Neurolipidoses
Neurolipidoses
Neurolipidoses
Résumé
Classées parmi les maladies lysosomiales, les neurolipidoses, décrites pour la
plupart au début du siècle, restent l'une des pages les plus complexes des
maladies héréditaires du métabolisme. Les neurolipidoses ont en effet une
clinique variée, un dédale de voies biochimiques et d'embranchements
métaboliques, une enzymologie sophistiquée, et de plus, le défrichage de leur
génétique révèle une nouvelle dimension à cette complexité. La solidité du
diagnostic biochimique spécifique, la nécessité d'un conseil génétique une fois le
diagnostic confirmé, la possibilité d'effectuer un diagnostic anténatal dans la
plupart des cas et les perspectives thérapeutiques spécifiques qui se dessinent,
imposent au clinicien de reconnaître précocement les neurolipidoses, et
d'assurer à l'enfant une prise en charge actualisée.
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Pathogénie
Les lipides non dégradés s'accumulent surtout dans les tissus à faible
renouvellement cellulaire (macrophages, cerveau) qui thésaurisent plus
longtemps. Ainsi, le système nerveux est le tissu le plus souvent atteint car,
outre le fait que les neurones et les cellules gliales ne se renouvellent pas, c'est
aussi à son niveau que sont produits certains lipides complexes spécifiques de la
myéline.
Histologie [13]
diagnostic clinique. Les cellules de surcharge, sont des cellules d'aspect
spumeux, dérivées du système réticuloendothélial, boursouflées par une
multitude de vacuoles lysosomiales occupant la quasi-totalité du cytoplasme.
Selon la nature du matériel accumulé, la cellule de surcharge peut prendre un
aspect caractéristique, et l'on décrit des cellules de Gaucher, des histiocytes
bleu marine des maladies de Niemann-Pick. On peut retrouver des cellules de
surcharge dans tous les organes malades. Il est souvent plus facile de les
rechercher attentivement dans les tissus les plus accessibles par une ponction :
le foie et la moelle osseuse. Dans les neurolipidoses ne concernant que le
système nerveux, seule la biopsie cérébrale ou l'anatomie du cerveau permet de
mettre en évidence la surcharge dans les neurones, les cellules gliales ou les
cellules dérivées des histiocytes.
Biochimie
Génétique
Le plus souvent, les neurolipidoses sont dues à des mutations sur le gène
codant pour une enzyme lysosomiale. L'expression d'une mutation est modulée
par des facteurs extérieurs au gène muté, que ce soit d'autres gènes ou des
facteurs non génétiques, environnementaux par exemple. Ceci permet de
comprendre qu'une même combinaison de deux allèles mutés du gène de la
glucocérébrosidase puisse s'exprimer d'une façon aussi variée que par une
maladie de Gaucher de types 1, 2 ou 3.
Dans certaines maladies, la mutation n'est pas sur le gène de l'enzyme mais sur
celui de son activateur (GM2 activator, saposine B ou C, prosaposine).
Démarche diagnostique
Pour faire le diagnostic d'une neurolipidose, il faut d'abord avoir une orientation
clinique pour pouvoir cibler les études biochimiques. Lorsque la maladie
évoquée cliniquement est due à un déficit connu, l'étude de l'activité de
l'enzyme in vitro s'effectue sur le sérum, les leucocytes frais, les fibroblastes en
culture. Certaines maladies n'ont pas de déficit enzymatique identifié et leur
diagnostic repose sur la mise en évidence de la surcharge dans les fibroblastes
en culture (Niemann-Pick C). Trois difficultés peuvent être rencontrées :
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PRINCIPALES NEUROLIPIDOSES
Fréquence : 210 cas dans 175 familles reconnues en 15 ans à Lyon (Vanier,
communication personnelle), jusqu'à 1 % dans l'isolat acadien français de Nova
Scotia et chez les Américains espagnols du Colorado. Diagnostic sur
fibroblastes. Diagnostic anténatal : trophoblaste.
Une hypotonie et des sursauts audiogènes sont notés par les parents dès 3 à 5
mois. L'enfant est apathique, a peu de mouvements volontaires. La perte du
contact avec l'entourage et la perte de la vision sans mouvement oculaire
anormal aboutit à l'idiotie amaurotique en quelques mois. Une tache rouge
cerise caractéristique est visible au fond d'oeil très précocement. L'évolution se
fait vers une encéphalopathie épileptique, une décérébration et le décès. La
maladie de Tay-Sachs comporte une macrocrânie progressive, et jamais
d'atteinte viscérale. Une hépatomégalie modérée peut être présente dans la
maladie de Sandhoff. L'EEG est lent et pauvre, le LCR, l'électrorétinogramme
(ERG) sont normaux. Dans la maladie de Sandhoff, une vertèbre en rostre peut
être visible sur la radiographie du rachis dorsolombaire de profil.
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Quelques cas atypiques de neurolipidoses ont été décrits. Certains sont des cas
inhabituels par l'âge de début, la durée d'évolution, la présentation clinique qui
évoquait une autre neurolipidose que celle biologiquement démontrée. Plus
difficile sont les cas n'évoquant pas a priori une neurolipidose. Ce sont souvent
des formes à début foetal ou au contraire tardif, à l'âge adulte. Les formes
foetales entraînent souvent des anasarques foetoplacentaires [14] (ascite,
hépatomégalie, infiltration tissulaire diffuse), pour lesquelles l'absence de cause
« classique » doit attirer l'attention. Ces formes foetales peuvent provoquer un
avortement tardif ou la naissance d'un enfant dont la survie est courte. Il est
important pour le conseil génétique et le diagnostic anténatal ultérieur de se
donner les moyens du diagnostic par conservation des tissus et liquides
biologiques congelés.
THÉ RAPEUTIQUES
Greffe de moelle
Elle permet d'apporter des cellules saines qui prendront en charge l'épuration de
la surcharge due au déficit enzymatique de l'hôte. Pour avoir une chance d'être
efficace, il est nécessaire que la surcharge soit accessible à l'enzyme produite
par les cellules greffées. Des succès ont été obtenus dans la maladie de
Gaucher, et dans les formes tardives de leucodystrophie métachromatique.
Thérapies spécifiques
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CONCLUSION
Les neurolipidoses sont des maladies rares, mais leurs causes métabolique et
génétique imposent de les reconnaître, de faire un diagnostic biochimique précis
afin de proposer un conseil génétique et un diagnostic anténatal aux parents.
Les progrès considérables des neurosciences permettent de comprendre mieux
spécifiques. Des études sont actuellement en cours pour tenter de mettre au
point des traitements enzymatiques spécifiques pour d'autres neurolipidoses
que la maladie de Gaucher et des traitements géniques (réinjections de cellules
du patient modifiées par intégration d'un gène non muté par exemple). Ces
thérapeutiques, si elles ouvrent des perspectives fondamentales, restent pour le
moment des sujets de recherche prometteurs mais ne sont pas envisageables
en dehors de protocoles stricts en raison notamment des problèmes éthiques et
de sécurité génétique qu'elles posent.
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