Juan
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Juan
Emmanuelle JUAN
Remerciements
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 -1-
Sommaire
Introduction .......................................................................................................................... 6
II. La gestion prévisionnelle et informatisée des flux nécessite une approche transversale
et innovante ....................................................................................................................... 21!
A.! Système d’information et gestion des lits : une démarche nécessairement
transversale ................................................................................................................ 21!
1)! Etat des lieux au CH d’Arras ........................................................................... 22!
2)! Perspectives nationales ................................................................................... 22!
B.! Le lit, un actif spécialisé à mutualiser pour garantir une prise en charge de
qualité fluidifiée ........................................................................................................... 25!
1) Analyser les capacités d’accueil à travers la standardisation des séjours ......... 26!
2) Favoriser la polyvalence des capacités d’accueil ............................................... 26!
3) Surmonter les réticences .................................................................................... 28!
4) Développer la performance de gestion ............................................................... 29
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 -2-
CHAPITRE 2 – Les leviers mobilisés ou en cours de mobilisation au CH d’Arras
visent à optimiser la gestion opérationnelle et prévisionnelle des flux de patients . 31
Conclusion ....................................................................................................................... 47
Bibliographie ...................................................................................................................... 48
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 -3-
Liste des sigles utilisés
médico-sociaux
CH = centre hospitalier
DMS = durée moyenne de séjour (moyenne des durées de séjours constatées au sein
TO = taux d’occupation (ratio du nombre de lits occupés sur le nombre de lits disponibles)
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 -4-
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 -5-
Introduction
Selon la SAE 2013 (statistique annuelle des établissements), le CH d’Arras compte 1138
lits et places! dont 395 lits et 77 places en médecine, chirurgie, obstétrique (MCO). Les
flux d’entrée y sont multiples, qu’ils soient urgents ou programmés, ils répondent à des
contraintes organisationnelles et de gestion parfois difficilement compatibles. En effet,
bien souvent, ces deux flux se croisent et influent l’un sur l’autre : l’entrée urgente prenant
par exemple la place d’hébergement d’une entrée programmée ou l’entrée programmée
ne permettant plus l’accueil de l’entrée urgente et obligeant les équipes médicales à
héberger le patient dans une autre unité médicale inadaptée à la pathologie du patient
voire à le transférer vers une autre structure d’accueil.
Dès lors, la complexité de la thématique de gestion des flux est double : elle vient d’abord
de l’approche du parcours patient dans sa globalité, de la pré-admission à la sortie et de
l’amont à l’aval du séjour. Elle est renforcée par la multiplicité des types de séjours
présents dans les établissements de santé : hospitalisations programmées
1
Le nombre de GHM avec un seuil bas baisse de 800 à 658 en 2014, soit une baisse de 17,75%
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 -6-
(conventionnelles, de semaine, à domicile, ambulatoires) et hospitalisations non-
programmées (depuis les urgences ou directement dans les unités de soins).
Pour mener une démarche d’amélioration de la gestion des flux, une gestion
prévisionnelle des séjours devient nécessaire. C’est dans ce cadre que s’inscrit l’annonce
la ministre de la santé, Madame Marisol Tourraine, le 26 avril 2013 de favoriser la
création de gestionnaires de lits à travers l’accompagnement de 150 établissements en
2013 et 2014 par l’ANAP. Une vingtaine d'établissements publics a d’ores et déjà déployé
une telle organisation comme l'hôpital Saint-Joseph à Paris depuis mars 2012.
Ce concept de « Bed manager » a émergé aux Etats Unis. Là-bas, il s’agit d’une fonction
essentielle du système de soins qui assure la gestion et la coordination des services
médicaux, paramédicaux et sociaux du patient à travers une vision globale de la prise en
charge. Le « Bed manager » se concentre à la fois sur un objectif de standardisation des
durées de séjours mais aussi sur la programmation anticipée du recours aux plateaux
médico-techniques. Il contribue ainsi à l’optimisation de l’activité de l’établissement.
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 -7-
Or, dans un contexte de tarification à l’activité, l’un des enjeux majeurs des
établissements de santé est de développer l’activité médicale à travers une optimisation
constante des capacités d’accueil. Le directeur d’hôpital, gestionnaire mais aussi
visionnaire de sa structure, doit contribuer à la modélisation des unités fonctionnelles de
son établissement afin de fluidifier le plus possible le circuit patient, en garantissant une
prise en charge qualitative et sûre. Une bonne gestion des lits revêt donc un atout
indispensable de performance organisationnelle et financière. Cette dernière repose sur
des méthodes d’organisation rationnelles, une adéquation optimale entre niveau d’activité,
niveau de ressources engagées et respect d’un niveau de qualité déterminé. « Il s’agit de
gérer au mieux une capacité d’accueil pour prendre en charge un volume d’activité donné
ou cible, en respectant des critères de qualité (qualité des soins, délais, durées, fiabilité
de la programmation…) sous contrainte de ressources »2
2
Collectif, avril 2008, « La gestion des lits dans les hôpitaux et cliniques, bonnes pratiques
organisationnelles et retours d’expériences » MeaH, page 13
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 -8-
CHAPITRE 1 – La gestion des flux est devenue un enjeu majeur
de performance organisationnelle au sein des établissements de
santé
L’absence de coordination entre les flux d’entrées programmées et non programmées (A.)
provoque un certain nombre de dysfonctionnements qui nuisent autant à la qualité de la
prise en charge qu’à l’efficience organisationnelle de l’établissement (B).
A. La gestion des flux d’entrées repose sur des processus distincts et non
coordonnés en fonction de leur caractère programmé ou non programmé
S’engager dans la fluidification des flux d’entrées d’un établissement de santé suppose au
préalable de pouvoir avoir une fine connaissance de ces flux, tant en volume qu’en
fréquence et en typologie. Ceci permettra d’ajuster au mieux les moyens de production de
soins (disponibilité des plateaux techniques, disponibilité des moyens humains médicaux
et paramédicaux, des moyens logistiques et de gestion) aux besoins de santé exprimés
par la population. Pour que l’hôpital puisse offrir des soins de qualité et sûrs, il doit
articuler les acteurs de soins entre eux et de cette manière élaborer un parcours patient
individualisé dans lequel les ruptures de prise en charge sont évitées. Pour y parvenir, le
CH d’Arras a développé depuis quelques années une gestion rationalisée des flux
d’entrées programmées (1) et essaye également de mieux anticiper ses flux d’entrée non
programmées à travers le suivi d’un certain nombre d’indicateurs (2).
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 -9-
1) Les flux d’entrées programmées sont rationalisés afin d’assurer une
production de soins optimisée
Depuis la fin des années 2000, le CH d’Arras s’est organisé afin de mieux répondre aux
exigences de l’activité programmée. En effet, en un an près de 120 012 consultations
externes et 7 539 passages au bloc opératoire (SAE 2013) ont été réalisés au sein de
l’établissement.
Deux services de programmation centralisée ont ainsi été mis en place afin d’optimiser la
production de soins : les hôtesses de la CHAline pour la programmation des rendez-vous
de consultations externes et les hôtesses BLOCQUAL pour la programmation des actes
opératoires (hors urgences et hors interventions survenant au cours d’une
hospitalisation).
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 10 -
l’établissement. Elle permet aussi à l’établissement d’optimiser les prises de rendez-vous
en les regroupant. Ainsi un paramétrage initial a déterminé en lien avec chaque praticien
la durée moyenne de leurs consultations (10 minutes en traumatologie, 15 minutes en
ophtamologie…) permettant ainsi à l’agent d’accueil CHAline d’exploiter chaque plage
horaire (Annexe 2 : copie d’écran de l’agenda d’un praticien). Les situations de sur-
programmation ou de programmation en urgence relèvent cependant exclusivement des
secrétariats médicaux de chaque spécialité. Par ailleurs, un autre paramétrage permet
d’assurer la reprogrammation automatique des consultations de suivi (à deux mois, à trois
mois, à six mois). Le patient n’est ainsi plus tenu de rappeler le service, une convocation
lui est automatiquement adressée. Enfin, le redéploiement de la gestion des agendas sur
une équipe centralisée permet aux secrétaires médicales de spécialités de se concentrer
sur leurs autres missions comme la frappe de courriers.
En l’espace de quelques années, le service de la CHAline a su s’imposer comme le levier
incontournable d’optimisation des agendas de consultations externes. Ainsi, de 510
appels par mois au démarrage en 2009, il absorbe aujourd’hui près de 5 354 appels
mensuels de demandes de rendez-vous. Des indicateurs statistiques mensuels
permettent également de suivre le volume d’appels non aboutis afin d’ajuster si besoin les
ressources humaines du service aux variations d’activité.
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 11 -
- Une coordination entre les acteurs au sein des services de soins afin d’optimiser la
prise en charge et l’information du patient
- Une amélioration de la coordination entre les services de soins et le bloc
opératoire
Toutefois, une des limites majeures d’optimisation de la programmation réside dans le
manque de recul des hôtesses BLOCQUAL sur les plages de consultations d’anesthésie
disponibles. En effet, la visibilité des plages de rendez-vous d’anesthésie est connue en
général avec seulement quinze jours d’avance… Ce manque de visibilité pénalise
aujourd’hui l’anticipation de la programmation opératoire.
2) Le suivi des flux des urgences permet de mieux anticiper leur impact sur
l’organisation des unités de soins spécialisées
Le CH d’Arras a enregistré une forte croissance de ses flux aux urgences : 37 844 en
2013 contre 33 231 passages en 2011, soit une activité en hausse de 14 %. Cette
tendance multifactorielle est souvent associée dans l’esprit des professionnels de santé
au transfert des flux de la permanence des soins libérale vers les urgences.
Au-delà ce constat, la caractéristique principale des flux non programmés c’est qu’ils sont
variables. Toutefois, une analyse assez précise des passages aux urgences permet de
constater que, hormis certaines périodes de pics d’activité, le volume des flux quotidiens
est relativement stable. Au CH d’Arras, ce flux représente environ 2 198 patients tous les
mois (Annexe 4 : Indicateurs Nombre de passages aux urgences) avec une moyenne de
120 à 140 passages/jour. L’activité non programmable n’est donc pas totalement
aléatoire, d’où la nécessité de l’anticiper au mieux pour qu’elle ne désorganise pas le
fonctionnement des unités de soins spécialisées servant de filières d’aval.
Au CH d’Arras, un certain nombre d’indicateurs d’activité sont ainsi suivis « en routine »
par la cadre du service des urgences à partir de requêtes du logiciel de soins CLINICOM
mais aussi principalement à partir d’un relevé manuel.
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 12 -
Ainsi, parmi eux, peut-on distinguer les indicateurs relatifs à la performance du service
des urgences et des indicateurs relatifs à l’activité de post-urgence.
Concernant les indicateurs de performance, notons que le nombre de patients présents
depuis J-1 aux urgences et toujours en attente d’hospitalisation à 12 heures s’élève à 169
patients pour la période de janvier à février 2014 et à 145 sur les deux mois glissants
suivants (mars-avril 2014). Ce qui représente moins de 2 % des passages. Ce résultat est
conforme aux résultats de l’enquête nationale menée par la DRESS.(étude du 11 juin
2013) qui révèle que la prise en charge aux urgences dure en moyenne moins de deux
heures pour la moitié des patients, hormis ceux ayant séjourné en unité d’hospitalisation
de courte durée (UHCD) dont le passage est plus long3.
De même le nombre de patients présents en lit / brancard à 5 heures du matin, alors que
leur prise en charge aux urgences est terminée et qu’ils nécessitent une hospitalisation
quelle que soit la durée prévisionnelle de ce séjour, représente en moyenne 8 % des
passages. Ce taux relativement élevé mérite qu’une réflexion soit menée pour favoriser
les admissions de patients avant minuit dans les secteurs de soins adaptés.
Concernant les indicateurs de suivi de l’activité de post-urgence, ils permettent d’identifier
où sont adressés les patients après leur passage aux urgences.
Ainsi, le matin, le taux d’admission en provenance des urgences dans un service de
l’établissement est de 17 % (modalité de calcul : nombre de malades en provenance des
urgences admis le matin en hospitalisation complète / nombre total de patients
hospitalisés en hospitalisation complète entrés le matin). Ce ratio montre que le volume
d’activité programmée est le principal flux d’activité et qu’à l’inverse, les flux non
programmés représentent moins de 20 % de l’activité d’hospitalisation de la structure.
Au total, pendant l’année 2013, 28,4 % des passages aux urgences ont donné lieu à une
hospitalisation et seulement 3 % à un transfert, même si le nombre de transferts a
légèrement augmenté sur le premier semestre 2014 (5 %), il demeure un ratio tout à fait
acceptable au regard du volume global d’activité du service des urgences.
Un certain nombre de paramètres entrent en ligne de compte pour assurer une prise en
soins de qualité et une organisation économiquement viable de la structure qui la délivre.
S’il ne s’agit pas de faire du profit à partir d’un case-mix de pathologies économiquement
non rentables et de spécialités structurellement plus lucratives, la recherche d’un équilibre
budgétaire est devenue une priorité au regard des injonctions émanant des tutelles
3
Echantillon de 52 000 patients s’étant présentés dans les 736 points d’accueils des urgences de
la France métropolitaine et des DOM, le 11 juin 2013.
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 13 -
régionale et ministérielle. Or, la conjonction de plusieurs dysfonctionnements peut
paralyser l’ensemble d’un système et compromettre son efficience globale, qu’elle soit
qualitative, financière ou médicale. Il convient donc d’identifier ces dysfonctionnements
afin de les enrayer. Au CH d’Arras, la prise en soins se caractérise par un manque de
visibilité global sur la disponibilité en lits dans l’établissement (1). A cela et/ou en
conséquence de quoi, s’ajoute une programmation des flux programmés peu performante
(2) qui engendre un défaut d’anticipation (3) se traduisant par un taux d’occupation non
optimisé (4). Aussi, l’insuffisance de formalisation des processus (5) ne facilite pas les
changements de culture et de mentalités. Enfin, l’inadéquation des ressources soignantes
aux activités (5) constitue un frein supplémentaire à une vision managériale globale (6).
La fluidité des parcours de prise en charge est largement conditionnée par les capacités
d’accueil de la structure. Or, que ce soit pour la gestion des flux non programmés ou pour
celle des flux programmés, force est de constater que le personnel hospitalier peine à
avoir une vision fine des lits disponibles.
Ainsi, concernant les arrivées des urgences nécessitant une hospitalisation, la première
difficulté réside dans le repérage d’un lit non occupé dans les services de spécialité. La
seconde est ensuite de savoir si ce lit non occupé est réellement disponible. Enfin, en cas
d’absence de lit disponible, une dernière difficulté consiste à connaître les lits qui vont se
libérer.
Bon nombre de médecins urgentistes ne peuvent en effet s’assurer de la disponibilité
réelle d’un lit que par l’appel direct dans la structure interne envisagée pour l’hébergement
sans pouvoir contrôler la véracité de la réponse qui leur est apportée (pratique des « lits
cachettes » pour retarder les admissions). Ce travail chronophage de recherche
téléphonique représente au CH d’Arras pas moins de 5 ETP toute catégorie de
professionnels confondus : secrétaires, cadres de santé, médecins... Néanmoins, les
services qui refusent de recevoir de nouveaux malades ne le font ni par ignorance ni par
malveillance, ils défendent seulement leurs intérêts propres. Chaque service hospitalier
se considérant comme propriétaire de « ses » lits et de « son » personnel, la question du
partage des moyens ne se limite pas à l’accueil des malades venant des urgences. De
façon générale, même sous-occupés, les services sont très réticents à accueillir les
malades issus de services sur-occupés. La spécialisation du personnel et des
équipements est souvent mise en avant pour expliquer cette attitude, mais cet argument
est rarement justifié.
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 14 -
D’une manière générale, on constate aussi une inadéquation entre les horaires où des lits
deviennent disponibles dans les services et le moment de la journée où les services
d’urgences en ont le plus besoin. Pour pallier à ce phénomène, la pratique de « lits-
brancards » se développe à certaines heures de la journée et notamment la nuit.
En 2010, les services d’accueil des urgences ont représenté en moyenne 32% du total
des hospitalisations. Au CH d’Arras, sur l’année 2013, 28,4 % des passages aux
urgences ont donné lieu à une hospitalisation.
Concernant la gestion des flux programmés, le logiciel de soins CLINICOM utilisé au CH
d’Arras ne permet pas une gestion prévisionnelle des flux : le dénombrement graphique
des lits (Annexe 5) est le reflet du taux d’occupation d’une unité médicale à un instant
donné. La possibilité de saisir des pré-admissions et des pré-sorties n’a en effet aucun
impact sur la réservation des lits. Dès lors, l’encadrement soignant « jongle » avec les
paramètres de gestion des lits (lit en travaux, bio-nettoyage, fermeture temporaire, lit
mutualisé, lit réservé) pour s’assurer de l’adéquation des lits disponibles au volume de
l’activité programmée. Cette pratique fausse néanmoins grandement les capacités réelles
disponibles dans les unités et complexifie la gestion de l’aval des urgences.
Une admission est programmée quand elle est connue avant un certain délai (à J-1, J-7,
lors du staff de programmation de la semaine précédente…).
Maîtriser son flux d’admissions programmées est une condition indispensable au lissage
de la charge de travail et à la planification des ressources, elles-mêmes condition d’une
optimisation des charges de fonctionnement de l’établissement.
Or, l’analyse de la programmation des hôpitaux de jours de médecine, de chirurgie et de
l’hôpital de semaine de médecine révèle un lissage insuffisant des activités sur la
semaine. Composés de 15 places d’ambulatoire et de 15 lits de semaine correspondant à
une taille critique minimale, l’activité de médecine n’a pas encore déployé toutes ses
potentialités. Ainsi, en hôpital de semaine on enregistre un taux d’occupation de
seulement 54 %4 et un taux plus satisfaisant de 135,9 % pour l’activité ambulatoire
(l’absence de taux de rotation ne permet cependant pas d’affiner plus précisément cette
valeur). De même en unité de chirurgie ambulatoire (composée de 17 lits), ce taux est de
61 %. Cette sous-optimisation des capacités disponibles peut s’expliquer de plusieurs
façons : une programmation non optimisée (non optimisation des plages horaires d’après-
midi, absence de fluidité des interventions aux blocs opératoires avec de nombreux
4
NB : Une unité d’hospitalisation de semaine ne peut pas dépasser 80 % de taux d’occupation au sens du
PMSI, car le PMSI compte 4 jours pour un séjour sur 5 jours et 4 nuits (Guide d’analyse de l’outil : Autodiag
Gestion des lits – Analyse des capacités d’Hébergement, 2013 – page 12)
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 15 -
« temps morts », file active de patients insuffisante…). De même un certain nombre de
freins culturels peuvent être mis en avant : ainsi tel un plafond de verre, la culture de
l’anesthésie générale freine le développement de la chirurgie ambulatoire et à travers elle,
c’est toute la conception de l'hôpital qui doit être repensée comme un lieu de soins sans
nécessairement être associé à l’idée d’hébergement.
Au CH d’Arras, si la centralisation de la programmation des actes chirurgicaux permet
d’optimiser les plannings opératoires, il apparaît parfois un manque de compétences des
hôtesses de programmation. Ainsi, il peut arriver que des plages opératoires soient
bloquées trop longtemps au regard de la nature de l’intervention pratiquée.
Enfin, l’absence de plage opératoire dédiée à l’ambulatoire (surtout en début d’après-midi)
ne permet pas d’optimiser le nombre d’interventions pratiquées sur une journée et freine
la bonne rotation des patients dans les lits : en effet, l’échelonnement de la
programmation des patients sur la matinée est minimale faute d’ajustement avec le bloc
opératoire. Ainsi, au cadre de santé du service de chirurgie ambulatoire de constater :
« j’ai des jours où j’ai 5 patients et d’autres où j’en ai 23 ». Et d’expliquer le
phénomène : « ça dépend du bloc ».
Par ailleurs, l’affectation d’hospitalisations de 0 à 1 nuit en hospitalisation conventionnelle
en lieu et place du secteur ambulatoire est le reflet d’une non-optimisation des flux de
programmation engendrant des charges de fonctionnement en secteur conventionnel
supérieures aux recettes d’activité. Ce nombre de lits dits « forains » nécessite une
analyse GHM par GHM afin de faire évoluer les pratiques des praticiens conformément
aux recommandations de bonnes pratiques de la Haute Autorité de Santé (HAS). En effet,
la promotion de la chirurgie ambulatoire est depuis une dizaine d’années un cheval de
bataille ministériel5. Dès la conférence de consensus de mars 1993, elle a été définie
comme l’ensemble « des actes chirurgicaux […] programmés et réalisés dans les
conditions techniques nécessitant impérativement la sécurité d’un bloc opératoire, sous
une anesthésie de mode variable et suivi d’une surveillance postopératoire permettant,
sans risque majoré, la sortie du patient le jour même de son intervention. » Cette
définition induit plusieurs caractéristiques propres à la chirurgie ambulatoire. Ainsi, cette
dernière impose une hospitalisation (certes courte) mais une hospitalisation tout de
même, par opposition au soin externe effectué en consultations ; par ailleurs, la durée du
séjour du patient doit être limitée à 12 heures maximum et enfin, l’acte opératoire reste le
même que celui effectué en chirurgie classique, seules les conditions d’organisation dans
lesquelles il est réalisé, changent. Reprise et codifiée dans le code de santé publique par
le décret du 6 mai 2005, la chirurgie ambulatoire n’a cessé depuis d’être promue par les
pouvoirs publics afin de contrer certains stéréotypes tenaces voyant dans cette pratique,
5
Cf Emission « Etat de santé » du 28 septembre 2014 consacrée à cette thématique avec
l’interview de Madame la ministre de la santé.
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 16 -
une chirurgie « légère » ou encore une « petite » chirurgie… Ainsi, les circulaires du 24
février 2011 et celle du 6 juin 2011 la qualifient de chirurgie « qualifiée et substitutive ». Il
s’agit en effet de changer de paradigme en ne considérant plus seulement les gestes
ciblés potentiellement réalisables en chirurgie ambulatoire et inscrits dans des listes
fermées, souvent contestées et toujours en retard sur la pratique des professionnels, mais
aussi d’étendre ce mode de prise en charge à l’ensemble des patients éligibles pour faire
de la chirurgie ambulatoire une référence.
Enfin, l’absence de suivi des déprogrammations ne permet pas de dresser une évaluation
interne de la performance du secteur de programmation. Le recensement quotidien de
ces situations ainsi que leurs causes pourraient cependant être source d’enseignements
précieux sur les blocages récurrents dont souffrent les secteurs de prise en charge non
conventionnelle.
3) Un défaut d’anticipation
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 17 -
La maitrise des horaires d’admission et des rendez-vous d’examens des patients apparaît
donc comme un enjeu majeur d’optimisation des séjours hospitaliers. Pour la gestion des
lits notamment, l’admission en matinée des patients de chirurgie permet un passage au
bloc le jour même et cela permet à un patient de médecine d’être exploré dès la première
journée.
De même, l’anticipation des congés des professionnels en tenant compte des variations
d’activité connues pour les spécialités à activité saisonnalisée (comme en pédiatrie ou en
pneumologie par exemple) et en tenant également compte des temps de présence
médicaux (l’absence d’un médecin a nécessairement un impact sur le volume de patients
hospitalisés) permet d’adapter les cadres de fonctionnement aux flux de patients, et ainsi
maîtriser les charges de fonctionnement de la structure.
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 18 -
seulement certains services n’exploitent pas l’ensemble de leurs lits disponibles, mais en
plus, ils ont tendance à garder leurs patients plus longtemps que prévu ; ce qui freine la
rotation des lits. Cette dernière constitue un enjeu financier important. En effet, une
estimation des recettes potentielles « perdues » du fait d’un séjour long par rapport à la
durée moyenne de séjour (DMS) nationale moyenne de chaque spécialité incite à la
vigilance. Actuellement, un travail de sensibilisation des équipes médicales et soignantes
est mené en ce sens sur le pôle médecine par la cadre supérieure du pôle. Sans doute
serait-il utile de déployer cette politique à l’échelle de l’établissement par la création,
comme au CHU de Nîmes, d’une commission d’analyse des DMS. Cette dernière se
réunit de façon hebdomadaire afin d’accélérer la sortie des patients hospitalisés depuis
plus de 21 jours.
Cependant, une analyse mensuelle et fine des taux d’occupation par spécialités
médicales issus du recueil manuel quotidien effectué par les cadres de chaque spécialité
du pôle (à 10 heures, à 16 heures et à 5 heures du matin du nombre de lits occupés)
montre des amplitudes variables suivant les mois considérés. Ainsi, en pneumologie
(secteur d’hospitalisation), le taux d’occupation de janvier 2014 s’élève à 97,5% alors qu’il
n’est que de 79,5% en mai, soit une différence de 18 points. Ce constat n’est pas isolé et
révèle qu’un raisonnement global ne permet pas d’appréhender de façon fine les enjeux
liés à l’optimisation du programme capacitaire : soit insuffisants en particulier à certaines
périodes de l’année, soit au contraire, excessifs et sources de surcharge de travail et
d’altération des conditions de travail des soignants, les taux d’occupation sont des
données à manier avec prudence en terme d’analyse.
Associés à la DMS et à l’IP-DMS, l’ensemble de ces indicateurs ne permet pas un
pilotage précis : leur évolution est lente et leur variation peut résulter d’un nombre
important de paramètres (évolution du case-mix, des pratiques médicales, de la file
active…). Cependant la complexité d’analyse ne doit pas obérer une réflexion sur
l’optimisation du capacitaire au regard des évolutions de ces indicateurs corrélés entre
eux. Ils constituent autant de jalons à prendre en compte, à relativiser, à interpréter pour
anticiper les évolutions des prises en charge médicales qui dessineront l’hôpital de
demain.
L’adéquation des ressources soignantes à l’activité n’est possible que si les variations
d’activité sont anticipées. En effet, seule une gestion prévisionnelle des lits permet
d’adapter la masse salariale paramédicale au taux d’occupation réel des services. Au CH
d’Arras, l’absence de gestion prévisionnelle réelle de l’occupation des lits alimente le
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 19 -
recours aux heures en marges des professionnels de santé ou au contraire aux situations
de sous-activité nécessitant de réduire le personnel. Parfois même on assiste à des
situations de sous-activité non corrélées à une diminution des effectifs. Lors de mon
stage, la question du cadre de fonctionnement en ressources humaines (RH) du service
d’hématologie a été étudiée. Le périmètre de cette unité correspond à 7 lits
d’hospitalisation conventionnelle et 7 places de jour.
Le cadre de fonctionnement du service d’hématologie ne prévoit pas d’AS (aide
soignante) la nuit et une présence à minima le week-end, à savoir 1 AS en journée le
samedi (8h-16h) et un AS le matin le dimanche.
Un tract syndical estival insistait sur un phénomène d’épuisement au travail du personnel
soignant affecté à cette unité. Or, le recueil de l’activité dans le service d’hématologie
depuis le début de l’année 2014 est le suivant :
Moyenne&du&nb&de&patients&présents&en&hématologie
janv714 févr714 mars714 avr714 ! mai714 ! juin714 ! juil714 ! août714 ! Moyenne
!NUIT 4,48 4,56 5,87 6,48 6,23 5,62 5,96 4,75 5,49
WE 4,04 4,25 5,08 6,38 5,31 5,08 5,67 4,21 5,00
Au regard de ces moyennes, la présence d’une seule IDE (infirmière diplômée d’Etat) la
nuit et la présence d’une IDE renforcée d’1 AS sur une partie du we (en jour le samedi et
de matin le dimanche) paraît suffisante (à moduler en fonction de la charge en nursing et
de la présence ou non de patients en autogreffe) au regard des recommandations (1 IDE
et 1 AS pour 10 à 12 patients). De ce constat naissent deux hypothèses non exclusives
l’une de l’autre. D’un point de vue opérationnel, est-ce que la variation d’activité peut
permettre de réduire le cadre de fonctionnement RH ; et d’un point de vue stratégique :
est-ce que le dimensionnement du capacitaire du service d’hématologie est pertinent au
regard du cadre de fonctionnement RH qu’il impose : 14 lits et places en journée mais
uniquement une capacité de 7 lits la nuit et le week-end. N’est-ce pas là une gabegie en
termes de charges RH sachant que « la taille idéale d’une unité pour des raisons de
productivité de situe autour de 306 ?
Si ce constat peut être dressé dans un service, il y a lieu de penser que le phénomène
n’est pas isolé et qu’il concerne aussi d’autres secteurs de l’établissement. Dès lors,
l’hypothèse d’optimisation du capacitaire ne réside plus uniquement dans l’adaptation du
cadre de fonctionnement RH à l’activité mais aussi dans l’adéquation préalable du
capacitaire à un cadre de fonctionnement RH minimal. Pour ce faire, un pilotage médico-
6
Collectif, avril 2008, « La gestion des lits dans les hôpitaux et cliniques, bonnes pratiques
organisationnelles et retours d’expériences » MeaH, page 74
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 20 -
économique de l’adéquation des ressources aux activités paraît indispensable pour
assurer une juste allocation des ressources aux flux d’activité. La création et le suivi
d’indicateurs en lien avec la gestion des lits permettent donc d’objectiver les éventuelles
situations de tensions et/ou de gaspillage sur les moyens. Ainsi, le nombre de lits installés
par ETP IDE, le nombre de lits occupés par ETP IDE ou encore le nombre d’ETP IDE
pour 1000 jours d’hospitalisation permettent de mesurer la bonne adéquation des RH à
l’activité (préconisations ANAP).
Le rôle du système d’information dans la mise en œuvre d’une gestion prévisionnelle des
lits est indispensable, comme le montre l’état des lieux dressé au CH d’Arras et le
benchmark réalisé au sein d’établissements pilotes sur cette thématique (A.)
Par ailleurs, la gestion des capacités d’hébergement conditionne la fluidité du parcours
patient et sa prise en charge au bon endroit, par les bonnes équipes, au moment adéquat
et pour une durée adaptée. L’optimisation de ce processus permet donc aussi d’améliorer
la qualité de la prise en charge des usagers du service public hospitalier (B.).
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 21 -
1) Etat des lieux au CH d’Arras
2) Perspectives nationales
Un certain nombre d’initiatives institutionnelles ont vu le jour ces dernières années afin
d’optimiser la gestion des lits au sein des établissements de santé. Un rapide tour
d’horizon mérite d’être conduit pour mettre en valeur la richesse des réflexions engagées
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 22 -
et la créativité des professionnels de santé. Ainsi, que ce soit par la création d’un agenda
partagé au CH de Calais, d’une plateforme opérationnelle de sortie (POS) au CHU (centre
hospitalier universitaire) de Nîmes ou d’une cellule d’ordonnancement au CHU de Nantes,
une logique de « parcours de santé » commence à s’affirmer comme levier essentiel
d’optimisation en lien avec le développement de l’interopérabilité des systèmes
d’informations.
Au CH de Calais, un projet de programmation des ressources a en effet permis
d'améliorer la planification des examens et des consultations, en lien avec la ville. Ce
dispositif de gestion transversale du parcours, dont la première phase date de 2003, a été
un levier d'économies et d'efficience pour l'établissement. Ainsi, la mise en place d'un
agenda électronique transversal permet par exemple à une secrétaire médicale de savoir
si le patient a déjà un rendez-vous prévu prochainement dans l'établissement, afin de
positionner son rendez-vous le même jour et limiter les déplacements vers l'hôpital. De
même, la synchronisation de plusieurs rendez-vous (par exemple, une consultation de
traumatologie précédée d'un cliché en imagerie) s’opère plus facilement.
Avant de déployer cet outil, l’établissement avait calculé que la coordination de quatre
rendez-vous par téléphone prenait environ une dizaine de minutes, soit 2 ETP annuels.
Avec le nouveau système, la coordination des rendez-vous se fait automatiquement en
moins d'une minute. Ce gain de temps a un impact sur la qualité perçue par le patient,
mais aussi sur le travail des secrétaires qui sont désormais plus polyvalentes. Avec ce
nouvel outil, le CH de Calais a aussi constaté une augmentation de son attractivité : selon
la directrice du système d’information : « Quand un patient peut prendre aisément rendez-
vous à l'hôpital, il ne va pas forcément à la clinique ».
Le CHU de Nîmes, quant à lui, a ouvert en mars 2014, une plateforme opérationnelle de
sortie (POS), déclinaison pratique du "slogan" du projet d'établissement pour la période
2012-2016 : passer d'un hôpital de séjour à un hôpital de parcours. Cette dernière vise à
inscrire le patient dans une médecine de parcours basée sur la coopération des
professionnels en évitant les séjours complexes dont la durée de séjour explose ou les
réhospitalisations régulières de patients dits fragiles parce que sans famille, sans
ressources, sans suivi médical.... L’objectif de ce nouveau service est de trouver des
solutions de sortie pour les "bed-blockers" (les bloqueurs de lits). En six mois, la POS a
permis de rendre disponibles 600 jours d'hospitalisation complète par la détection des
fragilités médico-sociales pouvant compliquer les sorties de l'hôpital. Cette dernière peut
être alertée des situations complexes par plusieurs biais :
- Par la "grille de détection des fragilités médico-sociales" renseignée par l'infirmier
d'accueil (co-morbidités, droits sociaux, entourage, médecin traitant ou pas…)
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 23 -
- Par une alerte informatique pour les patients dits "médicalement sortants" mais qui
restent hospitalisés pour des raisons autres que médicales.
- Par sollicitation directe des services qui ont intuitivement décelé une fragilité ou
qui s'épuisent à trouver une solution de sortie pour un patient.
- Par sollicitation de la commission des séjours longs qui se réunit de façon
hebdomadaire pour gérer les hospitalisations de plus de 21 jours.
La valorisation potentielle de l’activité de la POS sur six mois liée aux recettes
supplémentaires générées par la réduction de la DMS est estimée à 310 000 euros,
sachant que le coût annuel de fonctionnement de cette unité s’élève, lui, à 250 000 euros.
L’expérimentation réussie de ce dispositif innovant au sein de 8 services du CHU
(médecine gériatrique, médecine polyvalente, médecine interne, chirurgie orthopédique,
chirurgie digestive, rhumatologie, dermatologie et neurologie) devrait entraîner, selon le
Directeur Général par intérim, sa généralisation à l’ensemble de la structure d’ici début
2015.
Enfin, certains établissements de santé se sont engagés dans la mise en œuvre d’une
cellule de régulation et de gestion prévisionnelle des flux de patients nommée cellule
d’ordonnancement. Ce dispositif fait ainsi émerger une nouvelle fonction : le gestionnaire
de flux de patients ou « bed manager » comme c’est le cas au CHU de Nantes.
L’ordonnancement est une méthode venant de l’industrie et qui a pour but de réduire les
ressources mobilisées pour produire la même richesse : faire aussi bien, voire mieux, en
mobilisant moins de ressources. A l’hôpital, le travail de cette cellule consiste à assurer
l’articulation des activités programmées et non programmées en lien avec les urgences
en intégrant les problématiques de gestion des lits et d’accessibilité aux plateaux
techniques (Annexe 8 : ordonnancement du parcours du patient) pour optimiser au
maximum le taux d’occupation et le taux de rotation des patients dans les lits.
Ce faisant, le parcours hospitalier est rendu plus lisible pour le patient ; pour le personnel
hospitalier la charge de travail est lissée grâce à une bonne coordination des acteurs.
Enfin, pour l’établissement, les reports d’intervention faute de lits disponibles sont réduits
car l’optimisation de l’activité programmée favorise indirectement l’accueil de l’activité non
programmée.
Un certain nombre de pré-requis sont nécessaires au déploiement de ce dispositif : tout
d’abord une visibilité complète et une mise à jour en temps réel de l’occupation
prévisionnelle des ressources (lits et plateaux techniques), une fine connaissance de la
durée prévisionnelle des séjours mais aussi un décloisonnement des unités de soins
distinguant deux notions : la notion d’hébergement géographique et la notion de
responsabilité médicale. Enfin, la légitimité de l’équipe en charge de la gestion de lits
repose sur une approche de terrain et une bonne maîtrise des métiers et spécialités
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 24 -
médicales afin d’être en capacité d’opérer les arbitrages nécessaires. Dès lors, le service
de soins ne gère plus des lits mais il demeure garant de la qualité et de l’exhaustivité des
informations transmises au gestionnaire des lits.
Effigen, leader de la mise en place de cellules de « gestion de lits » en France estime que
les gains obtenus par la centralisation de la gestion des lits permettent aux
établissements de réaliser en moyenne 16 % d'activité supplémentaire à capacité
constante (avec les recettes associées) ou de réduire le programme capacitaire initial
sans réduction d'activité (donc sans baisse de recettes). De même, l’objectif de zéro
déprogrammation de patients avec intégration de 100 % des patients pris en urgences et
l’objectif de zéro transfert de patients des urgences (hors patients relevant de spécialités
absentes de l'établissement) seraient désormais accessibles grâce à ce dispositif.
Alors, la cellule d’ordonnancement ? Recette miraculeuse des établissements de santé
pour améliorer la synchronisation et la fluidité des parcours de soins ?
Si elle constitue indéniablement une réponse technique à la problématique de gestion des
lits, elle ne peut cependant résoudre les enjeux managériaux et de gouvernance qui y
sont corrélés. En effet, une gestion des lits centralisée impacte profondément les
périmètres de responsabilité traditionnellement reconnus dans le secteur hospitalier et
suppose un important changement de paradigme. Approche transversale par son champ
d’application et stratégique par l’enjeu financier qu’elle recouvre, l’optimisation de la
gestion des flux doit donc être portée par l’ensemble de l’institution avec un plan de
communication à l’appui. Au CH d’Arras, des interventions régulières des membres du
groupe projet ont lieu devant les instances et une information plus large du personnel est
assurée via le journal interne avec des éléments de langage adaptés à chacun.
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 25 -
c’est en effet cette polyvalence interne qui permettra in fine de développer une réelle
performance de gestion (4).
L’hôpital public a longtemps fait reposer son organisation sur une segmentation des
activités médicales comme autant de clochers d’une même paroisse.
Or ces logiques de clochers, de services s’inscrivent parfois à l’encontre d’une démarche
efficiente de gestion interne des lits (lits disponibles mais réservés par exemple). Dans
7
Collectif, avril 2008, « La gestion des lits dans les hôpitaux et cliniques, bonnes pratiques
organisationnelles et retours d’expériences » MeaH, page 13
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 26 -
certains établissements, on attend parfois le départ des chefs de services pour admettre
des patients dont ce dernier aurait refusé l’admission s’il était encore présent et alors
même que des lits vacants dans son unité le permettraient.
Si ce système a permis le développement de disciplines médicales hyper spécialisées et
à la pointe de l’innovation ; il a aussi eu pour impact de cloisonner les organisations et de
générer des coûts de fonctionnement élevés en multipliant les moyens affectés : chaque
unité de soins disposant en effet de son agent logistique, de son brancardier, de sa
secrétaire médicale... Pour y remédier, la notion de polyvalence s’est donc
progressivement imposée à travers la mutualisation de certaines fonctions comme les
fonctions supports (ex : le bionettoyage ou le brancardage). Ainsi des équipes
mutualisées à l’échelle d’un pôle ou même de l’ensemble de l’établissement ont vu le jour
pour répartir les coûts à due proportion des besoins des services : par exemple, la charge
de la fonction brancardage est ramenée en unité d’œuvre (le volume horaire dédié à la
fonction brancardage au sein d’un service) en fonction de son utilisation réelle au lieu de
l’imputation d’un coût ETP lorsqu’il y avait des ETP dédiés à cette tâche et directement
rattachés au service. Ce faisant, l’allocation de moyens est optimisée en fonction des
besoins réels de chaque service utilisateur.
Concernant la gestion des lits, la notion de service de soins a toujours été l’unité de
référence : plus qu’une unité fonctionnelle comptable, il s’agit d’un lieu géographiquement
identifié placé sous la responsabilité médicale d’un praticien générant une activité et
utilisant un certain nombre de ressources / moyens dédiés et parmi ces moyens dédiés :
des lits.
A contrario, dans les cliniques, on constate de plus en plus souvent que les lits ne sont
plus alloués spécifiquement à une activité (sauf pour certaines d’entre elles, comme les
secteurs de réanimation ou de soins intensifs). Cette polyvalence des lits, allant de pair
avec un développement de la polyvalence des professionnels, garantit une plus grande
souplesse et permet de limiter l’impact des variations d’activité. Dans cette configuration,
les lits ne sont pas « affectés » à l’usage exclusif d’une discipline médicale mais
« polyvalents » en fonction du volume d’activité de telle ou telle spécialité. Ainsi, dans le
jargon sanitaire voit-on apparaître des unités de « chirurgie du mou » qui comprennent à
la fois la chirurgie polyvalente et vasculaire ainsi que la chirurgie viscérale ou encore des
unités dites de « chirurgie indifférenciée »8.
A l’heure d’une rationalisation toujours plus importante de ses moyens, l’hôpital public ne
peut continuer à fonctionner en vase clos. Il est indispensable qu’il s’inspire de cette
souplesse de gestion issue du secteur privé et qu’il en tire les conclusions nécessaires en
termes de gouvernance interne. En effet, favoriser la polyvalence des capacités d’accueil
à l’échelle de plusieurs disciplines médicales entraîne de facto une évolution du
8
In Le moindre mal de François Bégaudeau, édition Seuil, septembre 2014, page 43
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 27 -
positionnement du traditionnel chef de service. Ainsi, les « territoires » architecturaux des
unités fonctionnelles tendent, par la mutualisation au sein d’unités polyvalentes à déplacer
le pouvoir issu de la gestion des lits. D’un pré-carré médical ou paramédical, ce pouvoir
devient une responsabilité institutionnelle centralisée et collective parallèlement à la
responsabilité médicale des praticiens vis-à-vis de leurs patients, qui, elle demeure.
De même, la mutualisation des lits modifie sensiblement les pratiques médicales : les
praticiens se déplacent désormais au lit du patient, où qu’il soit, et l’architecture se met au
service de ces évolutions : aujourd’hui, les liaisons verticales sont devenues aussi rapides
que les liaisons horizontales. Ces liaisons devront naturellement s’accompagner de la
formalisation de protocoles de prise en charge permettant de définir des règles
d’hébergements communes : fréquence de passage du médecin de la spécialité,
surveillance de l’équipe soignante et médicale du service d’hébergement…
Alors bien sûr, ce changement de paradigme ne va pas sans résistance de la part des
professionnels de santé puisque l’organisation proposée implique généralement non
seulement un effort de formation des personnels paramédicaux, afin de créer des unités
capables d’accueillir des pathologies de plusieurs spécialités, mais aussi un changement
des organisations de travail des médecins, notamment en structurant la visite médicale
dans des unités autres que la leur.
Au groupe hospitalier Paris-Saint Joseph, la mise en place d’une gestion prévisionnelle
des entrées et des sorties à l’échelle de l’établissement a engendré un certain nombre de
réticences, notamment de la part des médecins et des cadres de santé.
En effet, pour la communauté médicale, le sujet de contestation principal a été la sécurité
de la prise en charge des patients. En effet, leur crainte était qu’il puisse y avoir une
remise en cause de leur pouvoir décisionnel d’orientation médicale. Afin d’encadrer cette
problématique, qui ne devait en aucun cas se traduire par une perte de chance pour le
patient, des règles d’hospitalisation, hors service de spécialité, ont été validées par les
chefs de services. Il a aussi été nécessaire de rappeler qu’en cas d’hospitalisation hors
spécialité le chef de service accueillant le patient était responsable du patient. Il lui revient
ainsi la tâche d’organiser sa prise en charge médicale en lien avec les médecins de la
spécialité concernée.
De même, les cadres de santé, autres acteurs touchés par la gestion centralisée des lits,
se sont sentis particulièrement menacés dans leur zone de prérogatives propres, dans
leur marge de manœuvre discrétionnaire. Il a donc été nécessaire de leur montrer l’intérêt
pour eux de ce dispositif par le redéploiement possible de leurs tâches vers des missions
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 28 -
davantage axées sur leur cœur de métier : l’évaluation des pratiques, la qualité des soins,
l’accueil et l’intégration des nouveaux arrivants, la formation…
Or, un système de programmation des lits n’est rien sans l’intervention humaine : sans
Bed manager, le meilleur des logiciels ne saurait structurer le flux d’informations. La
dimension humaine est donc au moins aussi essentielle que la dimension technique.
Toutefois, si ces changements ne doivent pas être sous-estimés, ils relèvent cependant
d’une gestion de projet classique.
Par contre, une autre forme de résistance ne doit pas être négligée, il s’agit de la
résistance culturelle : les métiers du soin sont par nature centrés sur le patient. Ainsi, la
gestion d’une unité de soins se traduit dans les faits par la gestion de patients, la gestion
d’individus avec toute l’individualité et la richesse des relations humaines que cette
gestion suppose. Or, le « bed management », lui, consiste à gérer des capacités ; il relève
d’une culture de gestion, assez éloignée d’une culture de la relation humaine, très
prégnante chez les personnels soignants. Sans être explicite, le décalage avec les
valeurs portées par les soignants est réel et peut entraîner une perte de sens pour eux. Il
est donc indispensable d’accompagner ce changement de paradigme par une
communication adaptée qui dépasse l’opposition apparente entre les soins et les
principes de gestion. Car produire le « juste soin » est au moins indirectement lié à la
performance de gestion.
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 29 -
d’aval…) recouvrent un aspect fédérateur pour les soignants et les médecins. La
personnalisation du séjour et l’adéquation du soin aux besoins du patient peuvent être
résumés ainsi : « le patient au bon endroit, au bon moment, le temps qu’il faut » participe
de la démarche qualité.
De même, en termes de conditions de travail, le lissage de l’activité (dans la journée,
dans la semaine) induit par la centralisation de la gestion des lits permet aux
professionnels de santé une appréhension plus sereine du soin, il simplifie la question de
la recherche en lits en la faisant reposer sur d’autres acteurs et il permet d’anticiper des
variations d’activité par l’ajustement des ressources (prise en compte de la saisonnalité,
des congés des praticiens).
Enfin, en terme d’efficience économique, la clarification du processus d’entrée (par le
biais des pré-admissions) contribue à la sécurisation de la chaine de facturation et à une
meilleure valorisation des séjours par la maîtrise de la DMS grâce à l’anticipation de la
sortie dès l’entrée du patient. De même, la limitation des transferts faute de place et la
réduction des temps avant admission notamment pour les flux non programmés sont
autant de gains pour l’établissement.
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 30 -
CHAPITRE 2 – Les leviers mobilisés ou en cours de mobilisation
au CH d’Arras visent à optimiser la gestion opérationnelle et
prévisionnelle des flux de patients
Pour les professionnels de santé, qui sont aussi de potentiels usagers du service public
de santé, les modalités d’accès aux soins à l’intérieur d’une zone géographique de santé
de proximité ne peuvent laisser insensibles. Or, cette accessibilité est d’autant mieux
garantie qu’elle fait l’objet d’une régulation régionale favorisant les partenariats
institutionnels. Ainsi, le développement de la coopération entre établissements publics,
autour de l’identification de filières de soins et de l’élaboration de projets médicaux
partagés, constitue le moyen d’atteindre plusieurs objectifs, dont à la fois, le maintien
d’une offre de soins publique de proximité, la lisibilité des filières de soins, mais aussi
l’optimisation du fonctionnement des plateaux techniques, l’attractivité médicale et
l’optimisation des capacitaires (I.). Le programme capacitaire du CH d’Arras s’inscrit dans
cette logique territoriale d’accès aux soins et la déclinaison de ses activités médicales ne
saurait faire l’impasse d’une réflexion territorialisée de l’offre de soins (II.).
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 31 -
A. Renforcement progressif des outils de régulation capacitaire à l’échelle
territoriale
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 32 -
régulation contractualisée de l’activité porte ainsi sur les « atypies » identifiées par l’ARS
et justifiant une modification de l’offre de soins et donc des programmes capacitaires des
établissements d’un territoire. A l’inverse, une vision fine de l’organisation de son
capacitaire peut constituer une base utile de dialogue entre un établissement et la tutelle :
elle peut par exemple objectiver un manque de lits dans certaines spécialités médicales et
ainsi justifier les demandes d’autorisation d’activité associées.
Notons également que l’accroissement des coopérations sanitaires et la diversification de
ces formes (groupement de coopération sanitaire - GCS, communauté hospitalière de
territoire - CHT…) entraînent par effet rebond un remodelage des activités médicales de
chaque structure de santé à l’échelle d’un territoire. Ces tendances méritent d’être
examinées à l’échelle du CH d’Arras.
9
Projet d’établissement CH Arras, page 14
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 33 -
Ainsi, l’analyse des Comptes de résultats analytiques (CREA) et des tendances d’activité
issues de PMSI Pilot, unité de soins par unité de soins, met en exergue les situations de
vigilance justifiant une réflexion capacitaire : diminution de l’activité de gastroentérologie,
report de l’activité de pneumologie conventionnelle sur l’activité d’oncologie ambulatoire,
augmentation de l’activité de diabétologie et de chirurgie viscérale…
Autant de constats qui permettent de dessiner l’hôpital de demain.
Mais l’hôpital de demain, c’est aussi l’opportunité de développer de nouvelles activités en
adéquation avec les besoins de santé locaux reconnus par l’agence régionale de santé,
les compétences médicales existantes et projetées ainsi que les capacités de
financement disponibles. Au CH d’Arras, la créativité médicale est ambitieuse : création
d’une unité de prise en charge de l’anorexie mentale, création d’une activité
d’infectiologie, création d’une filière de dénervation rénale, création d’une unité de soins
palliatifs… Ce dynamisme médical doit être encouragé et soutenu par la direction de
l’établissement mais il doit aussi, préalablement à tout arbitrage, faire l’objet d’études
médico-économiques permettant d’analyser les forces et faiblesses et notamment l’impact
à prévoir en terme d’organisations : organisation médicale (nécessité d’un recrutement
médical supplémentaire, révision des modalités de mise en oeuvre de la permanence des
soins ?), organisation paramédicale (maintien des effectifs existants, passage d’une
organisation en 7 heures 36 à une organisation en 12 heures ?), organisation globale
(modification du programme capacitaire conventionnel, modalités d’aval, positionnement
sur le territoire de santé ?).
Le programme capacitaire d’un établissement de santé est donc sans cesse soumis à
modifications, pas uniquement pour optimiser son utilisation au regard de son activité
actuelle, mais aussi pour rester « compétitif » au regard des évolutions territoriales de
l’offre de soins.
Ainsi, au titre des logiques de coopérations territoriales, le CH d’Arras participe depuis
2008 à un GCS de moyens avec le CH de Lens concernant son activité de
coronarographie. En effet, le CH d’Arras, ne disposant pas du plateau technique requis,
utilise par convention les équipements du centre hospitalier voisin pour pratiquer son
activité de pose de défibrillateurs cardiaques implantables et de stimulateurs « triple
chambre ». A défaut de pouvoir pratiquer ces interventions sur place, les praticiens du CH
d’Arras conservent cette filière de soins en opérant leurs patients par voie de convention
au sein du bloc opératoire lensois ce qui contribue indirectement à continuer à favoriser
l’attractivité médicale de jeunes praticiens. Cet exemple est l’illustration de la nécessaire
coopération territoriale entre établissements de santé, mais aussi et surtout, entre
professionnels de santé. En effet, l’évolution de la démographie médicale et des
modalités de financement de la permanence des soins incitent désormais les
établissements à s’organiser différemment.
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 34 -
Ainsi, la convention constitutive de la CHT Artois-Douaisis a été signée le 14 février 2013.
Composée de 4 établissements de taille différente (dont le CH d’Arras), mais chacun pivot
au sein de son territoire, sur un bassin de population d’environ 1 300 000 habitants, cette
CHT est la plus grande de France. Trois années d’un important travail préparatoire ont été
nécessaires pour élaborer un projet médical commun, actuellement en cours de validation
par les conseils de surveillance de chaque établissement membre de la CHT. Ce dernier
développe, sur plusieurs spécialités médicales identifiées, une stratégie d’offre publique
coordonnée plutôt qu’une démarche concurrentielle entre établissements. Ce cadre de
réflexion permet de proposer une adaptation des ressources médicales au niveau
d’activité de chacun des sites dans une logique de complémentarité, de lisibilité et de
parcours coordonné.
A. Organiser la pré-adminission
Afin d’anticiper la prise en charge des patients de médecine, un groupe de travail relatif à
la programmation médicale constitué de cadres de santé a créé une fiche de
programmation unique (Annexe 11 : Fiche de programmation de médecine) en
concertation avec les praticiens des spécialités médicales concernées.
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 35 -
Ce document s’est inspiré de la maquette de la fiche de programmation chirurgicale mise
en place dans l’établissement pour les chirurgiens afin de garder une cohérence
d’ensemble à l’échelle du site.
Avec un format A4 recto/verso, la fiche de programmation médicale unique vise à faciliter
les démarches liées à l’admission des patients.
En effet, elle recense dès la programmation le service d’accueil, les modalités de prise en
charge possible (hospitalisation complète, hôpital de semaine, ambulatoire) ainsi que le
type d’accueil (accueil en fauteuil, accueil en lit) envisagé. Cette fiche aborde aussi les
perspectives de sorties à travers l’anticipation de la durée de séjour prévisionnelle.
A l’issue d’une phase test au sein des services de pneumologie, d’onco-hématologie et
d’hospitalisation programmée de médecine, ce document sera généralisé à l’ensemble
des services des spécialités médicales.
L’étude des flux non-programmés met en exergue une forte variation tant en volume
(nombre de passages au SAU – cf infra) qu’en criticité (niveau de sévérité des patients
pris en charge), ce qui, corrélé à l’activité programmée des secteurs de spécialité impacte
les capacités d’accueil globales de l’établissement. Dès lors, certaines situations de
tension sur les lits disponibles ont conduit le CH d’Arras à réfléchir aux modalités
d’ouverture d’une unité « hôpital en tension », unité mobilisable dès lors que le capacitaire
global de l’établissement ne suffirait plus à absorber la conjonction des flux d’entrée, qu’ils
soient programmés ou non-programmés.
En parallèle au travail conduit en lien avec la médecine de ville qui vise, en amont des
urgences, à revoir les modalités de participation des médecins libéraux à la permanence
des soins, de façon à éviter que les urgences soient le seul lieu d'accueil la nuit, en fin de
semaine et durant les périodes de congés ; le dispositif de création d’une unité « hôpital
en tension » a vu le jour au CH d’Arras à l’été 2014.
Ce schéma de dispositif de création d’une unité « hôpital en tension » vise à prévenir
l’engorgement du service d’accueil des urgences et la saturation des lits d’hospitalisation.
Il permet de déterminer une définition institutionnelle de la notion de « tension » et de
graduer la réponse à apporter en fonction de plusieurs niveaux d’alertes.
L’opportunité de création d’une unité « hôpital en tension » procède de l’analyse préalable
des flux de patients au service d’accueil des urgences. Cette étude de l’activité réalisée a
conduit à la rédaction de procédures relatives aux modalités de déclenchement et de
fonctionnement d’une unité « hôpital en tension » en réponse à des pics d’activités
ponctuels. Ainsi, un plan d’action a été conçu afin de déterminer :
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 36 -
- Une définition institutionnelle de la notion de tension
- Une gradation de la réponse apportée en fonction du niveau d’alerte (situation de
veille, de pré-tension, de tension)
- Le rôle de chacun (composition de la cellule de crise, missions…)
- Des indicateurs prédictifs et les modalités de levée du dispositif
Le déclenchement d’une unité « hôpital en tension » repose ainsi sur la conjonction d’un
certain nombre d’indicateurs, c’est à dire sur une démarche analytique (Annexe 12 :
logigrammes décisionnels). Le caractère aléatoire du contexte justifiant le déclenchement
d’un hôpital en tension entraîne de facto un aléa dans la démarche analytique. En effet,
chaque indicateur pris isolément n’a que peu de sens : nombre de passages au SAU à J-
1 > 165 ; augmentation de plus de 20% de l’activité en 3 jours ; plus de 8 personnes > 75
ans présents à 8h au SAU… .
C’est la conjonction d’un certain nombre de ces critères associée à la disponibilité en lits
et en personnel dans l’établissement qui permet de déterminer l’opportunité ou non de
déclencher un hôpital en tension. Dès lors, il apparaît difficile de prioriser des indicateurs
de survenance puisque chacun d’eux a son intérêt mais qu’aucun d’eux, pris isolément,
ne sera suffisant pour analyser l’ampleur du phénomène. Ce dispositif performatif, malgré
la protocolisation dont il fait l’objet, ne peut donc être standardisé. Le rôle de la cellule de
crise, est, en ce sens, essentiel.
A ces paramètres évaluables s’ajoutent des recommandations de bonnes pratiques
permettant de fluidifier le parcours patient, telles que l’augmentation des sorties le matin,
les relances des demandes d’aval ou encore, dans un cas de forte tension, la
déprogrammation d’hospitalisations programmées.
Le dispositif « hôpital en tension » vise à améliorer la qualité de la prise en charge et la
sécurité des soins dispensés aux usagers de l’établissement. En effet, le déclenchement
de l’unité vise, tout d’abord, à fluidifier le parcours patient (affluence entrainant un risque
de retard de prise en charge) et améliorer la qualité des soins (attente sur brancard,
manque d’intimité, bruit…) en assurant une hospitalisation des usagers au sein d’une
unité conventionnelle ponctuelle.
Par ailleurs, la composition pluri professionnelle de la cellule de crise permet un regard
pluriel associant à la fois une vision médicale, soignante et stratégique. Cette démarche
participative permet de corréler les enjeux entre eux et de tenir compte des points de vue
de chaque professionnel.
Enfin, la définition d’indicateurs prédictifs gradués permet d’objectiver le ressenti des
équipes médicales et paramédicales et d’adapter la réponse institutionnelle apportée en
fonction des besoins.
Au moment de la rédaction de ce mémoire, aucune situation de pic d’activité n’a
jusqu’alors permis d’expérimenter le dispositif « hôpital en tension », et ce, malgré
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 37 -
l’impact des fermetures estivales de lits sur le capacitaire global. Validé en instance et
présenté à l’Agence Régionale de Santé, ce dispositif fera sans doute l’objet d’un
déclenchement en mode exercice interne d’ici fin 2014.
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 38 -
alentours de 2 à 3 % début 2013. En fin d’année 2013, il s’était stabilisé à 60 % et
l’objectif pour l’année 2014 est de tendre vers 80 %10.
La réflexion relative à l’optimisation des sorties repose d’abord sur une étude quantitative
: au regard des besoins d’aval exprimés quotidiennement par le service des urgences du
CH d’Arras, il est possible de déterminer des cibles de sorties quotidiennes par service
permettant d’absorber les flux non programmés. Ainsi, un besoin quotidien de 2 lits de
chirurgie et de 9 lits de médecine11 a été recensé.
Par ailleurs, parallèlement à ce recensement, la modélisation d’un certain nombre de
parcours patients est en cours de rédaction par le médecin chef de service de médecine
polyvalente. Ces parcours types permettent d’anticiper le parcours patient à partir des
principaux GHM traités. Ainsi, la définition pour chaque motif d’hospitalisation de la durée
prévisionnelle de séjour (analyse des 10 principaux GHM de la spécialité) permet de
déterminer la date de sortie dans le projet thérapeutique, dès l’admission du patient. Cette
date prévisionnelle de sortie est actualisée quotidiennement lors des staffs médicaux par
les praticiens en fonction de l’évolution du patient et des centres de décision associés
(imagerie, pharmacie, laboratoire…). L’utilisation de la date prévisionnelle de sortie
permet donc aux professionnels de santé d’acquérir une visualisation prospective de
l’occupation des unités.
De même, une check liste de sortie énumère les étapes clés liées à la sortie (Annexe 14 :
Check-liste de sortie) à savoir : prévenir la famille, préparer les ordonnances de sortie,
s’assurer que le courrier de sortie est bien tapé, prévenir une ambulance la veille si
nécessité d’un transport sanitaire, obtenir le bon d’ambulance signé auprès de l’équipe
médicale ; si transfert dans une autre structure, préparer une fiche de liaison et faire la
saisie de la sortie administrative du patient dans le logiciel de gestion graphique des lits.
Notons aussi qu’une optimisation de la planification des interventions de bionettoyage a
été nécessaire à travers la priorisation des chambres de sortants auprès du personnel
des agents de services hospitaliers, souvent un ETP dédié à cette tâche.
Enfin, pour contribuer à une meilleure fluidification des lits, une réflexion est actuellement
menée autour de la création de salons d’attente. Sont concernés par ce dispositif tous les
patients de l’établissement à l’exclusion des patients déments, grabataires ou allongés
ainsi que les patients mineurs et les majeurs protégés. Suite à l’accord médical de sortie,
la création de ces salons vise à libérer la chambre avant 11 heures et ce, même si le
départ physique du patient de l’établissement ne peut intervenir qu’après 11 heures (pour
des convenances d’ordres personnelles ou logistiques).
10 REPERES, janvier-février 2014, « La gestion des lits en hôpital : un véritable enjeu pour les
établissements de santé », numéro 07, Journal d’information SHAM, page 6 à 11
11
Détail des lits pour les spécialités médicales : 2 lits de court séjour gériatrique, 2 lits de médecine
polyvalente, 1 lit de diabétologie, 1 lit de néphrologie, 1 lit de cardiologie, 1 lit de pneumologie et 1
lit de gastrologie
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 39 -
Un certain nombre de services de l’établissement disposent de vastes espaces
rencontres pouvant accueillir ce type de patients en partance et la création d’une salle
commune au rez de chaussée de l’établissement est envisagée.
Un certain nombre de contraintes se posent toutefois :
- En terme de responsabilité médicale : faut-il un personnel dédié pour surveiller ces
patients et/ou installer des appels malades dans les espaces rencontres ou peut
on considérer que la responsabilité médicale cesse dès lors que le patient a quitté
sa chambre ?
- En terme de logistique : à qui incombera le transfert du patient dans les salons
d’accueil dès lors que ce dernier est à mobilité réduite (équipe de brancardage
interne ou personnel soignant du service ?) comment positionner le patient dans le
logiciel de suivi des repas ou qu’il puisse déjeuner sur place ; de même
concernant les conditions d’accueil : faut-il aussi prévoir des toilettes publiques à
proximité, des fauteuils gériatriques, un espace télévision, des revues, des
claustra… ?
- En terme de communication : ce dispositif devra d’être relayé en interne dans les
supports de communication destinés aux patients et à leurs familles (livret
d’accueil, affiche dans les chambres…) mais aussi en externe auprès des
partenaires de santé de l’établissement afin de s’assurer de la bonne articulation
des parcours : les services de soins de suite et de réadaptation du secteur
accueillent en effet de préférence les patients en début d’après-midi.
La gestion des lits peut recouvrir des réalités et des dimensions très différentes : de la
régulation au quotidien à la planification des capacités, elle est à la fois vecteur
d’optimisation opérationnelle et stratégique.
En effet, la prise en charge des besoins de santé de l’arrageois oblige le CH d’Arras à
adapter ses modes de prise en charge et adapter ses organisations afin de répondre
efficacement tant aux exigences de l’urgence, de l’hospitalisation programmée ainsi
qu’aux besoins en matière de prévention. Dès lors, redéployer, transformer des lits,
redimensionner des unités, revoir les cadres de fonctionnement RH sont autant de leviers
mobilisables pour promouvoir une médecine qui, de plus en plus fréquemment, peut
soigner sans lits ou plus précisément, sans hébergement (A.). Avec 6,4 lits pour 1 000
habitants, la France se situe d’ailleurs bien au dessus de la moyenne de l’Union
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 40 -
Européenne qui est de 5,312. L’ensemble de ces réflexions conduit alors nécessairement
à modéliser un nouveau programme capacitaire (B.).
12
Données OCDE 2012
13
Données issues de HOSPIDIAG
(http://hospidiag.atih.sante.fr/cgibin/broker?finess=620100057&finess=&_debug=0&_program=hd.h
ospidiag.sas&_service=default&_sessionid=%2FZRj5oVEGH0)
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 41 -
rapporte. Ainsi, si certaines spécialités médicales sont structurellement déficitaires (la
réanimation, la néonatalogie en sont des exemples) réduisant nos marges d’efficience à
la seule réduction de nos charges, il serait délétère de créer les conditions d’un
déséquilibre économique en n’adaptant pas les modes de production de soins aux gains
escomptés. Aujourd’hui le taux de chirurgie ambulatoire enregistré au CH d’Arras est de
38,16 %. Ce taux oscille entre 19 % et 46 % suivant les régions : les bons élèves étant les
régions Ile de France et Provence-Alpes Côtes d’Azur14. Améliorer ce taux repose sur
deux axes :
- Un axe organisationnel comme par exemple l’optimisation de la programmation, la
réservation de plages de bloc opératoire dédiées et l’organisation du suivi
postopératoire en externe ou en partenariat avec les professionnels de santé de
ville
- Un axe humain comme la responsabilisation du patient concernant la phase de
préparation préopératoire (le patient devient acteur de sa santé) et la
sensibilisation des praticiens à l’évolution de leurs pratiques par exemple, leur
sensibilisation à la culture de l’anesthésie locorégionale sur celle générale
Concernant le repérage des « séjours courts », il est possible de calquer les réflexions
liées à la chirurgie ambulatoire au secteur de médecine : pourquoi accueillir un patient
dans un lit de secteur conventionnel quand la durée de son séjour est compatible avec un
accueil de jour ou de semaine ? En effet, dès lors qu’il est possible d’identifier dans PMSI
Pilote le volume des séjours de 0 nuit, 1 nuit, 2 nuit, 3 nuits et de les répertorier par GHM
et par praticien, une analyse de ces journées substituables permet de déterminer un
potentiel de substitution converti en nombre de lits afin de moduler le programme
capacitaire adéquat : augmenter les capacités d’accueil de semaine et/ou de jour tout en
réduisant les capacités d’hospitalisation complète ou, à isopérimètre d’hospitalisation
conventionnelle, accroître la file active de patients pris en charge.
Un certain nombre de pré-requis permettent de raccourcir la durée de séjour au juste
nécessaire comme la construction de chemins cliniques aboutissant à concentrer
examens et soins en une seule journée ou la détermination de la date de sortie dès
l’entrée du patient. Par ailleurs, l’apprentissage de l’exploitation commune d’une même
surface (hôpital polyvalent de médecine de semaine ou de jour) peut faciliter, dans les
mentalités médicales, un projet de mutualisation des lits d’hospitalisation conventionnelle.
Enfin, de même que la chirurgie ambulatoire contraint les acteurs du bloc opératoire à
mieux s’organiser, le développement des hôpitaux de jour de médecine oblige aussi un
pilotage performant de l’ensemble des intervenants autour du patient : consultants
14
Rapport d’évaluation technologique relatif à la chirurgie ambulatoire, HAS-ANAP, mai 2014,
page 16
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 42 -
spécialistes, examens complémentaires, spécialistes paramédicaux. Cette coordination
est un facteur clé de réussite pour la substituabilité des séjours.
Une requête PMSI Pilote réalisée sur une année glissante entre le 1er mars 2013 et le 31
mars 2014 permet d’identifier au sein du pôle Médecine le volume de séjours inférieurs ou
égaux à 5 nuits par spécialité (Annexe 15). Il ressort de cette étude que 1 845 séjours
issus d’entrées directes (hors passage par les urgences) correspondent à un séjour
inférieur ou égal à 5 nuits, soit environ 5% de l’ensemble des séjours de l’établissement.
Ce volume n’est pas négligeable : il correspond à un total de 21,6 lits (avec un taux
d’occupation de 90 %) pouvant être redéployés.
La gestion du patrimoine des établissements de santé doit s’adapter aux évolutions des
besoins et des techniques de prise en charge : développement de la chirurgie
ambulatoire, de la télémédecine, des liens avec le médico-social et des structures
d’aval… Autant de raisons qui incitent à construire des structures modulables, facilement
adaptables aux projets institutionnels.
Par ailleurs, la maîtrise du dimensionnement capacitaire nécessite aussi la sincérité des
hypothèses d’activité. En effet, un certain nombre de critiques portées sur le plan hôpital
2007 fait état d’un surdimensionnement capacitaire du fait d’une activité prévisionnelle
surestimée pour couvrir les charges induites de reconstruction. Afin de contrôler le risque
de surcapacité, un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection
générale des finances16 préconise de déterminer des hypothèses d’activité sincères et
réalistes. Ainsi, la cour des comptes révèle dans son bilan du plan hôpital 2007 que
certains cas du plan hôpital 2007 ont échoué dans leur dimensionnement car ils
reposaient sur des hypothèses d’évolution d’activités fragiles, en lien ou non, avec la
volonté de l’établissement de développer un nouveau type d’activité ou d’accroître sa part
de marché sur le territoire. D’autre part, la prise en compte de l’organisation des soins et
de la concurrence sur le territoire constituent deux autres facteurs de dimensionnement
capacitaire. Ces éléments relèvent du dialogue de gestion entre établissement et agence
régionale de santé (ARS). Enfin, la prise en compte de l’évolution des pratiques comme le
développement de la chirurgie ambulatoire ou de certains actes de médecine ambulatoire,
constitue un facteur important qui impacte à la baisse le besoin de capacités.
15
Projet d’établissement 2012-2016 du CHU de Nîmes
16
Evaluation du financement et du pilotage de l’investissement hospitalier, Rapport IGAS-IGF de
mars 2013
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 43 -
Achevé il y a seulement 7 ans (en 2007), le CH d’Arras n’est pas figé dans son
dimensionnement capacitaire. Ce dernier est d’ailleurs en pleine évolution pour tenir
compte du développement de nouvelles activités. Dès lors le cadre de fonctionnement
des services d’hospitalisation conventionnelle est nécessairement impacté et fait l’objet
d’une analyse des nouveaux flux patients.
Pour ce faire, un indicateur de performance capacitaire est suivi depuis le début de
l’année 2014. Ce dernier permet de mesurer la bonne utilisation de la capacité en lits en
fonction de l’activité. Les lits ouverts reflètent ainsi la gestion des fermetures et les lits
occupés reflètent l’activité. Dès lors, plus on s’éloigne de 1 vers le haut, mieux on occupe
les lits soit en jouant sur l'ajustement des capacités en lits, soit en optimisant la durée de
séjour. A l’inverse plus on s’éloigne de 1 vers le bas, moins bien on utilise ses capacités
lits. Au CH d’Arras, cet indicateur s’élevait à 1,04 en mars 2014 puis à 1,03 en mai, pour
finir au seuil de 1,02 en juillet (l’impact des fermetures estivales expliquant au moins en
partie ce résultat).
Par ailleurs, ayant participé à l’étude conduite par l’exécutif du pôle médecine, j’ai pu
entrevoir une nouvelle modélisation des lits du pôle, qui comprend aujourd’hui, toutes
spécialités confondues 111 lits d’hospitalisation conventionnelle (Annexe 16). L’objectif
est de redimensionner certaines activités pour lesquelles l’activité diminue depuis près de
trois ans (c’est le cas de la gastroentérologie), de tenir compte de la saisonnalité d’autres
spécialités pour que leur cadre de fonctionnement RH soit économique adapté (c’est le
cas de la pneumologie par exemple) et soutenir le développement de disciplines
médicales porteuses comme la diabétologie ou la neurologie.
En effet une mauvaise gestion des lits est source de coûts, de pertes de recettes et d’une
dégradation qualitative des soins : inadéquation entre taux d’occupation des lits et cadre
de fonctionnement RH, déprogrammation, transferts vers l’extérieur, sortie anticipée pour
libérer un lit nécessaire à l’accueil d’une urgence…
La méthode retenue consiste en l’analyse des taux d’occupation de chaque secteur (le
nombre de journées brutes tient compte du volume des hébergements éventuels, auquel
est ajouté le volume des journées substituables dans le cadre d’une hospitalisation non
conventionnelle). Ces données sont ensuite converties en nombre de lits au regard d’une
IPDMS égale à 1, un taux d’occupation fixé à 90 % et un potentiel de journées
substituables arrêté à 50 % du total des journées substituables. Les premiers calculs
portent ainsi à 87 lits la révision « mathématique » du capacitaire actuel de médecine, soit
un delta de 24 lits (environ 20 % du capacitaire actuel). Cela signifie que : avec un taux
d’occupation optimisé (porté à 90 % pour chacune des spécialités), une IPDMS optimale
(à 1) et un potentiel de journées substituables optimisé, un capacitaire de 87 lits suffirait à
assumer l’activité du pôle.
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 44 -
Mais ce calcul ne saurait être suffisant pour opérer un arbitrage : en effet, ce dernier ne
tient pas compte des évolutions de file active de certaines spécialités, ni des cadres RH
minimums requis. Il permet cependant de réajuster à la baisse les disciplines médicales
enregistrant une modification de leur activité : ainsi, le programme capacitaire d’oncologie
comprend à la fois des lits conventionnels et des places de jour. Or si l’activité
conventionnelle semble justifier une importante réduction du nombre de lits, à l’inverse,
l’activité enregistrée en hôpital de jour se développe au delà des capacités actuelles. Il ne
s’agit donc pas pour le pôle médecine de réduire son capacitaire global mais bel et bien
d’opérer une nouvelle modélisation de ses capacités davantage en adéquation avec les
évolutions d’activité constatées. Ceci témoigne du lien étroit devant exister entre
capacités et activités. A l’inverse, ce calcul permet aussi de projeter le nombre de lits
nécessaires à certaines activités en croissance comme la neurologie générale pour
laquelle l’analyse de l’activité au regard des capacités actuelles révèle un besoin de 7,8
lits contre 6 lits installés aujourd’hui.
Notons aussi que la gestion des hébergements des patients âgés polypathologiques est
en elle-même une variable d’analyse indispensable à prendre en compte pour
l’optimisation de la gestion des activités. En effet leur prise en charge médicale se traduit
très souvent par une admission en court séjour gériatrique alors que l’épisode aigu les
ayant conduits aux urgences n’est pas uniquement lié à leur âge ; et alors même que ce
secteur connaît une saturation de ses capacités d’accueil. Par ailleurs, les modalités de
leur sortie imposent une réelle coordination entre acteurs sanitaires, médico-sociaux et
médecine de ville. En effet, les partenaires extérieurs à l’hôpital, qu’il s’agisse de
professionnels libéraux, d’entreprises de services à la personne ou d’établissements
médico-sociaux ont aussi un rôle clé pour favoriser la fluidité des parcours.
L’hôpital s’inscrit donc dans un parcours de santé global, et à ce titre, il doit susciter
l’articulation des différents acteurs autour de la prise en charge hospitalière. Ce rôle de
coordination des parcours sera sans doute un des enjeux majeurs auxquels les
établissements de santé devront répondre au cours des dix prochaines années. Cette
articulation des acteurs du champ sanitaire et médico-social aura, sans nul doute, un
impact direct sur les programmes capacitaires hospitaliers.
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 45 -
Conclusion
Comme « il faut savoir terminer une grève », il faut aussi savoir se résoudre à terminer
l’ouvrage. Quand bien même celui-ci, de par son périmètre de réflexion, de par le
calendrier des réformes à mettre en œuvre, ne fait que commencer.
Analyser les flux des usagers du service public de santé et plus particulièrement ceux
d’une structure telle que le CH d’Arras est un chantier en constante construction –
reconstruction. Les perspectives capacitaires d’aujourd’hui s’éloignent de celles d’hier, ou
au contraire, continuent d’y faire écho… Et au-delà d’un questionnement sur l’adéquation
lits-ressources, c’est toute la stratégie de développement et de rayonnement de
l’établissement qui est mesurée pour in fine, parvenir à l’optimiser.
Positionner le patient au cœur de nos organisations, c’est savoir remettre en question nos
pratiques. Savoir remettre en question nos pratiques, c’est aussi donner les moyens à
l’hôpital public de se restructurer pour dégager les marges de manœuvre dont il a besoin.
L’amélioration de la gestion des lits est un processus multifactoriel où de multiples petites
victoires (amélioration des sorties avant 12h, anticipation de la date prévisionnelle de
sortie…) permettront de développer ces marges de manœuvre. Pour réussir ce projet
structurant, l’adhésion et l’implication des professionnels de santé sont déterminantes.
Au cours de ce travail d’analyse, la plus grande satisfaction pour moi a été d’ailleurs de
constater la mobilisation des professionnels de santé autour de la rénovation de leur
« outil de travail ». Cette adhésion – certes pas unanime, mais du moins majoritaire – est
le reflet de l’appropriation par les équipes de soins des défis auquel les établissements de
santé sont confrontés. Et il nous revient, en tant que directeur d’hôpital, de promouvoir le
concours de chacun et de tous pour relever ces immenses défis.
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 47 -
Bibliographie
• F. BEGUIN, 9 avril 2013, « Des gestionnaires de lits pour sauver les urgences »,
in Le Monde
Internet
• A. DRIVET, Gestion des lits… ou gestion du patient ? (visité le 15 mai 2014)
disponible sur internet : http://santesocialklub.com/2012/02/01/gestion-des-lits-ou-
gestion-du-patient/#sthash.hb3AtcE0.dpuf
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 48 -
• Collectif, février 2010, « Piloter l’activité, mesurer l’efficience », Publication ANAP,
82 pages
• Collectif, avril 2008, « La gestion des lits dans les hôpitaux et cliniques, bonnes
pratiques organisationnelles et retours d’expériences » MeaH, 128 pages
Rapport
Ressources institutionnelles
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 49 -
Liste des annexes
Annexe 13 : graphique de répartition des raisons bloquant la sortie du patient avant 12h
Emmanuelle JUAN - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 I
JUAN Emmanuelle <Décembre 2014>
FILIERE DH
Promotion 2013-2015
L’optimisation de la gestion des lits constitue un enjeu stratégique majeur pour les
établissements de santé.
Un plan d’actions est en cours au sein du CH d’Arras afin de mieux utiliser la
ressource lit. Il s’articule autour de deux réflexions complémentaires : l’un axé sur la
fluidification du processus de prise en charge, l’autre plus structurel et porte sur le
juste dimensionnement des modes et des capacités d’hospitalisation.
Mots clés :
Capacité en lits, programme capacitaire, gestion des flux, flux programmés, flux non-
programmés, bed manager, cellule d’ordonnancement
L'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions
émises dans les mémoires : ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs.