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Marion Laval-Jeantet
Psychologue clinicienne
Enseignante en Sciences de l’art (universités Paris 1 et Paris 8)
Courriel : aoo@club-internet.fr
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1. L’auteur a développé la thématique de cet article dans deux livres à paraître : Voyage
en Iboga, éd. L’esprit frappeur, Paris, 2005, et Paroles de Tatayo, la révélation de
l’iboga, éd. L’Originel, Paris, 2005.
2. Cette assertion est celle de la tradition orale véhiculée par les nganga que j’ai croisé,
mais aussi par M. Okaba, anthropologue et linguiste Mitsogho.
Petit glossaire
Banzi : initié, littéralement en Tsogho « celui qui a éclos, qui est sorti de sa
coque, le libéré ». Vient de banzara « décortiquer l’amande ». Plus récem-
ment, en Punu, c’est celui qui « a trouvé la vérité ». Le banzi devient mvon
en Fang, mais plus généralement on l’appelle « enfant » du Bwiti.
Consulter : terme à prendre dans son acception africaine : « diagnostiquer
après divination », ou « voir dans le Bois ».
Corps de garde : lieu de culte du Bwiti, disposant au minimum de quatre
murs figurés par des branchages et d’un poteau central, il peut aller jusqu’à
la construction en dur, avec autels et antichambres. Ce terme a l’avantage
d’être compris de toutes les ethnies… On retrouve sinon ebanza en mitsogho,
mulébi en ypunu, nganza ou abègne en fang, etc.
Dikombo bokayé ! Dikumbo est le nom initiatique, bokayé, le premier et le
dernier soupir, le lien à Dieu dans la mort. On crie Bokayé ! pour imposer le
silence, le respect de l’esprit appelé. On peut traduire Dikombo bokayé par
« au nom du souffle ».
Disumba : désigne la femme ancêtre dans le Bwiti des Mitsogho. Le
Disumba est par extension la forme de Bwiti la plus mystique, souvent
qualifié de culte des ancêtres ou « voie de la mère ». C’est le culte qu’a choisi
l’ethnie fang pour concevoir un Bwiti syncrétique axé sur la notion de
révélation. L’iboga y est consommé en très grande quantité.
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du Gabon qui ont phagocyté les Apinji, et ont encore davantage formalisé
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6. Widerski S : La religion bouiti – NY, Ottawa, Toronto, éd. Legas, pages 685-687
(1989)
7. Ce qui est constamment rappelé parmi les bwitistes par le cri « Bokayé ! » et que René
Bureau traduit par « le dernier soupir », in Bokayé, page 40, L’Harmattan (1996)
8. Paroles du nganga Mukukue.
9. Le site www.f-i-a.org/ebando, par exemple, est produit par une association d’une
vingtaine de nganga gabonais.
10. Luto : Laboratoire universitaire de la tradition orale, Université Omar Bongo,
Libreville.
12. Paroles de Reghumu qu’on retrouve aussi dans René Bureau, page 135 (1996).
13. C20H26N2O : référence 4792 in The Merck Index, an encyclopedia of chemicals and
drugs – Rahsway NJ, Merck (1976).
15. Ibid.
16. C’est le terme qu’utilisent les nganga : quand une initiation est réussie à leurs yeux,
ils affirment, contents : « Il a bien vu, le banzi ! »
Bwitistes et après ?
Stanislaw Widerski rappelle, dans La poésie populaire et les chants
religieux du Gabon17, combien la mort est omniprésente au Gabon, et
jusqu’au seuil des maisons où il lui arrive de lire des « N’oublie pas la
17. Widerski S : Les chants funèbres, pages 78-94, Éd. de l’Université d’Ottawa (1981).
Car au sein du Bwiti, l’iboga se présente comme une entité qui n’ouvre
pas que sur son propre univers, qui ne capture pas, mais qui projette vers
le monde, qui ouvre vers l’invisible et rendrait médium. L’iboga y est
aussi considéré comme un objet thérapeutique à transmettre, le véhicule
d’un savoir universellement transmissible dont on peut s’approprier, et
de son appropriation, on grandit. Ce n’est pas la souffrance initiatique,
l’épreuve dépassée, qui est censée faire grandir, mais bien la récupération
d’une connaissance manquante.
Quelle en est alors la contrepartie malaisée à gérer ? Eh bien, les
nganga, après avoir parlé de morale, de tourments, de sorcellerie,
rappellent que l’initiation par le Bois est une transgression du caractère
a priori fondamentalement fermé aux autres mondes de notre incarnation
dans le monde d’ici-bas. Or, si pendant l’initiation il y a eu ouverture,
porosité entre le monde visible et le monde invisible, la fermeture qui suit
est loin d’être parfaite. Il est alors question d’apprendre (difficilement) à
la maîtriser.
Par ailleurs, les conséquences des visions sont parfois difficiles à
assumer. D’une part, l’état de conscience du banzi s’étant accru, il est
censé avoir plus de devoirs en retour. « On est plus conscient de ce qu’on
est censé faire, alors il faut le faire ; si on fait une bêtise, on sait qu’on va
le payer deux fois plus cher », affirme Pascal, initié au Bwiti Disumba.
D’autre part, d’étranges phénomènes peuvent s’ensuivre : les intuitions
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18. C’est ce que René Bureau qualifie « d’état de vision permanent », in Bokayé !, page
142 (1996).
Bibliographie
Barabe P : « La religion d’Eboga ou le bwiti des Fang » – In Médecine tropicale,
12(3) : 251-257 (1982)
Binet J : « Drogue et mystique, le bwiti des Fang » – In Diogène n° 86 (1974)
Birinda, prince de Boudiéguy des Echiras : La bible secrète des noirs selon le
Bouity – Paris, Éd. des Champs-Élysées (1952)
Bot Ba Njock HM : « Prééminences sociales et système politico-religieux dans
la société traditionnelle bulu et fang » – In Journal de la Société africaniste,
vol. XXX (II) (1960)
Bureau R : Bokayé ! Essai sur le bwiti Fang du Gabon – Paris, L’Harmattan
(1996)
Bureau R : La religion d’eboga – Thèse de l’université Paris V (1971)
Collectif : Alphabet scientifique des langues du Gabon – Libreville, Actes du
séminaire des experts, Laboratoire universitaire de la tradition orale (1989)
Collectif : « Drogues et remèdes » – In Ethnopsy n° 2, Les Empêcheurs de penser
en rond / Le Seuil (2001)
Fernandez JW : Bwiti : an ethnography of the religious imagination in Africa –
Princeton University Press (1982)
Fernandez JW : Iboga : l’expérience psychédélique et le travail des ancêtres –
Paris, L’Esprit frappeur (2000)
Gassita Jean-Noël : Propriétés pharmacologiques et indications thérapeutiques
de l’Ibogaïne – Libreville, Département de pharmacologie et de médecine
traditionnelle de la faculté de médecine (2000)
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