Logique de Port Royal
Logique de Port Royal
Logique de Port Royal
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LOGIQUE
DE
PORT- ROYAL
Paris . - Imprimerie Vjéville et Capiomont, rue des Poitevins , 6 .
LOGIQUE
DE PORT-ROYAL
PRÉCÉDÉE D'UNE NOTICE
SUR LES TRAVAUX PHILOSOPHIQUES D'ANTOINE ARNAULD
ET ACCOMPAGNÉE DE NOTES
PAR
CHARLES JOURDAIN
Inspecteur général de l'enseignement supérieur
NOUVELLE ÉDITION
PARIS
LIBRAIRIE HACHETTE ET Cie
79, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 79
1874
BC
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2014
25 33
35359c
Motos
868 V
.NO
NOTICE
D'ANTOINE ARNAULD .
II
III
IV
VI
VII
VIII
+
LA
LOGIQUE
OU
L’ART DE PENSER.
A VIS .
PREMIER DISCOURS
Ce sont les raisons qui ont porté à ne pas omettre ces matières
épineuses, et à les traiter même aussi subtilement qu'en aucune
autre Logique. Ceux qui n'en seront pas satisfaits peuvent s'en
délivrer en ne les lisant pas ; car on a eu soin pour cela de les en
avertir à la tête même des chapitres ; afin qu'ils n'aient pas sujet
de s'en plaindre, et que s'ils les lisent, ce soit volontairement.
On n'a pas cru aussi devoir s'arrêter au dégoût de quelques
personnes qui ont en horreur certains termes artificiels qu'on a
formés pour retenir plus facilement les diverses manières de rai
sonner, comme si c'étaient des mots de magie, et qui font sou
vent des railleries assez froides sur baroco et baralipton, comme
tenant du caractère de pédant ; parce que l'on a jugé qu'il y
avait plus de bassesse dans ces railleries que dans ces mots. La
vraie raison et le bon sens ne permettent pas qu'on traite de ri
dicule ce qui ne l'est point. Or, il n'y a rien de ridicule dans ces
termes, pourvu qu'on n'en fasse pas un trop grand mystère ; et
que, comme ils n'ont été faits que pour soulager la mémoire, on
ne veuille pas les faire passer dans l'usage ordinaire, et dire, par
exemple, qu'on va faire un argument en bocardo ou en felapton ,
ce qui serait en effet très -ridicule.
On abuse quelquefois beaucoup de ce reproche de pédanterie.
et souvent on y tombe en l'attribuant aux autres. La pédanterie
est un vice d'esprit et non de profession ; et il y a des pédants de
toutes robes, de toutes conditions et de tous états . Relever des
choses basses et petites, faire une vaine montre de sa science,
entasser du grec et du latin sans jugement, s'échauffer sur l'ordre
des mois attiques, sur les habits des Macédoniens et sur de sem
blables disputes de nul usage ; piller un auteur en lui disant des
injures; déchirer outrageusement ceux qui ne sont pas de notre
sentiment sur l'intelligence d'un passage de Suétone et sur l'éty
mologie d'un mot, comme s'il y agissait de la religion et de l'État ;
vouloir faire soulever tout le monde contre un homme qui n'es
time pas assez Cicéron, comme contre un perturbateur du repos
public, ainsi que Jules Scaliger a tâché de faire contre Érasme " ;
SECOND DISCOURS
LOGIQUE .
CHAPITRE PREMIER.
CHAPITRE II.
CHAPITRE III.
C'est-à -dire que ces géns-là se persuadeat que l'on peut rendre
raison de toute la nature en n'y considérant que ces sept choses
ou modes: 1. Mens, l'esprit ou la substance qui pense. 2. Materia,
le corps ou la substance étendue. 3. Mensura , la grandeur ou la
petitesse de chaque partie de la matière. 4. Positura, leur situa
tion à l'égard les unes des autres. 5. Figura, leur figure. 6 . Motus,
leur mouvement. 7. Quies, leur repos ou moindre mouvement.
La seconde raison qui rend l'étude des catégories dangereuse,
est qu'elle accoutume les hommes à se payer de mots , à s'imagi
per qu'ils savent toutes choses quand ils n'en connaissent que
des noms arbitraires qui ne forment dans l'esprit aucune idée
claire et distincte, comme on le fera voir en un autre endroit '.
On pourrait encore parler ici des attributs des Lullistes *
bonté, puissance, grandeur, etc.; mais en vérité c'est une chose
si ridicule que l'imagination qu'ils ont, qu'appliquant ces mots
métaphysiques à tout ce qu'on leur propose, ils pourront rendre
raison de tout, qu'elle ne mérite seulement pas d'etre réfutée.
CHAPITRE IV .
CHAPITRE V.
Ce que nous avons dit en passant dans le chapitre 11, que nous
pouvions considérer un mode sans faire une réflexion disctincte
sur la substance dont il est mode, nous donne occasion d'expli
quer ce qu'on appelle abstraction d'esprit.
Le peu d'étendue de notre esprit fait qu'il ne peut comprendre
parfaitement les choses un peu composées, qu'en les considérant
par parties, et comme par les diverses faces qu'elles peuvent re
cevoir. C'est ce qu'on peut appeler généralement connaftre par
abstraction .
Mais comme les choses sont différemment composées, et qu'il
y en a qui le sont de parties réellement distinctes, qu'on appelle
parties intégrantes, comme le corps humain , les diverses parties
d'un nombre, il est bien facile alors de concevoir que notre esprit
peut s'appliquer à considérer une partie sans considérer l'autre
parce que ces parties sont réellement distinctes, et ce n'est pas
même ce qu'on appelle abstraction .
Or, il est si utile dans ces choses-là même de considérer plutôt
les parties séparément que le tout, que sans cela on ne peut avoir
presque aucune connaissance distincte ; car, par exemple, le
moyen de pouvoir connaftre le corps humain , qu'en le divisant
en toutes ses parties similaires et dissimilaires, et en leur don
52 LOGIQUE .
CHAPITRE VI.
CHAPITRE VII.
genus, species ,
Des cinq sortes d'idées universelles, genres, espèces, différences,
propres, accidents .
proprium, accidens
Ce que nous avons dit dans les chapitres précédents nous donne
moyen de faire entendre en peu de paroles les cinq Universaux
qu'on explique ordinairement dans l'école ' .
Car lorsque les idées générales nous représentent leurs objets
comme des choses, et qu'elles sont marquées par des termes
appelés substantifs ou absolus , on les appelle genres ou espèces.
Du genre.
De l'espèce
De la différence.
Du propre .
De l'accident.
CHAPITRE VIII.
CHAPITRE IX.
De la clarté et distinction des idées, et de leur obscurité et confusion .
chose et pour la distinguer : comme lorsque j'ai une idée bien claire
d'une couleur, je ne prendrai pas une autre couleur pour celle que je
demande : et si j'ai une idée claire d'une plante, je la discernerai
parmi d'autres voisines : sans cela l'idée est obscure. Je crois que nous
n'en avons guère de parfaitement claires sur les choses sensibles. Il y
a des couleurs qui s'approchent de telle sorte qu'on ne saurait les dis
cerner par mémoire, et cependant on les discernera quelquefois, l'une
étant mise près de l'autre.
J'ai coutume de suivre ici , continue Leibnitz, le langage de
M. Descartes,chez qui une idée pourra être claire et confuse en même
emps : et telles sont les idées des qualités sensibles affectées aux or
ganes , comme celles de la couleur et de la chaleur. Elles sont claires,
car on les reconnait et on les discerne aisément les unes des autres ;
mais elles ne sont point distinctes , parce qu'on ne distingue pas ce
qu'elles renferment. Ainsi on n'en saurait donner la définition . On
ne les fait connaître que par des exemples ; et , au reste , il faut dire
que c'est un je ne sais quoi, jusqu'à ce qu'on en déchiffre la contex
ture .... >>
70 LOGIQUE .
nous dissimuler à nous-même que nous ne concevions claire
ment l'étendue et la figure.
Nous concevons aussi clairement l’étre, l'existence, la durée,
l'ordre, le nombre; pourvu que nous pensions seulement que la
durée de chaque chose est un mode ou unefaçon dont nous con
sidérons cette chose en tant qu'elle continue d'être, et que pa
reillement l'ordre et le nombre nediffèrent pas en effet des choses
ordonnées et nombrées.
Toutes ces idées- là sont si claires, que souvent, en voulant
les éclaircir davantage et ne pas se contenter de celles que
nous formons naturellement, on les obscureit.
Nous pouvous aussi dire que l'idée que nous avons de Dieu
en cette vie est claire en un sens, quoiqu'elle soit obscure en un
autre sens, et très- imparfaite.
Elle est claire en ce qu'elle suffit pour nous faire connaître en
Dieu un très grand nombre d'attributs que nous sommes assurés
ne se trouver qu'en Dieu seul ; mais elle est obscure, si on la
compare à celle qu'ont les bienheureux dans le ciel, et elle est
imparfaite en ce que notre esprit' étant fini, ne peut concevoir
que très-imparfaitement un objet infini. Mais ce sont différentes
conditions en une idée d'être parfaite et d'être claire; car elle
est parfaite quand elle nous représente tout ce qui est en son
objet ; et elle est claire quand elle nous en représente assez pour
' e concevoir clairement et distinctement.
Les idées confuses et obscures sont celles que nous avons des
qualités sensibles , comme des couleurs, des sons, des odeurs, des
goûts, du froid, du chaud, de la pesanteur, etc., comme aussi de
nos appétits, de la faim , de la soif, de la douleur corporelle, etc.,
et voici ce qui fait que ces idées sont confuses .
Comme nous avons été plutôt enfants qu'hommes, et que les
choses extérieures ont agi sur nous en causant divers sentiments
dans notre âme par les impressions qu'elles faisaient sur notre
corps, l'âme, qui voyait que ce n'était pas par sa volonté que ces
sentiments s'excitaient en elle, mais qu'elle ne les avait qu'à
l'occasion de certains corps, comme qu'elle sentait de la chaleur
en s'approchant du feu , ne s'est pas contentée de juger qu'il y
avait quelque chose hors d'elle qui était cause qu'elle avait, ces
PREMIÈRE PARTIE . 71
1. Tusculanes , I , 25.
76 LOGIQUE.
Mais ils se sont persuadés qu'en subtilisant cette matière,
ils la rendraient moins matérielle, moins grossière et moins
corporelle, et qu'enfin elle deviendrait capable de penser, ce qui
est une imagination ridicule ; car une matière n'est plus subtile
qu'une autre, qu'en ce qu'étant divisée en parties plus petites et
plus agitées, elle fait d'une part moins de résistance aux autres
corps, et s'iosinue de l'autre plus facilement dans leurs pores :
mais, divisée ou non divisée, agitée ou non agitée, elle n'en est
ni moins matière, ni moins corporelle, ni plus capable de penser ;
étant impossible de s'imaginer qu'il y ait aucun rapport du mou
vement ou de la figure de la matière subtile ou grossière avec la
pensée, et qu'une matière qui ne pensait pas lorsqu'elle élait en
repos comme la terre , ou dans un mouvement modéré comme
l'eau , puisse parveoir à se connaitre soi-même , si on vient à la
remuer davantage, et à lui donner trois ou quatre bouillons de
plus.
On pourrait étendre cela beaucoup davantage ; mais c'est assez
pourfaire entendre toutes les autres idées confuses, qui ont pres
que toutes quelques causes semblables à ce que nous venons de
dire .
L'unique remède à cet inconvénient, est de nous défaire des
préjugés de notre enfance, et de ne rien croire de ce qui est du
ressort de notre raison, par ce que nous en avons jugé autrefois,
mais par ce que nous en jugeons maintenant ; et ainsi nous nous
réduirons à nos idées naturelles ; et pour les confuses, nous n'en
retiendrons que ce qu'elles ont de clair, comme qu'il y a quelque
chose dans le feu qui est cause que je sens de la chaleur, quo
toutes les choses qu'on appelle pesantes sont poussées en bas par
quelque cause, ne déterminant rien de ce qui peut être dans le
feu qui me cause ce sentiment, ou de la cause qui fait tomber
une pierre en bas, que je n'aie des raisons claires qui m'en don
dent la connaissance .
---
PREMIÈRE PARTIE . 77
CHAPITRE X.
Cette valeur, stestimée dansle monde, qui fait que ceux qui
passent pour braves se précipitent sans crainte dans les plus
grands dangers, n’est souvent qu'un effet de l'application de leur
esprit à ces images vides et creuses qui lor remplissent. Peu de
personnes méprisent sérieusement la vie ; et ceux qui semblent:
affronter la mort avec tant de hardiesse à une brèche ou dans
une bataille; tremblentcomme les autres, et souvent plus queles
autres, lorsqu'elle vles attaque dans leur lit. Mais ce qui produit
la générosité qu'ils font paraitre en quelques rencontres , c'est
qu'ils envisagentd'une part les railleries que l'on fait des låches,
et de l'autre les louanges qu'on donne aux vaillants hommes;seti
ce double fantôme les occupant, les détourne de la considération
des dangers et de la mort.
C'est parcette raison que ceuxqui ont plus sujet de croire que
les hommes les regardent, étant plus remplis de la vue de ces
jugements, sont plus vaillants et plus généreux. Ainsi les capi
taines ont d'ordinaire plus de courage que les soldats, et les
gentilshommes que ceux qui ne le sont pas, parce qu'ayant plus
d'honneur à perdre ou à acquérir, ils en sont aussi plus vive
ment touchés. Les mêmes travaux , disait un grand capitaine, ne
sont pas également pénibles à un général d'armée et à un soldat,
parce qu'un général est soutenu par les jugements de toute une
armée qui a lesyeux sur lui, au lieu qu’un soldat n'a rien qui le
soutienne que l'espéranced'une petite récompense et d'une basse
réputation de bon soldat, qui ne s'étend pas souventau delà de
la compagnie
Qu'est-ce que se proposent ces gens qui bâtissent des maisons
superbes beaucoup au-dessus de leur condition et de leur fortune ?
Ce n'est pas la simple commodité qu'ils y recherchent ; cette ma
gnificence excessive y nuit plus qu'elle n'y sert, et il est visible
aussi que s'ils étaient'seuls au monde , ils ne prendraient jamais
cette peine; non plus que s'ils croyaient que tous ceux qui ver
raient leurs maisons n'eussent pour eux que des sentiments de
mépris. C'est donc pour les hommes qu'ils travaillent, et pour des
hommes qui les approuvent. Ils s'imaginerit que tous ceux qui
verront leur palais concevront des mouvements de respect et
d'admiration pour celui qui en est le maitre ; et ainsi ils se rep: e
6
82 LOGIQUE .
sentent à eux-mêmes au milieu de leur palais, environnés d'une
troupe de gens qui les regardent de bas en haut, et qui les jugent
grands, puissants, heureux, magnifiques; et c'est pour cette idée
qui les remplit qu'ils font toutes ces grandes dépenses et pren
nent toutes ces peines.
Pourquoi croit -on que l'on charge les carrosses de ce grand
nombre de laquais ? Ce n'est pas pour le service qu'on en tire : ils
incommodent plus qu'ils ne servent ; mais c'est pour exciter en
passant, dans ceux qui les voient, l'idée que c'est une personne :
de grande condition qui passe ; et la vue de cette idée, qu'ils
imaginent que l'on formera en voyant ces carrosses, satisfait la
vanité de ceux à qui ils appartiennent.
Si l'on examine de même tous les états , tous les emplois et
toutes les professions qui sont estimés dans le monde, on trouvera
que ce qui les rend agréables, et ce qui soulage les peines et les
fatigues qui les accompagnent, est qu'ils présentent souvent à
l'esprit des mouvements de respect, d'estime, de crainte, d'admi
ration que les au tres ont pour nous.
Ce qui rend au contraire la solitude ennuyeuse à la plupart
du monde, est que, les séparant de la vue des hommes, elle les
sépare aussi de celle de leurs jugements et de leurs pensées. Ainsi,
leur cæur demeure vide et affamé, étant privé de cette nourriture
ordinaire, et ne trouvant pas dans soi-même de quoi se remplir.
Et c'est pourquoi les philosophes paiens ont jugé la vie solitaire si
insupportable, qu'ils n'ont pas craint de dire que leur Sage ne vou
drait pas posséder tous les biens du corps et de l'esprit à condi
tion de vivre toujours seul et de ne parler de son bonheur avec
personne. Il n'y a que la religion chrétienne qui ait pu rendre la
solitude agréable, parce que, portant les hommes à mépriser ces
vaines idées, elle lour donne en même temps d'autres objets plus
capables d'occuper l'esprit , et plus dignes de remplir le cæur,
pour lesquels ils n'ont point besoin de la vue et du commerce des
hommes .
Mais il faut remarquer que l'amour des hommes ne se termine
pas promptement à connattre les pensées et les sentiments des
autres ; mais qu'ils s'en servent seulement pour agrandir et pour
rehausser l'idée qu'ils ont d'eux-mêmes, en y joignant et incor
PREMIÈRE PARTIE . 83
CHAPITRE XI.
D'une autre cause qui met de la confusion dans nos pensées et dans
nos discours, qui est que nous les attachons à des mots.
Nous avons déjà dit que la nécessité que nous avons d'user de
signes extérieurs pour nous faire entendre, fait que nous atta
chons tellement nos idées aux mots, que souvent nous considé
rons plus les mots que les choses. Or, c'est une des causes les
plus ordinaires de la confusion de nos pensées et de nos dis
cours .
CHAPITRE XII.
Du remède à la confusion qui nait dans nos pensées et dans nos discours
de la confusion des mots; où il est parlé de la nécessité et de l'utilité
de définir les mots dont on se sert, et de la différence de la définition
des choses d'avec la définition des noms.
CHAPITRE XIII.
CHAPITRE XIV .
beaucoup plus vive què n'est la pensée même à laquelle elle est
jointe. Ainsi , il n'est pas étrange qu'elle frappe davantage, parce
que l'âme s'instruit par les images des vérités ; mais elle ne s'é
meut guère que par l'image des mouvements.
Si vis me flere, dolendum est
Primum ipsi tibi " .
1. Epist. ad div. , IX, 22. « Sed , ut dico, placet Stoicis suo quamque
u rem nomine appellare. Sic enim disserunt, nihil esse obscen un ,
& nihil turpe dictu. »
PREMIÈRE PARTIE . 101
que les actions mêmes : au lieu qu'il y a de certains mots qui les
expriment sans en Conner de l'horreur, et plutôt comme plai
santes que comme criminelles, et qui y joignent même une idée
d'impudence et d'effronterie, et ce sont ces mots- là qu'on ap
pelle infâmes et déshonnêtes.
Il en est de même de certains tours par lesquels on exprime
honnêtement des actions qui, quoique légitimes, tiennent quelque
chose de la corruption de la nature ; car ces tours sont en effet
honnêtes, parce qu'ils n'expriment pas simplement ces choses,
mais aussi la disposition de celui qui en parle de cette sorte, et
qui témoigne par sa retenue qu'il les envisage avec peine et qu'il
les couvre autant qu'il peut, et aux autres et à soi-même ; au lieu
que ceux qui en parleraient d'une autre manière ſeraient paraſ
tre qu'ils prendraient plaisir à regarder ces sortes d'objets ; et ce
plaisir étant infâme, il n'est pas étrange que les mots qui expri
ment cette idée soient estimés contraires à l'honnêteté.
C'est pourquoi il arrive aussi qu'un même mot est estimé hon
nête en un temps et honteux en un autre, ce qui a obligé les
docteurs hébreux de substituer, en certains endroits de la Bible,
des mots hébreux à la marge, pour être prononcés par ceux qui
la liraient, au lieu de ceux dont l'Écriture se sert ; car cela vient
de ce que ces mots, lorsque les prophètes s'en sont servis, n'é
taient point déshonnêtes, parce qu'ils étaient liés avec quelque
idée qui faisait regarder ces objets avec retenue et avec pudeur ;
mais depuis, cette idée en ayant été séparée, et l'usage y en
ayant joint une autre d'impudence et d'effronterie, ils sont deve
nus honteux ; et c'est avec raison que, pour ne pas frapper l’es
prit de cette mauvaise idée, les rabbins veulent qu'on en pro
nonce d'autres en lisant la Bible, quoiqu'ils n'en changent pas
pour cela le texte.
Ainsi , c'était une mauvaise défense à un auteur que la profes
sion religieuse obligeait à une exacte modestie, et à qui on avait
reproché avec raison de s'être servi d'un mot peu honnête pour
signifier un lieu infâme, d'alléguer que les Pères n'avaient pas
fait difficulté de se servir de celui de lupanar, et qu'on trouvait
souvent dans leurs écrits les mots de meretrix, de leno, et d'autres
qu'on aurait peine à souffrir en notre langue ; car la liberté avec
102 LOGIQUE .
laquelle les Pères se sont servis de ces mots devait lui faire con
naitre qu'ils n'étaient pas estimés honteux de leur temps, c'est
à-dire que l'usage n'y avait pas joint cette idée d'effronterie qui
les rend infâmes, et il avait tort de conclure de là qu'il lui fût
permis de se servir de ceux qui sont estimés déshonnêtes en no
tre langue, parce que ces mots ne signifient pas, en effet, la
même chose que ceux dont les Pères se sont servis, puisque,
outre l'idée principale en laquelle ils conviennent, ils enferment
aussi l'image d'une mauvaise disposition d'esprit et qui tient
quelque chose du libertinage et de l'impudence.
Ces idées accessoires étant donc si considérables et diversifiant
si fort les significations principales, il serait utile que ceux qui
font des dictionnaires les marquassent, et qu'ils avertissent, par
exemple, des mots qui sont injurieux, civils, aigres, bonnêtes,
déshonnêtes, ou plutôt qu'ils retranchassent entièrement ces
derniers, étant toujours plus utile de les ignorer que de les
savoir.
CHAPITRE XV .
Des idées que l'esprit ajoute à celles qui sont précisément signifiées
par les mots .
CHAPITRE I.
DES NOMS .
Les objets de nos pensées étant, comme nous avons déjà dit,
ou des choses ou des manières de choses, les mots destinés à și
gnifier, tant les choses que les manières, s'appellent noms.
Ceux qui signifient les choses s'appellent noms substantifs,
comme terre, soleil. Ceux qui signifient les manières, en mar
quant en même temps le sujet auquel elles conviennent, s'ap
pellent noms adjectifs, comme bon, juste, rond.
C'est pourquoi, quand, par une abstraction de l'esprit, on
conçoit ces manières sans les rapporter à un certain sujet,
comme elles subsistent alors en quelque sorte dans l'esprit par
elles-mêmes, elles s'expriment par un mot substantif, comme
sagesse, blancheur, couleur.
Et, au contraire, quand ce qui est de soi-même substance et
chose vient à être conçu par rapport à quelque sujet, les mots
qui signifient en cette manière deviennent adjectifs, comme hu
main, charnel ; et en dépouillant ces adjectifs, formés des noms
de substance, de leur rapport, on en fait de nouveaux substan
tifs : ainsi , après avoir formé du mot substantif homme l'adjec
tif humain , on forme de l'adjectif humain le substantif huma
nité .
Il y a des noms qui passent pour substantifs en grammaire,
qui sont de véritables adjectifs, comme roi, philosophe, médecin,
puisqu'ils marquent une manière d'etre ou mode dans un sujet.
Mais la raison pourquoi ils passent pour substantifs, c'est que,
comme ils ne conviennent qu'à un seul sujet, on sous - entend
toujours cet unique sujet sans qu'il soit besoin de l'exprimer.
Par la même raison, ces mots le rouge, le blanc, etc. , sont de
véritables adjectifs, parce que le rapport est marqué ; mais la
raison pourquoi on n'exprime pas le substantif auquel ils se rap
DEUXIÈME PARTIE . 109
sonnes et des autres choses dont on parle, ils ont inventé les
pronoms de la troisième personne, ille, illa, illud, entre lesquels il
y en a qui marquent, comme au doigt, la chose doni on parle,
et qu'à cause de cela on nomme démonstratifs, hic, iste, celui-ci
celui- là .
Il y en a aussi un qu'on nomme réciproque, parce qu'il mar
que un rapport d'une chose à soi-même. C'est le pronom sui,
sibi, se : Caton s'est tué.
Tous les pronoms ont cela de commun, comme nous avons
déjà dit , qu'ils marquent confusément le nom dont ils tiennent la
place ; mais il y a cela de particulier dans le neutre de ces pro
noms illud, hoc, lorsqu'il est mis absolument, c'est- à -dire sans
nom exprimé, qu'au lieu que les autres genres, hic, hæc, ille, illa
peuvent se rapporter et se rapportent presque toujours à des idées
distinctes, qu'ils ne marquent néanmoins que confusément, illum
exspirantem flammas, c'est - à - dire illum Ajacem : His ego nec
metas rerum , nec tempora ponam , c'est- à -dire Romanis ; le neutre
au contraire, se rapporte toujours à un nom général et confus :
hoc erat in votis, c'est-à-dire, hæc res, hoc negotium erat in votis ;
hoc erat alma parens, etc. Ainsi il y a une double confusion dans
le neutre ; savoir celle du pronom, dont la signification est tou
jours confuse, et celle du mot negotium , chose, qui est encore
aussi générale et aussi confuse .
DU PRONOM RELATIF .
CHAPITRE II.
Du verbe .
Nous avons emprunté jusqu'ici ce que nous avons dit des noms
et des pronoms, d'un petit livre imprimé il y a quelque temps sous
le titre de Grammaire générale, à l'exception de quelques
points que nous avons expliqués d'une autre manière ; mais en co
qui regarde le verbe, dont il craite dans le chapitre XIII, je ne
8
114 LOGIQUE .
ferai que transcrire ce que cet auteur en dit, parce qu'il m'a
semblé que l'on n'y pouvait rien ajouter.
Les hommes, dit-il , n'ont pas eu moins besoin d'inventer des
mots qui marquassent l'affirmation, qui est la principale manière
de notre pensée, que d’en inventer qui marquassent les objets de
nos pensées.
Et c'est proprement en quoi consiste ce que l'on appelle verbe,
qui n'est rien autre qu'un mot dont le principal usage est de signi
fier l'affirmation , c'est - à -dire de marquer que le discours où ce
mot est employé est le discours d'un homme qui ne conçoit pas
seulement les choses, mais qui en juge et qui les affirme; en quoi
le verbe est distingué de quelques noms qui signifient aussi l'af
firmation, comme affirmans, affirmatio, parce qu'ils ne la signifient
qu'en tant que, par une réflexion d'esprit, elle est devenue l'objet
de notre pensée ; et ainsi ils ne marquent pas que celui qui se sert
de ces mots irme, mais seulement qu'il conçoit une affirmation .
J'ai dit que le principal usage du verbe était de signifier l'affir
mation , parce que nous ferons voir plus bas que l'on s'en sert
encore pour signifier d'autres mouvements de notre âme, comme
ceux de désirer, de prier, de commander, etc. Mais ce n'est qu'en
changeant d'inflexion et de mode , et ainsi nous ne considérons
le verbe, dans tout ce chapitre, que selon sa principale significa
tion, qui est celle qu'il a à l'indicatif. Selon cette idée, l'on peut
dire que le verbe, de lui-même, ne devrait point avoir d'autre
usage que de marquer la liaison que nous faisons dans notre esprit
des deux termes d'une proposition ; mais il n'y a que le verbe étre,
qu'on appelle substantif, qui soit demeuré dans cette simplicité,
et encore n'y est- il proprement demeuré que dans la troisième
personne du présent, est, et en de certaines rencontres: car,comme
les hommes se portent naturellement à abréger leurs expressions,
ils ont joint presque toujours à l'affirmation d'autres significations
dans le même mot.
I. Ils ont joint celle de quelque attribut, de sorte qu'alors deux
mots font une proposition, comme quand je dis : Petrus vivit,
Pierre vit, parce que le mot de vivit enferme seul l'affirmation ,
et de plus l'attribut d'être vivant ; et ainsi c'est la même chose de
dire Pierre vit, que de dire Pierre est vivant. De là est venue la
DEUXIÈME PARTIE . 115
1. « Le verbe ,dit Aristote (Hermeneia, chap . III) , est le mot qui, outre
sa signification propre, embrasse l'idée de temps, et dont aucune
partie isolée n'a de sens par elle-même; et il est toujours le signe des
choses attribuées à d'autres choses . Je dis qu'il embrasse l'idée de
temps , outre sa signification propre ; par exemple , la santé n'est
116 LOGIQUE.
D'autres, comme Buxtorf ', y ayant ajouté la seconde , l'ont
défini, vos flexilis cum tempore et persona , un mot qui a diverses
inflexions avec temps et personnes.
D'autres, s'étant arrêtés à la première de ces significations
ajoutées, qui est celle de l'attribut, et ayant considéré que les
attributs que les hommes ont joints à l'affirmation dans un même
mot, sont d'ordinaire des actions et des passions, ont cru que
l'essence du verbe consistait à signifier des actions ou des pas
sions .
Et enfin, Jules -César Scaliger a cru trouver un mystère dans
son livre des Principes de la langue latine, en disant que la dis
tinction de choses in permanentes et fluentes, en ce qui demeure
et ce qui passe, était la vraie origine de la distinction entre les
noms et les verbes, les noms étant pour signifier ce qui demeure
et les verbes ce qui passe .
Mais il est aisé de voir que toutes ces définitions sont fausses
et n'expliquent point la vraie nature du verbe.
La manière dont sont conçues les deux premières le fait assez
voir , puisqu'il n'y est point dit ce que le verbe signifie, mais seu
lement ce avec quoi il signifie cum tempore, cum persona.
Les deux dernières sont encore plus mauvaises ; car elles ont
les deux plus grands vices d'une définition, qui est de ne conve
nir ni à tout le défini ni au seul défini, neque omni , neque soli.
Car il y a des verbes qui ne signifient ni des actions, ni des
passions, ni ce qui passe , comme existit, quiescit, friget, alget,
tepet, calet, albet, viret, claret, etc.
Et il y a des mots qui ne sont point verbes qui signifient des
actions et des passions, et même des choses qui passent, selon la
définition de Scaliger ; car il est certain que les participes sont
de vrais noms, et que néanmoins ceux des verbes actifs ne si
qu'un nom : il se porte bien, est un verbe ; car il exprime en outre
que la chose est dans le moment actuel. De plus, il est toujours le
signe de choses attribuées à d'autres choses ; par exemple , de choses
dites d'un sujet ou qui sont dans un sujet. »
1. Buxtorf, un des plus célèbres grammairiens du seizième siècle.
Il était né en Westphalie en 1564, et mourut à Bâle, sa patrie d'a
doption, en 1629. On lui doit plusieurs ouvrages sur la langue hé.
braïque et la littérature des rabbins,
DEUXIÈME PARTIE. 117
gnifient pas moins des actions , et ceux des passifs des passions,
que les verbes mêmes dont ils viennent ; et il n'y a aucune raison
de prétendre que fluens ne signifie pas une chose qui passe, aussi
bien que fluit.
A quoi on peut ajouter, contre les deux premières définitions
du verbe , que les participes signifient aussi avec temps, puisqu'il
y en a du présent , du passé et du futur, surtout en grec ; et ceux
qui croient, non sans raison , qu'un vocatif est une vraie seconde
personne , surtout quand il a une terminaison différente du nomi
natif, trouveront qu'il n'y aurait de ce côté-là qu'une différence
du plus ou du moins entre le vocatif et le verbe.
Et ainsi la raison essentielle pourquoi un participe n'est point
un verbe, c'est qu'il ne signifie point l'affirmation ; d'où vient
qu'il ne peut faire une proposition , ce qui est le propre du verbe,
qu'en y ajoutant un verbe, c'est-à-dire en y remettant ce qu'on
en a ôté en changeant le verbe en participe . Car pourquoi est-ce
que Petrus vivit, Pierre vit, est une proposition , et que Petrus
vivens, Pierre vivant, n'en est pas une, si vous n'y ajoutez est,
Petrus est vivens, Pierre est vivant , sinon parce que l'affirmation
qui est enfermée dans vivit en a été ôtée pour en faire le parti
cipe vivens ? D'où il paraît que l'affirmation qui se trouve, ou qui
ne se trouve pas dans un mot , est ce qui fait qu'il est verbe ou
qu'il n'est pas verbe.
Surquoi on peut encore remarquer, en passant , que l'infinitif,
qui est très-souvent nom , ainsi que nous dirons, comme lorsqu'on
dit le boire, le manger, est alors différent des participes, en ce
que les participes sont des noms adjectifs, et que l'infinitif est
un nom substantif fait par abstraction de cet adjectif, de même
que de candidus se fait candor, et de blanc vient blancheur.
Ainsi rubet, verbe, signifie est rouge, enfermant tout ensemble
l'affirmation et l'attribul; rubens , participe, signifie simplement
rouge sans affirmation ; et rubere, pris pour un nom , signifie
tougeur.
Il doit donc demeurer pour constant qu'à ne considérer simple
ment que ce qui est essentiel au verbe , sa seule vraie définition
est, vox significans affirmationem , un mot qui signifie l'affirma
tion ; car on ne saurait trouver de mot qui marque l'affirmation
118 LOGIQUE.
qui ne soit verbe, ni de verbe qui ne serve à la marquer au
moins dans l'indicatif. Et il est indubitable que, si l'on en avait
inventé un , comme serait est, qui marquât toujours l'affirmation ,
sans aucune différence ni de personne ni de temps, de sorte que
la diversité des personnes se marquåt seulement par les noms et
les pronons, et la diversité des temps par les adverbes, il ne lais
serait pas d'être un vrai verbe. Comme en effet dans les propo
sitions que les philosophes appellent d'éternelle vérité, comme
Dieu est infini; tout corps est divisible ; le tout est plus grand que
sa partie, le mot est ne signifie que l'affirmation simple, sans
aucun rapport au temps , parce que cela est vrai selon tous les
temps, et sans que notre esprit s'arrête à aucune diversité de
personnes .
Ainsi le verbe, selon ce qui lui est essentiel, est un mot qui
signifie l'affirrnation ; mais si l'on veut mettre dans la définition
du verbe ses principaux accidents, on pourra le définir ainsi :
Voc significans affirmationem , cum designatione persona , numeri
et temporis ; un mot qui signifie l'affirmation, avec désignation de
la personne, du nombre et du temps. Ce qui convient proprement
au verbe substantif.
Car pour les autres verbes, en tant qu'ils diffèrent du verbe
substantif par l'union que les hommes ont faite de l'affirmation
avec de certains attributs, on peut les définir de cette sorte : Vox
significans affirmationem alicujus attributi , cum designatione
personæ , numeri et temporis ; « un mot qui marque l'affirmation
de quelque attribut, avec désignation de la personne, du nombre
et du temps . »
Et l'on peut remarquer, en passant, que l'affirmation, en tant
que conçue , pouvant être aussi l'attribut du verbe , comme dans
le verbe affirmo, ce verbe signifie deux affirmations, dont l'une
regarde la personne qui parle, et l'autre la personne de qui on
parle, soit que ce soit de soi-même, soit que ce soit d'un autre.
Car quand je dis Petrus affirmat, affirmat est la même chose que
est affirmans, et alors est marque mon affirmation ou lejugement
que je fais touchant Pierre ; et affirmans, l'affirmation que je
conçois et que j'attribue à Pierre. Le verbe nego, au contraire,
contient une affirmation et une négation par la même raison .
DEUXIÈME PARTIE 449
CHAPITRE III.
Après avoir conçu les choses par nos idées, nous comparóns
ces idées ensemble ; et trouvant que les unes conviennent entre
elles , et que les autres ne conviennent pas, nous les lions ou dé
lions, ce qui s'appelle affirmer ou nier, et généralement juger .
Ce jugement s'appelle aussi proposition, et il est aisé de voir
qu'elle doit avoir deux termes : l'un de qui l'on affirme ou de qui
l'on nie, lequel l'on appelle sujet; et l'autre que l'on affirme ou
que l'on nie, lequel s'appelle attribut ou prædicatum .
Et il ne suffit pas de concevoir ces deux termes ; mais il faut
que l'esprit les lie ou les sépare ; et cette action de notre esprit
est marquée dans le discours par le verbe est, ou seul quand nous
affirmons, ou avec une particule négative quand nous nions. Ainsi
quand je dis Dieu est juste, Dieu est le sujet de cette proposition ,
et juste en est l'attribut ; et le mot est marque l'action de mon
esprit qui affirme, c'est-à -dire qui lie ensemble les deux idées de
Dieu et de juste comme convenant l'un à l'autre . Que si je dis
Dieu n'est pas injuste, est, étant joint avec les particules ne, pas,
signifie l'action contraire à celle d'affirmer, savoir : celle de nier,
par laquelle je regarde ces idées comme répugnantes l'une à
l'autre, parce qu'il y a quelque chcse d'enfermé dans l'idée
120 LOGIQUE .
d'injuste qui est contraire à ce qui est enfermé dans l'idée de
Dieu ?.
Mais, quoique toute proposition enferme nécessairement ces
trois choses, néanmoins, comme l'on a dit dans le chapitre pré
cédent, elle peut n'avoir que deux mots ou même qu'un .
Car les hommes, voulant abréger leurs discours, ont fait une
infinité de mots, qui signifient tout ensemble l'affirmation, c'est
à-dire ce qui est signifié par le verbe substantif, et de plus un
certain attribut qui est affirmé. Tels sont tous les verbes, hors
celui qu'on appelle substantif, comme Dieu esiste, c'est-à-dire
est existant; Dieu aime les hommes , c'est -à-dire Dieu est aimant
les hommes : et le verbe substantif, quand il est seul , comme
quand je dis je pense , donc je suis, cesse d'être purement sub
stantif, parce qu'alors on y joint le plus général des attributs, qui
est l'étre ; car je suis veut dire, je suis un étre, je suis quelque chose.
Il y a aussi d'autres rencontres où le sujet et l'affirmation sont
renfermés dans un même mot, comme dans les premières et se
condes personnes des verbes, surtout en latin ; comme quand je
dis : Sum christianus; car le sujet de cette proposition est ego,
qui est renfermé dans sum.
D'où il paraft que dans cette même langue , un seul mot fait
une proposition dans les premières et les secondes personnes
des verbes, qui, par leur nature, renferment déjà l'affirmatio
avec l'attribut ; comme veni, vidi, vici, sont trois propositions.
On voit par là que toute proposition est affirmative ou néga
tive, et que c'est ce qui est marqué par le verbe, qui est affirmé
ou nié .
Mais il y a une autre différence dans les propositions, laquelle
naît de leur sujet, qui est d'être universelles, ou particulières , ou
singulières .
Car les termes, comme nous avons déjà dit dans la première
partie, sont ou singuliers, ou commums'et universels.
Et les termes universels peuvent être pris, ou selon toute leur
étendue en les joignant aux signes universels exprimés ou sous
entendus, comme omnis, tout, pour l'affirmation ; nullus, nul,
pour la négation : tout homme, nul homme.
Ou selon une partie indéterminée de leur ét ndue, qui est
lorsqu'on y joint le mot aliquis, quelque, comme quelque homme,
quelques hommes, ou d'autres selon l'usage des langues.
D'où il arrive une différence notable dans les propositions :
car, lorsque le sujet d'une proposition est un terme commun qui
est pris dans toute son étendue, la proposition s'appelle uni
verselle, soit qu'elle soit affirmative, comme : Tout impie est fou ,
ou négative, comme : Nul vicieux n'est heureux.
t lorsque le terme commun n'est pris que selon une partie
indéterminée de son étendue, à cause qu'il est réservé par le
mot indéterminé quelque, la proposition s'appelle particulière,
soit qu'elle affirme, comme : Quelque cruel est lâche ; soit qu'elle
nie , comme : Quelque pauvre n'est pas malheureux .
Que si le sujet d'une proposition est singulier, comme quand
je dis : Louis XIII a pris la Rochelle, on l'appelle singulière.
Mais, quoique cette proposition singulière soit différente de
l'universelle en ce que son sujet n'est pas commun , elle doit
néanmoins plutôt s'y rapporter qu'à la particulière, parce que
son sujet, par cela même qu'il est singulier, est nécessairement
pris dans toute son étendue ; ce qui fait l'essence d'une propo
sition universelle, et qui la distingue de la particulière ; car il
122 LOGIQUE.
importe peu pour l'universalité d'une proposition, que l'étendue
de son sujet soit grando ou petite, pourvu que, telle qu'elle soit,
on la prenne tout entière ; et c'est pourquoi les propositions sill
gulières tiennent lieu d'universelles dans l'argumentation. Ainsi
l'on peut réduire loutes les propositions à quatre sortes, que l'on
a marquées par ces quatre voyelles A , E, I, O, pour soulager la
mémoire .
CHAPITRE IV .
à plus forte raison que quelque homme n'est pas juste, qui est la
subcontraire.
40 Pour les subalternes, ce n'est pas une véritable opposition,
puisque la particulière est une suite de la générale ; car, si tout
homme est animal , quelque homme est animal ; nul homme
n'est singe, quelque homme n'est pas singe . C'est pourquoi la
vérité des universelles emporte celle des particulières ; mais la
vérité des particulières n'emporte pas celle des universelles ; car
il ne s'ensuit pas que, parce qu'il est vrai que quelque homme
est juste , il soit vrai aussi que tout homme est juste ; et, au con
traire, la fausseté des particulières emporte la fausselé des uni
verselles : car s'il est faux que quelque homme soit impeccable ,
il est encore plus faux que tout homme soit impeccable . Mais la
fausseté des universelles n'emporte pas la fausseté des particu
lières ; car, quoiqu'il soit faux que tout homme soit juste, il ne
s'ensuit pas que ce soit une fausseté de dire que quelque homme
est juste. D'où il s'ensuit qu'il y a plusieurs rencontres où ces
propositions subalternes sont toutes deux yraies, et d'autres où
elles sont toutes deux fausses .
Je ne dis rien de la réduction des propositions opposées en un
même sens, parce que cela est tout à fait inutile, et que les règles
qu'on en donne ne sont la plupart vraies qu'en latin.
CHAPITRE V.
l'autre, mon but principal n'est pas d'affirmer que Dieu soit in
visible, ou qu'Alexandre ait été le plus généreux de tous les rais ;
mais supposant l'un et l'autre comme affirmé auparavant, j af
firme de Dieu conçu comme invisible, qu'il a créé le monde
visible, et d'Alexandre conçu comme le plus généreux de tous
es rois, qu'il a vaincu Darius.
Mais si je disais : Alexandre a été le plus généreux de tous les
rois et le vainqueur de Darius, il est visible que j'affirmerais éga
lement d'Alexandre, et qu'il aurait été le plus généreux de tous
les rois, et qu'il aurait été le vainqueur de Darius. Et ainsi c'est
avec raison qu'on appelle ces dernières sortes de propositions
des propositions composées, au lieu qu'on peut appelerles autres
des propositions complexes.
Il faut encore remarquer que ces propositions complexes peu
vent être de deux sortes : car la complexion , pour parler ainsi,
peut tomber ou sur la matière de la proposition , c'est-à-dire sur
le sujet ou sur l'attribut, ou sur tous les deux , ou bien sur la
forme seulement.
1° La complexion tombe sur le sujet, quand le sujet est un
terme complexe, comme dans cette proposition : Tout homme
qui ne craint rien est roi : Rex est qui metuit nihil....
Beatus ille qui procul negotiis,
Ut prisca gens mortalium ,
Paterna rura bobus exercet suis,
Solutus omni fenore '.
1. Horace, Épodes, 2.
2. Énéide, 1 , v. 382
128 LOGIQUE.
positions composées de verbes actifs et de leur régime peuvent
être appelées complexes, et qu'elles contiennent en quelque ma
nière deux propositions. Si je dis, par exemple : « Brutus a tué un
tyran , v cela veut dire que Brutus a tué quelqu'un, et que celui
qu'il a tué était tyran . D'où vient que cette proposition peut être
contredite en deux manières, ou en disant : « Brutus n'a tué per
conne, » ou en disant que celui qu'il a tué n'était pas tyran ..Cequ'il
est très- important de remarquer, parce que lorsque ces sortes
de propositions entrent en des arguments , quelquefois on n'en
prouve qu'une partie en supposant l'autre : ce qui oblige sou
vent, pour réduire ces arguments dans la forme la plus naturelle,
de changer l'actif en passif, afin que la partie qui est prouvée
soit exprimée directement, comme nous remarquerons plus au
long quand nous traiterons des arguments composés de ces pro
positions complexes.
3° Quelquefois la complexion tombe sur le sujet et sur l'attri
but ; l'un et l'autre étant un terme complexe , comme dans cette
proposition : Les grands qui oppriment les pauvres seront punis
de Dieu , qui est le protecteur des opprimés.
1. Énéide, 1, 8. 1 et sq.
DEUXIÈME PARTIE . 129
CHAPITRE VI.
CHAPITRE VII. 1
1. Jean XII, élu pape en 955 à l'âge de 18 ans, déposé par le con
cile de Rome en 963, mort en 964.
136 LOGIQUE .
le principe de la pensée, j'estime que ces propositions incidentes
devraient passer pour fausses.
Et l'on peut même dire que c'est de là que paissent la plupart
de nos erreurs ; car ayant l'idée d'une chose, nous y joignons
souvent une autre idée incompatible , quoique par erreur nous
l'ayons crue compatible , ce qui fait que nous attribuons à cette
même idée ce qui ne peut lui convenir .
Ainsi, trouvant en nous-mêmes deux idées, celle de la substance
qui pense, et celle de la substance étendue, il arrive souvent que
lorsque nous considérons notre ame, qui est la substance qui
pense, nous y melons insensiblement quelque chose de l'idée de
la substance étendue, comme quand nous nous imaginons qu'il
faut que notre âme remplisse un lieu, ainsi que le remplit un
corps, et qu'elle ne serait point, si elle n'était nulle part , qui
sont des choses qui ne conviennent qu'au corps; et c'est de là
qu'est née l'erreur impie de ceux qui croient l'âme mortelle. On
peut voir un excellent discours de saint Augustin sur ce sujer,
dans le livre X de la Trinité , où il montre qu'il n'y a rien de plus
facile à connaître que la nature de notre åme ; mais que ce qui
brouille les hommes est que, voulant la connaitre, ils ne se con
tentent pas de ce qu'ils en connaissent sans peine, qui est que
c'est une substance qui pense, qui veut, qui doute, qui sait ;
mais ils joignent à ce qu'elle est ce qu'elle n'est pas, se la vou
lant imaginer sous quelques-uns de ces fantômes sous lesquels ils
ont accoutume de concevoir les choses corporelles.
Quand d'autre part nous considérons les corps, nous avons
bien de la peine à nous empêcher d'y mêler quelque chose de
l'idée de la substance qui pense ; ce qui nous fait dire des corps
pesants qu'ils veulent aller au centre ; des plantes, qu'elles cher
chent les aliments qui leur sont propres ; des crises d'une mala
die, que c'est la nature qui s'est voulu décharger de ce qui lui
nuisait ; et de mille autres choses, surtout dans nos corps, que la
nature veut faire ceci ou cela , quoique nous soyons bien assurés
que nous ne l'avons pas voulu , n'y ayant pensé en aucune sorte,
el qu'il soit ridicule de s'imaginer qu'il y ait en nous quelque
autre chose que nous-même qui connaisse ce qui nous est propre
ou nuisible, qui cherche l'un et qui fuie l'autre.
DEUXIÈME PARTIE . 137
CHAPITRE VIII.
La 1re, possible;
La 2e, contingent ;
La 3., impossible ;
La 40 , nécessaire.
CHAPITRE IX . 7
Nous avons déjà dit que les propositions composées sont celles
qui ont ou un double sujet ou un double attribut. Or, il y en a
de deux sortes : les unes où la composition est expressément
marquée, et les autres où elle est plus cachée, et que les logi
ciens, pour cette raison, appellent exponibles, qui ont besoin
d'être exposées ou expliquées.
On peut réduire celles de la première sorte à six espèces : les
copulatives et les disjonctives, les conditionnelles et les cau
sales, les relatives et les discrétives .
DES COPULATIVES .
142 LOGIQUE.
DES DISJONCTIVES .
1. Celui qui vit dans une entière solitude est une bête ou un ange
(dit Aristote)%.
Les hommes ne se remuent que par l'intérêt ou par la crainte.
La terre tourne autour du soleil , ou le soleil autour de la
terre .
1. P. Syrus, Sententi., 20 .
2. Ovide, Métamorph . , II,, 846
3. P. Syrus, Sentent. , 26.
4. P. Syrus, Sentent.
5. « Celui qui reste sauvage par organisation et non par l'effet du
hasard , est certainement ou dégradé, ou supérieur à l'espèce humaine . »
Aristote , Politiqué, 1 , 1 .
DEUXIÈME PARTIE . 143
DES CONDITIONNELLES .
Les conditionnelles sont celles qui ont deux parties liées par la
condition si, dont la première, qui est celle où est la condition ,
s'appelle l'antécédent , et l'autre le conséquent. Si l'âme est spi
nituelle , c'est l'antécédent ; elle est immortelle , c'est le consé
quent.
Cette conséquence est quelquefoismédiate et quelquefois im .
médiate ; elle n'est que médiate, quand il n'y a rien dans les
termes de l'une et de l'autre partie qui les lie ensemble, comme
si je dis :
Si la terre est immobile, le soleil tourne ;
Si Dieu est juste , les méchants seront punis.
Ces conséquences sont fort bonnes; mais elles ne sont pas im
médiates, parce que les deux parties n'ayant pas de terme com
144 LOGIQUE .
mun , elles ne se lient que par ce qu'on a dans l'esprit, et qui
n'est pas exprimé, que la terre et le soleil se trouvant sans cesse
en des situations différentes l'une à l'égard de l'autre, il faut né
1
cessairement que si l'une est immobile, l'autre se remue.
Quand la conséquence est immédiate, il faut pour l'ordinaire,
1 ° Ou que les deux parties aient un même sujet :
Si la mort est un passage à une vie plus heureuse, elle est dési
rable.
Si vous avez manqué à nourrir les pauvres, vous les avez tués,
Si non pavisti, occidisti.
DES CAUSALES .
DES RELATIVES .
DES DISCRÉTIVES.
CHAPITRE X.
Des propositions composées dans le sens.
Ou vous connaissez les dieux, quoique tous les autres les igno
rent :
1. Pharsale, I, v. 451.
150 LOGIQUE .
souls fussent dans l'erreur ; car, pouvant y avoir diverses era
reurs touchant la nature de Dieu, il pouvait fort bien se faire
que, quoique les Druides eussent des pensées, touchant la na
ture de Dieu , différentes de celles des autres nations, ils ne fus
sent pas moins dans l'erreur que les autres nations.
Ce qui est ici de plus remarquable, est qu'il y a souvent de ces
propositions qui sont exclusives dans le sens, quoique l'exclusion
ne soit pas exprimée : ainsi ce vers de Virgile, où l'exclusion est
marquée,
Una salus victis nullam sperare salutem '.
a été traduit heureusement par ce vers français, dans lequel
l'exclusion est sous-entendue :
Le salut des vaincus est de n'en point attendre .
2. DES EXCEPTIVES .
1. Syrus, Sentent., 62 .
2. Sénèque, Troas, v. 102.
3. Ce paradoxe du stoïcisme a inspiré à Horace l'une de ses meilleures
satires, Sermon ., II, III.
152 LOGIQUE.
Il faut remarquer que les propositions exclusives et les excep
tives ne sont, pour ainsi dire, que la même chose exprimée un
peu différemment, de sorte qu'il est toujours fort aisé de les
changer réciproquement les unes aux autres; et ainsi nous voyons
que cette exceptive de Térence,
Imperitus, nisi quod ipse facit, nil rectum putar '.
a été changée par Cornélius Gallus en cette exclusive :
Hoc tantum rectum quod facit ipse putats,
3. DES COMPARATIVES,
1. Sapient., vi, v. 1 .
2. Eccles ., VII, 9.
3. Prorcrb ., XXI , v . 9 .
154 LOGIQUE .
la diminution du mal tenant lieu de bien dans les maux, ce qui
est moins mauvais a plus de cette sorte de bonté que ce qui est
plus mauvais.
Il faut donc éviter de s'embarrasser mal à propos par la chaleur
de la dispute à chicaner sur ces façons de parler, comme fit un
grammairien donatiste, nommé Cresconius, en écrivant contre
saint Augustin ; car ce saint ayant dit que les catholiques avaient
plus de raison de reprocher aux donatistes d'avoir livré les livres
sacrés, que les donatistes n'en avaient de le reprocher aux catho
liques : Traditionem nos vobis probabilius objicimus, Cresconius
s'imagina avoir droit de conclure de ces paroles, que saint
Augustin avouait par là que les donatistes avaient raison de lo
reprocher aux catholiques. Si enim vos probabilius, disait -il, nos
ergo probabiliter : nam gradus iste quod ante positum est auget,
non quod ante dictum est improbat. Mais saint Augustin réfute
premièrement cette vaine subtilité par des exemples de l'Écriture,
et entre autres par ce passage de l'Épitre aux Hébreux, où saint
Paul ayant dit que la terre qui ne porte que des épines était
maudite et ne devait attendre que le feu , il ajoule ' : Confidimus
autem de oubis, fratres charissimi, meliora ; non quia, dit ce
Père, bona illa erant quæ supra dixerat, proferre spinas et tribu
los, et ustionem mereri, sed magis quia mala erant, ut illis devi
tatis meliora eligerent et optarent, hoc est, bona tantis malis con
traria . Et il lui montre ensuite, par les plus célèbres auteurs de
son art, combien la conséquence était fausse, puisqu'on aurait pu,
de la même sorte, reprocher à Virgile d'avoir pris pour une
bonne chose la violence d'une maladie qui porte les hommes å
se déchirer avec leurs propres dents, parce qu'il souhaite une
meilleure fortune aux gens de bien .
Di meliora piis erroremque hostibus illum !
Discissos nudis laniabant dentibus artus ?.
RÉFLEXION GÉNÉRALE .
CHAPITRE XI.
1. Ad Timoth ., vi , 6.
2. Virgile, Géorg ., III, v. 400 et sq .
158 LOGIQUE .
vrai sujet de cette proposition principale , comme dans cet
exemple même ; car il est visible que, raisonnant de la sorte,
mon intention principale, dans la majeure, est d'affirmer quelque
chose des rois, dont je puisse conclure qu'il faut honorer
Louis XIV ; et ainsi ce que je dis du commandement de Dieu
n'est proprement qu'une proposition incidente qui confirme
cette affirmation : Les rois doivent être honorés ; reges sunt ho
norandi. D'où il s'ensuit que les rois est le sujet de la majeure, et
Louis XIV le sujet de la conclusion, quoique à ne considérer les
choses que superficiellement, l'un et l'autre semblent n'être
qu'une partie de l'attribut.
Ce sont aussi des propositions fort ordinaires à notre langue:
C'est une folie que de s'arrêter à des flatteurs; c'est de la gréle qui
tombe; c'est un Dieu qui nous a rachetés. Or, le sens doit faire
encore juger que, pour les remettre dans l'arrangement naturel,
en plaçant le sujet avant l'attribut, il faudrait les exprimer ainsi :
S'arrêter à des flatteurs 'est une folie ; ce qui tombe est de la grêle;
celui qui nous a rachetés est Dieu ; et cela est presque universel
dans toutes les propositions qui commencent par c'est, où l'on
trouve après un qui ou un que, d'avoir leur attribut au commen
cement et le sujet à la fin . C'est assez d'en avoir averti une fois,
et tous ces exemples ne sont que pour faire voir qu'on en doit
juger par le sens, et non par l'ordre des mots. Ce qui est un
avis très - nécessaire pour ne pas se tromper, en prenant des
syllogismes pour vicieux qui sont en effet très-bons ; parce que,
faute de discerner dans les propositions le sujet et l'attribut, on
croit qu'ils sont contraires aux règles lorsqu'ils y sont très- con
formes .
DEUXIÈME PARTIE . 159
.
CHAPITRE XII.
CHAPITRE XIII.
1. Serm ., 11 , 1 .
168 LOGIQUE .
De même dans l'Écriture : Est qui nequiter se humiliat " ; il y
en a qui s'humilient, mal .
Omnis, tout, avec une négation, fait aussi une proposition
particulière, avec cette différence, qu'en latin la négation pré
cède omnis, et en français elle suit tout : Non omnis qui dicit
mihi, Domine, Domine, intrabit in regnum cælorum . « Tous ceux
qui me disent, Seigneur, Seigneur, n'entreront point dans le
royaume des cieux . » Non omne peccatum est crimen. « Tout pé
ché n'est pas un crime. »
Néanmoins dans l'hébreu , non omnis est souvent pour nullus,
comme dans le psaume : Non justificabitur in conspectu tuo om
nis vivens 3. « Nul homme vivant ne se justifiera devant Dieu . )
Cela vient de ce qu'alors la négation ne tombe que sur le verbe,
et non point sur omnis.
1. Eccles., XIX, 23 .
2. S. Matth ., VII , 21.
3. Psalm ., cxLII , 2.
DEUXIÈME PARTIE . 169
CHAPITRE XIV .
Nous avons dit dans la première partie, que des idées, les
unes avaient pour objet des choses, les autres des signes. Or,
ces idées de signes attachées à des mots, venant à composer des
propositions, il arrive une chose qu'il est important d'examiner
en ce lieu, et qui appartient proprement à la logique, c'est qu'on
en affirme quelquefois les choses signifiéest; et il s'agit de savoir
quand on a droit de le faire, principalement à l'égard des
signes d'institution ; car, à l'égard des signes naturels, il n'y a
pas de difficulté, parce que le rapport visible qu'il y a entre ces
sortes de signes et les choses, marque clairement que quand on
affirme du signe la chose signifiée, on veut dire,, non que ce signe
soit réellement cette chose, mais qu'il l'est en signification et en
figure , et ainsi. l'on dira sans préparation et sans façon d'un
portrait de César, que c'est César ; et d'une carte d'Italie, que
c'est l'Italie .
Il n'est donc besoin d'examiner cette règle qui permet d'affir
mer les choses signifiées de leurs signes, qu'à l'égard des signes
d'institution qui n'avertissent pas par un rapport, visible du sens
auquel on entend ces propositions ; et c'est ce qui a donné lieu à
bien des disputes.
Car il semble à quelques-uns que cela puisse se faire indiffé
remment, et qu'il suffise pour montrer qu'une proposition est
raisonnable en la prenant en un sens de figure et de signe, de
dire qu'il est ordinaire de donner au signe le nom de la chose
signifiée : et cependant cela n'est pas vrai ; car il y a une infinité
de propositions qui seraient extravagantes, si l'on donnait aux
signes le nom des choses signifiées ; ce que l'on ne fait jamais,
parce qu'elles sont extravagantes. Ainsi un homme qui aurait
172 LOGIQUE .
1. Genèse, LII .
2. Daniel, xi.
174 LOGIQUE .
les visions des réalités, et étant accoutumés à les prendre pour
des signes, Dieu lui parla fort intelligiblement en lui disant, que
ces os étaient la maison d'Israël ' ; c'est- à -dire qu'ils la sigoi
fiaient.
Voilà les préparations certaines ; et comme on ne voit pas
d'autres exemples où l'on convienne que l'on ait donné au signe
le nom de la chose signifiée, que ceux où elle se trouve, on
en peut tirer cette maxime de sens commun ; que l'on ne donne
aux signes le nom des choses, que lorsqu'on a droit de supposer
qu'ils sont déjà regardés comme signes, et que l'on voit dans
l'esprit des autres qu'ils sont en peine de savoir, non ce qu'ils
sont, mais ce qu'ils signifient.
Mais comme la plupart des règles morales ont des exceptions,
on pourrait douter s'il n'en faudrait point faire une à celle - ci en
un seul cas ; c'est quand la chose signifiée esttelle, qu'elle exige
en quelque sorte d'être marquée par un signe :de sorte que, sitôt
que le nom de cette chose est prononcé, l'esprit conçoit incon
tinent que le sujet auquel on l'a joint est destiné pour la dési
gner. Ainsi, comme les alliances sont lordinairement marquées
par des signes extérieurs, si l'on affirmait le mot d'alliance de
quelque chose extérieure, l'esprit pourrait être porté à conce
voir qu'on l'affirmerait comme de sonsigne : de sorte que, quand
il y aurait dans l'Écriture que la Circoncision est l'alliance, peut
être n'y aurait -il rien de surprenant, car l'alliance porte l'idéedu
signe sur la chose à laquelle elle est jointe : et ainsi, comme ce
lui qui écoute une proposition conçoit l'attribut et les qualités de
l'attribut avant qu'il en fasse l'union avec le sujet, on peut sup
poser que celui qui entend cette proposition, la Circoncision est
l'alliance, est suffisamment préparé à concevoir que da Cir
concision n'est alliance qu'en signe, le mot d'alliance luisayant
donné lieu de former cette idée, non avantqu'il soit prononcé,
mais avant qu'il fût joint dans son esprit avec le mot de Cörcon
cision .
J'ai dit que l'on pourrait croire que les choses qui exigent, par
une convenance de raison, d'être marquées par des signes, se
1. Ezéchiel, XXXVI .
DEUXIÈME PARTIE . 175
1. Genèse, XVII.
2. S. Luc , XXII, 20.
176 LOGIQUE .
d'avoir leur force dans les choses qui ne sont point comprises
dans l'exception .
C'est par ces principes qu'il faut décider cette importante
question , si l'on peut donner à ces paroles, ceci est mon corps,
le sens de figure ; ou plutôt , c'est par ces principes que toute la
terre l'a décidée , toutes les nations du wonde s'étant portées na
turellement à les prendre au sens de réalité, et en extraire le
sens de figure; car les apôtres ne regardant pas le pain comme
un signe, et n'étant point eu peine de ce qu'il signifiait, Jésus
Christ n'aurait pu donner aux signes le nom des choses, sans
parler contre l'usage de tous les hommes, et sans les trompers
ils pouvaient peut-être regarder ce qui se faisait comme quelque
chose de grand ; mais cela ne suffit pas.
Je n'ai plus à remarquer sur le sujet des signes, auxquels l'on
donne le nom des choses, sinon qu'il faut extrêmement distinguer
entre les expressions où l'on se sert du nom de la chose pour
marquer le signe, comme quand on appelle un tableau d'Alexan
dre du nom d'Alexandre, et celles dans lesquelles le signe étant
marqué par son nom propre , ou par un pronom, on en affirme la
chose signifiée; car cette règle, qu'il faut que l'esprit de ceux à
qui on parle regarde déjà le signe comme signe, et soit en peine
de savoir de quoi il est signe, ne s'entend nullement du premier
genre d'expressions, mais seulement du second, où l'on affirme
expressément du signe de la chose signifiée; car on ne se sert de
ces expressions que pour apprendre à ceux à qui l'on parle ce
que signifie ce signe, et on ne le fait en cette manière que lors
qu'ils sont suffisamment préparés à concevoir que le signe n'est
la chose signifiée qu'en signification et en figure.
DEUXIÈME PARTIE . 177
CHAPITRE XV.
De deux sortes de propositions qui sont de grand usage dans les sciences,
la division et la définition, et premièrement de la division.
CHAPITRE XVI .
Nous avons parlé fort au long , dans la première partie, des défi
nitions de noms, et nous avons montré qu'il ne fallait pas les con
fondre avec les définitions des choses ; parce que les définitions
des noms sont arbitraires , au lieu que les définitions des choses 0
divisant trop peu , nous ne voyons pas tout , il est vrai , mais du
moins, ce que nous avons sous les yeux nous le voyons. En divi: ant
trop , au contraire, tout échappe au regard , tout se perd dans la con
fusion . » LAROMIGUIÈRE , Leç. de Philosophie, part. II , leg. X.
182 LOGIQUE .
La définition moins exacte, qu'on appelle description, est celle
qui donne quelque connaissance d'une chose par les accidents
qui lui sont propres , et qui la déterminent assez pour en donner
quelque idée qui la discerne des autres.
C'est en cette manière qu'on décrit les herbes, les fruits, les
animaux , par leur figure, par leur grandeur, par leur couleur et
autres semblables accidents. C'est de cette nature que sont les
descriptions des poëtes et des orateurs.
Il y a aussi des définitions ou descriptions qui se font par les
causes , par la matière, par la forme, par la fin, etc. , comme si on
définit une horloge , une machine de fer composée de diverses
$
roues , dont le mouvement réglé est propre à marquer les heures,
Il y a trois choses nécessaires à une bonne définition : qu'elle
soit universelle , qu'elle soit propre, qu'elle soit claire .
1° Il faut qu'une définition soit universelle, c'est - à -dire qu'elle
comprenne tout le défini. C'est pourquoi la définition commune
du temps, que c'est la mesure du mouvement, n'est peut-être pas
bonne , parce qu'il y a grande apparence que le temps ne mesure
pas moins le repos que le mouvement, puisqu'on dit aussi bien
qu'une chose a été tant de temps en repos , comme on dit qu'elle
s'est remuée pendant tant de temps ; de sorte qu'il semble que le
temps ne soit autre chose que la durée de la créature en quelque
état qu'elle soit.
20 Il faut qu'une définition soit propre, c'est-à-dire qu'elle ne
convienne qu'au défini. C'est pourquoi la définition commune des
éléments, un corps simple corruptible, ne semble pas bonne , car
les corps célestes n'étant pas moins simples que les éléments par
le propre aveu de ces philosophes, on n'a aucune raison de croire
qu'il ne se fasse pas dans les cieux des altérations semblables à
celles qui se font sur la terre, puisque, sans parler des comėtes,
qu'on sait maintenant n'être point formées des exhalaisons de la
terre , comme Aristote se l'était imaginé, on a découvert des ta
ches dans le soleil qui s'y forment, et qui s'y dissipent de la même
sorte que nos nuages, quoique ce soient de bien plus grands
corps .
30 Il faut qu'une définition soit claire, c'est- à- dire qu'elle nous
serve à avoir une idée plus claire et plus distincte de la chose
DEUXIÈME PARTIE . 183
CHAPITRE XVII.
CHAPITRE XVIII.
CHAPITRE XIX
AXIOME VII. Tout attribut nié d'un sujet est nié de tout ce que
est contenu dans l'étendue de cette proposition
DEUXIÈME PARTIE . 193
CHAPITRE XX.
DU RAISONNEMENT.
CHAPITRE PREMIER .
qu'il le soit tout à la fois avec to s les deux, comme dans les ar
guments qu'on appelle conjonctifs.
Mais en l'une ou l'autre manière, cette comparaison demande
deux propositions.
Nous parlerons en particulier des arguments conjonctifs; mais
pour les simples cela est clair, parce que le moyen étant une
fois comparé avec l'attribut de la conclusion (ce qui ne peut être
qu'en affirmant ou niant) fait la proposition qu'on appelle ma
jeure, à cause que cet attribut de la conclusion s'appelle grand
terme.
Et, étant une autre fois comparé avec le sujet de la conclu
sion, fait celle qu'on appelle mineure, à cause que le sujet de la
conclusion s'appelle petit terme.
Et puis la conclusion , qui est la proposition méme qu'on avait
à prouver, et qui , avant que d'être prouvée, s'appelait question .
Il est bon de savoir que les deux premières propositions s'ap
pellent aussi prémisses ( præmissæ ), parce qu'elles sont mises au
moins dans l'esprit avant la conclusion qui en doit être une suite
nécessaire si le syllogisme est bon ; c'est-à-dire que, supposé la
vérité des prémisses, il faut nécessairement que la conclusion soit
vraie .
Il est vrai que l'on n'exprime pas toujours les deux prémisses,
parce que souvent une seule suffit pour en faire concevoir deux
à l'esprit ; et, quand on n'exprime ainsi que deux propositions,
cette sorte de raisonnement s'appelle enthymème , qui est un
véritable syllogisme dans l'esprit, parce qu'il supplée la propo
sition qui n'est pas exprimée , mais qui est imparfait dans l'ex
pression , et ne conclut qu'en vertu de cette proposition sous
entendue.
J'ai dit qu'il y avait au moins trois propositions dans un rai
sonnement; mais il pourrait y en avoir beaucoup davantage, sans
qu'il fût pour cela défectueux, pourvu qu'on garde toujours les
règles ; car, si , après avoir consulté une troisième idée, pour sa
voir si un attribut convient ou ne convient pas à un sujet, et
l'avoir comparée avec un des termes , je ne sais pas encore s'il
convient ou ne convient pas au second terme, j'en pourrais choisir
une quatrième pour m'en éclaircir, et une cinquième si celle-là
198 LOGIQUE .
ne suffit pa's, jusqu'à ce que je vinsse à une idée qui liat l'attribut
de la conclusion avec le sujet.
Si je doute, par exemple, si les avares sont misérables, je pour
rai considérer d'abord que les avares sont pleins de désirs et de
passions ; si cela ne me donne pas lieu de conclure : Donc ils sont
misérables, j'examinerai ce que c'est que d'être plein de désirs,
et je trouverai dans cette idéo celle de manquer de beaucoup de
choses que l'on désire, et la misère dans cette privation de ce
que l'on désire, ce qui me donnera lieu de former ce raisonne
ment : Les avares sont pleins de désirs : ceux qui sont pleins de
désirs manquent de beaucoup de choses, parce qu'il est impossible
qu'ils satisfassent tous leurs désirs : ceux qui manquent de ce qu'ils
désirent sont misérables ; donc les avares sont misérables.
Ces sortes de raisonnements, composés de plusieurs proposi
tions dont la seconde dépend de la première, et ainsi du reste,
s'appellent sorites, et ce sont ceux qui sont les plus ordinaires
dans les mathématiques ; mais parce que, quand ils sont longs,
l'esprit a plus de peine à les suivre, et que le nombre des trois
propositions est assez proportionné avec l'étendue de notre esprit,
on a pris plus de soin d'examiner les règles des bons et des mau
vais syllogismes , c'est-à-dire des arguments de trois proposi
tions ; ce qu'il est bon de suivre, parce que les règles qu’on en
donne peuvent facilement s'appliquer à tous les raisonnements
comp sés de plusieurs propositions, d'autant qu'ils peuvent tous
se réduire en syllogismes, s'ils sont bons.
CHAPITRE II.
CHAPITRE III.
(Ce chapitre et les suivants, jusqu'au douzième, sont de ceux dont il est
parlé dans le Discours, quicontiennent des choses subtiles et nécessaires pour
ſa spéculation de la logique, mais qui sont de peu d'usage .)
Car ces riches qui sont sots , sont aussi honorés , puisque
tous les riches sont honorés, et par conséquent, dans ces riches
sots et honorés, les qualités de sat et d'honoré sont jointes en
semble.
Llum bume quam promite condusis non vidro
REGLE II. Les termes de la conclusion ne peuvent point étre pris
plus universellement dans la conclusion que dans les prémisses.
C'est pourquoi, lorsque l'un ou l'autre est pris universellement
dans la conclusion, le raisonnement sera faux s'il est pris parti
culièrement dans les deux premières propositions.
La raison est qu'on ne peut rien conclure du particulier au
général (selon le premier axiome)'; car de ce que quelque homme
est noir, on ne peut pas conclure que tout homme est noir .
fer Corollaire. Il doit toujours y avoir dans les prémisses un
terme universel de plus que dans la conclusion ; car tout terme
qui est général dans la conclusion , doit aussi l'êtredans les pré
misses ; et de plus, le moyen doit y être pris au moins une fois
généralement.
2e Corollaire. Lorsque la conclusion est inégative, il faut né
cessairement que le grand terme soit pris généralement dans
la majeure ; car il est pris généralement dans la conclusion
négative (par lo quatrième axiome) , et par conséquent il doit
aussi être pris généralement dans la majeure (par la seconde
règle).
ze Corollaire. La majeure d'un argument dont la conclusion
est négative, ne peut jamais être une particulière affirmative, car
TROISIÈME PARTIE . 203
CHAPITRE IV.
Mais cela ne fait pas qu'il n'y ait que dix espèces de syllo
gismes , parce qu'un seul de ces modes en peut faire diverses
espèces selon l'autre manière d'où se prend la diversité des syl
logismes , qui est la différente disposition des trois termes , que
nous avons déjà dit s'appeler figure.
Or, pour cette disposition des trois termes , elle ne peut re
garder que les deux premières propositions, parce que la con
clusion est supposée avant qu'on fasse. le syllogisme pour la
208 LOGIQUE.
prouver ; et ainsi, le moyen ne pouvant s'arranger qu'en quatre
manières différentes avec les deux termes de la conclusion , il n'y
a aussi que quatre figures possibles.
Car, ou le moyen est sujet en la majeure et l'attribut en la mi
neure, ce qui fait la première figure ;
Ou il est attribut en la majeure et en la mineure, ce qui fait la
deuxième figure ;
Ou il est sujet en l'une et l'autre ce qui fait la troisième
figure ;
Ou il est enfin attribut dans la majeure et sujet en la mineure ,
ce qui peut faire une quatrième figure; étant certain que l'on
peut conclure quelquefois nécessairement en cette manière , ce
qui suffit pour faire un vrai syllogisme. On en verra des exem
ples ci-après.
Néanmoins, parce qu'on ne peut conclure de cette quatrième
manière, qu'en une façon qui n'est nullement naturelle, et où
l'esprit ne se porte jamais, Aristote et ceux qui l'ont suivi n'ont
pas donné à cette manière de raisonner le nom de figure. Galien
a soutenu le contraire, et il est clair que ce n'est qu'une dispute
de mots, qui doit se décider en leur faisant dire de part et d'autre
ce qu'ils entendent par le mot de figure.
Mais ceux-là se trompent sans doute, qui prennent pour une
quatrième figure qu'ils accusent Aristote de n'avoir pas recon
nue, les arguments de la première dont la majeure et la mineure
sont transposées, comme lorsqu'on dit : Tout corps est divisible ;
tout ce qui est divisible est imparfait; donc tout corps est impar
fait. Je m'étonne que Gassendi soit tombé dans cette erreur ;
car il est ridicule de prendre pour la majeure d'un syllogisme la
proposition qui se trouve la première, et pour mineure celle qui
se trouve la seconde ; si cela était, il faudrait prendre souvent la
conclusion même pour la majeure ou la mineure d'un argument,
puisque c'est assez souvent la première ou la seconde des trois
propositions qui le composent, comme dans ces vers d’Horace, la
conclusion est la première , la mineure la seconde et la majeure
la troisième :
CHAPITRE V.
1. Epist., I , 16.
14
210 LOGIQUE .
RÈGLE I. Il faut que la mineure soit affirmative.
Car si elle était négative , la majeure serait affirmative par la
troisième règle générale, et la conclusion négative par la cin
quième : donc le grand terme serait pris universellement dans la
conclusion, parce qu'elle serait négative, et particulièrement
dans la majeure, parce qu'il en est l'attribut dans cette figure, et
qu'elle serait affirmative: ce qui serait contre la seconde règle,
qui défend de conclure du particulier au général . Cette raison a
lieu aussi dans la troisième figure, où le grand terme est aussi
attribut dans la majeure .
Démonstration.
Ces quatre modes, pour être plus facilement retenus, ont été
réduits à des modes artificiels, dont les trois syllabes marquent
les trois propositions, et la voyelle de chaque syllabe marque
quelle doit être cette proposition ; de sorte que ces mots ont cela
de très -commode dans l'École, qu'on marque clairement par un
seul mot une espèce de syllogisme, que sans cela on ne pourrait
faire entendre qu'avec beaucoup de discours.
CHAPITRE VI.
Démonstration ,
que ce qui est nié d'une idée universelle est aussi nié de tout ce
dont cette idée est affirmée, c'est-à -dire de tous les sujets de cette
idée : car il est clair que les arguments en Cesare et Festino sont
établis sur ce principe. Pour montrer, par exemple, que nul
homme de bien n'est monteur, j'ai affirmé croyable de tout
homme de bien , et j'ai nié menteur de tout homme croyable, en
disant que nul menteur n'est croyable. Il est vrai que cette façon
de nier est indirecte , puisque, au lieu de nier menteur de
croyable, j'ai nié croyable de menteur ; mais comme les propo
sitions négatives universelles se convertissent simplement en
niant l'attribut d'un sujet universel, on nie ce sujet universel de
l'attribut.
Cela fait voir néanmoins que les arguments en Cesare sont, en
quelque manière, indirects, puisque ce qui doit être nié n'y est
nié qu'indirectement ; mais comme cela n'empêche pas que l'es .
prit ne comprenne facilement et clairement la force de l'argu
ment, ils peuvent passer pour directs, entendant ce terme pour
des arguments clairs et naturels.
Cela fait voir aussi que ces deux modes Cesare et Festino ne
sont différents des deux de la première figure, Celarent et Ferio,
qu'en ce que la majeure en est renversée ; mais quoique l'on
puisse dire que les modes négatifs de la première figure sont
plus directs, il arrive néanmoins souvent que ces deux de la
deuxième figure qui y répondent sont plus naturels, et que l'es
prit s'y porte plus facilement; car , par exemple, dans celui que
nous venons de proposer, quoique l'ordre direct de la négation
demandatque l'on dit : « Nul homme croyable n'est menteur, ce
qui eût fait un argument en Celarent, néanmoins notre esprit se
porte naturellement à dire que nul menteur n'est croyable.
CHAPITRE VII .
Démonstration .
CHAPITRE VIII.
Démonstration .
A, 1 .
E , 4.
3° En ceux qui concluent.
I, 6.
0, 8.
40 Selon les différentes figures , en les subdivisant par les
modes ; ce qui a déjà été assez fait dans l'explication de chaque
figure.
5° Ou, au contraire , selon les modes, en les subdivisant par les
figures; ce qui fera encore trouver dix-neuf espèces de syllo
gismes, par ce qu'il y a trois modes, dont chacun ne conclut
qu'en une seule figure ; six dont chacun conclut en deux figures;
et ur qui conclut en toutes les quatre.
CHAPITRE IX.
EXEMPLE I. Nous avons dit, par exemple, que toutes les propo
sitions composées de verbes actifs sont complexes en quelque
manière ; et de ces propositions on en fait souvent des arguments
dont la forme et la force sont difficiles à reconnaitre, comme ce
lui-ci, que nous avons déjà proposé en exemple :
La loi divine commande d'honorer les rois :
Louis XIV est roi ;
Donc la loi divine commande d'honorer Louis XIV .
Je dis, en second lieu , que roi, qui est le moyen , n'est point
attribut dans cette proposition : La loi divine commande d'honorer
les rois, quoiqu'il soit joint à l'attribut commande, ce qui est bien
différent ; car ce qui est véritablement attribut est affirmé et con.
vient : or, 10 noi n'est point affirmé, et ne convient point à la lot
de Dieu ; 2° l'attribut est restreint par le sujet : or, le mot de roi
n'est point restreint dans cette proposition , la loi divine com
mande d'honorer les rois, puisqu'il se prend généralement.
Mais si l'on demande ce qu'il est donc, il est facile de répondre
qu'il est sujet d'une autre proposition enveloppée dans celle-là ;
car, quand je dis que la loi divine commande d'honorer les rois,
comme j'attribueà la loi de commander, j'attribue aussi l'honneur
aux rois, car c'est comme si je disais : La loi divine commande
que les rois soient honorés.
De même , dans cette conclusion : La loi divine commande d'ho
norer Louis XIV, Louis XIV n'est point l'attribut, quoique joint
à l'attribut, et il est, au contraire , le sujet de la proposition en
veloppée ; car c'est autant que si je disais : La loi divine commande
que Louis XIV soit honoré.
Ce qui fait que cet argument est fort bon, c'est que la mineure
n'est négative qu'en apparence, et est en effet affirmative.
Car le sujet de la majeure , qui doit être attribut dans la mi
beure , n'est pas ceux à qui on peut ravir ce qu'ils aiment, mais
c'est, au contraire, ceux à qui on ne peut le ruvir; or, e'est ce
qu'on affirme de ceux qui n'aiment que Dieu ; de sorte que le
sens de la mineure est :
Or, tous ceux qui n'aiment que Dieu sontdu nombre de ceuco
à qui on ne peut ravir ce qu'ils aiment: ce qui est visiblement
une proposition affirmative.
Or, il y a des riches qui sont du nombre de oeux qui ne sont pas
amis de Dieu ;
Doncil y a des riches qui ne sont point heureux .
228 LOGIQUE .
Mais ce qui fait qu'il n'est pas nécessaire d'exprimer la mineure
de cette sorte , et qu'on lui laisse l'apparence d'une propo
sition négative, c'est que c'est la même chose de dire négative
ment qu'un homme n'est pas ami de Dieu , et de dire affirmative
ment qu'il est non ami de Dieu , c'est-à-dire du nombre de ceux
qui ne sont pas amis de Dieu.
ble ; donc Jean n'est point homme; et, dans l'autre : Tout homme
est animal : nul animal ne voit; donc nul hornme ne voit ; or, on
ne peut pas dire que ces syllogismes soient de pures négatives ;
et, par conséquent, les enthymèmes, qui ne concluent que parce
qu'ils enferment ces syllogismes entiers dans l'esprit de celui qui
les fait, ne peuvent être apportés en exemple, pour faire voir
qu'il y a quelquefois des arguments de pures négatives qui con
cluent.
CHAPITRE X.
Principe général par lequel, sans aucune réduction aux figures et aux
modes , on peut juger de la bonté ou du défaut de tout syllogisme.
il est plus naturel de dire que la mineure, qui est négative, con
tient la conclusion, qui est aussi négative; et que la majeure est
pour montrer qu'elle la contient : car cette mineure nul avare
TROISIÈME PARTIE . 231
CHAPITRE XI.
Sachant donc, par ce que nous avons dit dans la seconde partie,
ce que c'est que l'étendue et la compréhension des termes, par où
l'on peut juger quand une proposition en contient ou n'en con
tient pas une autre, on peut juger de la bonté ou du défaut de
CHAPITRE XII.
Les syllogismes conjonctifs ne sont pas tous ceux dont les pro
positions sont conjonctives ou composées, mais ceux dont la
majeure est tellement composée qu'elle enferme toute la conolu
TROISIÈME PARTIE . 237
que celui de Cicéron est bon , quoique Ramus l'ait proposé pour
exemple d'un mauvais raisonnement, c'est qu'il enferme dans le
sens une particule exclusive, et qu'il faut le réduire à ces termes :
Ce serait alors seulement qu'on pourrait me reprocher avec rai
son d'agir contre ma doi, si j'avouais que Muréna eût acheté les
suffrages, et que je ne laissasse pas de justifier son action :
Mais je prétends qu'il n'a point acheté les suffrages ;
Et par conséquent je ne fais rien contre ma loi.
Il faut dire la même chose de ce raisonnement de Vénus dans
Virgile, en parlant à Jupiter :
Si sine pace tua atque invito numine Troes
Italiam petiere, luant peccata , neque illos
Juveris auxilio : sin tot responsa secuti ,
Qux superi manesque dabant , cur nunc tua quisquam
Flectere jussa potest, aut cur nova condere fata ?
car ce raisonnement se réduit à ces termes :
CHAPITRE XIII.
NÉGATIVEMENT .
Ou bien au contraire :
CHAPITRE XIV.
1. Cette pièce est perdue, et il n'en reste que ce vers cité par Quin
tilien livre VIII, chap. v, Barnes, in Euripid. (Note de Port-Royal.)
248 LOGIQUE .
pensées, ce qui est presque inévitable dans les syllogismes philo
sophiques ; car l'esprit allant plus vite que la langue , et une des
propositions suffisant pour en faire concevoir deux, l'expression
de la seconde devient inutile, ne contenant aucun nouveau sens
C'est ce qui rend ces sortes d'arguments si rares dans la vie des
hommes, parce que, sans même y faire réflexion, on s'éloigre
de ce qui ennuie, et l'on se réduit à ce qui est précisément né
cessaire pour se faire entendre.
Lesenthymèmes sont donc la manière ordinairedont les hommes
expriment leurs raisonnements, en supprimant la proposition
qu'ils jugent devoir être facilement suppléée; et cette proposition
est tantôt la majeure, tantôt la mineure, et quelquefois la conclu
sion ; quoique alors cela ne s'appelle pas proprement enthymème,
tout l'argument étant contenu en quelque sorte dans les deux
premières propositions.
Il arrive aussi quelquefois que l'on renferme desdeux proposi
tions de l'enthymème dans une seule proposition, qu'Aristote ap
pelle, pour ce sujet, sentence enthymématique, et dont il rapporte
cet exemple :
Αθάνατον οργήν μη φύλαττε, θνητός ών 1
Mortel, ne garde pas une haine immortelle.
L'argument entier serait : Celui qui est mortel ne doit pas con
server une haine immortelle : or, vous êtes mortel; donc, etc. , et
l'enthymème parfait serait : Vous êtes mortel ; que votre haine ne
soit donc pas immortelle.
CHAPITRE XV.
CHAPITRE XVI,
Des dilemmes.
salut des âmes qui leur sont commises sont inexcusables devant
Dieu , on peut le faire par ce dilemme :
Ou ils sont capables de cette charge, ou ils en sont incapables :
S'ils en sont capables, ils sont inexcusables de ne pas s'y em
ployer ;
S'ils en sont incapables, ils sont inexcusables d'avoir accepté
une charge si importante dont ils ne pouvaient pas s'acquitter;
Et par conséquent, en quelque manière que ce soit, ils sont in
excusables devant Dieu, s'ils ne travaillent au salut des âmes qui
leur sont commises.
Mais on peut faire quelques observations sur ces sortes de rai
sonnements .
La première est que l'on n'exprime pas toujours toutes les pro
positions qui y entrent : car, par exemple, le dilemme que nous
venons de proposer est renfermé dans ce peu de paroles d'une ha
rangue de saint Charles, à l'entrée de l'un de ses conciles provin
ciaux : Si tanto muneri impares, cur tam ambitiosi ? si pares,
cur tam negligentes ?
Ainsi il y a beaucoup de choses sous-entendues dans ce dilemme
célèbre, par lequel un ancien philosophe prouvait qu'on ne de
vait point se mêler des affaires de la république.
Si on y agit bien, on offensera les hommes ; si on y agit mal,
on offensera les dieux : donc on ne doit point s'en méler.
Et de même en celui par lequel un autre prouvait qu'il ne fał
lait passe marier : Sila femme qu'on épouse est belle, elle cause
de la jalousie ; si elle est laide, elle déplait , donc il ne faut point
se marier .
CHAPITRE XVII.
CHAPITRE XVIII.
Ceux qui ont traité des lieux les ont divisés en différentes
matières. Celle qui a été suivie par Cicéron dans les livres de
l’Invention et dans le. ILe livre de l'Orateur, et par Quintilien au
V. livre de ses Institutions, est moins méthodique , mais elle est
aussi plus propre pour l'usage des discours du barreau, auquel
ils la rapportent particulièrement. Celle de Ramus est trop 'em
barrassée de subdivisions .
En voici une qui parait assez commode, d'un philosophe alle
mand fort judicieux et fort solide, nommé Clauberg , dont la
Logique m'est tombée entre les mains, lorsqu'on avait déjà com
mencé à imprimer celle - ci.
Lieux de grammaire.
Lieux de logique.
CHAPITRE XIX.
soient pas des corps, ce qui est assez difficile à comprendre. S'il
n'y avait des formes substantielles, disent-ils , il n'y aurait point
de génération ; or, il y a génération dans le monde ; donc il y a
des formes substantielles.
Il n'y a qu'à distinguer l'équivoque du mot de génération pour
voir que cet argument n'est qu'une pure pétition de principe ; car
si l'on entend par le mot de génération la production naturelle
d'un nouveau tout dans la nature, comme la production d'un
poulet qui se forme dans un puf, on a raison de dire qu'il y a
des générations en ce sens ; mais on n'en peut pas conclure qu'il
y ait des formes substantielles, puisque le seul arrangement des
parties par la nature peut produire ces nouveaux touts et ces
nouveaux êtres naturels. Mais si l'on entend par le mot de géné
ration, comme ils l'entendent ordinairement, la production d'une
nouvelle substance qui ne fût pas auparavant, savoir, de cette
forme substantielle, on supposera justement ce qui est en ques.
tion : étant visible que celui qui nie les formes substantielles ne
peut pas accorder que la nature produise des formes substan
tielles, et tant s'en faut qu'il puisse être porté par cet argument
à avouer qu'il y en ait, qu'il doit en tirer une conclusion con
traire en cette sorte : S'il y avait des formes substantielles, la
nature pourrait produire des substances qui ne seraient pas au
paravant ; or la nature ne peut pas produire de nouvelles sub
qui ne sache que ses artères battent; que le fer étant proche de
l'aimant va s'y joindre,que le séné purge, et que le pavot endort.
Ceux qui ne font point profession de science, et à qui l'ignorance
n'est pas honteuse, avouent franchement qu'ils connaissent ces
effets, mais qu'ils n'en savent pas la cause ; au lieu que les sa
vants, qui rougiraient d'en dire autant, s'en tirent d'une autre
manière, et prétendent qu'ils ont découvert la vraie cause de ces
effets, qui est qu'il y a dans les artères une vertu pulsifique,
dans l'aimant unevertu magnétique, dans le séné une vertu pur
gative, et dans le pavot une vertu soporifique. Voilà qui est fort
commodément résolu , et il n'y a point de Chinois qui n'eût pu
avec autant de facilité se tirer de l'admiration où on était des
horloges en ce pays- là, lorsqu'on leur en apporta d'Europe; car
il n'aurait eu qu'à dire qu'il connaissait parfaitement la raison
de ce que les autres trouvaient si merveilleux, et que ce n'était
autre chose, sinon qu'il y avait dans cette machine une vertu
indicatrice qui' marquait les heures sur le cadran, et une vertu
sonorifique qui les faisait sonner; il se serait rendu aussi savant
par là dans la connaissance des horloges que le sont ces philo
sophes dans la connaissance du battement des artères, et des
propriétés de l'aimant, du séné etdu pavot.
Il y a encore d'autres mots qui servent à rendre les hommes
savants.' à peu de frais, comme de sympathie, d'antipathie, de
qualités occulies ; mais encore tous ceux -là ne diraient rien de
faux s'ils se contentaient de donner à ces mots de vertu et de
faculté une notion générale de cause quelle qu'elle soit, intérieure
ou extérieure, dispositive ou active. Car il est certain qu'il y a
dans l'aimant quelque disposition qui fait que le fer va plutôt s'y
joindre qu'à une autre pierre, et il a été permis aux hommes
d'appeler cette disposition , en quoi que ce soit qu'elle consiste,
vertu magnétique, de sorte que s'ils se trompent, c'est seulement
en ce qu'ils s'imaginent en être plus savants pour avoir trouvé ce
mot, ou bien en ce que par là ils veulent que nous entendions une
certaine qualité imaginaire, par laquelle l'aimant attire le fer,
laquelle ni eux ni personne n'a jamais conçue.
Mais il y en a d'autres qui nous donnent pour les véritables
causes de la nature de pures chimères, comme font les astro
18
274 LOGIQUE .
logues qui rapportent tout aux influences des astres et qui ont
même trouvé par là qu'il fallait qu'il y eût un ciel immobile au
dessus de tous ceux à qui ils donnent du mouvement, parce que
la terre portant diverses choses en divers pays :
Non omnis fert omnia tellus.
India mittit ebur, molles sua thura Sabæi ' ,
on n'en pouvait rapporter la cause qu'aux influences d'un ciel
qui , étant immobile , eût toujours les mêmes aspects sur les mê.
mes endroits de la terre .
Aussi l'un d'eus , ayant entrepris de prouver par des raisons
physiques l'immobilité de la terre, fait l'une de ses principales
démonstrations de cette raison mystérieuse , que si la terre tour
nait autour du soleil , les influences des astres iraient de travers,
ce qui causerait un grand désordre dans le monde.
C'est par ces influences qu'on épouvante les peuples, quand on
voit paraitre quelque comėte , ou qu'il arrive quelque grande
éclipse, comme celle de l'an 1654, qui devait bouleverser le monde,
et principalement la ville de Rome, ainsi qu'il était expressément
marqué dans la chronologie de Helvicus, Romæ fatalis, quoiqu'il
n'y ait aucune raison , ni que les comètes et les éclipses puissent
avoir aucun effet considérable sur la terre , ni que des causes gé
nérales comme celle -là agissent plutôt en un endroit qu'en un
autre, et menacent plutôt un roi ou un prince qu'un artisan ;
ainsi en voit-on cent qui ne sont suivies d'aucun effet remar
quable . Que s'il arrive quelquefois des guerres, des mortalités ,
des pestes et la mort de quelque prince après des comètes ou
des éclipses, il en arrive aussi sans comètes et sans éclipses ; et
d'ailleurs ces effets sont si généraux et si communs , qu'il est bien
difficile qu'ils n'arrivent tous les ans en quelque endroit du
monde : de sorte que ceux qui disent en l'air que celle comète
menace quelque grand de la mort, ne se hasardent pas beau
coup :
1. Géorg ., I, 57 .
2. On peut voir les Pensées sur les comètes, par Bayle. (Note de
Port- Royal .)
TROISIÈME PARTIE . 275
est de même des écrevisses; car il n'y a qu'à dire que tout cela
est faux, comme des personnes fort exactes m'ont assuré l'avoir
éprouvé, les os et les écrevisses se trouvant indifféremment tan
tôt pleins et tantôt vides dans tous les temps de la lune . Il y a
bien de l'apparence qu'il en est de même de quantité d'observations
que l'on fait pour la coupe des bois, pour cueillir ou semer les
graines, pour enter les arbres, pour prendre des médecines; et le
monde se délivrera peu à peu de toutes ces servitudes, qui n'ont
point d'autre fondement que des suppositions dont personne n'a
jamais éprouvé sérieusement la vérité. C'est pourquoi il y a de
Vinjustice dans ceux qui prétendent que, pourvu qu'ils allèguent
une espérience ou cun fait tiré de quelque auteur ancien, on est
obligé de le recevoir sans examen .
C'est encore à cette sorte de sophisme qu'on doit rapporter
cette tromperie ordinaire de l'esprit humain , post hoc, ergo prop
ter hoc. Cela est arrivé ensuite de telle chose : il faut donc que
cotte chose en soit la cause. C'est par là que l'on a conclu que
c'était une étoile nommée Canicule qui était cause de la chaleur
extraordinaire que l'on sent durant les jours que l'on appelle ca
niculaires; ce qui a fait dire à Virgile, en parlant de cette étoile
que l'on appelle en latin Sirius :
Aut Sirius ardor :
Ile sitim morbosque ferens mortalibus ægris
Nascitur, et lævo contristat lumine solum '.
1. Énéide, x, v. 273 et 8.
TROISIÈME PARTIE. 277
JV . Dénombrement imparfait.
1. Matth ., XI, 5 .
2. Ei vero qui non operatur, credenti autem in eum qui justificat
mpium , reputatur fides ejus ad justitiam . Rom . , IV , 5 .
3. « Omnis furnicator, aut immundus , aut avarus, quod est ido
lorum servitus , non habebit hæreditatem in regno Christi et Dei . »
Ephes., V, 5.
4. « Meretrices præcedent vos in regnum Dei. o Matth ., XXI, 31 .
TROISIÈME PARTIE . 283 .
CHAPITRE XX.
Voilà quelques exemples des fautes les plus communes que l'oz.
commet en raisonnant dans les matières de sciences ; mais parce
que le principal usage de la raison n'est pas dans ces sortes de
sujets, qui entrent peu dans la conduite de la vie , et dans lesquels
même il est moins dangereux de se tromper, il serait sans doute
beaucoup plus utile de considérer généralement ce qui engage les
hommes dans les faux jugements qu'ils font en toute sorte de
matière, et principalement en celle des meurs et des autres
choses qui sont importantes à la vie civile, et qui font le sujet
ordinaire de leurs entretiens. Mais, parce que ce dessein deman
derait un ouvrage à part qui comprendrait presque toute la mo
rale , on se contentera de marquer ici en général une partie des
causes de ces faux jugements, qui sont si communs parmi les
hommes .
On ne s'est pas arrêté à distinguer les faux jugements des
mauvais raisonnements, et on a recherché indifféremment les
causes des uns des autres ; tant parce que les faux jugements sont
les sources des mauvais raisonnements, et les attirent par une
suite nécessaire, que parce qu'en effet il y a presque toujours un
raisonnement caché et enveloppé en ce qui nous paraît un juge
ment simple, y ayant toujours quelque chose qui sert de motif et
de principe à ce jugement. Par exemple, lorsque l'on juge qu'un
bâton qui paraft courbé dans l'eau l'est en effet, ce jugement est
fondé sur cette proposition générale et fausse, que ce qui paraft
courbé à nos sens, est courbé en effet, et ainsi enferme un rai
sonnement, quoique non développé. En considérant donc géné
ralement les causes de nos erreurs , il semble qu'on puisse les
288 LOGIQUE .
rapporter à deux principales : l'une intérieure, qui est le dérè
glement de la volonté, qui trouble et dérègle le jugement ; l'autre
extérieure, qui consiste dans les objets dont on juge, et qui trom
pent notre esprit par une fausse apparence. Or, quoique les cau
ses se joignent presque toujours ensemble, il y a néanmoins cer
taines erreurs où l'un paraît plus que l'autre ; et c'est pourquoi
nous les traiterons séparément.
1. « Le moi est haïssable, etc., etc. » Pascal, Pensées, art. vi, 20.
294 LOGIQUE .
1. Tout ce passage se lit dans Montaigne, livre III , chap. vill. L'é
quité aurait voulu que Nicole nom måt l'auteur des Essais comme il
l'a nommé plus haut, lorsqu'il s'agissait de le critiquer.
TROISIÈME PARTIE. 299
auteur sur le sujet des augures que les païens tiraient du vol des
oiseaux, et dont les plus sages d'entre eux se sont moqués. « De
toutes les prédictions du temps passé, dit-il , les plus anciennes
et les plus certaines étaient celles qui se tiraient du vol des oi
seaux ; nous n'avons rien de pareil ni de si admirable ; cette
règle, cet ordre du branler de leur aile, par lequel on tire des
conséquences des choses à venir, il faut bien qu'il soit conduit
par quelque excellent moyen à une si noble opération : car c'est
prêter à la lettre que d'attribuer ce grand effet à quelque ordon
nance naturelle, sans l'intelligence , le consentement et le dis
cours de celui qui le produit, et c'est une opinion évidemment
fausse . »
N'est-ce pas une chose assez plaisante que de voir un homme
qui ne tient rien d'évidemment vrai ni d'évidemment faux, dans
un traité fait exprès pour établir le pyrrhonisme et pour détruire
l'évidence de la certitude, nous débiter sérieusement ces rêveries
comme des vérités certaines, et traiter l'opinion contraire d'évi
demment fausse ? Mais il se moque de nous quand il parle de la
sorte, il est inexcusable de se jouer ainsi de ses lecteurs , en leur
disant des choses qu'il ne croit pas , et que l'on ne peut pas croire
sans folie.
Il était sans doute aussi bon philosophe que Virgile, qui n'at
tribue pas même à une intelligence qui soit dans les oiseaux les
changements réglés qu'on voit dans leurs mouvements selon la
diversité de l'air, dont on peut tirer quelque conjecture pour la
pluie et le beau temps, comme l'on peut voir dans ces vers ad
mirables des Géorgiques :
Haud equidem credo quia sit divinitus illis
Ingenium , aut rerum fato prudentia major :
Verum ubi tempestas ei cæli mobilis humor
Mutavere vias, et Juppiter uridus Austris
Denset, erant quæ rara modo, et quæ densa relaxat,
Vertuntur species animorum , et pectora motus
Nunc alios, alios dum nubila ventus agebat,
Concipiunt : hinc ille arium concentus in agris,
Et lætæ pecudes , et ovantes gutture corvi.
Mais ces égarements étant involontaires; il ne faut qu'avoir un
peu de bonne foi pour les éviter : les plus communs et les plus
302 LOGIQUE .
dangereux sont ceux que l'on ne reconnait pas, parce que l'en
gagement où l'on est entré de défendre un sentiment trouble la
vue de l'esprit, et lui fait prendre pour vrai tout ce qui sert à sa
fin ; et l'unique remède qu'on peut y apporter est de n'avoir pour
fin que la vérité, et d'examiner avec tant de soin les raisonne.
ments, que l'engagement même ne puisse pas nous tromper.
) I. C'est
(6 'ment une opinion fausse et impie, que la vérité soit telle.
semblable au mensonge, et la vertu au vice, qu'il soit im
possible de les discerner ; mais il est vrai que dans la plu
part des choses il y a un mélange d'erreur et de vérité, de vice
et de vertu, de perfection et d'imperfection , et que ce mélange
est une des plus ordinaires sources des faux jugemonts des
hommes .
Car c'est par ce mélange trompeur que les bonnes qualités des
personnes qu'on estime font approuver leurs défauts, et que les
défauts de ceux qu'on n'estime pas font condamner ce qu'ils ont
de bon , parce que l'on ne considère pas que les personnes les
plus imparfaites ne le sont pas en tout, et que Dieu laisse aux
plus vertueuses des imperfections qui, étant des restes de l'infir
TROISIÈME PARTIE . 303
mité humaine, ne doivent pas être l'objet de notre imitation ni de
notre estime .
La raison en est que les hommes ne considèrent guère les cho
ses en détail ; ils ne jugent que selon leur plus forte impression,
et ne sentent que ce qui les frappe davantage : ainsi lorsqu'ils
aperçoivent dans un discours beaucoup de vérités, ils ne remar
quent pas les erreurs qui y sont mêlées; et, au contraire, s'il y a
des vérités mélées parmibeaucoup d'erreurs, ils ne font attention
qu'aux erreurs ; le fort emportant le faible, et l'impression la plus
vive étouffant celle qui est plus obscure.
308 LOGIQUE ,
d'intérêt avec lui, et il est participant de ses crimes : cela ne
s'ensuit pas ; peut-être les a-t-il ignorés, et peut-être n'y a - t- il
point pris de part .
On manque de rendre quelque civilité à ceux à qui on en
doit : c'est, dit-on, un orgueilleux et un insolent ; mais ce n'est
peut- être qu'une inadvertance ou un simple oubli .
Toutes ces choses extérieures ne sont que des signes équivo
ques, c'est- à-dire qui peuvent signifier plusieurs choses ; et c'est
juger témérairement que de déterminer ce signe à une chose par
ticulière, sans en avoir de raison particulière : le silence est
quelquefois signe de modestie et de jugement, et quelquefois
de bélise ; la lenteur marque quelquefois la prudence, et quel
quefois la pesanteur de l'esprit; le changement est quelquefois
signe d'inconstance, et quelquefois de sincérité ; ainsi, c'est mal
raisonner que de conclure qu'un homme est inconstant, de cela
seul qu'il a changé de sentiment, car il peut avoir eu raison d'en
changer ,
Tredomis.de cochito
It+
IV. Les fausses inductions par lesquelles on tire des proposiale
19.
tions générales de quelques expériences particulières, sont uner
des plus communes sources des faux raisonnements des hommes.
Il ne leur faut que trois ou quatre exemples pour en former une
maxime et un lieu commun , et pour s'en servir ensuite de prin
cipe pour décider toute chose.
Il y a beaucoup de maladies cachées aux plus habiles méde
cins, et souvent les remèdes ne réussissent pas : des esprits
excessifs en concluent que la médecine est absolument inutile,
et que c'est un métier de charlatan .
Il y a des femmes légères et déréglées : cela suffit à des jaloux
pour concevoir des soupçons injustes contre les plus honnêtes,
et à des écrivains licencieux , pour les condamner toutes généra.
lement.
Il y a souvent des personnes qui cachent de grands vices sous
une apparence de piété : des libertins en concluent que toute la
dévotion n'est qu'hypocrisie .
Il y a des choses obscures et cachées, et l'on se trompe quel
quefois grossièrement. Toutes choses sont obscures et incertai.
TROISIÈME PARTIE . 309
(13 celles
VII . Il est vrai que s'il y a des erreurs pardonnables, ce sont
où l'on s'engage en déférant plus qu'il ne faut au senti
ment de ceux qu'on estime gens de bien ; mais il y a une illusion
TROISIÈME PARTIE . 313
( 13) surprises
VIII. Il y a encore quelque chose de plus trompeur dans les
qui naissent de la manière, car on est porté natu
rellement à croire qu'un homme a raison , lorsqu'il parle avec
gråce, avec facilité, avec gravité, avec modération et avec dou
ceur, et à croire, au contraire, qu’nn homme a tort, lorsqu'i
parle désagréablement, ou qu'il fait paraftre de l'emportement,
de l'aigreur, de la présomption dans ses actions et dans ses pa
roles .
Cependant, si l'on ne juge du fond des choses que par ces
manières extérieures et sensibles, il est impossible qu'on n'y soit
souvent trompé. Car il y a des gens qui débitent gravement et
316 LOGIQUE .
DE LA MÉTHODE .
CHAPITRE PREMIER.
De la science ; qu'il y en a. Que les choses que l'on connait par l'esprit
sont plus certaines que ce que l'on connait par les sens. Qu'il y a
des choses que l'esprit humain est incapable de savoir. Utilité que
l'on peut tirer de cette ignorance nécessaire.
s'en délivrer le plus tôt qu'on peut, et après avoir appris légère
ment qu'on les forme, se résoudre de bon cour à les ignorer.
Nescire quædam magna pars sapientiæ .
Par ce moyen , en se délivrant des recherches où il est comme
impossible de réussir, on pourra faire plus de progrès dans
celles qui sont plus proportionnées à notre esprit .
Mais il faut remarquer qu'il y a des choses qui sont incompré
hensibles dans leur manière, et qui sont certaines dans leur exis
tence. On ne peut concevoir comment elles peuvent être, et il
est certain néanmoins qu'elles sont.
Qu'y a - t-il de plus incompréhensible que l'éternité ? et qu'y
a-t-il en même temps de plus certain ? en sorte que ceux qui ,
par un aveuglement horrible, ont détruit dans leur esprit la con
naissance de Dieu , sont obligés de l'attribuer au plus vil et au
plus méprisable de tous les êtres , qui est la matière .
Quel moyen de comprendre que le plus petit grain de matière
soit divisible à l'infini, et que l'on ne puisse jamais arriver à une
partie si petite, que, non-seulement elle n'en enferme plusieurs
autres, mais qu'elle n'en enferme une infinité; que le plus petit
grain de blé enferme en soi autant de parties, quoique à proportion
plus petites, que le monde entier ; que toutes les figures imagina
bles s'y trouvent actuellement, et qu'il contienne en soi un petit
monde avec toutes ses parties, un soleil , un ciel, des étoiles , des
planètes, une terre dans une justesse admirable de proportions ;
et qu'il n'y ait aucune des parties de ce grain qui ne contienne
encore un monde proportionnel ! Quelle peutêtre la partie, dans ce
petit monde, qui répond à la grosseur d'un grain de bié, et quelle
effroyable différence doit-il y avoir, afin qu'on puisse dire vérita
blement que ce qu'est un grain de blé à l'égard du monde entier,
cette partie l'est à l'égard d'un grain de blél Néanmoins , cette
partie, dont la petitesse nous est déjà incompréhensible , contient
encore un autre mondo proportionnel, et ainsi à l'infini, sans
qu'on en puisse trouver aucune qui n'ait autant de parties pro
portionnelles que tout le monde, quelque étendue qu'on lui donne' .
1. Il faut rapprocher de ce passage l'admirable morceau de Pas .
326 LOGIQUE.
cal : « Qu'est-ce qu'un homme dans l'infini? mais pour lui présenter
un autre prodige aussi étonnant , etc. » Pensées, partie Ire, art. V , 1 ,
dans l'édition de Bossut , et dans l'édition de M. Feugère, t . II,
P. 65 et suiv ,
QUATRIÈME PARTIE . 327
drai encore une preuve qui fait voir en même temps une division
à l'infini et un mouvement qui se ralentit à l'infini sans arriver
jamais au repos .
Il est certain que quand on douterait si l'étendue peut se di
viser à l'infini, on ne saurait au moins douter qu'elle ne puisse
s'augmenter à l'infini, et qu'à un plan de cent mille lieues on ne
puisse en joindre un autre de cent mille lieues, et ainsi à l'infini :
or , cette augmentation infinie de l'étendue prouve sa divisibilité
à l'infini'; et, pour le comprendre, il n'y a qu'à s'imaginer une
mer plate, que l'on augmente en longueur à l'infini, et un vais
seau sur le bord de cette mer, qui s'éloigne du port en droite
ligne; il est certain qu'en regardant du port le bas du vaisseau
au travers d'un verre ou d'un autre corps diaphane, le rayon qui
se terminera au bas de ce vaisseau passera par un certain point
du verre, et que le rayon horizontal passera par un autre point
du verre plus élevé que le premier. Or, à mesure que le vaisseau
s'éloignera, le point du rayon qui se terminera au bas du vais
seau montera toujours, et divisera infiniment l'espace qui est
entre ces deux points ; et plus le vaisseau s'éloigoera , plas il
montera lentement, sans que jamais il cesse de monter, ni qu'il
puisse arriver au point du rayon horizontal, parce que ces deux
lignes se coupant dans l'ail , ne seront jamais ni parallèles, ni
une même ligne. Ainsi, cet exemple nous fournit en même temps
la preuve d'une division à l'infini de l'étendue, et d'un ralentis
sement à l'infini du mouvement.
C'est par cette diminution infinie de l'étendue, qui natt de sa
divisibilité, qu'on peut prouver ces problèmes qui semblent im
possibles dans les termes. Trouver un espace infini égal à un
espace fini, ou qui ne soit que la moitié, le tiers, etc., d'un es
pace fini. On peut les résoudre en diverses manières, et en voici
une assez grossière, mais très - facile. Si l'on prend la moitié d'un
carré, et la moitié de cette moitié, et ainsi à l'infini, et que l'on
joigne toutes ces moitiés par leur plus longue ligne, on en fera
un espace d'une figure irrégulière, et qui diminuera toujours à
l'infini par un des bouts, mais qui sera égal à tout le carré ; car
la moitié, et la moitié de la moitié, plus la moitié de cette se
conde moitié, et ainsi à l'infini, font le tout ; le tiers et le tiers
328 LOGIQUE .
du tiers , et le tiers du nouveau tiers , et ainsi à l'infini font la
moitié . Les quarts pris de la même sorte font le tiers, et les cin
quièmes le quart. Joignant bout à bout ces tiers ou ces quarts, on
en fera une figure qui contiendra la moitié ou le tiers de l'aire
du total , et qui sera infinie d'un côté en longueur, en diminuant
continuellement en largeur.
L'utilité qu'on peut tirer de ces spéculations n'est pas simple
ment d'acquérir ces connaissances, qui sont d'elles-mêmes assez
stériles ; mais c'est d'apprendre à connaitre les bornes de notre
esprit , et à lui faire avouer, malgré qu'il en ait , qu'il y a des
choses qui sont, quoiqu'il ne soit pas capable de les comprendre;
et c'est pourquoi il est bon de le fatiguer à ces subtilités, afin de
dompter sa présomption , et lui ôter la hardiesse d'opposer jamais
ses faibles lumières aux vérités que l'Église lui propose, sous
prétexte qu'il ne peut pas les comprendre; car puisque la vigueur
de l'esprit des hommes est contrainte de succomber au plus petit
atome de la matière, et d'avouer qu'il voit clairement qu'il est
infiniment divisible, sans pouvoir comprendre comment cela peut
se faire, n'est -ce pas pécher visiblement contre la raison que de
refuser de croire les effets merveilleux de la toute-puissance de
Diou , qui est d'elle-même incompréhensible, par cette raison que
notre esprit ne peut les comprendre ! .
Mais comme il est avantageux de faire sentir quelquefois à son
esprit sa propre faiblesse, par la considération de ces objets qui
le surpassent, et qui , le surpassant, l'abattent et l'humilient, il
est certain aussi qu'il faut tâcher de choisir, pour l'occuper ordi
nairement , des sujets et des matières qui lui soient plus propor
tionnés , et dont il soit capable de trouver et de comprendre la
vérité, soit en prouvant les effets par les causes, ce qui s'appelle
démontrer à priori ; soit en démontrant, au contraire, les causes
par les effets, ce qui s'appelle prouver à posteriori. Il faut un peu
étendre ces termes, pour y réduire toutes sortes de démonstra
tions ; mais il a été bon de les marquer en passant, afin qu'on
les enteude, et que l'on ne soit pas surpris en les voyant dans
CHAPITRE II.
1. La plus grande partie de tout ce que l'on dit ici des questions, a
été tirée d'un manuscrit de Descartes que M. Clerselier a eu la bonté
de prêter. (Note de Port-Royal .)
Le manuscrit de Descartes, que Clerselier avait prêté à Arnauld,
est celui des Règles pour la direction de l'esprit, Regulæ ad direc
tionem ingenii . L'ouvrage , composé en latin , parut pour la première
fois en 1701, à Amsterdam , parmiles Opera posthuma Cartesii. M.Cou
sin en a donné une traduction française au tome XI de son édition
des cuvres de Descartes,
330 LOGIQUE .
Or, encore que dans toute question il y ait quelque chose d'in
connu , autrement il n'y aurait rien à chercher, il faut néanmoins
que cela même qui est inconnu soit marqué et désigné par de cer
taines conditions qui nous déterminent à rechercher une chose
plutôt qu'une autre, et qui puissent nous faire juger, quand nous
l'aurons trouvée, que c'est ce que nous cherchions.
Et ce sont ces conditions que nous devons bien envisager
d'abord, en prenant garde de n'en point ajouter qui ne soient
pas enfermées dans ce que l'on a proposé, et de n'en point omettre
qui y seraient enfermées ; car on peut pécher en l’une et en l'autre
manière .
On pécherait en la première manière, si , lors, par exemple,
que l'on nous demande quel est l'animal qui, au matin, marche à
quatre pieds, à midi à deux, et au soir à trois, on se croyait
astreint de prendre tous ces mots de pied , de matin, de midi,
de soir dans leur propre et naturelle signification , car celui
qui propose cette énigme n'a point mis pour condition qu'on
332 LOGIQUE .
dût les prendre de la sorte ; mais il suffit que ces mots
puissent , par métaphore, se rapporter à une autre chose ; ot ainsi
cette question est bien résolue, quand on a dit que cet animal
est l'homme.
Supposons encore qu'on nous demande par quel artifice pouvait
avoir été faite la figure d'un Tantale, qui, étant couché sur une
colonne, au milieu d'un vase, en posture d'un homme qui se penche
pour boire , ne pouvait jamais le faire, parce que l'eau pouvait
bien monter dans le vase jusqu'à sa bouche, mais s'enfuyait toute
sans qu'il en demeuråt rien dans le vase aussitôt qu'elle était ar
rivée jusqu'à ses lèvres, on pécherait, en ajoutant des conditions
qui ne serviraient de rien à la solution de cette demande, si on
s'amusait à chercher quelque secret inerveilleux dans la figure de
ce Tantale qui ferait fuir cette eau aussitôt qu'elle aurait touché
ses lèvres, car cela n'est point enfermé dans la question ; et si on
le conçoit bien, on doit la réduire à ces termes, de faire un vase
qui tienne l'eau, n'étant plein que jusqu'à une certaine hauteur,
et qui la laisse touie aller, si on le remplit davantage ; et cela est
fort aisé ; car il ne faut que cacher un siphon dans la colonne, qui
ait un petit trou en bas par où l'eau y entre, et dont la plus
longue jambe ait son ouverture par-dessous le pied du vase : tant
que l'eau que l'on mettra dans le vase ne sera pas arrivée au haut
du siphon, elle y demeurera; mais quand elle y sera arrivée, elle
s'enfuira touté par la plus longue jambe du siphon , qui est ouverte
au - dessous du pied du vase.
On demande encore quel pouvait être le secret de ce buveur
d'eau qui se fit voir à Paris, il y a vingt ans, et comment il pou
vait se faire qu'en jetant de l'eau de sa bouche, il remplit en
même temps cinq ou six verres différents d'eaux de diverses cou
leurs. Si on s'imagine que ces eaux de diverses couleurs étaient
dans son estomac, et qu'il les séparait en les jetant l'une dans un
verre et l'autre dans l'autre, on cherchera un secret que l'on ne
trouvera jamais, parce qu'il n'est pas possible : lieu qu'on n'a
qu'à chercher pourquoi l'eau sortie en même temps de la même
bouche paraissait de diverses couleurs dans chacun de ces verres ;
et il y a grande apparence que cela venait de quelque teinture
qu'il avait mise au fond de ces verres.
QUATRIÈME PARTIE . 333
CHAPITRE II ,
RÈGLES NÉCESSAIRES :
ployant à leur preuve que les définitions qui auront precedé, ou les
axiomes qui auront été accordés , ou les propositions qui auron :
déjà été démontrées , ou la construction de la chose méme dont el
s'agira , lorsqu'il y aura quelque opération à faire.
5. N'abuser jamais de l'équivoque des termes, en manquaut d'y
QUATRIÈME PARTIE . 339
CHAPITRE IV
dans les choses : le sage des Stoïciens ne prenant pas moins tous
les plaisirs de la vie que les philosophes des autres sectes qui pa
raissaient moinsrigoureux, et n'évitant pas avec moins de soins les
maux et les incommodités, avec cette seule différence, qu'au lieu
que les autres philosophes se servaient des mots ordinaires de
biens et de maux, les Stoiciens, en jouissant des plaisirs, ne les
appelaient pas des biens, mais des choses préférables, seponguéva,
et en fuyant les maux, ne les appelaient pas des maux , mais
seulement des choses rejetables, & TOPONYMÉva .
C'est donc un avis très-utile de retrancher de toutes les dis
putes tout ce qui n'est fondé que sur l'équivoque des mots, en
les définissant par d'autres termes si clairs qu'on ne puisse plus
s'y méprendre.
A cela sert la première des règles que nous venons de rappor
ter : Ne laisser aucun terme un peu obscur ou équivoque qu'on ne
le définisse .
Mais, pour tirer toute l'utilité que l'on doit de ces définitions,
il faut encore y ajouter la seconde règle : N'employer dans les dé
finitions que des termes parfaitement connus ou déjà expliqués ,
c'est -à -dire que des termes qui désignent clairement, autant qu'il
se peut, l'idée qu'on veut signifier par le mot qu'on définit.
Car, quand on n'a pas désigné assez nettement et assez dis
tinctement l'idée à laquelleon veut attacher un mot, il est presque
impossible que dans la suite on ne passe insensiblement à une
autre idée que celle qu'on a désignée, c'est- à - dire qu'au lieu de
substituer mentalement, à chaque fois qu'on se sert de ce mot,
la même idée qu'on a désignée, on n'en substitue une autre que
la nature nous fournit : et ce qu'il est aisé de découvrir, en
substituant expressément la définition au défini; car cela ne doit
rien changer de la proposition , si l'on est toujours demeuré dans
la même idée : au lieu que cela la changera, si l'on n'y est pas
demeuré .
Tout cela se comprendra mieux par quelques exemples. Euclide
définit l'angle plan rectiligne : la rencontre de deux lignes droites
inclinées sur un même plan ' . Si l'on considère cette définition
qu'il se trouve dans toutes les figures rectilignes, sera vrai de cet
angle ainsi défini, sans qu'on soit jamais obligé de changer d'idée,
ni qu'il se rencontre jamais aucune absurdité en substituant la
définition à la place du défini; car c'est cet espace ainsi expliqué
que l'on peut diviser en deux, en trois, en quatre ; c'est cet espace
qui a deux côtés entre lesquels il est compris ; c'est cet espace
qu'on peut terminer du côté qu'il est de soi -même indéterminé,
par une ligne qu'on appelle baseou sous -tendante ; c'estcetespace
qui n'est point considéré comme plus grand ou plus petit, pour
être compris entre des lignes plus longues ou plus courtes, parce
qu'étant indéterminé selon cette dimension , ce n'est point de là
qu'on doit prendre sa grandeur et sa petitesse. C'est par cette
définition qu'on trouve le moyen de juger si un angle est égal à
un autre angle, ou plus grand ou plus petit : car, puisque la gran
deur de cet espace n'est déterminée que par la partie propor
tionnelle d'une circonférence qui a pour centre le point où les
lignes qui comprennent l'angle se rencontrent, lorsque deux an
gles ont pour mesure l'aliquote pareille chacun de sa circonfé
rence, comme la dixième partie, ils sont égaux ; et si l'un a la
sixième, et l'autre la douzième , celui qui a la sixième est plus grand
que celui qui a la douzième. Au lieu que , par la définition d'Eu
clide, on ne saurait entendre en quoi consiste l'égalité des deux
angles; ce qui fait une horrible confusion dans ses éléments, comme
Ramus a remarqué, quoique lui-même ne rencontre guère mieux.
Voici d'autres définitions d'Euclide, où il fait la même faute
qu'en celle de l'angle. La raison , dit-il, est une habitude de deux
grandeurs du même genre , comparées l'une à l'autre selon la quan
tité; la proportion est une similitude de raisons " .
Par ces définitions, le nom de raison doit comprendre l'habi
tude qui est entre deux grandeurs, lorsque l'on considère de
combien l'une surpasse l'autre : car on ne peut nier que ce ne soit
une habitude de deux grandeurs comparées selon la quantité ;
et par conséquent, quatre grandeurs auront proportion ensemble,
lorsque la différence de la première à la seconde est égale à la
différence de la troisième à la quatrième. Il n'y a donc rien àdire
1. Éléments., lib. V , déf. 3.
QUATRIÈME PARTIE . 343
CHAPITRE V.
rique, comme s'il s'agissait d'une dispute fort solide. Il est vrai
qu'il méle dans ce discours une question de quelque importance ,
qui est de savoir si l'unité est au nombre comme le point est à
la ligne ; mais c'est ce qu'il fallait distinguer pour ne pas brouil
ler deux choses très -différentes : et ainsi, traitant à part ces deux
questions, l'une, si l'unité est nombre, l'autre, si l'unité est au
nombre ce qu'est le point à la ligne , il fallait dire, sur la pre
mière que ce n'était qu'une dispute de mots, et que l'unité était
nombre ou n'était pas nombre, selon la définition qu'on vou
drait donner au nombre ; qu'en le définissant comme Euclide :
Nombre est une multitude d'unités assemblées, il était visible que
l'unité n'était pas nombre ; mais que, comme cette définition
d'Euclide était arbitraire, et qu'il était permis d'en donner une
autre au nom de nombre, on pouvait lui en donner une comme
est celle que Stevin apporte, selon laquelle l'unité est nombre.
Par là la première question est vidée, et on ne peut rien dire,
outre cela, contre ceux à qui il ne plait pas d'appeler l'unité
nombre, sans une manifeste pétition de principe, comme on peut
voir en examinant les prétendues démonstrations de Stevin. La
première est :
La partie est de même nature que le tout;
L'unité est partie d'une multitude d'unités :
Donc l'unité est de même nature qu'une multitude d'unités, et
par conséquent nombre,
Cet argument ne vaut rien du tout; car, quand la partie serait
toujours de la même nature que le tout, il ne s'ensuivrait pas
qu'elle dût toujours avoir le même nom que le tout ; et, au con
traire, il arrive très - souvent qu'elle n'a point le même nom . Un
soldat est une partie de l'armée, et n'est point une armée ; une
chambre est une partie d'une maison , et non point une maison ;
un demi-cercle n'est point'un cercle; la partie d'un carré n'est
point un carré . Cet argument prouve donc au plus que l'unité
étant partie de la multitude des unités, a quelque chose de com
mun avec toute multitude d'unités, selon quoi on pourra dire
qu'ils sont de même nature ; mais cela ne prouve point qu'on soit
obligé de donner le même nom de nombre à l'unité et à la multi
346 LOGIQUE .
tude d'unités, puisqu'on peut, si l'on veut, garder le nom do
nombre pour la multitude d'unités , et ne donner à l'unité que
son nom même d'unité ou de partie du nombre.
La seconde raison de Stevin ne vaut pas mieux.
Si du nombre donné l'on n'ote aucun nombre, le nombre donné
demeure :
Donc si l'unité n'était pas nombre, en otant un des trois , le nome
bre donne demeurerait, ce qui est absurde .
Mais cette majeure est ridicule, et suppose ce qui est en ques
tion ; car Euclide niera que le nombre donné demeure, lorsqu'on
n'en ôte aucun nombre, puisqu'il suffit, pour ne pas demeurer
tel qu'il était, qu'on en ote ou un nombre ou une partie du nom
bre, tel qu'est l'unité : et, si cet argument était bon , on prouve
rait de la même manière , qu'en ôtant un demi-cercle d'un cer
cle donné, le cercle donné doit demeurer, parce qu'on n'en a ôté
aucun cercle.
Ainsi , tous les arguments de Stevin prouvent au plus qu'on
peut définir le nombre en sorte que le mot de nombre convienne
à l'unité, parce que l'unité et la multitude d'unités ont assez de
convenance pour être signifiés par un même nom : mais ils ne
prouvent nullement qu'on ne puisse pas aussi définir le nombre
en restreignant ce mot à la multilude d'unités, afin de ne pas être
obligé d'excepter l'unité toutes les fois qu'on explipue des pro
priétés qui conviennent à tous les nombres, hormis à l'unité.
Mais la seconde question, qui est de savoir si l'unité est aux
autres nombres comme le point est à la ligne, n’est point de
même nature que la première, et n'est point une dispute de mot,
mais de chose : car il est absolument faux que l'unité soit au
nombre comme le point est à la ligne, puisque l'unité ajoutée au
nombre le fait plus grand, au lieu que le point ajouté à la ligne
ne la fait point plus grande. L'unité est partie du nombre, et le
point n'est pas partie de la ligne. L'unité dtée du nombre , le
nombre donné ne demeure point ; et le point ôté de la ligne, la
ligne donnée demeure.
Le même Stevin est plein de semblables disputes sur les défi
nitions des mots , comme quand il s'échauffe pour prouver que
QUATRIÈME PARTIE . 347
CHAPITRE VI.
Des règles qui regardent les axiomes, c'est- à-dire les propositions
claires et évidentes par elles- mêmes.
ridicale ; car nous ne pouvons juger des choses que par les idées
que nous en avons, puisque nous n'avons aucun moyen de les
concevoir qu'autant qu'elles sont dans notre esprit, et qu'elles n'y
sont que par leurs idées . Or, si les jugements que nous formons
en considérant ces idées ne regardaient pas les choses en elles
mêmes, mais seulement nos pensées ; c'est -à-dire de ce que je
vois clairement qu'avoir trois angles égaux à deux droits est ren
fermé dans l'idée d'un triangle, je n'avais pas droit de conclure
que, dans la vérité , tout triangle a trois angles égaux à deux
droits, mais seulement que je le pense ainsi, il est visible que
nous n'aurions aucune connaissance des choses, mais seulement
de nos pensées ; et par conséquent, nous ne saurions rien des
choses que nous nous persuadons savoir le plus certainement ;
mais nous saurions seulement que nous les pensons ètre de telle
sorte, ce qui détruirait manifestement toutes les sciences .
Et il ne faut pas craindre qu'il y ait des hommes qui demeurent
sérieusement d'accord de cette conséquence, que nous ne savons
d'aucune chose si elle est vraie ou fausse en elle-même; car il y
en a de si simples et de si évidentes , comme : Je pense, donc je
suis : Le tout est plus grand que sa partie, qu'il est impossible de
douter sérieusement si elles sont telles en elles -mêmes que nous
les concevons. La raison est qu'on ne saurait en douter sans y
penser, et on ne saurait y penser sans les croire vraies , et par
conséquent on ne saurait en douter.
Néanmoins ce principe seul ne suffit pas pour juger de ce qui
doit être reçu pour axiome ; car il y a des attributs qui sont vé
ritablement renfermés dans l'idée des choses qui s'en peuvent
néanmoins et s'en doivent démontrer, comme l'égalité de tous les
angles d’un triangle à deux droits, et de tous ceux d’un hexagone
à huit droits, mais il faut prendre garde si l'on n'a besoin que
de considérer l'idée d'une chose avec une attention médiocre,
pour voir clairement qu'un tel attribut y est renfermé, ou si de
plus, il est nécessaire d'y joindre quelque autre idée pour s'aper
cevoir de cette liaison . Quand il n'est besoin que de considérer
l'idée, la proposition peut être prise pour axiome, surtout si cette
considération ne demande qu'une attention médiocre dont tous
les esprits ordinaires soient capables ; mais si l'on a besoin de
352 LOGIQUE .
quelque autre idée que de l'idée de la chose, c'est une proposition
qu'il faut démontrer. Ainsi, l'on peut donner ces deux règles
pour les axiomes .
23
354 LOGIQUE.
CHAPITRE VII.
AXIOME XI. Les faits dont les sens peuvent juger facilement
étant attestés par un très-grand nombre de personnes de divers
temps, de diverses nations, de divers intérêts, qui en parlent comme
les sachant par eux -mêmes, et qu'on ne peut soupçonner d'avoir
conspiré ensemble pour appuyer un mensonge , doivent passer pour
aussi constants et indubitables que si on les avait vus de ses pro
pres yeux.
CHAPITRE VIII.
CHAPITRE IX .
ce qui est une marque qu'il n'a point encore la vraie science . On
peut dire que ce défaut est la source de presque tous les autres
que nous remarquerons, et ainsi il n'est pas nécessaire de l'ex
pliquer davantage, parce que nous le ferons assez dans la suite.
DÉFAUT II. Prouver des choses qui n'ont pas besoin de preuves.
Les géomètres avouent qu'il ne faut pas s'arrêter à vouloir
prouver ce qui est clair de soi-même. Ils le font néanmoins sou
vent, parce que , s'étant plus attachés à convaincre l'esprit qu'à
l'éclairer, comme nous venons de dire, ils croient qu'ils le con
vaincront mieux en trouvant quelque preuve des choses même
les plus évidentes, qu'en les proposant simplement, et laissant à
l'esprit d'en reconnaître l'évidence.
C'est ce qui a porté Euclide à prouver que les deux côtés d'un
triangle pris ensemble sont plus grands qu'un seul ' ; quoique
cela soit évident par la seule notion de la ligne droite, qui est la
plus courte longueur qui puisse se donner entre deux points, et la
mesure naturelle de la distance d'un point à un point, ce qu'elle
ne serait pas, si elle n'était aussi la plus courte de toutes les
lignes qui puissent être tirées d'un point à un point.
C'est ce qui l'a encore porté à ne pas faire une demande, mais
un problème qui doit être démontré, de tirer une ligne égale à
une ligne donnée , quoique cela soit aussi facile et plus facile que
de faire un cercle ayant un rayon donné.
Ce défaut est venu , sans doute, de n'avoir pas considéré que
toute la certitude et l'évidence de nos connaissances dans les
sciences naturelles vient de ce principe : Qu'on peut assurer
d'une chose , tout ce qui est contenu dans une idée claire et dis
tincte . D'où il s'ensuit que si nous n'avons besoin, pour connaître
qu’un attribut est renfermé dans une idée , que de la simple
considération de l'idée , sans y en mêler d'autres , cela doit
passer pour évident et pour clair, comme nous avons déjà dit
plus haut .
Je sais bien qu'il y a de certains attributs qui se voient plus
facilement dans les idées que les autres ; mais je crois qu'il suffit
ou
tous deux aigus , et il s'appelle Oxygone.
deux seulement aigus, et alors le 3e est
ou
droit, et il s'appelle Rectangle.
obtus, et il s'appelle Amblygone.
Il est même beaucoup mieux de ne donner cette division du
triangle, qu'après avoir expliqué et démontré toutes les pro
priétés du triangle en général; d'où l'on aura appris qu'il faut
nécessairement que deux angles au moins du triangle soient ai
gus , parce que les trois ensemble ne sauraient valoir plus de
deux droits .
Ce défaut retombe dans celui de l'ordre, qui ne voudrait pas
qu’on traitât ni même qu'on définit les espèces qu'après avoir
bien connu le genre , surtout quand il y a beaucoup de choses à
dire du genre, qui peut être expliqué sans parler des espèces.
CHAPITRE X.
1
QUATRIÈME PARTIE. 367
CHAPITRE XI.
J'ai ajouté à ces deux règles, autant qu'il se peut, parce qu'il
est vrai qu'il arrive beaucoup de rencontres où on ne peut pas
les observer à la rigueur, soit à cause des bornes de l'esprit hu
QUATRIÈME PARTIE . 369
CHAPITRE XII.
certaines bornes qu'il faut avoir passées pour avoir cette certi
tude humaine, et d'autres au delà desquelles on l'a certaine
ment , en laissant un milieu entre ces deux sortes de bornes , qui
approche plus de la certitude ou de l'incertitude, selon qu'il ap
proche plus des unes ou des autres.
Que si l'on compare ensemble les deux voies générales qui
nous font croire qu'une chose est, la raison et la foi, il est certain
que la foi suppose toujours quelque raison ; car, comme dit saint
Augustin dans sa lettre cxxII', et en beaucoup d'autres lieux,
nous ne pourrions pas nous porter à croire ce qui est au-dessus
de notre raison , si la raison même ne nous avait persuadés qu'il
y a des choses que nous faisons bien de croire, quoique nous ne
soyons pas encore capables de les comprendre: ce qui est princi
palement vrai à l'égard de la foi divine, parce que la vraie rai
son nous apprend que Dieu étant la vérité même, il ne peut nous
tromper en ce qu'il nous révèle de sa nature ou de ses mystères.
D'où il paraît qu'encore que nous soyons obligés de captiver
notre entendement pour obéir à JÉSUS-CHRIST , comme dit saint
Paul , nous ne le faisons pas néanmoins aveuglément et déraison
nablement, ce qui est l'origine de toutes les fausses religions ;
mais avec connaissance de cause, et parce que c'est une action
raisonnable que de se captiver de la sorte sous l'autorité de Dieu ,
lorsqu'il nous a donné des preuves suffisantes, comme sont les
miracles et autres événements prodigieux qui nous obligent de
croire que c'est lui-même qui a découvert aux hommes les véri
tés que nous devons croire .
Il est certain , en second lieu, que la foi divine doit avoir plus
de force sur notre esprit que notre propre raison, et cela par la
raison même, qui nous fait voir qu'il faut toujours préférer ce qui
est plus certain à ce qui l'est moins ; et qu'il est plus certain
que ce que Dieu dit est véritable, que ce que notre raison nous
persuade, parce que Dieu est plus incapable de nous tromper que
notre raison d'être trompée.
Néanmoins, à considérer les choses exactement, jamais ce que
CHAPITRE XIII.
ché qu'il n'en soit souvent sorti pour aller prêcher l'Évangile en
d'autres lieux, ils répliquent que cela se dit sans preuve ; ce qui
est impertinent, parce que le fait qu'ils contestent étant une des
vérités les plus assurées de l'histoire ecclésiastique, c'est à ceux
qui le combattent de faire voir qu'il contient des contrariétés avec
l'Écriture, et il suffit à ceux qui le soutiennent de résoudre ces
prétendues contrariétés, comme on fait celles de l'Écriture même,
à quoi nous avons montré que la possibilité suffisait.
CHAPITRE XIV .
Application de la règle précédente à la croyance des miracles.
Mais qui ne voit qu'on peut faire aussi un lieu commun opposé
à celui-là , qui sera pour le moins aussi bien fondé ? Car, comme
il y a quelques miracles qui se trouveraient peu assurés si l'on
remontait jusqu'à la source , il y en a aussi qui s'étouffent dans
la mémoire des hommes, ou qui trouvent peu de croyance dans
leur esprit, parce qu'ils ne veulent pas prendre la peine de s'en
informer . Notre esprit n'est pas sujet à une seule espèce de mala
die, il en a de différentes et de toutes contraires . Il y a une sotte
simplicité qui croit les choses les moins croyables ; mais il y a
aussi une sotte présomption qui condamne comme faux tout ce
qui passe les bornes étroites de son esprit. On a souvent de la
curiosité pour des bagatelles , et l'on n'en a point pour des choses
importantes. De fausses histoires se répandent partout , et de
très- véritables n'ont point de cours .
Peu de gens savent le miracle arrivé de notre temps à Fare
moutier, en la personne d'une religieuse tellement aveugle, qu'il
lui restait à peine la forme des yeux, qui recouvra la vue en un
moment par l'attouchement des reliques de sainte Fare , comme
je le sais d'une personne qui l'a vue dans les deux états.
Saint Augustin dit qu'il y avait, de son temps, beaucoup de
miracles très -certains qui étaient connus de peu de personnes, et
qui , quoique très-remarquables et très-étonnants, ne passaient
pas d'un bout de la ville à l'autre . C'est ce qui le porta à faire
écrire et réciter devant le peuple ceux qui se trouvaient assurés,
et il remarque, dans le XXIIe livre de la Cité de Dieu, qu'il s'en
était fait dans la seule ville d'Hippone près de soixante et dix
depuis deux ans qu'on y avait bâti une chapelle en l'honneur de
saint Étienne, sans beaucoup d'autres qu'on n'avait pas écrits,
qu'il témoigne néanmoins avoir sus très -certainement.
On voit donc assez qu'il n'y a rien de moins raisonnable que
de se conduire par des lieux communs en ces rencontres, soit
pour embrasser tous les miracles, soit pour les rejeter tous, mais
qu'il faut les examiner par leurs circonstances particulières et
par la fidélité et la lumière des témoins qui les rapportent.
La piété n'oblige pas un homme de bon sens.de croire tous les
miracles rapportés dans la Légende dorée, ou dans Métaphraste,
parce que ces auteurs sont remplis de tant de fables qu'il n'y a
380 LOGIQUE .
leur connaissance, ils avaient tous quitté leur pays pour s'en aller
de divers côtés , et qu'ainsi l'un de ces frères appelé Paul , et
l'une de ses seurs, appelée Palladie , étaient venus à Hippone ,
et s'étant fait remarquer par toute la ville , on avait appris d'eux
la cause de leur malheur ; que le propre jour de Pâques , le frère,
priant Dieu devant les barreaux de la chapelle de Saint- Étienne,
tomba tout d'un coup dans un assoupissement pendant lequel on
s'aperçut qu'il ne tremblait plus ; et s'étant réveillé parfaitement
sain , il se fit dans l'église un grand bruit du peuple , qui louait
Dieu de ce miracle et qui courait à saint Augustin , lequel se
préparait à dire la messe , pour l'avertir de ce qui s'était
passé.
« Après , dit-il , que les cris de réjouissance furent passés et
que l'Écriture sainte eut été lue , je leur dis peu de chose sur la
fête et sur ce grand sujet de joie, parce que j'aimai mieux leur
laisser, non pas entendre , mais considérer l'éloquence de Dieu
dans cet ouvrage divin. Je menai ensuite chez moi le frère qui
avait été guéri ; lui fis conter toute son histoire , je l'obligeai de
l'écrire , et le lendemain je promis au peuple que je la lui ferais
réciter le jour d'après. Ainsi le troisième jour d'après Pâques ,
ayant fait mettre le frère et la seur sur les degrés du jubé, afin que
tout le peuple pût voir dans la seur , qui avait encore cet hor
rible tremblement , de quel mal le frère avait été délivré par la
bonté de Dieu ; je fis lire le récit de leur histoire devant le peuple ,
et je les laissai aller. Je commençai alors à prêcher sur ce
sujet ( on a le sermon , qui est le 233e ) , et tout d'un coup, lorsque
je parlais encore , un grand cri de joie s'élève du côté de la
chapelle , et on m'amène la seur, qui, étant sortie de devant moi,
y était allée et y avait été parfaitement guérie en la même ma
nière que son frère ; ce qui causa une telle joie parmi le peuple,
qu'à peine pouvait-on supporter le bruit qu'ils faisaient. »
J'ai voulu rapporter toutes les particularités de ce miracle
pour convaincre les plus incrédules qu'il y aurait de la folie à
le révoquer en doute , aussi bien que tant d'autres que ce saint
raconte au même endroit ; car , supposé que les choses soient
arrivées comme il le rapporte , il n'y a point de personne raison
nable qui n'y doive reconnaftre le doigt de Dieu , et ainsi tout
382 LOGIQUE .
ce qui resterait à l'incrédulité serait de douter du témoignage
même de saint Augustin , de s'imaginer qu'il a altéré la vérité
pour autoriser le religion chrétienne dans l'esprit des païens ; or,
c'est ce qui ne peut se dire avec la moindre couleur :
Premièrement , parce qu'il n'est point vraisemblable qu'un
homme judicieux eût voulu mentir en des choses si publiques , où
il aurait pu être convaincu de mensonge par une infinité de tė
moins , ce qui n'aurait pu tourner qu'à la honte de la religion
chrétienne . Secondement, parce qu'il n'y eut jamais personne
plus ennemi du mensonge que ce saint , surtout en matière de
religion, ayant établi par des livres entiers, non -seulement qu'il
n'est jamais permis de mentir , mais que c'est un crime horrible
de le faire , sous prétexte d'attirer plus facilement les bommes à
la foi.
Et c'est ce qui doit causer un extrême étonnement de voir que
les hérétiques de ce temps, qui regardent saint Augustin comme
un homme très-éclairé et très- sincère , n'aient pas considéré que
la manière dont ils parlent de l'invocation des saints et de la vé.
nération des reliques , comme d'un culte superstitieux et qui
tient de l'idolâtrie , va à la ruine de toute la religion : car il est
visible que c'est lui ôter un de ses plus solides fondements que
d'ôter aux vrais miracles l'autorité qu'ils doivent avoir pour la
confirmation de la vérité ; et il est clair que c'est détruire entiè
rement cette autorité des miracles que de dire que Dieu en fasse
pour récompenser un culte superstitieux et idolâtre. Or , c'est
proprement ce que les hérétiques font , en traitant, d'une part,
le culte que les catholiques rendent aux saints et à leurs reli
ques , d'une superstition criminelle , et ne pouvant nier, de l'autre,
que les plus grands amis de Dieu , tel qu'a été saint Augustin ,
par leur propre confession , ne nous aient assuré que Dieu a guéri
des maux incurables , illuminé des aveugles et ressuscité des
morts pour récompenser la dévotion de ceux qui invoquaient les
saints et révéraient leurs reliques.
En vérité , cette seule considération devrait faire reconnaitre à
tout homme de bon sens la fausseté de la religion prétendue ré
formée .
Je me suis un peu étendu sur cet exemple célèbre du jugement
QUATRIÈME PARTIE . 383
qu'on doit faire de la vériié des faits, pour servir de règle dans
les rencontres semblables, parce qu'on s'y égare de la même
sorte. Chacun croit que c'est assez pour les décider de faire un
lieu commun, qui n'est souvent composé que de maximes, les
quelles, non-seulement ne sont pas universellement vraies, mais
qui ne sont pas même probables, lorsqu'elles sont jointes avec
les circonstances particulières des faits que l'on examine. Il faut
joindre les circonstances et non les séparer, parce qu'il arrive
souvent qu'un fait qui est peu probable selon une seule circon
stance , qui est ordinairement une marque de fausseté, doit être
estimé certain selon d'autres circonstances ; et, qu'au contraire,
un fait qui nous paraîtrait vrai selon une certaine circonstance,
qui est d'ordinaire jointe avec la vérité, doit être jugé faux selon
d'autres qui affaiblissent celle-là , comme on l'expliquera dans
le chapitre suivant.
CHAPITRE XV.
Autre remarque sur le sujet de la croyance des événements.
CHAPITRE XVI.
Du jugement que l'on doit faire des accidents futurs.
Ces règles qui servent à juger des faits passés, peuvent faci
lement s'appliquer aux faits à venir : car, comme l'on doit croire
probablement qu'un fait est arrivé, lorsque les circonstances
certaines que l'on connaît sont ordinairement jointes avec ce
fait, on doit croire aussi problablement qu'il arrivera, lorsque les
circonstances présentes sont telles, qu'elles sont ordinairement
suivies d'un tel effet. C'est ainsi que les médecins peuvent juger
du bon ou du mauvais succès des maladies, les capitaines, des
événements futurs d'une guerre, et que l'on juge dans le monde
de la plupart de affaires contingentes.
Mais , à l'égard des accidents où l'on a quelque part, et que
l'on peutou procurer ou empêcher en quelque sorte par sessoins
en s'y exposant ou en les évitant, il arrive à bien des gens de
tomber dans une illusion qui est d'autant plus trompeuse qu'elle
leur parait plus raisonnable. C'est qu'ils de regardent que la
grandeur et la conséquence de l'avantage qu'ils souhaitent, ou de
388 LOGIQUE .
FIN DE LA LOGIQUE .
TABLE .
Notice sur les travaux philosophiques d'Antoine Arnauld .......... 1
PREMIÈRE PARTIE .
Contenant les réflexions sur les idées ou sur la première action
de l'esprit qui s'appelle concevoir.
CHAP . I. Des idées selon leur nature et leur origine.. 33
II . Des idées considérées selon leurs objets.. 41
III. Des dix catégories d'Aristote ... 45
IV . Des idées des choses et des idées des signes .... 48
V. Des idées considérées selon leur composition ou sim
plicité, et où il est parlé de la manière de connaitre
par abstraction ou précision .... 51
- VI. Des idées considérées selon leur généralité , parti
cularité et singularité ... 54
VII. Des cinq sortes d'idées universelles, genres, espèces ,
différences, propres, accidents .... 56
VIII. Des termes complexes et de leur universalité ou par
ticularité ..... 62
IX . De la clarté et distinction des idées et de leur obscu
rité et confusion .... 68
-
DEUXIÈME PARTIE .
TROISIÈME PARTIE .
Du raisonnement.
QUATRIÈME PARTIE.
De la méthode.
FIN DE LA TABLR .
LIVRES CLASSIQUES
A L'USAGE
1° DE L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE
PARIS
LIBRAIRIE HACHETTE ET Cie
79, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 19
Octobre 1875
TABLE DES MATIÈRES
Pages
Ba
10 Pédagogie ; Législation de l'instruction publique. ,
...... 3
1
20 Programmes et Manuels pour divers examens, .. 3 Br
30 Étude de la langue française . 4
4 ° Géographie.... Co
5° Mythologie, Histoire et Chronologie .
60 Philosophie et Économie politique .. Jor
70 Sciences et Arts .
§ 1. Arithmétique et applications diverses..... 10
§ 2. Géométrie ; Arpeniage ; Dessin d'imitation . .. 11
3. Algèbre ; Application de l'Algèbre à la Géométrie ; Géomé
trie analytique , Géométrie descriptive ; Trigonomélrie . 12
§ 4. Mécanique.... 12
§ 5. Astronomie , Cosmographie . 13
§ 6. Physique ; Chimie... 13 Mé
§ 7. Histoire naturelle .. 14
14 3
§ 8. Ouvrages divers .
80 Étude de la langue laline .... 14
go Étude de la langue grecque ancienne.. 18 tit
9
100 Élude des langues vivantes .
Langue allemande .... 21 el
pa
Langue anglaise.. 23 tar
Langue italienne . 24
Langue espagnole .
24 со
éc
va
ter
Cournot. DosFrance.
institutions Prévost- Paradol. Du rôle de la famille
publique en In - 8 . d'instruction
7 fr. 50 c. dans l'éducation . In-8 , broché . 2 fr . 50 c.
| Jourdain . Le budget de l'instruction pu Simon (Jules) . La réforme de l'enseigne
blique el des Sablissements scientifiques ment secondaire , In- 12 , br. 3 fr . 50 c.
2 ° PROGRAMMES ET MANUELS
POUR DIVERS EXAMENS
mie française. Nouvelle grammaire fran Voltaire : Histoire de Charles XII ( Bro
çaise, fondée sur l'histoire de la langue ; chard - Dauteu ille). 1 fr . 60 c.
i 3e édition revue. In-12, cart. i fr . 50 c . Siècle de Louis XIV (Garnier ), 2 fr. 75
Voir Dussouchet pour les exercices ; Théâtre choisi (Geruzez). 2 fr . 50 c.
morceaux choisis des écrivanis dú
XVIe siècle . Classiques français .Nouvelle collection
format petit in - 16, publiée avec des notices,
Chapsal. Modèles de littérature fran . des arguments analytiques et des notes,
çaise , ou morceaux choisis en prose et en par les auteurs dont les noms sont india
vers des meilleurs écrivains , depuis le qués entre parenthèses :
xvie siècle jusqu'à nos jours, avec des Ces éditions se recommandent par la pureté du
notices biographiques et littéraires ; nouv. texte , la concision des notes, la commodité du
edit. 2 vol. in - 12 ,cart. % fr , format et l'élégance du cartonnage.
ÉTUDE DE LA LANGUE FRANÇAISE. 5
Boileau : (Euvres poétiques ( Geruzez ). Voir Beaujean, abrégé du dictionnaire.
Prix . 1 fr . 50 c. Merlet , professeurde rhétorique au lycée
Buffon . Discours sur le style. 30 C. Louis - le -Grand. Études littéraires sur
Fénelon : Fables (A. Regnier ). 75 c. les classiques français de la rhétorique et
Sermon pour la fête de l'Épiphanie du baccalauréat és lettres. 1 volume
( G. Merlet). 60 C. in-12, broché .
Florian : Fables (Geruzez). 75 c. Méthode uniforme pour l'enseigne
La Fontaine : Fables ( E. Geruzez ). 1 fr. 60 ment des langues , par M. E.S mer ,
Lamartine : Morceaux choisis . 2 fr .
agrégé des classes supérieures, docteur ès
l'héâtre classique ( A. Regnier). 3 fr . lettres :
D'autres auteurs sont en préparation. Abrégé de grammaire française ,à l'usage
Demogeot, agrégé de la faculté des let- des classes préparatoires des lycées et
tres de Paris . Histoire de la littérature colléges. In-12, cart. 75 c.
française depuis ses origines jusqu'à nos Questionnaire sur l’abrégé de grammaire
jours; 14e édition, 1 vol. in-12, 4 fr . française. In- 12 , cart. 40 c.
Textes classiques de la littérature fran . Exercices sur l’abrégé de grammaire
çaise, extraits des grands écrivains fran française . In-12 , cart . 75 c.
çais, avec notices, appréciations et notes, Corrigé desdits exercices. In-12 . 1 fr .
recueil servant de complément à l'histoire
de la littérature française. 2 vol. in50- 12, Exercices sur l'analyse grammaticale et
cartonnés . 4 fr . c. sur l'analyse logique. În -12, cart. 1 fr.
Dussouchet, agrégédegrammaire. Exer Corrigé des exercices sur l'analyse gram
maticale . In- 12 . 2 fr .
cices sur la nouvelle gramı aire fran
çaise de M. Brachet . 1 volume in- 12 , Corrigé des exercices sur l'analyse logi.
cartonné . que. In-12 . 1 fr. 50 c.
Cours complet de grammaire française,
Fénelon. Morceaux choisis, à l'usage des à l'usage des établissements d'instruc
classes de septième, publié par M. Ad . tion secondaire. In-8 , cart. 1 fr . 50 c.
Regnier. In-18 , cart. 80 c.
Exercices sur le cours complet de gram
Filon (A.), inspecteur honoraire de l'Aca maire française. In-8, cart. i fr. 50 c.
démie de Paris. Elements de rhétorique Corrigé des exercices , In - 8 , br. 2 fr .
française. 8e édit. In- 12 , cart . 2 fr . 50 c. Voir pages 16 et 20, pour les langues latine et
- Nouvelles narrations françaises, avec les grecque.
arguments: précédées d'exercicescourts et Morceaux choisis des grands écri.
faciles, à l'usage des élèves qui veulent se vains français du seizième siècle ,
former à l'art d'écrire; 12e édition. In- 12 , accompagnés d'une grammaire et d'un dic
broché. 3 fr . 50 c. tionnaire de la langue du xvie siècle, par
Lafaye. Dictionnaire des synonymes de la M. Aug. Brachet . In- 12, cart. 3 fr. 50 c.
langue française. Ouvrage qui a obtenu Pellissier, professeur à Sainte - Barbe.
de l'Institut le prix de linguistique en Morceaux choisis des classiques français,
1843 et en 1858 ; 3e édition suivie d'un en prose et en vers . Recueils composés
supplément. 1 vol. gr . in- 8 de 1500 pages, d'après les programmes officiels des
broché. 23 fr. lycées, à l'usage des classes de grammaire
Le cartonnage en percaline gaufrée se paye en sus et d'humanités, 6 vol. in- 12, cartonnés :
2 fr. 76 c.; la demi-reliure en chagrin, 4 fr.50 . Classe de Sixième, i vol i fr.
La Fontaine. Choix de fables, avec une Classe de Cinquième, 1 vol. • 1 fr .
notice biographique et des notes tirées de Classe de Quatrième, 1 vol. 1 fr .
l'édition classique publiée par M. Geruzez. Classe de Troisième, 1 vol. 2 fr .
In-12, cart. 1 fr .
Classe de Seconde, 1 vol. 2 fr .
Littré (E. ). Dictionnaire dela langue fran Classe de Rhétorique, 1 vol. 2 fr .
çaise contenant la nomenclature la plus
étendue, la prononciation et les difficultés -
- Premiers principes de style et de compo
grammaticales, la signification des mots sition . I vol. iu- 12 , cart. 50
1 fr . c.
avec de l'histoire
nombreuxdesexemples, et les syno - Sujetset modèles de compositions fran
.nymes, mots, depuis les pre- çaises destinés à servir d'application aux
miers temps de la langue française jusqu'au Premiers principes de style. 1 vol. in - 12,
cartonné . 1 fr 50 c.
seizième siècle, et l'étymologie comparée.
4 vol. gr. in - 4 à 3 colonnes, br. 100 fr. - Principes de rhétorique française. Ivol.
La reliure en derni- chagrin se paye en sus 20 fr. in-12, cart. 2 fr . 50 C.
6 ÉTUDE DE LA LANGUE FRANÇAISE .
- Sujets et modèles de compositions fran- vains ; 30 l'explication des principaux ho
çaises destinés à servir d'application aux monymes français. In - 18 , cart. 1 fr. 80 c .
Principes de rhétorique. 1 vol. in - 12 , car- - Manuel de Part épistolaire , 4e édition.
tonné . 2 fr . 50 c . 2 vol. gr. in-18 , br. 3 fr , 25 c.
Poitevin. Etude méthodique et raisonnée Manuel de style , ou préceptes et exercices
des homonymes et des paronymes fran sur l'art de composer et d'écrire en frau
çais : 10e édition. 2 vol . in - 12 . çais ; 7e édition. 2 vol. gr. in -18, br. 3 fr .
Ecercices. 1 vol. 1 fr . 50 c . Voir Méthode uniforme pour l'enseignement
Corrigé des exercices. 1 vol . 2 fr . des langues, pages 8 , 16, 20 , 22, 23 et 24 .
4° GÉOGRAPHIE
7° SCIENCES ET ARTS
1. Arithmétique et applications diverses.
Bertrand (Joseph ). Traité d'arithméti logarithmes des nombres de 1 à 100 000,
que ; 4e édition conforme aux derniers les logarithmes des sinus et des tangentes
programmes. In-8 . 4 fr . des arcs , calculés dans la supposition de
R = 1 de seconde en seconde pour les
Bourget, directeur de l'Ecole préparatoire cinq premiers degrés, et de dix secondes
de Sainte-Barbe, et Housel, licencié és
sciences Traitéd'arithmétique, à l'usage en dix secondes pour tous les degrés de
quart de cercle, et quelques tables usuel
des aspirants aux écoles du gouvernement. les. 1 vol. grand in-8 , cart. 10 fr.
1 vol . petit in - 8 . 3 fr .
Cirodde ( P.-L.). Leçons d'arithmétique ; - Tables de logarithmes à cinq décimales,
23e édition , revue par MM . Alfred et d'après J. de Lalande. Éditionstéréotype,
Ernest Cirodde. In-8 , broché . 4 fr . disposée à double entrée et contenant les
logarithmes des nombres de 1 à 10 00g
Degranges ( Edmond). Arithmétique com ceux des sinus et des tangentes des arcs,
merciale et pratique. 9e édit . In -8 , br . 5 fr. calcules de mivute en minute , dans la sup
La tenue des livres . 29e édit . In -8 . 5 fr .
Traitéde comptabilité agricole. In-8.5 fr.
position de R = 1, et un très-grand com
bre de tables usuelles, 1 vol. in -18, car
- Petit traité de comptabilité agricole, tonné . 2 fr.506
2e édition . In-8 . 3 fr .
Hoefer. Histoire des mathématiques. 1 vol.
Dupuis , proviseur du lycée de Bourges . 111-12, br. 4 fr.
Tables de logarithmes à sept déci -
males , d'après Callet , Vega , Bremi- Pichot , professeur au lycée Louis -le
ker, etc. Edition stéréotype contenant les Grand: Arithmétique élémentaire, rédi- 1
SCIENCES ET ARTS . 11
gée conformément aux programmes de aux machines, à la mécanique générale, à
1874, pour l'enseignement de l'arithmé- la mécanique des gaz , à la navigation ,
tique dans les classes de lettres. I vol . aus ombres, à la perspective , à la popu
in-12, cart. 2 fr . lation , aux probabi ités , aux questions de
bourse , à la topographie, aux travaux pu
Sonnet, docteur ès sciences. Problèmes et blics , aux voies de communications, etc. ,
exercices d'arithmétique et d'algèbre sur etc., et l'explication d'un grand nombre
les principales questions relatives .au de termes techniques usités dans les ap
commerce, à la banque, aux fonds publics, plications . 1 vol. grand in- 8 d'environ
aux établissements de prévoyance, à l'in 1500 pages contenant 1920 figures inter
dustrie , aux sciences appliquées, etc. calées dans le texte , broché. 30 fr .
2 vol . in - 8 , br. 5 fr . Le cartonnage se paye en sus 2 fr. 75 ; la demi
reliure en chagrin , 4 fr. 50.
Dictionnaire des mathématiques appli
quées, comprenant les principales applica- Tarnier, docteur ès sciences . Eléments
tions des mathématiques : à l'architecture, d'arithmétique théorique et pratique, à
à l'arithmétique commerciale , à l'arpen- l'usage des classes de mathématiques élé
tåge, à l'artillerie , aux assurances, à la mentaires. 8e édition . In -8 , br . 4 fr.
balistique, à la banque, à la charpente, - Nouvelle théorie des logarithmes, rédi
aux chemins de fer, à la cinèmatique, à la gée conformément aux nouveaux program
construction navale, à la cosmographie, à nies d'enseignement. In-8 , br. 2 fr .
la coupe des pierres, au dessin linéaire ,
aux établissements de prévoyance , à la Tombeck (H.-E.), professeur de mathé
fortification, à la géodésie, à la géogra- matiques au lycée Fontanes . Traité
phie, à la géométrie descriptive, à l'hor- d'arithmétique, à l'usage des classes de
logerie, à l'hydraulique, à l'hydrostatique, seiences des lycées. 1 vol. in-8, br. 4 fr.
12 SCIENCES ET ARTS .
§ 4. Mécanique.
§ 5. Astronomie, Cosmographie.
Faye, inspecteur général de l'instruction que dans les lycées; 2e édition. 1 vol. in -8,
publique .Leçonsde cosmographie; 2 édi avec 207 figures et 2 planches, br. 6 fr .
tion. In - 8, avec planches. 6 fr .
Cosmographie élémentaire, rédigée con
Hoefer. Histoire de l'astronomie ; 1 vo formément aux programmes de 1874, pour
lume in- 12 , br. 4 fr . l'enseignement de la cosmographie dans
les classes de lettres. 1 vol. in - 12, avec
Pichot. Traité élémentaire de cosmogru 147 figures, cart. 2 fr . 50 c.
phie rédigé conformément aux derniers Tombeck . Cours de cosmographie. 1 vol.
programmes de l'enseignement scientif in - 8 avec figures, br . 3 fr . 50 c.
$ 6. Physique, Chimie .
Boutet de Monvel, professeur de phy- | dans les classes de lettres. 1 vol . in- 12,
sique et de chimie au lycée Charlemagne. avec 100 figures dans le texte, br. 2 fr .
Cours de physique à l'usage des classesde Payen , membre de l'Institut. Précis de
mathéniatiques élémentaires dans les ly chimie industrielle ; 5e édition, revue et
cées. 1 très -fort vol. in -12, avec des fi augmentée , 2 vol. in - 8 de texte et 1 vol. de
gures dans le texte, broché. 7 fr . planches, br. 25 fr .
-ses
Notions de physique
d'humani à l'usage
tés; ge edition des clas
. Ivol.in -12, Privat-Deschanel,,;proviseur du lycée
avec de nombreuses figures dans le de Vanves. Traité élémentaire de physi
texte , broché. 3 fr . 50 c. que. 1 vol. grand in - 8, avec 719 fig . in
tercalées dans le texte et de 3 planches en
Cours de chimie à l'usage des classes de couleur tirées à part, br. 10 fr .
mathématiques élémentaires dans les ly Privat - Deschanel et Pichot . Notions
cées ; 7e édition . 1 vol. in- 12 , avec de nom
breuses figures dans le texte, br. 5 fr : élémentaires de physique, rédigées con
Notions de chimie à l'usage des classes formément aux programmes de 1874 pour
d'humanités; 10e édit. 1 vol. in - 12 , avec l'enseignement de la pbysique dans les
classes de lettres. I vol. in- 12 avec 719 fi
des figures dans le texte . Prix : 2 fr . 50 c. gures dans le texte, broché. 5 fr .
Dehérain , docteur ès sciences. Cours de Wurtz , membre de l'Institut . Dictionnaire
chimie agricole, professé à l'Ecole d'a
griculture de Grignon. 1 fort vol. grand de chimie pure et appliquée, comprenant:
10 fr . la chimie organique et inorganique, la
in -8, avec figures dans le texte. chimie appliquée à l'industrie, à l'agricul
Hoefer (F.). Histoire de la physique et de ture et aux arts, la chimie analytique, la
la chimie . 1 vol . in- 12 , br. 4 fr . chimie physique et la mineralogie.2 vol.
grand in -8 .
Lechat , professeur au lycée Louis- le L'ouvrage parait par fascicules de 10 feuilles, du
Grand. Notions élémentaires de chimie, prix de 3 fr. 50. Les vingt premiers fasci
rédigées conformément aux programmes cules sont en vente. Il n'en reste plus en
de 1874, pour l'enseignement de la chimie viron que quatre å paraitre.
14 SCIENCES ET ARTS.
§ 7. Histoire naturelle.
Baillon , professeur à Faculté de méde- dans le texte et de trois planches en cou
cine de Paris. Histoire des plantes. L'ou- leur. 1 vol . in- 8 , br. 8 fr .
vrage formera environ 8 vol. graud in-8 , - Cours élémentaire d'histoire naturelle ,
contenant 4000 fig . sur bois intercalées rédigé conformément auk programmes de
dans le texte. Les 5 premiers volumes 1874 , pour l'enseignement de l'histoire
sont en vente . Chaqlle volume . 23 fr .
naturelle dans les classes de lettres . 3 vol .
Delafosse, professeur au Muséum d'his. in -12, avec de nombreuses figures inter
calées dans le texte :
toire naturelle de Paris. Précis élémen
taire d'histoire naturelle ; 11e édition. Zoologie (340 fig .). 1 vol. S ..
1 vol . 10-12 , avec 368 figures intercalées
dans le texte . 6 fr. Botanique ( sous presse).
Géologie ( 134 figures). 1 fr . 50
Gervais ( Paul ), membre de l'Institut. Elé
ments de zoologie, comprenant l'anatomie, Hoefer ( F. ). Histoire de la botaniqué, de
la physiologie , la classilication et l'histoire la minéralogie et de la géologie. 1 vol.
naturelle des animaux . Deuxième édition , in- 12 , br. , , 4 fr .
accompagnée de 567 figures intercalées Histoire de la soologie. In-12, br. 4 ft .
§ 8. Ouvrages divers.
Bouillet . Dictionnaire universel des Menu de Saint-Mesmin (E.). Problèmes
sciences, des lettres et des arts, conte- de mathémutiques et de physique, dome
nant, pour les sciences : 10 les sciences dans les facultés des sciences, pour 1 :
métaphysiques et morales; 20 les sciences exameus du baccalauréat és sciences are
mathématiques; 30 les sciences physiques les solutions raisouuées ; 3e éditio :.
et les sciences naturelles ; 40 les sciences 1 vol . in- 8 , avec figures. br. 7 fr . 50
médicales ; 50 les sciences occultes ;-pour
les lettres : 1 ° la grammaire; 20 la rhétori- Soubeiran (Dr), professeur à l'Ecole de
que ; 30 la poétique ; 40 les études histori- pharnacie. Hygiène élémentaire, répo:
ques ; -- pour les arts : 10 les beaux -arts; dant aux programmes des lycées et des
20 les arts utiles. 1 vol.grand i11.8 . 21 fr . écoles normales primaires. 1 volume in - 1 :,
Le cartonnage se paye en sus 2 fr . 75 c. broché. fr . 50 c .
2 ° LANGUE ANGLAISE
Addison . Beautés. Texte anglais. 1 vol. M. A. Beljame, 1 vol. petit in - 16 , car
petit in - 16, cartonné. 3 fr . tonné. 1 fr . 80 Co
Aikin et Barbauld . Evenings at home. Goldsmith . Le vicaire de Wakefield .
Texte anglais. A vol . in -16. cart. 2 fr. 50 c. Texte anglais, publié avec des notes, par
Beljame ( A.), professeur d'anglais au M. A. Beljame. 1 vol. petit in- 16.1 fr. 50 O.
lycée Louis -le -Grand. Exercices oraux Le même ouvrage , traduction française
de langue anglaise ; 3e édit. 1 vol. in -12, de M. Forgues, avec le texte en regard.
oart. 1 fr . 50 c. In- 12 , br . 4 fr .
Première année d'anglais , exercices -
Essais choisis. Texte anglais, annoté par
gradues et pratiques sur la prononcia M. Mac- Enery, professeur au lycée Fon
tiop , la conversation et la grammaire. tanes. 1 vol . petit in- 16, cart. i fr . 50 c.
1 vol. in- 12 , cart. 1 fr . 25 c . Gousseau et Koch . La classe en anglais .
Deuxième année d'anglais. In 12.1 f. 50c. Nouveaux dialogues , à l'usage des lycées
Cours pratique de prononciation an et des colléges ,accompagnés d'un vocabu
glaise, avec 200 exercices gradués sur laire des mots les plus usuels. 1 volume
la prononciation, l'accentuation, les homo petit in-16, cart. 1 fr . 25. Ce
nymes, etc. 1 vol. in-8, cart . 3 fr . Jours ( Les) de classe de Tom Brown.
Byron . Beautés. Texte anglais. 1 volume Texte anglais, édition originale. 1 vol.
in-16, cartonné. 3 fr . petit in- 16, cartonné. 2 fr . 50 c .
Day . Sandford et Merton . Texte anglais. Irwing ( Washington ). The Sketch book.
Texte anglais, édition classique. 1 volume
1 vol . petit in.16 , cartonné. 2 fr . 50 c.
in - 12, cartonué. 2 fr . 50 c.
Edgeworth (Miss). Frank . Texte anglais.
1 vol . petit in -16 , cartonné . 1 fr . 50 c. Macaulay. Morceaux choisis des essais.
Contes choisis, annotés par M. Mothere, Texte anglais, publié avec des analyses et
professeur au lycée Charlemagne, 1 vol. des notes en français par M. A. Beljame.
petit in -16, cartonné. 2 fr . 1 vol . in- 16 , cart. 2 fr . 50 C.
Forester. Texte anglais , annoté par Le même ouvrage, traduction française de
M. A. Beljame. Petit in- 16 . 1 fr . 50 c. M. Aug. Beljame. In-12 . 4 fr . 50 c .
Le même ouvrage, traduction française - Morceaux choisis de l'histoire d'Angle
de M. Beljame, avec le texte . In-12 . 3 fr. terre et des chants de l'ancienne Rome,
Eichhoff. Cours de versions anglaises à publiés et annotés par M. Battier . 1 vol .
l'usage des classes de grammaire, étude petit in-16, cart . 2 fr. 50 c.
préparatoire aux Morceaux choisis du Milton . Paradis perdu. livres I et II.
même auteur. 1 vol . in- 12 , cart. 2 fr . Texte anglais , publié avec une notice sur
Morceaux choisis en prose et en vers des Milton , et des notes par M. A. Beljame.
classiques anglais. 3 vol. in-12 , cart. : 4 vol. petit in- 16, cartonné. 90 C.
Ier vol.: Cours de troisième . 1 fr . 50 c. Le même ouvrage, traduction juxtali
Ile vol. : Cours de seconde . 2 fr . 50 c. néaire, par M. Legrand. In- 12 . 2 fr.50 c .
II le vol. : Cours de rhétorique . 3 fr . Euvres poétiques. T'exte anglais. 1 vol .
Cours de thèmes anglais, précédés d'un in - 12, cartonné. 3 fr .
résumé de grammaire. 1 vol . in- 12, cart . 2f. Pope. Essai sur la critique. Texte anglais
Fleming. Abrégé de grammaire anglaise. annoté par M. Motheré. 1 volume petit
1 vol . in -12 , cart. 1 fr . 25 c. in- 16, cartonné. 75 e.
Exercices sur l'abrégé de grammaire Le même ouvrage, traduction française,
anglaise. In-12, cart . 1 fr . 25 c. par M. Mothéré , avec le texte. Iu -12. »
Corrigé desdits . In-12. A fr. 50 c. Le même ouvrage , traduction juxtali
Cours complet de grammaire anglaise . néaire, par M. Mothéré , In -12 br. »
In -8 , cart . 3 fr .
Shakespeare. Coriolan . Texte anglais,
- Exercices sur le cours complet de gram- publié avec des notes, par M. Fleming,
maire anglaise, par M. Aug. Beljame. 1 vol . in- 12 , cart. 2 fr .
In -8 , cart. 3 fr . Le même ouvrage , traduction juxtali
Foë ( Daniel de) . Vie et aventures de Ro- néaire 1 vol. in- 12 , broché . 6 fr .
binson Crusoé. Texte anglais, anuoté par Jules César , tragédie . Texte anglais,
24 ÉTUDE DES LANGUÈS VIVANTES.
publié avec une notice et des notes , par - Abrégé de grammaire anglaise, à l'usage
M. Fleming. 1 vol. petit in - 16. 1 fr. 25 c. des enfants. In -12 . 2 fr . 50 C.
Macbeth . Texte anglais, annoté par - Etude raisonnée de la langue anglaise.
M. O'Sullivan, In- 16 . 1 fr. In- 12 . 3 fr . 50 c.
Le même ouvrage, traduction juxta Versions anglaises. In-12,
linéaire, par M. Angellier. In - 12. » 2 fr ,
Richard III. Texte anglais, annoté par Walter Scott . Extraits des contes d'un
M. O'Sullivan . In- 16 . 1 fr.
grand -père. Texte anglais, publié par
Sheridan . The School for scandal. L'é- M. Talandier, ancien professeur au lycée
cole de la médisance. Texte anglais, avec Henri IV . Petit in -16, cart . 1 fr. 50 c.
notes, par M. Spiers. In-18 , br. 1 fr . - Cours de thèmes anglais. In-12 , 1 fr . 50 C.
Spiers. Grammaire raisonnée de la langue Morceaux choisis, publiés par M. Battier,
anglaise et cours de thèmes. In - 12, professeur au lycée Saint-Louis. 1 volume
broché, 2 fr . 50 c . petit in- 16 , cartonné. 3 fr .
3° LANGUE ITALIENNE
Dante. L'Enfer, 1er chant. Texte italien, Morceaux choisis en prose et en vers des
annoté par M. Melzi. Petit in-16 . 75 c . classiques italiens, par M. Louis Ferri.
Le même ouvrage , traduction juxta 1 vol. petit in -16, cart. 2 fr .
linéaire. In-12 , broché. 1 fr .
Paoli. Abrégé de grammaire italienne,
Machiavel Discours sur la première dé 1 vol . in- 12, cart. 1 fr. 25 c .
cade de l'ite - Live. Texte italien , réduit
à l'usage des classes, et précédé d'une Rapelli. Exercices sur l'abrégé de la
introduction en français, par M. de Tré grammaire italienne. 1 volume in-12 ,
cart. fr . 25 c .
verret, professeur de littérature étraugère
à la Faculté des lettres de Bordeaux , - Corrigé des exercices. In-12 . 1 fr. 50 c.
1 vol. in- 12, br. 2 fr . 50 c . Tasse. La Jérusalem délivrée. Texte ita
1
Manzoni. Les Fiancés. Texte italien , pré . lien , expurgé à l'usage des classes , et
cédé d'une introduction en français, par précédé d'une introduction en français,par
M. de Tréverret . 1 vol. in-12 . 2 fr . 50 c . M. de Tréverret . 1 vol.in- 12 . 2 fr . 50 c.
4° LANGUE ESPAGNOLE
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DATE DUE
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JUNI2/2003
AUG 2003
PRNTED IN USA
GAYLORD
COLUMBIA UNIVERSITY LIBRARIES
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62 0023710209
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1874
02762900
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