MSP Managing Successful Programmes

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MSP « Managing Successful Programmes »

Compte-rendu de la rencontre « Autour d’un verre » du mardi 8 septembre 2009


Rencontre animée par Justine Sabin et Graham Smith
Compte rendu d’Alain Guercio

« Un projet, c’est facile ». Un programme est un ensemble de projets qui concourent à un même objectif et qui
contribuent à générer les bénéfices escomptés par l’organisme. Le management de programme se charge de
gérer les évolutions de priorités et de stratégie, les positions des parties prenantes face au changement, la
cohérence des projets. L’expérience montre que les échecs sont nombreux. Plutôt que de conceptualiser et
« faire de l’esprit », le pragmatisme britannique pousse à formaliser les bonnes pratiques et chercher à les
améliorer. C’est l’objet de MSP, cette méthode de management de programme liée à Prince2.

Avant tout, une détermination à réussir Réussir le changement ? Tout un


programme !
« Un projet, c’est facile ». Certains auditeurs de notre
rencontre « Autour d’un verre » auraient pu être
« Un projet, c’est facile car les livrables sont définis ».
choqués par cette affirmation si elle n’avait pas été
L’origine du programme est dans la vision fournie par
assénée sous forme de boutade par nos invités du
la stratégie. Le programme doit formaliser les
jour, deux éminents experts certifiés de Prince2, la
bénéfices attendus, définir la nature de leurs
célèbre méthode de gestion de projet.
indicateurs et les moyens de les estimer, de les
quantifier. Le programme doit identifier les projets à
Justine Sabin est directrice de Programmes à l’ESC-
lancer, leurs livrables finaux et le macro-planning, et
Lille, la première Business School française à avoir
bien sûr coordonner l’ensemble en mouvement.
intégré PRINCE2 et MSP. Elle aide actuellement
plusieurs organisations à mettre en place ces deux
Alors que le résultat d’un projet se concrétise par un
méthodologies, dont la Direction Générale de la
produit (quelque soit la matérialité de l’objet), la
Modernisation de l’Etat (DGME). Graham Smith est
première question que se pose un programme est
un consultant britannique très expérimenté dans ces
« qu’est-ce qu’on doit faire ? », le comment vient plus
domaines qui intervient de concert avec l’ESC-Lille
tard … Le résultat d’un programme se mesure par
depuis quelques années.
l’atteinte des bénéfices. On comprend alors que
l’horizon temporel du programme est bien plus vaste
Graham nous évoque la période Thatcher et les
et profond. Le programme commence bien avant le
impératifs de changements majeurs exigés
démarrage de son premier projet et se termine bien
notamment dans les organisations publiques
après la fin du dernier.
britanniques. Le calendrier a été soutenu, les
difficultés étaient grandes, et les échecs n’étaient pas
Pour décrire l’environnement du management de
absents… Mais il fallait absolument progresser.
programme, la métaphore utilisée du « nuage »
évoque bien le caractère encore vaporeux sur lequel
Près du berceau de MSP, on retrouve l’Office of
doit s’appuyer le programme. On ne fait pas
Government Commerce (OGC) qui a notamment
référence ici à Cupidon car le programme n’est pas
contribué au développement de Prince 2 et d’ITIL,
« sur un nuage » : il est dedans, et le temps est
ensemble de « bonnes pratiques », également
souvent orageux !
enrichies par le retour d’expériences.
Les parties prenantes du programme sont
Selon nos invités, le déploiement actuellement en
nombreuses, et les intérêts qu’elles défendent sont
cours à la DGME de Prince2 et de MSP devrait
divers et parfois (voire souvent) contradictoires. Il faut
entraîner leur introduction dans beaucoup de
être clair : il y aura des parties prenantes qui vont
ministères, d’administrations et d’établissements
gagner et des parties prenantes qui vont perdre. Le
publics.
management de programme est au milieu et se doit
d’être transparent.
Les grandes entreprises françaises d’envergure
internationale devraient également l’adopter, car elles
ont besoin de cadres méthodologiques mondialement
diffusés pour réussir leurs programmes à leur
échelle. C’est le cas de Prince2 et MSP qui sont déjà
traduits dans une dizaine de langues.

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MSP : boîte à outils et vocabulaire L’avantage de MSP est que le vocabulaire du
management de programme est complémentaire et
cohérent avec celui du management de projet, et de
MSP est avant tout une boîte à outils. Comme Prince2 en particulier.
Prince2 se nourrit du retour d’expériences en
management de projet, MSP se nourrit du retour
d’expériences en management de programme, Un super chef de projet(s) ?
permettant ainsi l’apparition d’une nouvelle version
environ tous les deux ans. L’engagement du chef de programme est de produire
les bénéfices. Cela commence par la stratégie
Le premier type d’outils sert à cartographier les d’entreprise et sa « vision », l’élaboration du
bénéfices, quel que soit leur type, financier ou non. Il programme et la coordination des projets et va
faut aussi déterminer leur métrique, qui apporte la jusqu’à la production des services. Le management
possibilité de les mesurer. C’est fondamental puisque de programme s’implique jusqu’à la mise en œuvre
chaque situation et chaque décision seront évaluées et va jusqu’à la concrétisation des bénéfices.
en fonction de leurs impacts sur les bénéfices.
L’objectif du chef de programme n’est pas de faire
Le second type d’outils sert à cartographier les des produits, et en ce sens, il n’est pas un super chef
parties prenantes, sans en oublier. Il faut comprendre de projet. Par contre, son rôle consiste à contrôler les
et qualifier les intérêts de chacun. L’influence des interfaces (ou les adhérences) entre les projets. Il
parties prenantes sur le programme est la principale faut même souvent s’assurer que deux projets du
préoccupation du management de programme, du programme ne vont pas produire la même chose ou
fait de l’évolution permanente de l’environnement et des produits équivalents. La coordination des projets
de la stratégie. prend une place importante dans le management de
programme. Les risques d’échec sont nombreux.
Symétriquement, le management de programme doit
chercher à avoir de l’influence sur les parties Par exemple, si votre programme prévoit de
prenantes et leurs perceptions du programme. Des construire un pont pour relier deux routes en
plans de communication spécifiques sont élaborés construction, ne livrer qu’un pont et qu’une seule
dans ce sens. route n’a pas de sens … Votre programme est un
échec.
MSP se préoccupe de la gouvernance et de
l’organisation du programme à ses différents niveaux.
Les « sponsors » (terme que nous nous garderons
Les 6 flux transformationnels d’un
bien de traduire par maîtres d’ouvrage » se situent au programme
plus haut niveau de la hiérarchie, ils peuvent
intervenir sur plusieurs programmes en parallèle. La diversité d’application du management de
L’équipe de management de programme, animée par programme interdit d’imposer une démarche trop
un chef de programme, est amenée à travailler avec formelle. MSP propose toutefois six phases qu’il faut
les différents chefs de projets. voir comme des flux de transformation du
programme. La physionomie du programme diffère à
Le management de programme s’intéresse aux relais chaque fois de façon importante.
du changement dans l’entreprise que sont les
gestionnaires opérationnels, l’ensemble du personnel  Identifier le programme, c'est-à-dire comprendre
de l’entreprise, … car l’engagement du management le contexte, la vision et la stratégie de
de programme va plus loin que la simple production l’entreprise ;
coordonnée d’une collection de produits. Les  Définir un programme, c'est-à-dire commencer à
bénéfices doivent être effectivement réalisés. imaginer « assez bien » les projets qui vont
composer le programme et permettre d’atteindre
Bien sûr, certains outils sont identiques à ceux du les objectifs. A ce niveau et bien en amont du
management de projet : planification, gestion des démarrage du premier projet, les investissements
risques, gestion de la qualité, … Ils sont utilisés à souvent importants sont estimés.
une maille moins détaillée que sur chacun des
projets.

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 Concevoir les tranches du programme : le 2/ La sortie d’un Airbus est-il un programme ?
programme peut être découpé en deux, trois,
quatre, … tranches dans le temps. Pas au sens où MSP l’entend. Il s’agit d’un ensemble
 Gérer les projets (et non gérer un projet !) : à son de projets dont la finalité est définie de façon assez
niveau le management de programme s’assure claire dès le départ. Par exemple, il n’y a pas de
de l’avancement de chaque projet, de sa conduite du changement.
faisabilité et de ses livrables, de leur cohérence.
Avec les personnes chargées de la conduite du Prenons le cas du gouvernement écossais qui
changement, il prépare la réalisation des envisage de mettre en place des unités mobiles pour
bénéfices. réduire les temps d’admission dans les hôpitaux. Il
 Réaliser les bénéfices : le chef de programme s’agit d’un programme, car cet objectif entraine de
applique ses métriques à chaque tranche et nombreux projets qu’il faut identifier et coordonner, et
s’assure que les bénéfices constatés sont une conduite du changement complexe.
cohérents avec les estimations.
 Clôturer le programme. Il existe des projets qui sont plus ou moins difficiles. Il
existe des programmes qui sont plus faciles que
d’autres : la mesure est fonction de la clarté dans la
définition des bénéfices ou des livrables.
Échanges avec la salle

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3/ Existe-t-il vraiment des cas où des parties
Après cette présentation la discussion s'est très prenantes sont perdantes, et comment gère-t-on
rapidement engagée sur le standard en lui même et les évolutions de stratégie ?
ses relations avec les autres référentiels de l'OGC.
En voici quelques questions clefs et les réponses Oui, bien sûr. Le management de programme doit
apportées. être parfaitement transparent et honnête sur ce point
et notamment auprès des parties prenantes qui sont
1/ Que signifient les termes : « bénéfice », perdantes.
« projet/programme », « livraison/réalisation des
bénéfices » ? Il n’y a pas de méthode toute faite pour gérer les
évolutions de stratégie. Sur une période aussi longue
Le terme de « bénéfice » s’entend au sens large « à que celle d’un programme, la seule chose dont on est
l’anglo-saxonne » (benefit), c'est-à-dire qu’il s’agit sûr c’est qu’il y en aura.
souvent d’argent mais aussi d’autres avantages. Il
faut qualifier et quantifier les enjeux. Aussi, le management de programme doit être
vigilant et revenir régulièrement sur les bénéfices
Le programme s’engage sur les bénéfices. Prenons attendus et ce qui peut les impacter. Parfois, le
par exemple le cas d’un hôpital dont le programme « nuage » devient tourbillon … et il faut peut-être
se compose de trois projets : un projet de bâtiments, changer le programme, ou tout simplement décider
un projet d’équipements (les appareils et leur de l’arrêter.
installation), un projet d’organisation d’équipe Dans la boîte à outil MSP, il existe un outil de
(recrutement, formation, …). Seul l’ensemble « résolution des incidences » que l’on mobilise si
coordonné de ces trois extrants (livrables) permet de quelque chose ne se passe pas comme prévu. Il faut
faire quelque chose. documenter les demandes et les modifications, et les
instruire.
Pris séparément, chaque projet n’a pas de sens. De Il faut considérer les impacts positifs et négatifs de
plus, le jour du démarrage, une phase de transition chaque problème, de chaque changement. Le
sera nécessaire pour atteindre le niveau de management de programme réunit pour cela les
fonctionnement espéré par la stratégie. Après cette experts, et fait de nombreux points avec les
phase, l’hôpital fonctionne bien et par exemple sponsors.
apporte une réduction du temps d’exécution des
opérations, qu’on peut effectivement mesurer. Les 4/ Quelles sont les actions en cours à la DGME, et
bénéfices sont réalisés, on peut clôturer le quelles différences culturelles voyez-vous avec
programme. ce que vous connaissez en Grande-Bretagne ?

La réalité n’est jamais si simple. Le management de Les travaux en cours à la DGME sont de nature
programme doit définir les bénéfices et la manière de méthodologique et concernent d’abord l’analyse des
les mesurer. Une revue des bénéfices doit se tenir parties prenantes : identifier les parties prenantes,
régulièrement. On a parfois affaire à un faisceau de définir les impacts sur chacune, qualifier les
bénéfices. Le chef de programme doit veiller à ce bénéfices, …
que les bénéfices ne se transforment pas en contre-
bénéfices …

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Des formations sont en cours d’appel d’offre, et on Ces outils sont surtout méthodologiques, il suffit de
aimerait aussi organiser un dispositif de retour choisir le bon. MSP ne requière aucun outil
d’expérience dans les administrations. informatique particulier ou privilégié.

En Grande-Bretagne, il existe un besoin culturel de Pour démarrer avec MSP, le mieux est de procéder à
processus. On recherche des façons de faire qui ont un diagnostic sur vos projets et vos programmes en
déjà prouvé leur efficacité. C’est pourquoi il y une cours. Ce diagnostic doit mettre en correspondance
explosion des méthodes structurées, que les vos pratiques actuelles avec les référentiels Prince2
nombreux contributeurs font progresser en et MSP. Vos pratiques ne sont pas forcément
formalisant leur retour d’expérience. Sur Prince2 et mauvaises, et il faut souvent identifier les « trous » et
MSP, cela génère une nouvelle version tous les deux déterminer un plan de changement progressif.
ans.
7/ Comment cohabitent MSP et Prince2 avec la
En France, on commence aussi à regarder ce qui gestion de portefeuille de projets d’une part, et
marche chez les voisins. Par exemple, l’ESC-Lille est avec la gestion des changements d’ITIL d’autre
en cours de rapprochement avec le CERAM : c’est part ?
un beau programme, et nous allons utiliser MSP !
Prince2 couvre le management de projet, c’est à dire
5/ Existe-t-il un dispositif de certification ? un périmètre où les livrables à produire sont
identifiés. MSP couvre le management de
Comme pour Prince2, il existe un Niveau 1 programme, là où la stratégie débouche sur des
« Fondations » à base de QCM et un Niveau 2 bénéfices attendus, des actions à lancer et des
« Praticien » plus élaboré et qui doit être renouvelé risques à prendre, des parties prenantes, … Cet
tous les 3 ans. Sur MSP, il existe de plus un niveau enchaînement est une décomposition systémique de
de « Praticien avancé » qui s’adresse à une type « top-down » pour tous les projets du
population très réduite d’experts. programme.

Un organisme, missionné par l’OGC, contrôle le La gestion d’un portefeuille de projets dans une
sérieux et la qualité de l’ensemble du dispositif de entreprise est plus vaste et plus transversale : une
formation et de certification. Par exemple, l’ESC-Lille entreprise peut engager plusieurs programmes,
qui est certifiée comme organisme de formation (ITO) beaucoup de projets existent sans forcément
sur Prince2 et MSP, est soumise à un contrôle appartenir à un programme,…
annuel.
La gestion d’un portefeuille de projets vise
La certification est un gage pour la personne certifiée essentiellement à gérer un ensemble de ressources.
que le langage commun est maîtrisé, que la Le management de programme est surtout orienté
personne dispose d’un cadre structuré pour agir sur sur la gestion des dépendances entre ses propres
son projet ou son programme, qu’elle a accès à un projets et la réalisation des bénéfices.
ensemble de retour d’expériences. La certification est

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aussi une assurance pour l’employeur. Enfin, il est effectivement possible qu’une entité
génère une multitude de changements (au sens
Des clubs MSP et des systèmes électroniques de d’ITIL) qui s’enchaînent et qui auraient dû être du
partage d’expériences (newsgroup) existent par ressort d’un projet ou d’un programme.
ailleurs. Malheureusement, ni Prince2 ni MSP ne sont
capables d’identifier et de traiter ce genre de
6/ Quelle est la démarche d’implémentation de problème.
MSP, existe-t-il des outils associés et quels sont
les compétences à mettre en œuvre ? 8/ Quels sont les derniers conseils que vous
nous donnez sur le management de programme ?
Les compétences à mettre en œuvre sont d’abord

zy
des compétences de management : définition des  Adapter la méthode à chaque contexte
rôles, animation, … Bien sûr, MSP ne traite pas des particulier ;
compétences des experts (au sens des experts  éviter la précipitation et conduire le
« métier »). changement dans le temps ;
 se focaliser d’abord sur les parties prenantes,
MSP se prête particulièrement bien à la combinaison sur les bénéfices et leur réalisation !▲
des rôles, en fonction de la taille du programme
notamment. Il a plein de possibilités d’adaptation. alain.guercio@e-media-management.com
MSP est une boîte à outils, et chaque outil retenu par
le chef de programme peut être adapté.

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