .. .. .. .. .. .. .. 10 g
Chlorure de sodium .. .. 5 g
Extrait de viande (Liebig) .. 4 g
Extrait de levure .. .. .. .. 5 g
Glucose.. .. .. .. .. .. .. 2 g
Chlorhydrate de cystéine .. .. .. 0,3 g
Amidon soluble (exempt de propriétés bactéricides) 1 g
Agar.. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. 15 g
Eau distillée dans un appareil en verre ou en silice 1 000 ml
Faire bouillir sans le glucose. Ajuster à pH 7,4. Répartir le
milieu à raison de 20 ml par tube de 200 X 20 mm. Autoclaver
20 mn à 115° C. Conserver au frais et à l'obscurité.
On opère ainsi :
Le tube de 200 X 20 mm contenant le milieu en culot est placé'
au bain-marie bouillant ; après fusion, il y reste durant 10 mn au
moins pour éliminer parfaitement les gaz dissous. La température
du milieu est alors ramenée à 48° C. On ajoute le lait et on mélange
de façon homogène en évitant toute agitation excessive capable
d'introduire une trop grande quantité d'air. On refroidit sous l'eau
du robinet et on laisse gélifier en culot.
Le milieu ainsi ensemencé est incubé pendant 3 j à 31° C ± 1° C
ou à 55° C ± 1° C selon que l'échantillon a été incubé lui-même à
l'une ou à l'autre de ces températures.
On considère comme acceptables les produits ne contenant pas
plus de 5 bactéries par ml, c'est-à-dire pas plus de 5 colonies sur
chacun des deux milieux.

e) Test de turbidité (Distinction des laits V.H.T. et des laits


stérilisés traditionnels).
Nous avons dit plus haut (Définition du lait V.H.T.) que les
laits stérilisés en flux continu à haute température pendant un temps
très court devaient renfermer une certaine quantité d'albumine solu-
ble alors que les laits stérilisés classiques (stérilisation en récipients
à des températures de l'ordre de 120° C pendant plusieurs minutes)
ne devaient pas renfermer d'albumine soluble.
MÉMOIRES ORIGINAUX 199

L'épreuve qui permet de distinguer ces deux types de laits stéri-


lisés est appelée ({ test de turbidité », Elle est obligatoire dans le
cas des laits V.H.T. puisqu'elle fait partie de la définition proposée
de ces laits. Elle ne l'est pas dans le cas des laits stérilisés classi-
ques, parce que, si toutes les autres conditions exigées sont remplies
(stabilité physique, absence de développement microbien au cours
de l'incubation, etc.) le test de turbidité sera nécessairement négatif.
Cependant on pourrait fort bien concevoir que cette épreuve fût
également rendue obligatoire dans le but d'obtenir une garantie
supplémentaire ou pour rendre le contrôle plus rapide et plus
simple.
Le texte de cette épreuve, fondé sur le test d'Aschaffenburg, a
été mis au point par nos soins à la demande du Groupe d'Experts
de la Fédération Internationale de Laiterie (l) chargé de l'étude des
laits D.H.T.
Nous reprendrons donc, purement et simplement, le texte adopté
par la F.I.L. (Melbourne 1970, Comm. B, Doc. 2, Annexe 1) qui est
le suivant:

METHODE PERMETTANT DE DISTINGUER LES LAITS U.H.T.


DES AUTRES LAITS STERILISES
(test de turbidité modifié)

1) Domaine d'application
L'objet du test décrit ci-dessous est de permettre la distinction
entre les laits D.H.T. (c'est-à-dire des laits stérilisés obtenus par un
procédé de chauffage en flux continu pendant quelques secondes à
une température supérieure à 1300 C), des autres types de laits sté-
rilisés suivant des méthodes classiques (stérilisation dans les réci-
pients par systèmes statiques ou rotatifs pendant plusieurs minutes
ou davantage à des températures inférieures à 125° C).
La méthode est applicable à l'identification de laits D.H.T. aro-
matisés ou chocolatés qui n'ont pas été soumis à un pré-chauffage.

2) Principe de la méthode
Le test de turbidité consiste à déterminer la présence éventuelle
de protéines de sérum non dénaturées dans un lait stérilisé. Cette
détermination est basée sur l'aspect visuel après 5 mn d'ébullition
du filtrat obtenu à partir d'un échantillon de lait auquel on a ajouté

(1) Composition du Groupe d'Experts : MM. Ashton (GB) rapporteur,


Drogt (NL), Haukka (SF), Hostettler (CH), Lembke (D), Negri (1), Pien (F),
Ronkilde-Poulsen (DK), Samuelsson (S), Shew (AUS), Q'Sullivan (EIR).
200 LE LAIT / MARS-AVRIL 1971 / N° 503-504

une quantité donnée de sulfate d'ammonium. Lorsqu'il est soumis


à ce traitement, le lait contenant des protéines de sérum non déna-
turées présentera une turbidité positive ; réciproquement, une tur-
bidité négative indique l'absence de protéines de sérum non déna-
turées.
Les protéines de sérum non dénaturées résiduelles sont pré-
sentes en quantités négligeables ou sont absentes dans le lait stéri-
lisé suivant les méthodes classiques et ce lait présente une absence
de turbidité ou une réaction négative. Le lait D.H.T., cependant,
contient des' quantités appréciables de protéines de sérum non déna-
turées et accuse invariablement la présence de turbidité, ou une
réaction positive.

3) Réactifs
3.1. Sulfate d'ammonium (NH')2 SO•.

4) Appareillage
4.1. Béchers de 100 ml ou flacons coniques de 100 ml.
4.2. Entonnoirs et papier filtre (à filtration lente - Whatman nv
2 V ou 42).
4.3. Tubes à essai 160 X 16 mm.
4.4. Bain-marie contenant de l'eau en ébullition au moment où
les tubes y sont plongés ; l'eau devra rester en ébullition jusqu'à la
fin du test.

5) Mode opératoire
5.1. Verser dans un bécher ou un flacon conique, à l'aide d'une
pipette graduée, 20 ml ± 0,5 ml de l'échantillon de lait rendu homo-
gène par retournement ou agitation.
5.2. Ajouter 4 ± 0,1 g de sulfate d'ammonium. Agiter doucement
le bécher ou le flacon pendant 1 mn et laisser reposer pendant 4 mn.
5.3. Filtrer à travers du papier filtre (4.2). Verser 5 ml du filtrat
dans un tube à essai (4.3). Si nécessaire, filtrer à nouveau afin
d'obtenir un filtrat limpide.
5.4. Placer les tubes à essai dans l'eau en ébullition pendant
5 mn ± 2 s.

6) Interprétation des résultats


6.1. Si le contenu du tube à essai reste limpide, on peut en
conclure que le lait examiné est un lait stérilisé produit suivant les
méthodes classiques.
MÉMOIRES ORIGINAUX 201

6.2. Si le contenu du tube à essai est trouble ou présente un


précipité blanchâtre, on peut en conclure que le lait examiné est un
lait V.H.T. ou un lait V.H.T. aromatisé ou chocolaté qui n'a pas été
soumis à un pré-chauffage.

Résumé

Après avoir souligné qu'il n'existe actuellement aucune définition


internationale du lait stérilisé, l'auteur pose les principes d'une
définition correcte fondée sur la conservabilité, c'est-à-dire sur la
stabilité physique et chimique, et non pas sur la stérilité qui est
inutile, irréalisable d'une façon absolue et incontrôlable.
Le projet de définition proposé par l'auteur peut se résumer
ainsi:
« Le lait stérilisé doit être exempt de germes pathogènes, et de
» micro-organismes quelconques susceptibles de s'y développer. Il
» doit rester parfaitement stable pendant une durée commerciale-
» ment suffisante. Après trois semaines d'incubation à 31°C ± 1°C,
» il ne doit pas renfermer, par ml, plus de 5 spores vivantes, inca-
» pables de proliférer dans le lait. Il doit être conditionné dans des
» récipients étanches et entreposé à l'abri de la lumière »,
L'auteur, passant ensuite à l'étude des laits V.H.T., propose de
les définir de la manière suivante :
« Laits stérilisés obtenus par chauffage en flux continu à haute
» température (au moins 135° C) pendant un temps très court (quel-
» ques secondes), conditionné aseptiquement en récipients stériles,
» devant satisfaire au test de stabilité des laits stérilisés et au test
» de turbidité d'Aschaffenburg modifié »,
Dans une deuxième partie, l'auteur pose les principes et décrit
les méthodes de contrôle du lait stérilisé classique et du lait stéri-
lisé V.H.T. permettant de vérifier leur conformité aux définitions
précédentes.

Summary

After having underlined that, actually, there exist no internatio-


nal definition of sterilized milk, the author lays down the princip les
of a correct definition, based upon keeping qualities, that is upon
physical and chemical stability and not upon sterility which is
useless, unattainable in absolute sense and not verifiable.
The draft of definition proposed by the author may be summa-
rized as follows :
« Sterilized milk should be free from pathogenic germs and
» from any microorganism able to develop in it. It should remain
» thoroughly stable for a commercially sufficient duration. After
» three weeks of incubation at 31° C ± 1° C, it should not contain,
202 LE LAIT / MARS-AVRIL 1971 / N° 503-504

» in one milliliter, more than 5 living spores unable to pro lifer


» in milk. It should be packaged in tight recipients and stored pro-
» tected from light »,
The author, studying the U.H.T. milks, propose to define them
in the following manner :
« V.H.T. milks are sterilized milks obtained by an uninterrupted
» continuous flow heating process involving a high temperature
» treatment (at least 1350 C) for a very short period of time (a few
» seconds), followed by aseptic packaging in sterile recipients. These
» milks should pass the stability test for sterilized milks and the
» modified Aschaffenburg turbidity test »,
In a second part, the author lays down the princip les and des-
cribes the control methods for classical sterilized milk and for ste-
rilized V.H.T. milk, allowing to verify their conformity to the above
definitions.

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