Les Difficultiesd'interpretation
Les Difficultiesd'interpretation
Les Difficultiesd'interpretation
Virologie
M i c h e l S e g o n d y a,*
1. Introduction
R6sumd
Le diagnostic d'une infection 9. cytomegalovirus (CMV) repose L es infections & cytomegalovirus (CMV) sont frequentes. En France,
habituellement en premiere intention sur le serodiagnostic, comme dans la plupart des pays A haut niveau socio-economique,
tout au moins chez le sujet immunocompetent. La presence d'lgM 50 O/oenviron des adultes jeunes sont porteurs d'anticorps traduisant
une infection anterieure. Cette infection peut 6tre acquise pendant la
specifiques est un argument de presomption mais ne suffit pas
petite enfance, essentiellement par transmission salivaire dans les col-
& etablir un diagnostic de primo-infection, seule & prendre
lectivites de jeunes enfants ou, plus frequemment, & I'&ge adulte par
en consideration chez le sujet immunocompetent. La mesure transmission sexuelle. Dans les pays & faible niveau socio-economique,
de I'indice d'avidite des IgG anti-CMV peut permettre dans cette I'infection pendant I'enfance est quasi obligatoire et la seroprevalence
situation de confirmer le caract~re recent de la primo-infection. chez I'adulte est proche de 100 %.
En I'absence d'lgG, la mise en evidence d'une viremie et/ou Chez les sujets immunocompetents, la majorite des infections & CMV
I'observation d'une seroconversion IgG sur un deuxi6me serum sont cliniquement silencieuses ou se traduisent par un syndrome infec-
permettent de distinguer une primo-infection CMV d'une fausse tieux banal de type pseudo-grippal. Les formes typiques, minoritaires,
positivite des IgM. se traduisent par une fi6vre prolongee, pouvant persister plusieurs
semaines, accompagnee d'un syndrome mononucleosique, d'un syn-
Cytomdgalovirus (CMV) - s(~rodiagnostic - IgM - avidit6 des IgG. drome algique (cephalees, myalgies), d'asthenie et d'une elevation
moderee des transaminases. Les complications (pneumonie, hepatite,
atteintes digestives, neurologiques, cardiaques...) sont exceptionnelles
[4]. La primo-infection est suivie d'une infection latente persistant pen-
S u m m a r y : Difficulties o f i n t e r p r e t a t i o n in t h e s e r o l o g i c a l
dant toute la vie de I'indMdu. Des reactivations du virus latent, res-
ponsables d'une excretion virale, salivaire, urinaire et genitale se pro-
diagnosis of cytomegalovirus infections.
duisent periodiquement. Les reactivations et les eventuelles
The diagnosis of a cytomegalovirus (CMV) infection is generally reinfections sont en regle generale totalement asymptomatiques chez
based on serodiagnosis, at least for immunocompetent individuals. le sujet immunocompetent.
The presence of CMV-specific IgM represents a necessary but Chez les sujets immunodeprimes, presentant un deficit majeur de I'im-
not sufficient criterion for the diagnosis of a CMV primary infection. munite & mediation cellulaire tels que les transplantes d'organe ou de
Measurement of the CMV-specific IgG avidity index may allow moelle osseuse et les sujets atteints de sida, les infections & CMV, qu'il
to establish the diagnosis of recent CMV primary infection. s'agisse de primo-infections ou d'infections secondaires (reactivations
In the absence of IgG, the detection of CMV viremia and/or the ou reinfections) ont un caractere de gravit6 beaucoup plus marque et
tes complications (pulmonaires, digestives, neurologiques, oculaires,
observation of a seroconversion for IgG on a subsequent serum
etc.) sont frequentes et justifient I'instauration d'un traitement antivi-
allows to distinguish between a CMV primary infection and a false
ral par ganciclovir ou valganciclovir, voire par foscarnet ou cidofovir
IgM positivity. torsque intervient un probleme de resistance au ganciclovir.
Cytomegalovirus ( C M V ) - serodiagnosis - I g M - IgG avidity. Chez la femme enceinte, le risque de transmission du CMV au foetus
Iors d'une primo-infection est estime a pres de 50 O/o.Dans 5 & 10 0/o
des cas, t'infection foetale se traduit par une atteinte severe (cyto-
megalie congenitale) mettant en jeu le pronostic vital de I'enfant ou
pouvant entrafner de Iourdes sequelles chez les nouveau-nes survi-
vants, alors que des atteintes plus moderees peuvent survenir dans
les premiers mois ou annees de la vie chez 10 & 20 0/o des enfants
infectes in utero asymptomatiques & la naissance.
a Laboraratoire de virologie
H6pital Saint-Eloi
80, av. Augustin-Fliche
34295 Montpellier cedex 5 2. Circonstances et modalites
* Correspondance
m-segondy@chu-montpellier.fr
du diagnostic
article requ le 29 decembre 2005, accept6 le 24 mars 2006. Chez le sujet immunocompetent, le diagnostic d'une primo-infection
9 Elsevier SAS. & CMV sera rea!is6 essentiellement dans un contexte clinique evo-
9 Cas N~ 2 (tableau III) rieurs et la recherche d'lgG est toujours negative. La negativite des
Monsieur P., #.ge de 17 ans, consulte dans le service des maladies recherches virologiques et I'absence de seroconversion permettent d'eli-
infectieuses le 2 mars 2005 pour une fievre & 38,5 ~ accompagnee miner une primo-infection CMV chez cette patiente. Uhypothese d'une
d'adenopathies cervicales et de douleurs & la deglutition. II est fausse positivite, de cause indeterminee, peut etre retenue.
demande une serologie EBV et CMV. En ce qui concerne le CMV, les
IgM sent faiblement positives et les IgG negatives. En ce qui concerne
I'EBV, le MNI test est positif, on retrouve une positivite des anti-VCA
avec presence d'anti-VOA IgM et les anti-EBNA sent negatifs. II s'agit
donc d'une serologie typique de primo-infection EBV, la positivite des
IgM anti-CMV resultant probablement d'une reaction serologique croi
see, ou d'une activation polyclonale des IgM liee #. I'infection EBV. Une
serologie CMV de contrOle realisee une dizaine de jours plus tard
confirme cette hypothese, I'absence de seroconversion IgG permet Positif
14 juin 2005 Negatif Non realisabte
(Index 1,23)
tant d'eearter I'eventualite d'une primo-infection CMV.
Positif
19 juillet 2005 N6gatif Non realisable
(Index 1,15)
I Positif
17 juin 2005 Negatif I (Index 1,14) Non r6alisable
9 Cas N~ (tableau V)
Madame J., #.gee de 52 ans, a beneficie d'une transplantation renale en
juillet 2004. Elle a toujours ete seron6gative pour le CMV. Un taux faible
d'lgM en I'absence d'lgG est retrouve en juin 2005. Les recherches viro-
Iogiques dans le sang et I'urine sent negatives. Les IgM sent retrouvees 19 l P~ I P~ 0,96
aol3t 2006 (32 UA/mL) (Index 1,42)
#.taux faible le mois suivant mais sent negatives Iors des contreles ulte-
9 Cas N* 7 (tableau VIII) nique AxSYM. Nous retrouvons egalement la presence d'lgG et
Le serum de Madame D., 24 ans, en debut de grossesse (5 SA) nous d'lgM. Le test d'avidite des IgG montre une valeur relativement
est transmis pour contrele par un laboratoire de ville qui retrouve la basse pouvant indiquer une primo-infection assez recente, mais il
presence d'lgM anti-CMV en presence d'lgG par la technique AxSYM n'est pas possible d'etre affirmatif car I'indice d'avidite peut rester
(Abbott). La presence d'lgM n'est pas confirmee par notre technique relativement faible chez certains patients anciennement infectes [3].
et I'indice d'avidit6 eleve n'est pas en faveur d'une primo-infection Le suivi serologique de cette patiente montre une stabilit6 des IgG,
recente. La positivite par technique AxSYM peut resulter de la presence une tendance & la decroissance du taux des IgM et une augmen-
de traces d'lgM non detectees par la technique Medac ou represen- tation de I'indice d'avidit6 des IgG. Ces differents elements sont en
ter un faux positif. Dans cette situation, des traces d'lgM associees faveur d'une primo-infection assez recente qui ne peut cependant
& une avidite des IgG 61evee pouvant resulter d'une primo-infection 6tre datee avec certitude etant donne les differences interindivi-
ancienne (plusieurs mois, voire plus d'un an), d'une re-infection ou reac- duelles existant dans 1'6volution de I'avidite des IgG apres une
tivation plus ou moins recente (impossible & dater), ou d'une activa- primo-infection [3]. Chez cette patiente, I'indice d'avidite ayant aug-
tion polyclonale des IgM ne peuvent pas 6tre considerees comme un mente de 0,25 en 9 semaines, I'indice d'avidit6 de 0,43 observe Iors
facteur de risque pour I'enfant a, naftre. de la premiere serologie pourrait permettre de situer la primo-infec-
tion environ 16 semaines auparavant (9 x 0,43/0,25), ceci en consi-
derant que I'indice augmente de fa?on lineaire autour du temps, ce
qui n'est nullement prouv6. Ces donnees seraient donc plutet en
faveur d'un primo-infection survenue en periode pre-conceptionnelle.
Cependant, etant donne I'imprecision de la datation, une primo-
infection en tout debut de grossesse ne peut pas 6tre totalement
vid,S CMV i g M ELA
exclue.
(bioM6deux) test PKS Avidity - ?1
(Medac) Le suivi echographique de cette patiente se revelera sans anomalies.
La recherche d'lgM anti-CMV et les recherches d'une virurie chez le
Positif Negatif
7 avril 2003 0,85 nouveau-n6 resteront negatives.
(136 UA/mL)* (Index 0,62)**
Ce cas illustre bien les difficultes diagnostiques pouvant 6tre ren-
* 164 UA/mL par la technique AxSYM. contrees Iors d'un depistage serologique de I'infection & C M V en
** Index : 0.74 (seuil : 0.5) par la technique AxSYM.
cours de grossesse. Etant donne les incertitudes sur le risque de
transmission foetale et sur le risque de developpement d'une atteinte
severe chez I'enfant infecte in utero d'une part, I'absence de solu-
9 C a s N* 8 (tableau IX) tions therapeutiques (en dehors de I'interruption de grossesse Ior-
La premiere serologie de Madame L., &gee de 28 ans, enceinte qu'une atteinte foetale est mise en evidence) et, d'autre part, la pos-
(9 SA) nous a 6te transmise pour contrele par un laboratoire de ville sibilite de detecter les atteintes foetales par echographie, les experts
qui retrouve une positivite des IgM en presence d'lgG par la tech- ont estime que le depistage serologique des infections h CMV pen-
IgM + ]
IgG + ] IgG -
i b
/
I
Reinfection/ Primo-infection
Rdactivation r6cente
ou
faux + IgM
i
Faux +
IgM
Infection J i Infection relativement i probable
ancienne probable r6cente probable
dant la grossesse n'apportait pas un benefice evident et etait sou- 161eet la difference entre les indices pouvant 6tre consideree comme
vent au contraire inutilement anxiogene. Ce depistage n'est donc pas significative (> 0,10 ?) reste largement subjective.
recommande [2]. En I'absence d'lgG, le diagnostic pourra 6tre confirme par la mise en
evidence d'une sEroconversion IgG sur un deuxieme prelevement ou,
si possible, par la mise en evidence d'une viremie CMV (antigenemie,
ADNemie) (figure 1).
II convient de rappefer pour conclure que le serodiagnostic n'a pas de
valeur pour le diagnostic des infections secondaires A CMV chez les
:::: Date:: Vidas:CMV!~G GMV I ~ : : E ~ : : V i d a s C M ~ s sujets immunodeprimes et que le depistage serologique systematique
:::: : : : ( b i ~ M E d ~ i ~ t e s t P K S . de I'infection A CMV dans le cadre de la grossesse n'est pas recom-
: (Medac) (bioMerieUx) mande en I'etat actuel des connaissances.
Positif Negatif
29 janvier 2004
(1 t 2 UA/mL)* (Index 2,18)** 0,43
Positif Positif
4 mars 2004 (Index 1,62) 0,57
(98 UA/mL)
[1] Agence frangaise de securit6 sanitaire des produits de santE
(AFSSAPS), Resuttatsde la reevaluationdes reactifs de detection des anti-
Positif Equivoque corps anti-CMV IgG et totaux (IgG anti-OMV), PubliE on line 17 fEvrier 2003
5 avril 2004 (116 UA/mL) (Index 1,04) 0,68
(http://afssaps.sante.fr/htm/5/reactif/cmv.htm).
* 136 UA/mL par la technique AxSYM. [2] Agence nationale d'accreditation et d'Evatuation en sante (ANAES),
Evaluation de l'intEr~t du dEpistage de I'infection ~ cytomegalovirus ehez
** Index : 3,25 (seuil : 0.5) par la technique AxSYM. la femme enceinte en France, 2004. (http://www.anaes.fr).
[3] Baccard-Longere M., Freymuth E, Cointe D., Seigneurin J.M.,
Grangeet-Keros L, Multicenter evalutationof a rapid and convenient method
for determination of cytomegatovirusimmunogtobulin G avidity, C!in. Diagn.
4. Conclusion Lab. Immunol. 8 (2001) 429-431.
[4] Faucher J.E, Abraham B., Segondy M., Jonquet O., Reynes J., Janbon
E, Cytom6galovirose acquise de I'adulte immunocempEtent : 116 obser-
a positivite des IgM anti-CMV n'est pas & elle seule un argument vations, Presse Med. 27 (1998) 1774-1779.
L suffisant pour affirmer le diagnostic d'une primo-infection CMV.
Chez un sujet immunocompetent, y compris chez la femme enceinte,
[5] Censer B., Truschnig-Wilders M., Stunzner D., Landini M.P., Halwachs-
Baumann G., Evaluation of five commercial enzyme immunoassays for the
detection of human cytomegalovirus-specifidIgM antibodies in the absence
la positivite des IgM dans le cadre d'un tableau clinique evocateur n'est of a commercially availablegold standard, Ctin. Chem. Lab. Med. 39 (2001)
qu'un element de presomption supplementaire. La determination de 62-70.
I'indice d'avidit~ est un element important pour affirmer (indice faible) [6] Mazeron M.C., Ducancelle A., Alain S., Diagnostic de I'infection & CMV
ou infirmer (indice eleve) le diagnostic de primo-infection CMV. chez les patients immunod~primEs, Rev. Fr. Lab. 345 (2002) 29-34.
L'interpretation reste delicate devant un indice d'avidite intermediaire. [7] Miendje Deyi Y, Goubau P., Bodeus M., False-positive IgM antibody
UEvolution de I'indice d'avidite au cours du temps (> 1 mois) peut per- tests for cytomegalovirus in patients with acute Epstein-Barr virus infec-
tion, Eur. J. Clin. Microbiol. Infect. Dis. 19 (2000) 557-560.
mettre dans ce cas de distinguer une infection ancienne d'une infec-
[8] Segondy M., Diagnostic des infections & CMV chez les sujets immu-
tion recente : un indice stable est en faveur d'une infection ancienne, nocompEtents, Rev. Fr. Lab. 345 (2002) 23-2?.
tandis qu'un indice en augmentation est en faveur d'une infection rela- [9] Troussard X., Mossafa H., Flandrin G., Lymphocytose polyelenale avec
tivement recente. Bien evidemment, I'evolution de I'indice d'avidite ne lymphocytes sanguins binuclEes, Ann. Biol. Clin. 60 (2002) 2?3-280.
pourra 6tre valablement evaluEe que si les serums sent testes en paral-