1 - (Remfo) NMP Et Pratiques Du Controle de Gestion
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1 - (Remfo) NMP Et Pratiques Du Controle de Gestion
Saifeddine ARBAOUI1
Enseignant-chercheur
Laboratoire de Recherche en Management et Développement
Université Hassan 1er de Settat
Email : saifeddine.arbaoui@uhp.ac.ma
Nadia JEMJAMI
Enseignant-chercheur
Laboratoire de Recherche en Management et Développement
Université Hassan 1er de Settat
Email : nadia.jemjami@uhp.ac.ma
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Auteur correspondant.
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REMFO N°15 décembre 2022 ISSN 2489-205X
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Résumé
Après plus de vingt ans de réformes, le secteur public au Maroc reste sujet à plusieurs
critiques. Le management public est synonyme d’inefficacité, d’inefficience et de mauvaise
gouvernance. Depuis les années 2010, les recherches remettant en question les apports du
Nouveau Management Public (NMP) dans l’amélioration du secteur public se sont
multipliées. Cet article présente une analyse critique et une réflexion sur la recherche
existante du Nouveau Management Public et ses implications pour le contrôle, la gouvernance
et la reddition des comptes des organisations publiques avec une mise en application dans le
contexte de l’université marocaine. La principale conclusion est que le modèle de contrôle du
NMP n’est pas adapté à toutes les organisations publiques et il pourrait même avoir des effets
pervers sur la gouvernance et la performance organisationnelles. Ainsi, à travers une étude
qualitative exploratoire, nous ouvrons le débat sur l’utilité de la transition vers un nouveau
modèle innovant de management public post-NMP et la nécessité de redéfinir la mission et le
modèle du contrôle de gestion dans un contexte public.
Abstract
After more than twenty years of reforms, the public sector in Morocco remains subject to
several criticisms. Public management is synonymous with ineffectiveness, inefficiency and
bad governance. Since the 2010s, research questioning the contributions of New Public
Management to improving the public sector has increased. This paper presents a critical
analysis and reflection on existing New Public Management research and its implications for
the control, governance and accountability of public sector organizations with application in
the context of Moroccan universities. The main conclusion is that the NPM control model is
not suitable for all public organizations and it could even have perverse effects on
organizational governance and performance. Thus, through a qualitative exploratory research,
we open the debate on the usefulness of the transition to a new innovative post-NPM public
management model and the need to redefine the mission and the management control model
in a public context.
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Introduction
Emprunté des pays anglo-saxons, le secteur public au Maroc a connu des mutations profondes
et une réorientation vers de nouvelles méthodes de travail, de management et de contrôle (a
business-like model) (Klenk et Reiter, 2019). Cette vague de réforme est connue sous le nom
de ‘reinventing government’ (Osborne et Gaebler, 1993) ou, encore, Nouveau Management
Public (NMP) (Pettigrew, 1997 ; Hood, 1995 ; Thompson et O’Connell Davidson, 1995 ;
Salais et Storper, 1993).
Toutefois, les résultats des réformes entreprises au Maroc, et dans plusieurs pays à travers le
monde (Allemagne, Pays-Bas, Italie, Japon, etc.) ont démontré l’insuffisance de cette
approche dans le pilotage de la performance publique. Les rapports annuels de la Cour des
Comptes et les rapports des commissions d’enquêtes parlementaires sont la preuve
incontestable de la mauvaise gouvernance des secteurs publics au Maroc. Malgré les
ressources importantes mobilisées dans le cadre des investissements publics, le secteur public
marocain est encore loin de la performance ou de l’impact escomptés.
Les secteurs sociaux, notamment l’enseignement et la santé, sont organisés en un régime à
double vitesse : un régime libéral-privé agile qui répond aux normes internationales de qualité
et satisfait, dans une large mesure, les exigences de ses clients ; et un régime public inefficace,
inefficient et qui reste ancré dans la lourdeur des procédures administratives et la gouvernance
bureaucratique. Les insuffisances du secteur public au Maroc soulèvent la crise de validité des
systèmes en vigueur.
Les réclamations des parties prenantes quant aux limites du modèle NMP sont soutenues par
des recherches menées dans différents pays et secteurs (Nefzaoui et Ferdoussi, 2020 ; Asiaei
et al., 2018 ; Moumene et Benhrimida, 2017 ; Hopper et Bui, 2016 ; Kerpershoek et al., 2014 ;
Speklé et Verbeeten, 2014 ; Cejudo, 2008 ; Amar et Berthier, 2007 ; De Bruijn et Van Helden,
2006 ; Anessi-Pessina et Steccolini, 2005). Toutefois, bien que la littérature en la matière soit
abondante, elle reste généralement descriptive et n’offre pas aux praticiens un cadre de
réflexion sur les bonnes pratiques à adopter ou les évolutions potentielles du modèle NMP.
Aussi, rares sont les recherches qui se sont penchées sur les insuffisances des modèles de
contrôle adoptés dans le cadre du NMP. Les questions relatives à la convenance et
l’adaptabilité d’un modèle de contrôle à une organisation sont primordiales étant donné que
l’absence d’un système de contrôle ou son inadéquation pourraient avoir de graves
conséquences sur la performance, la reddition des comptes et l’apprentissage organisationnel.
L’objectif de cet article est de mener une réflexion normative et critique sur le modèle de
management et de contrôle des organisations publiques. Notre cadre d’analyse s’est basé sur
le modèle de Hofstede (1981) et le modèle de Malmi et Brown (2008). Le modèle de Hofstede
est l’une des traditions de l’administration publique. Publié depuis plus de quarante ans, il
offre un cadre général d’analyse du système de contrôle des organisations publiques ou à but
non-lucratif. Malmi et Brown, quant à eux, ont proposé une réponse innovante qui a essayé de
réconcilier les dimensions normatives, politiques et culturelles du contrôle en proposant un
système de contrôle de gestion complet sous forme de ‘’package’’.
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Ainsi, le présent article est organisé comme suit : dans un premier temps, nous passerons une
revue critique du NMP au Maroc ; ensuite, nous présenterons les deux cadres conceptuels
d’analyse ainsi que leur implication et leur incidence sur le contrôle et la gouvernance ; dans
un second temps, à travers une étude qualitative exploratoire, nous examinerons la
complémentarité et l’applicabilité des deux modèles au contexte de l’université marocaine et,
enfin, nous discuterons les pistes de capitalisation des acquis du NMP et l’évolution vers un
nouveau modèle novateur de management public.
I. Le nouveau management public au Maroc : une revue critique
A partir des années 1980, la vague du Nouveau Management Public (NMP) s’est propagée
dans le monde entier et les réformes du secteur public ont commencé à se multiplier suivant
un effet domino. L’émergence du NMP a été motivée principalement par deux raisons :
premièrement, rendre les organisations publiques plus efficaces et plus efficientes dans la
fourniture des services rendus aux usagers-clients-citoyens et, deuxièmement, améliorer la
transparence et la reddition des comptes dans les processus administratifs. En réponse à ces
exigences, les organisations publiques sont tenues, d’une part, de développer une agilité dans
la détection et la correction des écarts en vue d’augmenter la productivité et améliorer la
qualité de service (Visser et Van der Togt, 2016 ; Frey et al., 2013 ; Piening, 2013) et, d’autre
part, de renforcer les mécanismes de contrôle et de reddition des comptes (Arbaoui et
Oubouali, 2020 ; Marty, 2011 ; Gangloff, 2009). Le NMP tend à rendre les organisations
publiques plus responsables de leurs performances et leurs réalisations et ambitionne de faire
passer la sphère publique, en général, d’une logique de bureaucratie wébérienne de « service
public » à une logique post-bureaucratique promouvant des valeurs d’efficience économique,
d’où le slogan ‘‘thatchérien’’ ‘Best Value for Money’ (Bovens et al., 2014 ; Pollitt et Hupe,
2011 ; Schillemans, 2008).
Pour atteindre ces objectifs, les organisations publiques ont tendance à devenir plus
« horizontales » et « responsables »2 (Provan et Kenis, 2008 ; Osborne, 2006 ; Hood, 1995).
Le qualificatif « horizontal » implique la dissociation des activités de prise de décision et
fixation des politiques de l’exécution des projets. La structure pyramidale de gestion
administrative et la forme de gouvernance hiérarchique sont remplacées par une structure
horizontale (ou en réseau) pour la fourniture des services publics en ayant recours à des
méthodes innovantes de gouvernance telles que la contractualisation, la gestion déléguée ou
encore les partenariats public-privé (Arbaoui et Oubouali, 2019). Le qualificatif
« responsable », quant à lui, renvoie à la doctrine managériale de responsabilisation des
managers et au principe constitutionnel de reddition des comptes. Les organisations publiques
sont tenues d’atteindre les objectifs fixés par les autorités politiques et justifier non seulement
de la régularité des actes de gestion publique mais aussi de l’efficacité et l’efficience de la
dépense publique ainsi que d’un usage rationnel des fonds publics (Arnaboldi et al., 2015 ;
Black, 2008 ; Verbeeten, 2008 ; Bevan et Hood, 2006).
Toutefois, le modèle NMP présente quelques insuffisances dans l’amélioration de l’efficacité
et de la reddition des comptes des organisations publiques. La première cause à l’origine de
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ces insuffisances est d’ordre conceptuel. La concentration sur les conditions de réussite de
l’efficacité des services rendus aux usagers-clients-citoyens peut induire une dégradation de la
cohérence politique des services publics et un abandon du cadre public dans lequel ils
s’insèrent (Pesqueux, 2006). La séparation radicale entre le niveau de conception des
politiques publiques et le niveau d’exécution des projets publics est susceptible de créer un
gap de connaissances dans le processus de prise de décision dû à l’absence des mécanismes de
développement de l’apprentissage organisationnel et de transfert d’expérience aux autorités
politiques. La seconde cause est d’ordre technique. Le NMP est fondé sur
l’institutionnalisation des pratiques de gestion issue de la sphère privée dans les organisations
publiques en vue de leur insuffler l’esprit d’entreprise et instaurer les principes de rationalité
économique dans leur fonctionnement. Cette institutionnalisation ne garantit cependant ni
l’automaticité ni la réussite de mise en œuvre de ces nouveaux outils de gestion. Cette
transformation des techniques de gestion des organisations publiques met en exergue la
question de faisabilité et d’adaptabilité des modèles idéals de gestion dans des secteurs pour
lesquels ils n’étaient pas prévus. Ainsi, une simple importation des méthodes ‘’du privé‘‘ dans
ces organisations serait certainement vouée à l‘échec. (Chatelain-Ponroy et Sponem, 2007).
Par ailleurs, les solutions traditionnelles du NMP conduisent à une quantification accrue des
indicateurs de performance des services publics et négligents la notion d’impact. Dans l’esprit
du NMP, le discours public valorise le passage d’une logique de moyens à une logique de
résultat. Or, l’objectif ultime de l’action publique n’est pas un résultat (output), mais un
impact (outcome), c’est-à-dire la création d’une externalité positive (Arbaoui, 2020 ; Bessire
et Fabre, 2011).
De manière plus générale, le contrôle de gestion cybernétique, inhérent au NMP, fait
apparaître des problèmes spécifiques à l’exécution des politiques publiques. Burlaud (2008) a
introduit le concept de la fonction de production « molle » : « cela signifie que la combinaison
des inputs n’est pas figée par une solution technique incontournable » (p. 10). Dans les
organisations publiques, il n’y a pas de modèle mathématique proposant une relation simple et
stable entre la consommation de ressources et la production. Massenet (1975) fait apparaître
la complexité comme une caractéristique intrinsèque et l’essence d’une organisation
publique : « […] il s'agit d'organisations pluridimensionnelles qui manient des systèmes de
valeur et des systèmes de mesures hétérogènes, dans lesquelles apparaissent des solutions de
continuité entre le niveau du contrôle général qui est politique et celui de la gestion, comme
entre la planification et la programmation » (p. 62). En effet, depuis les années 1950, la
littérature n’a cessé de soutenir l’adéquation des modèles cybernétiques de contrôle de gestion
aux processus de production standardisée et de remettre en question leur efficacité dans les
organisations publiques et les organisations à but non-lucratif (Lill et al., 2020 ; Upadhaya et
al., 2014 ; Neely, 2005 ; Neely et al., 1995 ; Roberts et Scapens, 1985 ; Pfeffer et Salancik,
1974 ; Anderson, 1968 ; Ridgway, 1956). Cela a conduit au développement d’une littérature
sur la ‘’manipulation des chiffres’’3 dans le secteur public (Speklé et Verbeeten, 2014 ;
Brodkin, 2011 ; van Thiel et Leeuw, 2002) qui met en évidence les dysfonctionnements et les
effets indésirables des modèles cybernétiques de contrôle de gestion. La quantification du
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Le schéma ci-dessous résume la démarche proposée par Hofstede pour le choix du modèle
adéquat de contrôle de gestion :
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Par la suite, Hofstede (1981, 1978) a regroupé ces six typologies de contrôle de gestion en
deux classes : des modèles cybernétiques et des modèles non-cybernétiques. Selon Malmi et
Brown (2008, p. 292), les modèles cybernétiques de contrôle de gestion présentent cinq
caractéristiques : « Premièrement, il existe des mesures qui permettent de quantifier un
phénomène, une activité ou un système sous-jacent. Deuxièmement, il existe des normes de
performance ou des objectifs à atteindre. Troisièmement, il existe un processus de rétroaction
qui permet de comparer le résultat des activités avec la norme. Cette analyse de variance issue
du retour d'expérience est le quatrième aspect des systèmes de contrôle cybernétique.
Cinquièmement, la capacité de modifier le comportement du système ou des activités sous-
jacentes ». Le contrôle routinier satisfait parfaitement ces critères de classification tandis que
le contrôle par expert et le contrôle par essais-erreurs n’en répondent que partiellement. Le
contrôle intuitif, par jugement et politique sont considérés comme des modèles non-
cybernétiques de contrôle de gestion. Ceci dit, Hofsetde (1981) ne considèrent pas les
modèles cybernétiques de contrôle comme parfaits ou immunisés.
Du moment où des personnes sont impliquées dans le processus du contrôle, leurs interactions
et communications peuvent induire ce qu’il a appelé un court-circuit psychologique. Ce risque
de déformation du modèle de contrôle choisi par l’organisation peut prendre quatre formes : le
changement des objectifs de contrôle au lieu du processus ; le changement des indicateurs de
mesure au lieu du processus ; la survenance d’interventions involontaires dans le processus ;
le désengagement total des personnes du système de contrôle. A travers ces comportements,
Hofstede (1981) soutient que le contrôle de gestion se dégrade en un pseudo-contrôle ou une
illusion de contrôle : le système ne correspond plus aux activités qu’il est censé piloter. La
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Cette approche normative de contrôle de gestion est rarement vérifiée dans les organisations
publiques. Pour Knoepefel et Varone (1999), le contrôle de gestion est utilisé dans la quête
d’une légitimation secondaire des politiques publiques « les politiques publiques recherchent
une légitimité secondaire, par la qualité de leurs prestations à l’attention des acteurs sociaux »
(p. 24). Les organisations publiques ont longtemps opté pour un contrôle des actions (règles et
procédures) (Verbeeten, 2008). Bien que le NMP ait introduit dans le secteur public plusieurs
outils de gestion longtemps réservés aux entreprises privées, la culture du service public qui
règnent dans les organisations publiques rend difficile l’adhésion à une approche normative
de contrôle de gestion. Malmi et Brown (2008) ont présenté le système de contrôle de gestion
dans les organisations publiques sous forme d’un package de trois composantes : le contrôle
par la culture, le contrôle normatif et le contrôle administratif.
Dans un éditorial célèbre de 2008, Malmi et Brown ont présenté une innovation
organisationnelle du contrôle de gestion dans les organisations publiques. Les deux
chercheurs ont mis en évidence la difficulté de distinction entre le système de contrôle de
gestion et le système d’information/de support de la décision « si l’on se concentre sur le
contrôle plutôt que sur le support de la décision, qu’est-ce que le système de contrôle de
gestion est supposé contrôlé ? Est-ce le comportement humain ou la production telle que les
flux financiers ou de matériel ; et à quel niveau, l’organisation, l’unité opérationnel, le
management ou individuel ? » (Malmi et Brown, 2008, p. 288). Cette difficulté de définition
de ce que c’est un système de contrôle de gestion rejoint la complexité et l’ambiguïté des
organisations publiques pour créer une divergence des objectifs de contrôle et un manque de
congruence dans l’interprétation de ses résultats. Ainsi, le système de contrôle de gestion
comme package tient compte des trois dimensions du contrôle dans une organisation
publique :
(1) Le contrôle par la culture : les valeurs, croyances et les normes sociales influencent le
comportement des employés ;
(2) Le contrôle administratif : renvoie aux systèmes qui dirigent le comportement des
employés par l’organisation des individus (design et structure organisationnels), la
surveillance et la responsabilisation des employés (gouvernance) ainsi qu’à travers le
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Université A 4 5 6 15
Université B 3 3 3 9
Université C 4 4 3 11
TOTAL 11 12 12 35
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Les entretiens ont duré entre 45 minutes et une heure et ils ont été retranscris intégralement
par nos soins. Après leur avoir présenté le modèle de Hofstede, les répondants se sont penchés
sur trois questions principales :
(1) Quel est le modèle de contrôle le plus adapté au contexte de l’université ?
(2) Quel est le modèle de contrôle appliqué actuellement à l’université ?
(3) Quelles sont les retombées du modèle actuel de contrôle sur les activités de
l’université ?
Nous nous sommes concentrés sur les activités d’enseignement et de recherche et nous avons
omis volontairement l’activité administrative. La codification et l’analyse ont été faites sur la
plateforme SATO de l’université du Québec à Montréal. Les principaux résultats sont les
suivants :
(1)Les répondants considèrent l’activité d’enseignement comme non-ambiguë qui peut être
évaluée à la fois par des mesures quantitatives et qualitatives raisonnables (taux
d’occupation des enseignants, nombre des inscrits, taux de réussite, taux d’insertion
professionnelle après n mois, le premier salaire moyen, etc.). Les impacts de l’intervention
du « management » ne sont pas connus dans la mesure où les enseignants disposent d’une
liberté académique dans l’organisation des cours et des évaluations. Enfin, ils considèrent
que l’enseignement est une activité non-répétitive. Bien que les descriptifs des modules et
les contenus des filières soient, plus au moins, stables d’année en année, l’environnement
global crée des situations d’apprentissage différentes et variées. Ainsi, ils préconisent le
contrôle intuitif comme modèle de contrôle de l’activité d’enseignement.
‘’L’activité d’enseignement peut être facilement mesurée et évaluée. Néanmoins, le caractère
unique de chaque séquence d’apprentissage et l’absence d’un management qui peut
intervenir pour redresser des situations anormales rendent le contrôle un peu délicat […]
dans ce cas, on se fie généralement à l’intuition des enseignants comme levier de contrôle’’
(Enseignant)
Concernant l’activité de recherche, le raisonnement est complètement à l’opposé. L’activité
est considérée ambigüe avec des indicateurs de mesure plutôt qualitatifs ayant trait à la
notion d’impact. L’impact de l’intervention du « management » n’est pas connu et les
projets de recherche sont, par définition, non-répétitifs. Dans cette perspective, les
répondants renvoient au contrôle politique comme moyen de pilotage et d’arbitrage de
l’efficacité de l’activité de recherche des universités.
‘’L’activité de recherche est délicate à gérer et à évaluer. Elle s’inscrit dans un cadre globale
d’évaluation des politiques publiques. Cette recherche crée-t-elle une valeur sociale ? Un
brevet ? Un remède à une problématique spécifique ? etc. l’évaluation de la recherche n’est
pas qu’en portant une casquette politique pour l’évaluation de l’activité de recherche dans
sa globalité’’ (Responsable universitaire)
(2)Le modèle de contrôle appliqué actuellement aux activités d’enseignement et de recherche
est un contrôle routinier. Il a vocation à apprécier la quantité des livrables plutôt que leur
qualité. Bien que des contrôles ponctuels par experts (lors des accréditations et des ré-
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Conclusion
Les cadres conceptuels de Hofstede (1981) et de Malmi et Brown (2008) s’avèrent utiles dans
l’analyse et l’appréciation des méthodes de travail, de management et de contrôle des
organisations publiques à l’ère du NMP. Tel que nous l’avons discuté, ces cadres conceptuels
permettent aux organisations publiques d’analyser et de concevoir elles-mêmes les modèles
de contrôle adéquats. La simple importation des outils du privé dans le secteur public et le
‘one size fit all’ dans la gouvernance et le management des organisations publiques ont
démontré leur échec. Une réflexion approfondie permet une plus grande cohérence entre les
objectifs stratégiques, les activités de l’organisation publique et son modèle de contrôle. Dans
une perspective plus large, ceci peut nous conduire vers une réflexion post-NMP et explorer
de nouvelles techniques de management innovant, de contrôle et de gouvernance évolutifs
allant au-delà du modèle dominant du NMP. La transition vers le modèle de la gouvernance
de la valeur publique est soumise à trois conditions.
Premièrement, l’autorégulation professionnelle. Les collaborateurs des organisations
publiques ne doivent pas se contenter de réfléchir, analyser et discuter l’état des lieux. S’ils
constatent une discordance entre l’activité de l’organisation et le modèle de contrôle, ils
doivent prendre des actions internes pour autoréguler leur activité. Les bureaucraties
professionnelles (justice, universités, hôpitaux, etc.) en sont un idéaltype.
Deuxièmement, l’amélioration de l’auto-reddition des comptes (internal accountability). Les
organisations publiques, de tous types, doivent veiller à l’amélioration du processus
d’apprentissage et du dispositif de contrôle interne. La conception du contrôle administratif
externe doit évoluer d’une logique de conformité légale à une logique de qualité des
mécanismes internes de régulation, de pilotage et d’évaluation. Ceci dit, il devient nécessaire
de mobiliser des concepts participatifs tels que des citoyens-clients-usagers au lieu
d’administrés, parties prenantes, co-création de valeur, démocratie interne, intrapreneuriat,
etc.
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La création de la valeur publique est impactée sans ambigüité par les aspects culturels de
l’organisation (Kelly et al., 2002).
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